Les essais cliniques en ville, et plus particulièrement en

a surprise, les questions posées, les réticences expri-
mées ou non par les patients à qui l’on propose de
participer à un essai clinique en ville montrent bien
qu’il existe un manque d’information à ce niveau. Beaucoup
de patients ne connaissent ni leurs droits ni les protections
dont ils bénéficieraient, grâce à l’éthique d’une part et à la
législation d’autre part, s’ils participaient à des essais cli-
niques. À l’inverse, les patients déjà informés acceptent faci-
lement et participent mieux.
Une prise de conscience collective est nécessaire. Tout médica-
ment, avant mais aussi après commercialisation, tout schéma
thérapeutique, avant d’être utilisé et en cours d’utilisation,
doit être évalué chez l’homme selon une méthodologie scien-
tifiquement parfaite et respectant la sécurité des personnes.
Cela est valable pour les grands problèmes de santé publique
(sida, cancer et autres) mais aussi pour les pathologies plus
banales (hypertension, anxiété, cystites, colopathie, herpès...).
Nous allons tenter de faire l’état des lieux des essais cliniques
en ville du point de vue du médecin et du patient.
LES ESSAIS CLINIQUES EN MÉDECINE DE VILLE, BASES
ET JUSTIFICATION
La philosophie
Deux grands principes sont en permanence à l’esprit de toute
l’équipe réalisant un essai thérapeutique :
La validité des données : chaque donnée transcrite doit être
vérifiable et doit être le strict reflet de la réalité. Ainsi, le
résultat de ce travail de recherche sera fiable et utilisable par
la communauté scientifique pour le bénéfice de la population.
La sécurité des personnes se prêtant à la recherche biomé-
dicale : il s’agit de l’objectif permanent du législateur et de
l’autre objectif fondamental de toute l’équipe de recherche.
Pourquoi en ville ?
Les patients ayant la pathologie étudiée consultent le plus
souvent en ville et en médecine générale. Les thérapeutiques
concernées seront utilisées ultérieurement dans ces condi-
tions.
Il existe une réelle complémentarité entre les essais hospita-
liers et les essais ambulatoires, c’est-à-dire chez des per-
sonnes non hospitalisées. Si la population est assez bien infor-
mée sur la recherche en milieu hospitalier, elle l’est beaucoup
moins concernant sa nécessité et son existence en ville. Les
pratiques médicales et les médicaments utilisés en ville doi-
vent, pour être fiables, être évalués dans les conditions d’uti-
lisation ultérieure, donc en ville. Il faut expliquer le déroule-
ment, la qualité et la rigueur nécessaires pour que les personnes
qui se verront proposer un jour de participer à un essai n’aient
plus cette crainte, cette suspicion ou cet a priori négatif.
LES MÉDECINS DITS INVESTIGATEURS
Ils ont l’esprit de la recherche : curiosité, rigueur, méthode,
travail en équipe sont les qualités de base de l’état d’esprit de
ces médecins.
Ils doivent avoir reçu une formation à la recherche clinique ;
cette formation est indispensable, car il s’agit d’exercer un
autre métier, dont il faut apprendre la méthodologie , la légis-
lation et les règles internes (BPC). On voit malheureusement
encore trop de médecins utilisés comme investigateurs d’es-
sais cliniques sans avoir reçu de formation. Cela empêche le
bon fonctionnement des essais auxquels ils participent, pas
forcément par fraude, mais surtout par méconnaissance des
règles. Environ un millier de médecins généralistes ont parti-
cipé à ce jour à des formations leur permettant d’être des
investigateurs fiables.
Chaque projet doit, de plus, comporter sa propre formation :
formation au diagnostic de certitude et quantification de la
pathologie étudiée (le médecin généraliste, dans son métier de
tous les jours, fonctionne soit en diagnostic de certitude, soit
en diagnostic probabiliste). Nous n’allons pas développer ici
cette attitude, qui est correcte, car nous serions hors sujet,
A D P C
La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 5 - mai 1998
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Les essais cliniques en ville, et plus particulièrement
en médecine générale
Nécessité d’une formation primaire de la population
A. Giacomino*
* Médecin généraliste, responsable de la formation aux essais thérapeutiques
en médecine générale pour MGRecherches, Savigny-en-Véron.
L
mais il est important de la connaître, car de cela découle la
nécessité des rappels ou formations spécifiques aux patholo-
gies étudiées.
Bien évidemment, il ne faut participer qu’aux travaux de
recherche auxquels on adhère complètement (intérêt scienti-
fique pour la collectivité, éthique et pratique pour soi et son
patient). Il est capital de connaître parfaitement cet essai et
tous ses détails pratiques pour expliquer à son patient ce
qu’on attend de lui et l’aider le plus possible (caractéristiques
scientifiques et pratiques, avantages et bénéfices attendus,
points forts et points faibles).
Enfin, la relation médecin-patient est modifiée au cours des
essais : c’est la demande la plus forte au cours de toutes les
formations initiales que j’ai pu assurer en sept ans.
LA CONSULTATION D’ESSAI THÉRAPEUTIQUE
Proposer un essai à son patient est une démarche particulière :
il n’est pas venu pour cela !Au cours d’une consultation, si je
pressens qu’un patient correspond au profil requis pour le tra-
vail de recherche auquel je participe, j’ai bien évidemment
envie de lui proposer mon projet. Je m’assure alors du dia-
gnostic de façon très précise et rigoureuse. Je vérifie aussi
tous les points du protocole de recherche afin de ne sélection-
ner ce patient que s’il correspond parfaitement à la population
que l’on souhaite étudier. Enfin, je m’assure qu’il peut tirer un
bénéfice thérapeutique sans risque de ce travail. Il est en effet
primordial de pouvoir soigner son patient grâce à ce protocole,
aussi bien, voire mieux, que d’habitude et sans risque particu-
lier pour lui. Si tel est le cas, je lui propose de participer.
C’est une démarche éthique, et il faut s’efforcer de la faire. Je
ne vais pas ordonner un traitement, comme d’habitude, alors
que c’est ce que le patient est venu chercher. Je lui propose
quelque chose de nouveau qu’il n’est pas venu chercher. Je
lui commente même une information écrite, lui demande de
signer un consentement éclairé et lui remets un exemplaire de
chaque.
Tout ceci ne peut se faire que s’il existe une relation très soli-
de de confiance mutuelle, une transparence complète et une
certitude que la sécurité est assurée. Une des difficultés est
d’expliquer la nécessité du “placebo” lorsque celui-ci est uti-
lisé dans une des périodes de l’essai. L’une des réponses à
donner est que cette utilisation est nécessaire, qu’elle ne fait
courir aucun danger et qu’elle soigne, aussi paradoxal que
cela puisse paraître. Cependant, le fait que le médecin ne
sache pas non plus si le patient prend un placebo ou le produit
étudié ressoude vite l’équipe. Il faut rappeler que pour le
patient, signer ce “consentement” ne l’engage en rien. Cela
prouve simplement que le médecin a complètement informé
le patient et respecté la loi.
LE PATIENT
Que peut représenter un essai thérapeutique pour lui ?
Simplement un médicament ? C’est possible, surtout si,
pour le patient, traitement veut dire médicament. Dans ce cas,
il sera difficile de lui faire accepter les notions propres à la
recherche, par exemple le placebo.
Une prise en charge globale de sa maladie ? On est déjà
dans une logique plus positive, car l’observance de toutes les
consignes aura toutes les chances d’être respectée.
Une relation privilégiée avec son médecin ? C’est un plus
indéniable, car la durée, la fréquence et l’intensité des consul-
tations sont très majorées. Le médecin et son patient forme-
ront une équipe de deux personnes actives.
– L’espoir d’une meilleure connaissance de sa maladie et d’un
traitement ultérieur de meilleure qualité ? Oui, bien sûr, il faut
le dire et le répéter.
La participation aux progrès de la médecine ? Nous avons
tous une part d’altruisme qui ne demande qu’à s’exprimer.
Les droits
Les patients ont des droits ; ils doivent les connaître pour être
rassurés, notamment lors des formalités administratives. Ils
pourront aussi vérifier que toutes ces formalités ont été res-
pectées :
La notice d’information, avec une lecture claire et expli-
quée.
Le consentement éclairé, signé conjointement avec le méde-
cin, à la première consultation. Il est obligatoire. Le patient
peut se désengager quand il le veut, mais doit prévenir le
médecin
– L’assurance de l’essai.
La gratuité des soins et frais liés à l’essai. Le législateur, en
France, n’a pas souhaité aller jusqu’à rémunérer les patients
dans ces essais avec bénéfice direct. C’est un garde-fou effi-
cace pour éviter certains abus ; pourtant, lorsqu’on constate
les contraintes de temps parfois imposées aux patients dans
les essais de phases précoces, la question peut se poser.
La sécurité
Il est fondamental d’expliquer à la population l’ensemble des
mesures éthiques et législatives mises en place pour assurer la
sécurité des personnes dans la recherche biomédicale :
La convention d’Helsinki et de Venise garantissant l’éthique
de la recherche biomédicale chez l’homme.
La loi française du 20 décembre 1988, dite loi Huriet.
Les différentes commissions et autorités réglementaires.
Les CCPPRB.
La responsabilité du promoteur.
La responsabilité professionnelle du médecin investigateur.
Les devoirs du patient
Pour assurer la validité de la recherche à laquelle le patient
participe, il doit suivre rigoureusement les consignes :
– Prendre parfaitement le traitement.
– Ne prendre aucun autre traitement non prévu sans interroger
son médecin.
– Prévenir son médecin en cas de problème de santé.
– Respecter les dates de consultation et de prise de sang.
Enfin, s’il décide d’arrêter le traitement, il peut le faire,
mais il doit prévenir immédiatement son médecin.
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Finalement, au prix de contraintes mesurées et acceptables,
mais nécessaires pour assurer la validité des données et la
sécurité des personnes, la recherche aura pu se faire. Le ser-
vice rendu au patient sera important, car il aura été traité de
façon très rigoureuse. Son médecin aura participé à la
recherche qu’il désirait mener. La collectivité pourra en béné-
ficier plus tard.
Une information du public sur les essais thérapeutiques faci-
literait la réalisation de ces travaux dans des conditions de
qualité et de sécurité optimales. En effet, lorsque tous les par-
tenaires d’un travail sont informés de leurs rôles, droits et
devoirs respectifs, et les ont compris, aucun dysfonctionne-
ment, aucun abus n’est possible.
Cette information du public aiderait grandement les médecins
qui ont fait une démarche de qualité pour participer efficace-
ment à la recherche clinique. Ils pourraient ainsi proposer plus
facilement aux patients de participer à un essai thérapeutique
en leur expliquant les procédures et, surtout, leur principe
fondamental : “travail de recherche, oui, mais assurant une
sécurité reconnue”.
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