ÉDITORIAL Et si nous avions raison d’aimer nos THM ? C. Jamin* U Références bibliographiques 1. Lyytinen H, Pukkkala E, Ylikorkala O. Breast cancer risk in postmenopausal women using estradiol-progestogen therapy. Obstet gynecol 2009;113:6573. 2. Fournier A, Berrino F, Riboli E, Avenel V, Clavel-Chapelon F. Breast cancer risk in relation to different types of hormone replacement therapy in the E3N-EPIC cohort. Int J Cancer 2005;114:448-54. 3. Fournier A, Berrino F, ClavelChapelon F. Unequal risks for breast cancer associated with different hormone replacement therapies: results from E3N cohort study. Breast Cancer Res Treat 2008;107(1):103-11. 4. Wood CE, Register TC, Lees CJ, Chen H, Kimrey S, Cline JM. Effects of estradiol with micronized progesterone or medroxyprogesterone acetate on risk markers for breast cancer in postmenopausal monkeys. Breast Cancer Res Treat 2007;101(2):125-34. 5. Cummings SR, Ettinger B, Delmas PD et al. The effects of tibolone in older postmenopausal women. N Eng J Med 2008;359:697-708. * Paris, président de l’AFACS. ne publication finlandaise vient de réchauffer le cœur de ceux qui défendent contre vents et tsunamis le traitement hormonal de la ménopause (THM). Il s’agit d’un travail sur le risque de cancer du sein sous THM (1) où toutes les prescriptions d’estroprogestatifs supérieures à 6 mois à des femmes de plus de 50 ans ont été colligées entre 1950 et 2005 dans le Registre de remboursement des médicaments (l’équivalent de notre Sécu mais qui fait aussi de la recherche). L’estrogène utilisé en Finlande est pratiquement toujours l’estradiol aux doses de 1 à 2 mg par voie orale ou par voie transdermique aux doses de 50 à 65 μg/j. Les progestatifs prescrits en Finlande sont le noréthistérone acétate (NETA), le médroxyprogestérone acétate (MPA) ou la rétroprogestérone (dydrogestérone). Les traitements progestatifs sont pris de façon séquentielle, 10 à 14 jours tous les 1 à 3 mois, ou en combinée-continue. Les durées d’utilisation des THM ont été segmentées en 4 groupes : de 6 mois à moins de 3 ans (< 3 ans) ; de 3 à moins de 5 ans (< 5 ans) ; de 5 à moins de 10 ans (< 10 ans) ; et 10 ans et plus (> 10 ans). Jusqu’en décembre 2005, tous les cancers du sein survenus chez ces femmes ont été colligés à partir du Registre national finlandais qui recueille 100 % des cancers du pays. Le nombre de cancers du sein attendu dans chaque groupe de durée a été calculé en multipliant le nombre d’années-femmes de chaque groupe par l’incidence mesurée dans la population générale sur la même durée. Que disent les résultats ? Ainsi 221 551 femmes ont été suivies (1 523 879 années-femmes) et 6 211 cancers du sein ont été diagnostiqués dans cette population sous THM. En plus, 404 carcinomes in situ ont été évalués à part. Quarante-trois pour cent des femmes ont été traitées par NETA, 30 % par MPA et 12 % par rétroprogestérone. La persistance des traitements a été meilleure pour les traitements continus que pour les traitements séquentiels. Le risque relatif (RR) de cancers du sein dans le groupe 3-5 ans et traité par NETA s’élève à 1,34 (IC95 : 1,17-1,51) ; il augmente avec le temps : 5-10 ans (RR : 2,03 ; 1,88-2,18) et > 10 ans (RR : 3,15 ; 2,44-4). De même, dans le groupe 3-5 ans traité par MPA, le RR est de 1,27 (1,09-1,48), dans le groupe 5-10 ans, il est de 1,64 (1,49-1,79) et dans le groupe > à 10 ans, de 1,90 ; 1,07-3,07). Le fait remarquable dans ce travail est que le risque n’augmente pas chez les femmes traitées par rétroprogestérone de manière significative : groupe 6 mois-5 ans (1,22 ; 0,83-1,72) ; groupe > 5 ans (1,13 ; 0,49-2,22). Il n’y a pas de données exploitables pour plus de 10 ans. Pour des raisons d’effectifs, la comparaison des groupes séquentiels versus continus a pu être effectuée seulement dans le groupe traité par 4 | La Lettre du Sénologue • n° 43 - janvier-février-mars 2009 NETA où le risque lié à la prise séquentielle est plus faible que lors de la prise continue. Le RR entre les groupes est de 1,72 versus 2,56, de 1,90 entre 5-10 ans (1,04-3,18) et de 3,83 après 10 ans (2,34-5,91). Le risque de cancer lobulaire est plus important que celui de cancer canalaire. Les cancers in situ augmentent aussi sous THM avec les progestatifs artificiels. On ne note aucune influence de la voie d’administration de l’estrogène et du progestatif. Commentaires sereins On serait tenté de dire : une preuve de plus en faveur du THM pour l’augmentation du risque de cancer du sein en matière de durée d’utilisation ou d’âge. On y voit aussi une autre confirmation : ce sont les formes lobulaires qui augmentent le plus. Enfin, l’étude apporte un argument supplémentaire pour incriminer davantage les administrations continues. En réalité, l’énorme intérêt de ce travail est de confirmer les résultats de l’étude prospective française E3N, qui a montré que le type de progestatif a une importance majeure dans l’effet promoteur du THM sur le cancer du sein (2, 3). Dans l’étude E3N, l’association estrogène-NETA donne un RR à 2,11 (1,56-2,86) ; avec estrogène + MPA, le RR est à 1,48 (1,02-2,16) ; avec la dydrogestérone, il est à 1,18 (0,95-1,48) et avec la progestérone, le RR est à 1,08 (0,89-1,31). On retrouve ainsi dans ces deux études la même hiérarchie de risque. Rappelons qu’il existe aussi une plausibilité biologique dans l’étude française avec un effet promoteur sur les formes ER+ et lobulaires visible uniquement lorsque l’on associe des progestatifs artificiels et non lors de l’association estrogène-progestérone ou rétroprogestérone (2-4). Commentaires courroucés Dans le domaine du THM, on est peiné une fois de plus du silence assourdissant qui accompagne les bonnes nouvelles, comme la diminution du risque de cancer du sein (-68 %) et du côlon (-69 %) avec la tibolone dans une étude en double aveugle randomisée versus placebo (vous avez dit médecine fondée sur les preuves ?) pourtant publiée aussi dans ce même New England Journal of Medicine en août 2008 (5) et cette confirmation de l’absence de mise en évidence d’effet promoteur de l’association estrogène-rétroprogestérone sur les cancers du sein découverts sous THM. Alors qu’une énième mouture de l’étude WHI, publiée dans encore le New England Journal of Medicine en février 2009, concernant des traitements que les Françaises n’utilisent plus, a eu les honneurs du Figaro, journal bien français pourtant ! (vous avez dit deux poids, deux mesures ?). ■