272 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 4 - avril 2010
Cancer du rectum : actualités 2009
DOSSIER THÉMATIQUE
XXIe Journée scientifique
FFCD-PRODIGE
significative entre observateurs, ceux-ci étant tous
par ailleurs responsables d’une surestimation du
stade au moins 1 fois sur 4. Les erreurs touchent
surtout l’absence de réponse et l’évaluation du statut
ganglionnaire. En ne sélectionnant ensuite que les
petites tumeurs (< 50 cm3) et en reclassant parmi
les répondeurs toutes les tumeurs ayant réduit leur
volume tumoral de plus de 75 %, environ 40 % des
tumeurs de stade surestimé auraient pu être reclas-
sées correctement. Globalement, l’IRM préopératoire
expose à une surestimation du stade après radiochi-
miothérapie. L’utilisation de produit de contraste ou
la réalisation d’une IRM de diffusion aurait peut-être
permis de ne pas sous-évaluer la réponse.
En conclusion, même des radiologues experts ne
peuvent prédire avec fiabilité une bonne réponse.
Le calcul de la réduction du volume tumoral peut
aider pour éviter de surestimer le stade, en particulier
pour les petites tumeurs, mais la reproductibilité du
calcul du volume tumoral n’a pas été testée.
Séquelles et qualité de vie
Les séquelles sexuelles liées aux traitements ont
été précisées en questionnant 990 patients en vie
sans récidive à 2 ans et inclus dans l’essai rando-
misé hollandais (1) : TME avec ou sans radiothérapie
préopératoire 5 × 5 Gy (10). L’article porte sur les
patients qui avaient gardé une vie sexuelle active
avant la maladie (79,2 % des hommes et 51,7 %
des femmes). Après traitement, les deux tiers des
hommes signalent l’apparition d’une dysfonction ou
d’une détérioration sexuelle sévère. Celle-ci a été
significativement associée à une radiothérapie préo-
pératoire (problème des hautes doses par fraction)
ou à une stomie. En revanche, le risque de perte de
toute activité sexuelle (28,5 % des hommes et 13,7 %
des femmes) est associé chez l’homme à un âge
supérieur à 65 ans ou à un lâchage anastomotique,
et chez la femme à l’âge seulement. Les troubles de
l’érection (survenant dans 80 % des cas) sont liés
principalement à un lâchage anastomotique, mais ni
l’amputation abdomino-périnéale ni la radiothérapie
préopératoire ne sont significativement associées au
risque. Les troubles de l’éjaculation (signalés dans
72 % des cas) sont liés à la radiothérapie préopéra-
toire, à une atteinte nerveuse peropératoire ou à un
lâchage anastomotique. Dans cette série, la présence
d’une sécheresse vaginale (56 % des cas) ou d’une
dyspareunie (59 % des cas) est liée à la présence
d’une stomie, qu’elle soit temporaire ou définitive.
Les auteurs concluent que, même si la radiothérapie
préopératoire est un facteur aggravant, les troubles
sexuels après cancer du rectum sont principalement
dus à la chirurgie, et que l’information sur les risques
des traitements est donc primordiale.
Une série américaine (11) a évalué la qualité de vie
de 491 patients survivants 5 ans après un cancer
du rectum. Avec ce recul, ils n’ont plus peur d’une
récidive. La moitié d’entre eux avait une stomie. Un
antécédent de radiochimiothérapie préopératoire n’a
pas eu d’impact sur la qualité de vie. Celle-ci s’est
avérée liée à l’âge, aux comorbidités, au niveau de
revenus et au maintien d’une activité professionnelle.
Les patients stomisés ont significativement plus
souvent des idées suicidaires et une dépression. En
cas de stomie, les problèmes de fuites, d’odeurs et
d’intimité en voyage dégradent la qualité de vie. Sur
l’ensemble des patients, la qualité de vie des femmes
est identique à celle des hommes. Par contre, en cas
de stomie, la qualité de vie des femmes est infé-
rieure à celle des hommes et à celle des femmes
sans stomie pour la qualité de vie globale, l’état
psychologique et la vie sociale. Les scores de vie
spirituelle sont altérés, en particulier du fait d’une
moindre “sensation d’apaisement” et d’une “impres-
sion qu’il n’y a plus aucun espoir”. Enfin, la vie sociale
est altérée chez les hommes stomisés.
Conclusion
➤
La radiochimiothérapie préopératoire est le
traitement néoadjuvant standard pour les adéno-
carcinomes du rectum cT3 ou cT4. Avec une radio-
thérapie préopératoire et une chirurgie de qualité
(mésorectum de stade complet), le risque de récidive
locale devient très faible.
➤
La qualité des soins dans les centres chirurgicaux
ayant participé à la série de l’AFC est satisfaisante,
mais les données sont meilleures dans les centres
ayant un haut volume chirurgical, opérant plus de
30 patients par an d’un cancer du rectum.
➤
La valeur d’une deuxième IRM préopératoire pour
juger de la réponse à une radiochimiothérapie néoad-
juvante paraît limitée, avec un risque de surstaging.
Même les radiologues experts ne peuvent prédire
avec fiabilité une bonne réponse. La deuxième IRM
ne permet donc pas d’adapter le geste chirurgical
à la réponse obtenue.
➤
Les troubles sexuels après cancer du rectum
sont principalement dus à la chirurgie. Les facteurs
aggravant le risque sont la présence d’une stomie,
un lâchage anastomotique, une atteinte nerveuse
peropératoire, ainsi qu’une radiothérapie préopéra-
toire. En cas de stomie, la qualité de vie des femmes
guéries est inférieure à celle des hommes. ■
Références
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