U ÉDITORIAL Et si nous avions raison d’aimer nos THM ?

4 | La Lettre du Sénologue 43 - janvier-février-mars 2009
ÉDITORIAL Et si nous avions raison d’aimer nos THM ?
C. Jamin*
U
ne publication finlandaise vient de réchauffer
le cœur de ceux qui défendent contre vents
et tsunamis le traitement hormonal de la
ménopause (THM). Il s’agit d’un travail sur le risque de
cancer du sein sous THM (1) toutes les prescriptions
d’estroprogestatifs supérieures à 6 mois à des femmes
de plus de 50 ans ont été colligées entre 1950 et 2005
dans le Registre de remboursement des médicaments
(l’équivalent de notre Sécu mais qui fait aussi de la
recherche). L’estrogène utilisé en Finlande est prati-
quement toujours l’estradiol aux doses de 1 à 2 mg par
voie orale ou par voie transdermique aux doses de 50
à 65 μg/j. Les progestatifs prescrits en Finlande sont le
noréthistérone acétate (NETA), le médroxyprogesté-
rone acétate (MPA) ou la rétroprogestérone (dydroges-
térone). Les traitements progestatifs sont pris de façon
séquentielle, 10 à 14 jours tous les 1 à 3 mois, ou en
combinée-continue. Les dues d’utilisation des THM
ont été segmentées en 4 groupes : de 6 mois à moins
de 3 ans (< 3 ans) ; de 3 à moins de 5 ans (< 5 ans) ;
de 5 à moins de 10 ans (< 10 ans) ; et 10 ans et plus
(> 10 ans). Jusqu’en décembre 2005, tous les cancers du
sein survenus chez ces femmes ont été colligés à partir
du Registre national finlandais qui recueille 100 % des
cancers du pays. Le nombre de cancers du sein attendu
dans chaque groupe de durée a été calculé en multi-
pliant le nombre d’années-femmes de chaque groupe
par l’incidence mesurée dans la population générale
sur la même durée.
Que disent les résultats ?
Ainsi 221 551 femmes ont été suivies (1 523 879
années-femmes) et 6 211 cancers du sein ont été
diagnostiqués dans cette population sous THM. En
plus, 404 carcinomes in situ ont été évalués à part.
Quarante-trois pour cent des femmes ont été traitées
par NETA, 30 % par MPA et 12 % par rétroprogesté-
rone. La persistance des traitements a été meilleure
pour les traitements continus que pour les traitements
séquentiels. Le risque relatif (RR) de cancers du sein
dans le groupe 3-5 ans et traité par NETA s’élève à 1,34
(IC95 : 1,17-1,51) ; il augmente avec le temps : 5-10 ans
(RR : 2,03 ; 1,88-2,18) et > 10 ans (RR : 3,15 ; 2,44-4).
De même, dans le groupe 3-5 ans traité par MPA, le
RR est de 1,27 (1,09-1,48), dans le groupe 5-10 ans, il
est de 1,64 (1,49-1,79) et dans le groupe > à 10 ans, de
1,90 ; 1,07-3,07). Le fait remarquable dans ce travail est
que le risque n’augmente pas chez les femmes traitées
par rétroprogestérone de manière significative : groupe
6 mois-5 ans (1,22 ; 0,83-1,72) ; groupe > 5 ans (1,13 ;
0,49-2,22). Il n’y a pas de données exploitables pour
plus de 10 ans. Pour des raisons d’effectifs, la compa-
raison des groupes séquentiels versus continus a pu
être effectuée seulement dans le groupe traité par
NETA où le risque lié à la prise séquentielle est plus
faible que lors de la prise continue. Le RR entre les
groupes est de 1,72 versus 2,56, de 1,90 entre 5-10 ans
(1,04-3,18) et de 3,83 après 10 ans (2,34-5,91). Le
risque de cancer lobulaire est plus important que celui
de cancer canalaire. Les cancers in situ augmentent
aussi sous THM avec les progestatifs artificiels. On ne
note aucune influence de la voie d’administration de
l’estrogène et du progestatif.
Commentaires sereins
On serait tenté de dire : une preuve de plus en faveur
du THM pour l’augmentation du risque de cancer du
sein en matière de durée d’utilisation ou d’âge. On y
voit aussi une autre confirmation : ce sont les formes
lobulaires qui augmentent le plus. Enfin, l’étude
apporte un argument supplémentaire pour incriminer
davantage les administrations continues. En réalité,
l’énorme intérêt de ce travail est de confirmer les résul-
tats de l’étude prospective française E3N, qui a montré
que le type de progestatif a une importance majeure
dans leffet promoteur du THM sur le cancer du sein
(2, 3). Dans l’étude E3N, l’association estrogène-NETA
donne un RR à 2,11 (1,56-2,86) ; avec estrogène + MPA,
le RR est à 1,48 (1,02-2,16) ; avec la dydrogestérone,
il est à 1,18 (0,95-1,48) et avec la progestérone, le RR
est à 1,08 (0,89-1,31). On retrouve ainsi dans ces deux
études la même hiérarchie de risque. Rappelons qu’il
existe aussi une plausibilité biologique dans l’étude
française avec un effet promoteur sur les formes ER+ et
lobulaires visible uniquement lorsque l’on associe des
progestatifs artificiels et non lors de l’association estro-
gène-progestérone ou rétroprogestérone (2-4).
Commentaires courroucés
D
ans le domaine du THM, on est peiné une fois de
plus du silence assourdissant qui accompagne les
bonnes nouvelles, comme la diminution du risque
de cancer du sein (-68 %) et du côlon (-69 %) avec
la tibolone dans une étude en double aveugle rando-
misée versus placebo (vous avez dit médecine fondée
sur les preuves ?) pourtant publiée aussi dans ce même
New England Journal of Medicine en août 2008 (5) et
cette confirmation de l’absence de mise en évidence
d’effet promoteur de l’association estrogène-rétro-
progestérone sur les cancers du sein découverts sous
THM. Alors qu’une énième mouture de l’étude WHI,
publiée dans encore le New England Journal of Medicine
en février 2009, concernant des traitements que les
Françaises n’utilisent plus, a eu les honneurs du Figaro,
journal bien français pourtant ! (vous avez dit deux
poids, deux mesures ?).
* Paris, président de l’AFACS.
Références
bibliographiques
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kala O. Breast cancer risk in
postmenopausal women using
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2. Fournier A, Berrino F, Riboli E,
Avenel V, Clavel-Chapelon F.
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medroxyprogesterone acetate
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keys. Breast Cancer Res Treat
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5. Cummings SR, Ettinger B,
Delmas PD et al. The effects
of tibolone in older postme-
nopausal women. N Eng J Med
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