La Lettre du Pharmacologue - vol. 21 - nos 1-2 - janvier-juin 2007
Mise au point
Mise au point
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Les médicaments de la pathologie neurovasculaire
Dans le domaine de la migraine et de l’algie vasculaire de la face,
la mise sur le marché, en 1992, du sumatriptan, un agoniste des
récepteurs 5HT1B, a changé de manière importante la prise en
charge de la crise de migraine, d’autant que d’autres triptans,
utilisables par voie orale, ont ensuite été commercialisés (6).
Les autres traitements de la crise, en particulier les dérivés de
l’ergot de seigle, ont seulement évolué sur le plan galénique, et
l’utilisation de certains AINS ou salicylés a été reconnue. Dans le
traitement de fond de la migraine, l’utilisation des bêtabloquants
et de certains antiépileptiques a été validée même si d’autres
médicaments, comme la fl unarizine, ont eu des limitations
d’utilisation en raison d’eff ets indésirables (7).
Pour les accidents vasculaires cérébraux ischémiques, c’est
l’utilisation de l’altéplase (rt-PA) à la phase aiguë de l’ischémie
cérébrale qui a été l’événement marquant. Le nombre de patients
vivants et indépendants est signifi cativement plus important
chez les patients traités que chez les autres. La portée de cette
utilisation reste toutefois restreinte dans la mesure où seuls 5 à
10 % des malades sont éligibles pour le traitement en raison
d’une fenêtre thérapeutique étroite (< 3 heures après le début de
l’accident) liée à un risque hémorragique cérébral trop impor-
tant pour une administration au-delà du délai recommandé
(8). En revanche, aucun des diff érents agents neuroprotecteurs
essayés à la phase aiguë de l’infarctus n’a pu prouver son effi cacité
clinique. Il en est ainsi de la nimodipine, qui a, en revanche,
trouvé une place thérapeutique dans la prévention du vaso-
spasme au cours des hémorragies sous-arachnoïdiennes par
rupture d’anévrysme. Au cours de ces vingt dernières années,
a été arrêtée l’utilisation d’agents pharmacologiques réputés
vasodilatateurs ou oxygé nateurs cérébraux, dont aucune effi -
cacité n’avait été démontrée.
Les traitements des démences
S’il est un syndrome clinique qui a été emblématique de l’im-
possibilité d’avoir des traitements en neurologie, c’est bien des
démences qu’il s’agit. Ce cadre syndromique recouvre diff é-
rents cadres nosographiques : maladie d’Alzheimer, démence
parkinsonienne, maladie à corps de Lewy, démence vasculaire,
démences fronto-temporales. La situation a changé avec la mise
sur le marché en 1990 de la tacrine, le premier inhibiteur de
l’acétylcholinestérase utilisé dans le traitement de la maladie
d’Alzheimer (9). Au-delà de son effi cacité, que certains jugeront
modeste en comparaison de son risque toxique pour le foie, la
tacrine a permis la structuration de fi lières de prise en charge
et un démembrement nosographique des diff érentes étiolo-
gies de démences. Elle a également ouvert la voie à la mise sur
le marché de trois autres inhibiteurs de l’acétylcholinestérase
(donépézil, rivastigmine, galantamine) et d’un antagoniste des
récepteurs NMDA (la mémantine, mise sur le marché en 2002),
ce qui permet maintenant de traiter une partie des malades
atteints de maladie d’Alzheimer par une bithérapie (10, 11). Les
inhibiteurs de l’acétylcholinestérase sont également indiqués
dans d’autres formes de démences : démence de la maladie de
Parkinson, démence à composante vasculaire, maladie à corps
de Lewy. En revanche, il a clairement été montré qu’ils aggra-
vent la démence fronto-temporale et n’ont pas d’intérêt dans
les troubles cognitifs bénins, remettant en cause le concept de
mild cognitive impairment.
L’objectif pour les prochaines années sera de trouver des traite-
ments symptomatiques plus effi caces sur le plan cognitif mais
aussi psychocomportemental. Les troubles psychocomporte-
mentaux sont pris en charge de manière diff érentielle par les
inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (eff et sur l’apathie) et la
mémantine (eff et sur l’agressivité). Cependant, ils nécessitent
parfois le recours aux antipsychotiques, dont il a été suggéré
qu’ils pourraient augmenter l’incidence et la sévérité des acci-
dents ischémiques cérébraux chez les sujets atteints de maladie
d’Alzheimer. La modulation de diff érentes voies de neurotrans-
mission devra être explorée, tant sur le plan expérimental que
clinique. Au-delà du traitement symptomatique, l’enjeu sera de
trouver des traitements étiopathogéniques capables de prévenir
ou de ralentir la progression de ces processus neurodégénératifs.
Des agents visant à prévenir les agrégats de protéines pathogènes
ou des traitement d’immunisation (“vaccination”) vis-à-vis de
ces protéines sont en cours de développement (12).
Le traitement des maladies démyélinisantes
Au début des années 1990, le traitement de la sclérose en plaques
se résumait à la réalisation de bolus de corticoïdes à chaque
poussée. Certains traitements immunosuppresseurs étaient
essayés chez les malades sévèrement atteints. Au milieu des
années 1990, les premiers essais de l’interféron β se sont révélés
positifs dans les formes intermittentes puis dans les formes
secondairement progressives de la maladie aboutissant à une
mise sur le marché. L’arsenal thérapeutique s’est enrichi, dans le
traitement de la sclérose en plaques, par la mise sur le marché
en 2002 du glatiramère, un immunomodulateur, indiqué dans
les formes intermittentes (13).
La tégéline, préparation d’immunoglobulines G humaines, est
indiquée dans le traitement du syndrome Guillain et Barré,
forme démyélinisante de polyradiculonévrite.
VINGT ANS DE PROGRÈS EN PSYCHIATRIE
Les antidépresseurs
Si la fl uvoxamine a été mise sur le marché en 1984, ces vingt
dernières années ont été marquées, dans le domaine de la
dépression, par la commercialisation de la fl uoxétine (14).
L’arrivée des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS),
moins pourvoyeurs de risque médicamenteux que les anti-
dépresseurs tricycliques ou les inhibiteurs non sélectifs des
monoamines oxydases, a conduit à une “démocratisation”
de la prise en charge de la dépression, qui se fait plus volon-
tiers au cabinet du médecin généraliste. Cela a provoqué une
banalisation (comme le prouve l’usage du terme “Prozac” en
littérature par exemple) de l’usage des antidépresseurs, en
particulier des IRS, qui a pu s’accompagner d’un mésusage,
pour des tableaux cliniques ne correspondant pas à un épisode