4 | La Lettre du Gynécologue 376 - novembre 2012
ÉDITORIAL
L’idée d’arrêter les traitements hormonaux de la ménopause (THM) après 5 ans est née
des résultats de l’étude Women's Health Initiative (WHI) dans sa version estroprogesta-
tive (1, 2). En effet, le suivi des 2 populations, THM et placebo, montre une augmenta-
tion du risque de cancer du sein, qui devient significative au-delà de 4 ans de traitement. Cela a
été repris par des sociétés savantes et quelques autorités de santé dans le monde, sans que cela ne
soit gravé dans le marbre en France par une prise de position officielle.
Oui, il faut arrêter le THM après 5 ans de traitement !
La seule étude utilisable à l’appui de ce concept est bien l’étude WHI du fait de sa méthodo-
logie (1, 2). En effet, il y a eu une surveillance identique et une inclusion randomisée des femmes.
Le risque de cancer du sein est le seul à répondre à l’effet temps. Les autres risques sont prin-
cipalement en début de traitement pour les thromboembolies veineuses (TEV) et les infarctus
du myocarde, et à nimporte quel moment pour les accidents vasculaires cérébraux. Les autres
études observationnelles, en particulier la Million Women Study, ne sont pas utilisables sur
cet item puisqu’il n’y a eu ni mammographie systématique à l’inclusion, ce qui ne permet pas
d’évaluer le délai d’apparition, ni randomisation des femmes traitées ou non (3). Dans l’étude
WHI, pour les traitements associant estrogènes conjugués équins (ECE) et médroxyprogestérone
acétate (MPA), on voit la courbe d’incidence se détacher progressivement de celle des femmes
sous placebo et la différence devient significative après 4 ans de traitement (1, 2). Ainsi, du fait
que les symptômes de la ménopause, les bouffées de chaleur en particulier, sont maximaux en
début de ménopause, a été proposé un THM de courte durée (inférieur à 5 ans) afin d’endiguer
l’orage vasomoteur lors de son acmé en début de ménopause.
Non, il ne faut pas arrêter le THM après 5 ans de traitement !
Ce résultat de l’étude WHI est en faveur d’un effet promoteur de ce type de traitement. Si l’on
accepte cette idée, il ne paraît pas logique de proposer un tel traitement du fait de la gravité du
cancer du sein, et ce d’autant que le surrisque létal (ou non) persisterait après l’arrêt du traite-
ment (4). Cela n’aurait de sens que dans le concept d’un risque lié à l’accumulation de la dose
d’hormones progestatives. Cette théorie nest cependant pas acceptée aujourd’hui. Par ailleurs, le
risque nest augmenté après 4 ans de traitement que chez les femmes qui avaient été antérieure-
ment traitées, ce qui ne permet pas de tenir compte de la durée de suivi dans l’étude. Cest bien
le progestatif qui est mis en cause puisque, d’après les résultats de cette étude, dans le groupe
estrogène seul, il a été constaté plutôt une diminution du risque (5). Dans l’étude E3N, seuls
les progestatifs artificiels sont incriminés et non la progestérone naturel et son dérivé, la rétro-
progestérone (6). Dans l’étude WHI, les femmes sont rarement en début de ménopause, ainsi,
cette notion de durée est plus particulièrement applicable aux femmes plus âgées (1, 2). Or, dans
l’hypothèse oui, il est proposé de prescrire le THM en postménopause immédiate. Par ailleurs,
limiter l’utilisation dans la durée reviendrait à privilégier le risque de cancer du sein versus le
risque de TEV et le risque coronarien qui, eux, sont maximaux en début de traitement.
Un des autres objectifs du THM est la prévention du risque ostéoporotique qui, elle, néces-
site des traitements de longue durée. Pour ce qui est du syndrome climatérique, nombreuses
sont les femmes qui sont gênées au-delà de 5 ans.
Ainsi, si l’on pense que le THM favorise la promotion et/ou l’initiation du cancer du sein,
il est dès lors illogique de faire courir de tels risques carcinologiques et cardiovasculaires
pour une raison de confort. En revanche, si l’on pense que les estrogènes seuls et les estro-
gènes associés à la progestérone naturelle naugmentent pas le risque de cancer du sein et sont
dénués de risques artérioveineux, alors, pourquoi limiter le THM à 5 ans lorsque les indica-
tions persistent et que le traitement choisi na pas d’autres effets indésirables ?
Faut-il arrêter le traitement hormonal
de la ménopause après 5 ans ?
Do we have to stop hormone replacement therapy
after 5 years?
Christian Jamin
AFACS, 169, bd Haussmann,
75008 Paris
Références
bibliographiques
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