Trouble de l’usage d’alcool : les nouvelles
méthodes d’évaluation 59
B. Rolland
Trouble de l’usage d’alcool : dépistage,
évaluation et principes de prise en charge 66
B. Rolland
La Lettre du Pharmacologue • Vol. 28 - n° 2 - avril-mai-juin 2014 | 57
INTRODUCTION
Trouble de l’usage d’alcool :
de la passion à la raison
Alcohol use disorder: from passion to reason
“
R. Bordet*
* Département de pharmacologie
médicale, faculté de médecine,
université Lille 2, CHRU de Lille.
L’alcoolodépendance, aujourd’hui fondue au sein des “troubles d’usage d’alcool”
dans le DSM-5, a longtemps été négligée au plan thérapeutique,
tant par le monde médical, qui n’en soignait que les conséquences,
que par l’industrie pharmaceutique. Sans doute que cette authentique pathologie avait
une image trop péjorative, associée à un vice des populations pauvres etanalphabètes,
si bien décrites par Zola dans L’Assommoir, relayé au plan pictural parDegas avec son
tableau L’ Absinthe. Mais soudainement, cette maladie est devenue “tendance” et
“médiatique”. Est-ce l’arrivée du binge drinking dans les soirées des beaux quartiers,
l’espoir qu’a fait naître l’utilisation d’une molécule promue par l’essai personnel d’un
médecin connu et largement popularisée par les médias, ou grâce
àl’approfondissement de la nosographie, de la physiopathologie et des paradigmes
d’évaluation de cette aff ection. Cependant, quelle qu’en soit la raison, l’emballement
médiatique risque de conduire à passer d’un extrême à l’autre, du voile pudique avec
lequel on cachait le problème à une volonté de traiter à toute force,
sans que lefondement en soit étayé par des preuves d’effi cacité. Pourtant, la situation
devrait être favorable pour changer l’approche de cette pathologie, en raison
del’existence denouveaux agents pharmacologiques qui viennent conforter
leschangements deconception dans la prise en charge thérapeutique, qu’elle soit
pharmacologique ounon pharmacologique. Ce changement est majeur, puisque
l’onpasse d’une prise encharge fondée sur l’abstinence – qui pour une part était liée
àl’idée de punition face àce qui était considéré comme un vice–, à la notion
derégulation de la consommation pour en limiter l’excès et donc les conséquences
néfastes au-delà d’un seuil. Mais, seule une action collective etcohérente du corps
médical, despouvoirs publics et de l’industrie du médicament permettra de trouver
lebon équilibre, auquel nous incitent les 2 articles deBenjaminRolland, publiés dans
cenuméro de La Lettre du Pharmacologue.
Ce changement de paradigme dans la prise en charge des “troubles d’usage d’alcool”
doit s’appuyer sur quelques idées-forces. La première est que les choix thérapeutiques
doivent s’appuyer sur des preuves. Dans la notion de rapport bénéfi ce/risque,
lapremière étape est la démonstration du bénéfi ce selon le standard
internationalement reconnu de l’essai contrôlé, randomisé, en double aveugle, avec
comparateur. En l’absence d’une démonstration claire d’un bénéfi ce, le risque doit être
encore plus minimisé dans le cadre d’un usage hors AMM, fût-il encadré par
unerecommandation temporaire d’utilisation. La deuxième idée-force est que
lemédicament n’est que l’un des éléments de la prise en charge, qui doit être globale,