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Le public et les essais cliniques : quelle information ?
P. Jaillon*
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e public n’est pas informé correctement de l’existence et des conditions actuelles de réalisation des
essais cliniques de médicaments. Il n’en connaît que
le côté sensationnel rapporté régulièrement par les gazettes,
qui se soucient bien peu d’apporter une information complète
et objective sur ce problème, préférant développer l’image du
“cobaye humain” soumis aux caprices démoniaques d’un
médecin expérimentateur paranoïaque ! Et s’il y a du sang à
la une, c’est encore mieux !
Ce n’est pas de cela, bien sûr, qu’a voulu débattre
l’Association pour le développement de la pharmacologie clinique lors de sa 10e Journée d’étude, qui s’est déroulée à Paris
le 22 octobre 1997. Nous avons voulu débattre des vraies
questions : de quelles informations sur les essais cliniques le
public a-t-il besoin ? Ne serait-il pas préférable que ces informations soient fournies par le médecin ou d’autres vecteurs
médiatiques avant que le patient soit placé en situation d’acceptation ou de refus de participer à un essai ?
Le public ne connaît pas la loi Huriet, donc il ne connaît pas
ses droits. Il ne sait pas qu’en regard des contraintes de l’essai auxquelles un patient peut accepter de se plier, il existe des
droits qui doivent lui être reconnus : droit à l’information,
droit au refus ou à l’acceptation, droit à l’assurance et aux
indemnisations en cas de dommage, en un mot : droit à la protection. Il ne sait pas qu’en cas d’essai sans bénéfice individuel direct (à condition qu’on lui explique le sens de cet aphorisme), il a droit à des indemnités financières et à une sécurité
supplémentaire représentée par l’autorisation du lieu où se
passe l’essai. Il ne sait pas ce qu’est un CCPPRB ni que le
ministère de la Santé, par l’intermédiaire de l’Agence du
Médicament, de la DGS ou de la DH, a été tenu informé du
projet de l’essai et ne l’a pas interdit.
Il faut que nous réalisions combien grands ont été, depuis
1988, les efforts d’information sur les essais cliniques à
l’égard des médecins et des pharmaciens, et combien ces
mêmes efforts ont été ridiculement limités à l’égard du public.
* Service de pharmacologie, Hôpital Saint-Antoine, Paris.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 5 - mai 1998
Que ce soit par peur de briser des tabous, de partager le pouvoir médical ou d’aborder les questions d’argent ou de responsabilité, ni les autorités de santé ni les professionnels euxmêmes n’ont clairement et longuement expliqué au public
(c’est-à-dire aux futurs malades !) les avantages de la loi
Huriet et les droits qui en résultaient.
En conséquence, l’Association pour le développement de la
pharmacologie clinique a estimé qu’il était temps de débattre
publiquement de ces problèmes, afin de voir quelles solutions
concrètes pourraient être apportées.
Considérant que “nul n’est censé ignorer la loi”, mais qu’il
vaut mieux l’expliquer en détail aux non-médecins lorsque,
n’étant pas encore malades, ils ont tout le loisir d’y réfléchir
calmement, l’Association souhaite que les moyens de cette
information auprès du public soient envisagés. Il y va du respect de la personne humaine, et nous estimons que ces informations doivent être données au grand public le plus clairement et le plus objectivement possible.
Ce qui sous-tend en fait ce discours, c’est la conviction qu’il
faut expliquer inlassablement au public pourquoi il ne peut y
avoir de progrès thérapeutique sans essai clinique comparatif
et sans évaluation objective du rapport bénéfice/risque des
traitements. La médecine ne peut pas progresser autrement, à
moins de se livrer au charlatanisme et à la tromperie des
patients. La médecine moderne est forcément expérimentale,
nous le savions bien avant Claude Bernard. Reste, pour les
médecins, et tout particulièrement les investigateurs, à en
assumer pleinement les responsabilités et à prendre le temps
d’expliquer au public qu’aujourd’hui un malade entrant dans
un essai a des droits qu’il faut respecter.
“Malades, connaissez vos droits !” pourrait être un slogan
intéressant à développer. Ce projet n’aboutira que si la volonté des pouvoirs publics et des autorités de santé est relayée par
les grands médias de presse et de télévision. En effet, comment toucher autrement le public avant qu’il ne soit confronté à la question de son médecin : “Acceptez-vous de participer à un essai de médicament ?”
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