6 | La Lettre du Gynécologue • n° 377 - décembre 2012 ”
BILLET D'HUMEUR
“
L’étude WHI publiée en 2002 a eu pour conséquences une réduction majeure
des prescriptions de traitement hormonal de la ménopause (THM) dans les
pays industrialisés. Les menaces pour les femmes qui prennent des hormones
sont terribles : elles auront des cancers du sein, mourront d’infarctus, seront diminuées
par des accidents vasculaires cérébraux (AVC) divers et, en plus, ces hormones n’amé-
liorent même pas leur qualité de vie !
Les médecins sont irresponsables !
Les études se succèdent (1, 2), contredisant tout ce qui avait été écrit auparavant (3).
Comme nous expliquaient certaines autorités scientifiques fortement soutenues par la
majorité des médias, il ne faut pas utiliser les THM, sauf quand vraiment on ne peut pas
faire autrement, quand on a expliqué aux femmes tout ce qu’elles risquaient et si, malgré
tout, elles maintiennent leur demande pour être soulagées, il faut limiter dans le temps
ces prescriptions.
Deux études récentes viennent de balayer ces dogmes.
La première étude (4), randomisée, en double aveugle contre placebo, a été menée
aux États-Unis pendant 4ans (comme WHI avant son arrêt) comparant 3 groupes :
Prémarin® + Utrogestan®, patch d’E2 associé avec Utrogestan® et placebo.
Résultats, miracle, amélioration de la qualité de vie ! Et qui plus est, pas d’augmenta-
tion du nombre de cancers du sein, ni d’infarctus, ni d’AVC, et ce, quelle que soit la voie
d’administration !
La seconde étude (5), randomisée elle aussi, publiée dans le British Medical Journal,
a été menée au Danemark sur 1 000 femmes suivies pendant 10 ans, voire 16 ans pour
certaines. Elle compare le Trisequens® (E2 2 mg + acétate de noréthistérone) avec E2 seul
pour les femmes hystérectomisées contre placebo.
Mêmes résultats : augmentation des cancers du sein ? Non.
Augmentation des maladies thromboemboliques et AVC ? Non, même si le THM est
pris pendant 16 ans et par voie orale.
De plus, on note une diminution de la mortalité et des maladies cardiovasculaires
alors que cette association estroprogestative avait été accusée de tous les maux.
Pauvres patientes et pauvres médecins prescripteurs !
Combien de temps faudra-t-il pour revenir à la période précédente où les femmes
prenaient avec tranquillité ce traitement, où nous osions dire à nos patientes que leurs
artères se dégraderont moins, que leur os seront plus solides et, de plus, leur sexualité
plus rayonnante sans avoir le risque de cancer du sein comme une épée de Damoclès sur
leur destin !
Nous attendons la “Une” des journaux de presse écrite et télévisés (JT) de 20 heures
pour proclamer l’avènement et la renaissance du THM… Qui osera le faire ?
THM 10 ans après l’étude WHI :
“Beaucoup de bruit pour rien !”
“What ado about nothing!”
Marianne Buhler
Gynécologue, Paris
Références
bibliographiques
1. Rossouw JE, Anderson GL, Pren-
tice RL et al. Writing Group for
the Women's Health Initiative
Investigators Risks and bene-
fits of estrogen plus progestin
in healthy postmenopausal
women: principal results From
the Women's Health Initiative
randomized controlled trial.
JAMA 2002;288(3):321-33.
2. Fournier A, Kernaleguen C,
Panjo H, Clavel-Chapelon F,
Ringa V. Postmenopausal
hormone therapy initiation
before and after the Women's
Health Initiative in two
French cohorts. Menopause
2011;18(2):219-23.
3. Scarabin PY, Oger El, Plu-
Bureau G. EStrogen and Thrombo
Embolism Risk Study Group.
Differential association of oral
and transdermal oestrogen-
replacement therapy with venous
thromboembolism risk. Lancet
2003;362:428-32.
4. Harman SM, Manson J,
Asthana S. Hormone therapy
has many favorable effects in
newly menopausal women:
initial finding of the Kronos
Early Estrogen Prevention Study
(KEEPS). North American Meno-
pause Society (NAMS), 2012.
5.Schierbeck LL, Rejnmark L,
Tofteng CL et al. Effect of
hormone replacement therapy
on cardiovascular events in
recently postmenopausal
women: randomised trial. BMJ
2012;345:e6409.
Liens d'intérêts : L'auteur déclare un
lien d'intérêt avec Bayer et Teva.