La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIII - n° 2 - mars-avril 2010 | 63
Résumé
Contrairement aux données de l’analyse (rétros-
pective en sous-groupes) de l’essai hollandais (1),
le bénéfice de la radiothérapie préopératoire est
observé quelle que soit la distance de la tumeur à
la marge anale, et le risque de récidive est similaire
pour les tumeurs du bas et du moyen rectum. Le
risque de récidive locale d’un cancer du tiers supé-
rieur du rectum de tout stade opéré d’emblée (et
recevant une radiochimiothérapie postopératoire
en cas de marge insuffisante) est de 6,2 % à 3 ans.
Ce risque est réduit à 1,2 % en cas de radiothérapie
préopératoire.
Un deuxième article portant sur le même essai (4)
a évalué la qualité des pièces opératoires, jugée
par l’état de la marge circonférentielle et l’aspect
du mésorectum, ce dernier étant classé en trois
stades (complet, presque complet, incomplet). La
marge circonférentielle s’est avérée plus fréquem-
ment insuffisante (p = 0,0039) en cas d’amputation
abdomino-périnéale (16 %) qu’en cas de résection
antérieure (7 %). La résection était R1 pour 9 % des
tumeurs des tiers moyen et supérieur, et 15 % des
tumeurs du tiers inférieur. Le risque d’exérèse R1
augmente avec un stade T ou N plus avancé et si
la tumeur est en partie antérieure. Cela se traduit
à 3 ans par des différences majeures de SSR (79 %
si marge > 1 mm ; 50 % si marge insuffisante ;
p < 0,0001). Concernant la qualité du mésorectum,
évaluée pour 1 156 tumeurs (86 %), il s’est révélé
être de stade complet dans 52 % des cas, presque
complet dans 34 % des cas et incomplet (plaie du
mésorectum jusqu’à la musculeuse) dans 13 % des
cas. Fait intéressant, la proportion des stades I, II et
III est similaire dans les trois catégories de qualité
d’exérèse, ce qui indique que l’état du mésorectum ne
dépend pas du stade tumoral, mais de l’habileté du
chirurgien à rester dans le plan du mésorectum. Les
auteurs insistent sur l’aspect essentiel de la formation
des chirurgiens. Comme dans les études précédentes,
l’état du mésorectum a une valeur pronostique, le
taux de récidive locale à 3 ans étant de 13 % en cas
de mésorectum de stade incomplet, de 7 % en cas de
mésorectum de stade presque complet et de 4 % en
cas de mésorectum intact (p = 0,0039). En analyse
multifactorielle, les facteurs significativement asso-
ciés à une récidive locale sont l’état du mésorectum,
l’envahissement du quadrant antérieur par la tumeur,
le stade T, le stade N et le bras chirurgie d’emblée.
Sur l’ensemble de la série, les patients ayant reçu une
radiothérapie préopératoire et ayant un mésorectum
complet ont un risque de récidive locale de 1 %, mais
l’effet bénéfique de la radiothérapie préopératoire
reste observé quelle que soit la qualité de l’exérèse.
Au final, ces résultats confirment le caractère indis-
pensable du traitement néoadjuvant mais également
l’importance primordiale de la qualité de la chirurgie.
Ils viennent corroborer l’importance des comptes-
rendus anatomopathologiques standardisés, compor-
tant la mesure de la marge circonférentielle et le
plan de résection dans le mésorectum.
L’essai NSABP R-03 (5) vient confirmer que la
radiochimiothérapie préopératoire est le traite-
ment standard des tumeurs localement avancées.
Sur les 900 patients prévus, l’essai n’a recruté que
267 patients atteints de tumeurs classées cT3, cT4
ou N+ entre 1993 et 1999. Les patients ont été
randomisés entre chimiothérapie première suivie de
radiochimiothérapie préopératoire versus chirurgie
d’emblée suivie de chimiothérapie adjuvante, puis
radiochimiothérapie postopératoire et reprise de la
chimiothérapie. La chimiothérapie était une asso-
ciation de 5-FU à hautes doses et d’acide folinique
hebdomadaire, d’où une fréquence inhabituelle
(29 %-36 %) de diarrhées sévères. Le volume cible
de la radiothérapie était l’ensemble du pelvis, et la
dose était de 45 Gy en 25 fractions, avec un boost de
5,4 Gy en 3 fractions sur un petit volume. En cas de
radiochimiothérapie préopératoire, le taux de pièces
stérilisées a été de 15 %; en ce cas, aucune récidive
n’a été observée à 5 ans. L’analyse des pièces opéra-
toires montre plus de tumeurs N0 en cas de stratégie
préopératoire (66,6 % versus 52,5 % ; p = 0,04). Par
contre, l’incidence de récidive locale reste similaire
dans les deux bras (10,7 %). Ni le mésorectum ni
la marge circonférentielle ne semblent avoir été
étudiés, probablement du fait de la période de
l’étude. Finalement, il existe une amélioration signi-
ficative de la SSR en faveur du bras préopératoire,
avec une différence de 11,3 % dans l’incidence brute
des récidives. Ainsi, une différence de survie à 5 ans
qui approche la significativité statistique (p = 0,065)
en faveur de la stratégie préopératoire a été notée.
C’est le cinquième essai randomisé concluant en
faveur de la radiochimiothérapie préopératoire pour
»
L’utilité du traitement néoadjuvant par radiochimiothérapie préopératoire a été confirmée par deux
études cette année. Les récidives locales deviennent rares avec un traitement préopératoire bien mené et
une exérèse du méso-rectum. La qualité de vie après chirurgie du rectum devient une préoccupation majeure.
Mots-clés
Cancer du rectum
Chirurgie
Radiothérapie
Chimiothérapie
Qualité de vie
Highlights
The benefit of a neo-adjuvant
treatment with chemoradio-
therapy was confirmed in two
studies this year. Local recur-
rences have become rare after
a well done neo-adjuvant
treatment and a meso-rectum
excision. The quality of life after
a rectal surgery has become a
major concern.
Keywords
Rectal cancer
Surgery
Radiotherapy
Chemotherapy
Quality of life