ÉDITORIAL Faut-il arrêter le traitement hormonal de la ménopause après 5 ans ? Do we have to stop hormone replacement therapy after 5 years? “ L’ idée d’arrêter les traitements hormonaux de la ménopause (THM) après 5 ans est née des résultats de l’étude Women's Health Initiative (WHI) dans sa version estroprogestative (1, 2). En effet, le suivi des 2 populations, THM et placebo, montre une augmentation du risque de cancer du sein, qui devient significative au-delà de 4 ans de traitement. Cela a été repris par des sociétés savantes et quelques autorités de santé dans le monde, sans que cela ne soit gravé dans le marbre en France par une prise de position officielle. Oui, il faut arrêter le THM après 5 ans de traitement ! Christian Jamin AFACS, 169, bd Haussmann, 75008 Paris Références bibliographiques 1. Chlebowski RT, Kuller LH, Prentice RL et al. WHI Investigators. Breast cancer after use of estrogen plus progestin in postmenopausal women. N Engl J Med 2009;360:573-87. 2. Chlebowski RT, Anderson GL, Gass M et al. WHI Investigators. Estrogen plus progestin and breast cancer incidence and mortality in postmenopausal women. JAMA 2010;304:168492. 3. Beral V. Million Women Study Collaborators. Breast cancer and hormone-replacement therapy in the Million Women Study. Lancet 2003;362:419-27. 4. Heiss G, Wallace R, Anderson GL et al. WHI Inv estigators. Health risks and benefits 3 years after stopping randomized treatment with estrogen and progestin. JAMA 2008;299:1036-45. 5. Anderson GL, Chlebowski RT, Aragaki AK et al. Conjugated equine oestrogen and breast cancer incidence and mortality in postmenopausal women with hysterectomy: extended followup of the Women's Health Initiative randomised placebocontrolled trial. Lancet Oncol 2012;13:476-86. 6. Fournier A, Berrino F, Riboli E et al. Breast cancer risk in relation to different types of hormone replacement therapy in the E3N-EPIC cohort. Int J Cancer 2005;114:448-54. La seule étude utilisable à l’appui de ce concept est bien l’étude WHI du fait de sa méthodologie (1, 2). En effet, il y a eu une surveillance identique et une inclusion randomisée des femmes. Le risque de cancer du sein est le seul à répondre à l’effet temps. Les autres risques sont principalement en début de traitement pour les thromboembolies veineuses (TEV) et les infarctus du myocarde, et à n’importe quel moment pour les accidents vasculaires cérébraux. Les autres études observationnelles, en particulier la Million Women Study, ne sont pas utilisables sur cet item puisqu’il n’y a eu ni mammographie systématique à l’inclusion, ce qui ne permet pas d’évaluer le délai d’apparition, ni randomisation des femmes traitées ou non (3). Dans l’étude WHI, pour les traitements associant estrogènes conjugués équins (ECE) et médroxyprogestérone acétate (MPA), on voit la courbe d’incidence se détacher progressivement de celle des femmes sous placebo et la différence devient significative après 4 ans de traitement (1, 2). Ainsi, du fait que les symptômes de la ménopause, les bouffées de chaleur en particulier, sont maximaux en début de ménopause, a été proposé un THM de courte durée (inférieur à 5 ans) afin d’endiguer l’orage vasomoteur lors de son acmé en début de ménopause. Non, il ne faut pas arrêter le THM après 5 ans de traitement ! Ce résultat de l’étude WHI est en faveur d’un effet promoteur de ce type de traitement. Si l’on accepte cette idée, il ne paraît pas logique de proposer un tel traitement du fait de la gravité du cancer du sein, et ce d’autant que le surrisque létal (ou non) persisterait après l’arrêt du traitement (4). Cela n’aurait de sens que dans le concept d’un risque lié à l’accumulation de la dose d’hormones progestatives. Cette théorie n’est cependant pas acceptée aujourd’hui. Par ailleurs, le risque n’est augmenté après 4 ans de traitement que chez les femmes qui avaient été antérieurement traitées, ce qui ne permet pas de tenir compte de la durée de suivi dans l’étude. C’est bien le progestatif qui est mis en cause puisque, d’après les résultats de cette étude, dans le groupe estrogène seul, il a été constaté plutôt une diminution du risque (5). Dans l’étude E3N, seuls les progestatifs artificiels sont incriminés et non la progestérone naturel et son dérivé, la rétroprogestérone (6). Dans l’étude WHI, les femmes sont rarement en début de ménopause, ainsi, cette notion de durée est plus particulièrement applicable aux femmes plus âgées (1, 2). Or, dans l’hypothèse “oui”, il est proposé de prescrire le THM en postménopause immédiate. Par ailleurs, limiter l’utilisation dans la durée reviendrait à privilégier le risque de cancer du sein versus le risque de TEV et le risque coronarien qui, eux, sont maximaux en début de traitement. Un des autres objectifs du THM est la prévention du risque ostéoporotique qui, elle, nécessite des traitements de longue durée. Pour ce qui est du syndrome climatérique, nombreuses sont les femmes qui sont gênées au-delà de 5 ans. Ainsi, si l’on pense que le THM favorise la promotion et/ou l’initiation du cancer du sein, il est dès lors illogique de faire courir de tels risques carcinologiques et cardiovasculaires pour une raison de confort. En revanche, si l’on pense que les estrogènes seuls et les estrogènes associés à la progestérone naturelle n’augmentent pas le risque de cancer du sein et sont dénués de risques artérioveineux, alors, pourquoi limiter le THM à 5 ans lorsque les indications persistent et que le traitement choisi n’a pas d’autres effets indésirables ? 4 | La Lettre du Gynécologue • n° 376 - novembre 2012