La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - vol. II - septembre 1999 215
DOSSIER THÉMATIQUE
a fréquence du cancer colorectal et tout particulière-
ment du cancer du rectum fait que celui-ci reste aujour-
d’hui un sujet d’actualité tant dans le domaine chirur-
gical que dans celui des traitements adjuvants.
Des progrès importants, validés par des essais contrôlés de qua-
lité, ont été réalisés dans le domaine de la radiothérapie adju-
vante, notamment dans la radiothérapie préopératoire qui permet
aujourd’hui de réduire significativement le taux de récidive locale
et d’améliorer la survie à long terme. Ainsi, comme l’avait sug-
géré dès 1994 la conférence de consensus, en cas de cancer infil-
trant sous-péritonéal du bas et du moyen rectum, il est licite de
proposer une radiothérapie préopératoire. En son absence, l’as-
sociation radio-chimiothérapie postopératoire, certes plus mor-
bide, doit être proposée. La place exacte de la chimiothérapie
adjuvante en préopératoire associée à la radiothérapie reste encore
à déterminer.
En fait, le progrès le plus important est venu de là où on ne l’at-
tendait pas ou si peu (comme souvent) : la technique chirurgi-
cale. Au risque de provoquer nos collègues radiothérapeutes et
chimiothérapeutes, les conclusions précédentes sur le traitement
adjuvant vont peut-être devenir obsolètes grâce à l’apport de l’exé-
rèse totale du mésorectum. Le problème majeur du cancer du rec-
tum est représenté en effet par la récidive locorégionale. Celle-ci
a longtemps été considérée comme une fatalité, car elle est obser-
vée chez 30 à 40 % des patients. En fait, plutôt que d’accuser le
sort, il fallait remettre en cause la technique chirurgicale. Les pre-
miers soupçons sont venus d’études démontrant que le résultat
carcinologique variait considérablement en fonction de la qualité
de la résection chirurgicale, et par là-même du chirurgien. Le chi-
rurgien est ainsi devenu, à côté du degré d’infiltration tumorale,
ou du statut ganglionnaire, un facteur indépendant de pronostic.
Cette donnée est tout à fait caractéristique du cancer du rectum,
car la dissection pelvienne peut être difficile et expose à une exé-
rèse passant parfois trop près de la tumeur. Mais c’est surtout la
démonstration faite par Heald en Angleterre qui a fini par
convaincre l’ensemble des chirurgiens que des progrès étaient
possibles dans la technique chirurgicale. L’exérèse totale du méso-
rectum permet d’obtenir, sans aucun traitement adjuvant, des taux
de récidives locales à cinq ans inférieurs à 10 %.
Ainsi, l’exérèse totale du mésorectum “fait mieux” que la chi-
rurgie classique (sans exérèse totale du mésorectum) associée à
la radiothérapie préopératoire (11 % de récidive locale à cinq ans)
ou à la radio-chimiothérapie postopératoire (13,5 %) des deux
essais suédois et américains les plus importants dans le domaine.
Il est donc aujourd’hui licite de se reposer la question de l’inté-
rêt du traitement adjuvant en cas de traitement chirurgical de qua-
lité, c’est-à-dire avec exérèse totale du mésorectum. Un essai ten-
tant de répondre à cette question est actuellement en cours. Il est
d’ailleurs tout aussi licite de se poser la question de la qualité des
chirurgiens opérant ces patients par une technique sans exérèse
totale du mésorectum, car un taux de récidive locale largement
supérieur à 10 % ne paraît pas aujourd’hui acceptable.
Cette exérèse totale du mésorectum permet, de plus, de réduire
au maximum les séquelles sexuelles et urinaires qui, là encore,
étaient considérées jusqu’à récemment comme inéluctables et “le
prix à payer” pour un traitement carcinologique de qualité.
Aujourd’hui, après proctectomie pour cancer, la conservation
sphinctérienne est le plus souvent possible par la réalisation d’ana-
stomoses colo-anale ou colorectale basse dont le résultat fonction-
nel est amélioré par l’adjonction d’un petit réservoir colique en J.
En cas de cancer du bas rectum proche du sphincter, où l’amputa-
tion abdominopérinéale est la règle, dans certains cas favorables de
“petit cancer du rectum”, des résections locales par voie transanale
sont possibles avec de bons résultats carcinologiques, si des critères
stricts, cliniques et écho-endoscopiques sont respectés.
Enfin, en cas de survenue d’une récidive locorégionale, seul
le traitement chirurgical permet d’obtenir des survies prolon-
gées. Malheureusement, il est rarement possible, et le plus sou-
vent des traitements palliatifs à visée antalgique vont être pro-
posés. La prise en charge toujours difficile et un peu
déprimante de ces récidives locorégionales ne fait que souli-
gner encore une fois l’importance de leurs traitements pré-
ventifs par une exérèse chirurgicale de qualité lors de la pre-
mière intervention.
Conclusion
Y. Panis
L
DOSSIER THÉMATIQUE
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - vol. II - septembre 1999216
Les tumeurs de 3 cm de diamètre du bas rectum pouvant être traitées au mieux par une exérèse locale :
A. sont situées idéalement sur la face antérieure du rectum ;
B. sont d’allure polypoïde ;
C. sont faiblement différenciées sur les biopsies ;
D. sont cotées uT2N0 en échoendoscopie ;
E. représentent 10 à 15% de l’ensemble des cancers du rectum traités chirurgicalement.
L’exérèse totale du mésorectum :
A. permet de réduire le taux de récidive locale ;
B. augmente le risque de complications sexuelles et urinaires ;
C. est surtout justifiée en cas de cancer du moyen et bas rectum sous-péritonéal ;
D. réduit les possibilités de conservation sphinctérienne ;
E. doit être proposée systématiquement en cas de proctectomie pour cancer sous-péritonéal.
Le traitement adjuvant du cancer infiltrant du rectum :
A. repose sur la radiothérapie préopératoire ;
B. la chimiothérapie postopératoire seule doit être systématique ;
C. la radiothérapie réduit le taux de récidive locale et augmente la survie ;
D. doit être proposé même en cas d’exérèse totale du mésorectum ;
E. la radio-chimiothérapie postopératoire est inutile, même en cas d’absence de radiothérapie préopératoire.
En cas de suspicion de récidive locorégionale d’un cancer du rectum :
A. l’examen clinique n’a que peu de valeur ;
B. la chirurgie ne doit pas être proposée car que très rarement curative
;
C. l’efficacité d’une chirurgie itérative dépend du type d’intervention antérieure ;
D. un traitement adjuvant préopératoire doit être si possible proposé avant réintervention ;
E. en cas de chirurgie curative, la survie à cinq ans est de l’ordre de 20 %.
AUTO-ÉVALUATION
AUTO-ÉVALUATION
Réponses :
1 :B,E 2 :A,C,E 3 :A,C,D 4 :C,D,E
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Coordinateur : P. Hochain (Rouen)
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