M I S E A U P O I N T Nouvelles cibles thérapeutiques dans la polyarthrite rhumatoïde New therapeutic targets in rheumatoid arthritis ! B. Combe* P o i n t s f o r t s " L’amélioration importante des connaissances immunopathologiques de la PR a permis le développement d’agents thérapeutiques dirigés contre des cibles pathogéniques définies. " Les cibles thérapeutiques les mieux définies actuellement dans la PR sont les cytokines pro-inflammatoires, et notamment le TNFα, l’IL-1 et l’IL-6, la modulation des voies de costimulation macrophages-lymphocytes T et les lymphocytes B. " Des cibles thérapeutiques d’avenir pourraient être les voies de signalisation intracellulaire (MAP-kinases et NF-κB), l’angiogenèse, le système Rank-Rank ligand. " L’adalumimab est un nouvel anti-TNF qui a montré des effets cliniques et sur la progression radiographique de la PR tout à fait remarquables. " L’anakinra est un antagoniste du récepteur de l’IL-1 qui a récemment fait preuve d’une efficacité clinique et radiologique dans la PR, et qui vient d’être commercialisé. " CTLA4-Ig est un inhibiteur de la voie de costimulation entre les macrophages et les lymphocytes T ayant montré une efficacité clinique indiscutable en monothérapie, en association au méthotrexate et à l’etanercept. " Un anticorps anti-récepteur de l’IL-6 et un anticorps anti-lymphocyte B (rituximab) ont montré une effi- cacité spectaculaire au cours d’études préliminaires. Mots-clés : Polyarthrite rhumatoïde - Biothérapie - Anakinra - CTLA4-Ig. Keywords : Rheumatoid arthritis - Biologicals - Anakinra - CTLA4-Ig. A u cours des dix dernières années, les connaissances immunopathologiques ont fait des progrès considérables dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), ouvrant actuellement des perspectives thérapeutiques fascinantes et très variées. À partir de ces progrès fondamentaux, des inhibiteurs du TNFα ont été les premiers médicaments développés et commercialisés dans le traitement de la PR. Ils représentent actuellement une avancée thérapeutique majeure, qui devrait d’ailleurs dépasser le cadre de cette maladie. * Service d’immuno-rhumatologie, CHU Lapeyronie, 34295 Montpellier Cedex 5. La Lettre du Rhumatologue - n° 290 - mars 2003 Cependant, ces médicaments montrent une certaine limite puisque, si leur efficacité clinique est nettement supérieure à celle de tous les autres traitements disponibles à ce jour et s’ils ont montré leur capacité à réduire la progression radiologique de la maladie, 30 % des patients environ ne répondent pas à ces médicaments, et l’induction de rémission reste rare. Aujourd’hui, il semble donc important d’améliorer ces médicaments anti-TNF et leur mode d’utilisation, ainsi que de développer de nouveaux agents thérapeutiques dirigés contre d’autres cibles intervenant dans le mécanisme pathogénique de la PR. Il est également probable que le développement d’associations d’agents biologiques soit une voie d’avenir particulièrement intéressante (1). 7 M I S E A U P O I N T MÉCANISMES PATHOGÉNIQUES ET CIBLES THÉRAPEUTIQUES POTENTIELLES tir de là, un certain nombre de cibles thérapeutiques peuvent être identifiées, dont certaines sont présentées dans le tableau I. Très schématiquement, dans la pathogénie de la PR, on peut définir trois phases (figure 1) : # une phase d’initiation qui serait une phase non spécifique, réversible, sous la dépendance d’agents d’environnement ; # une deuxième phase qui serait une phase d’inflammation et de recrutement cellulaire conduisant à une synovite chronique et donc à une polyarthrite persistante – cette phase serait partiellement spécifique ; # une troisième phase qui serait totalement spécifique, sous la dépendance de facteurs génétiques et d’environnement ; cette phase comporterait des mécanismes d’angiogenèse et de contacts cellulaires ; elle conduirait à la prolifération synoviale et surtout à la destruction cartilagineuse et osseuse caractéristique de la polyarthrite rhumatoïde. Figure 2. Les principaux acteurs de l’immunopathologie de la PR. Figure 1. Immunopathologie de la polyarthrite rhumatoïde, trois phases évolutives. À cette étape, de nombreux acteurs sont impliqués (figure 2) : des acteurs cellulaires, d’abord, parmi lesquels les lymphocytes T et les macrophages jouent un rôle central et initial, le type de présentation antigénique déterminant la réponse cellulaire T ou B anormale. D’autres cellules comme les polynucléaires, mais surtout les synoviocytes, les chondrocytes, les fibroblastes et les ostéoclastes jouent un rôle majeur, mais plus en aval dans la prolifération synoviale, puis dans la chondrolyse et l’ostéolyse articulaires. À côté des ces acteurs cellulaires, il existe de nombreux médiateurs solubles qui jouent également un rôle clé dans la pathogénie de la PR. Les plus connus sont les cytokines, et notamment les cytokines proinflammatoires, dont l’interleukine 1 (IL-1) et le TNFα, qui interviennent dans l’inflammation et la destruction articulaires. D’autres cytokines pro-inflammatoires ou des cytokines intervenant dans la communication lymphocytes T/macrophages jouent également un rôle important. Citons l’interféron gamma, l’IL-12, l’IL-15, l’IL-17 et l’IL-18. À côté de ces cytokines, des molécules jouant un rôle direct dans la chondrolyse et l’ostéolyse sont actuellement identifiées ; citons les métalloprotéases, les dérivés de l’oxyde nitrique ou le système Rank/Rank ligand (figure 3). À par8 Figure 3. Le système RANK-RANK ligand-ostéoprotégérine (OPG). Tableau I. Cibles thérapeutiques potentielles dans la PR. Lymphocytes - Macrophages : ! Lymphocytes TCD4 ! Interaction APC - Lymphocytes T ! Lymphocytes B Cytokines pro-inflammatoires, angiogenèse : ! TNFα, IL-1, IL-6 ! IL-17, IL-18... Médiateurs de l’inflammation et de la dégradation ostéocartilagineuse : ! Prostaglandines ! Métalloprotéinases ! Système RANK-RANK ligand - OPG Voie de la signalisation intracellulaire : ! NF-κB, MAP-kinases La Lettre du Rhumatologue - n° 290 - mars 2003 M MODULATION DU TNFα Nous ne reviendrons pas sur les données cliniques concernant les anti-TNFα, qui font l’objet d’autres revues (2). L’infliximab (Remicade®) et l’etanercept (Enbrel®), les premières biothérapies commercialisées dans la PR, ont transformé l’approche thérapeutique des polyarthrites, notamment sévères. De nouvelles molécules devraient être prochainement commercialisées, en particulier les anticorps CDP-870, et surtout l’adalumimab (Humira®). L’adalumimab (D2E7) est un anticorps totalement humanisé, d’une demi-vie de 12 jours, utilisé en injections sous-cutanées (deux injections par mois). Les données cliniques, et notamment les résultats d’efficacité des études de phase III, qui ne sont pas publiées mais qui viennent d’être communiquées au congrès de l’EULAR et de l’ACR, en 2002, montrent des résultats tout à fait comparables à ce qui avait été observé sous infliximab et etanercept, que ce soit en monothérapie ou en association avec le méthotrexate ou avec d’autres traitements de fond. La dose de 40 mg, deux fois par semaine, est la posologie qui semble devoir être retenue. L’effet structural de l’adalumimab a été évalué au cours d’une étude contrôlée en double aveugle comparant deux doses actives (40 mg toutes les deux semaines et 20 mg par semaine) au placebo chez 619 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde insuffisamment répondeurs au méthotrexate (3). Le méthotrexate a été poursuivi chez tous les patients. Il a été observé une réduction de la vitesse de dégradation radiologique (score de Sharp modifié) significative dès la 24e semaine pour les deux doses de l’anticorps par rapport aux patients traités par méthotrexate seul. L’inhibition de la progression radiographique est pratiquement complète sur un an, et comparable à ce qui avait été observé avec l’infliximab dans l’étude ATTRACT. L’effet radiologique s’observe pour le score de Sharp total ainsi que pour le score d’érosion et le score de pincement articulaire. D’autres voies de modulation du TNFα sont envisagées, et, outre l’intervention sur la signalisation intracellulaire (voir plus loin), certaines molécules sont actuellement développées pour inhiber l’enzyme de conversion du TNFα, qui permet de passer de l’état de préprotéine à celui de protéine mature : le TACE, ou TNFα Convertase Enzyme. Ces molécules inhiberaient ainsi la libération macrophagique du TNFα. L’INHIBITION DE L’INTERLEUKINE 1 L’anakinra L’IL-1 joue un rôle majeur dans la pathogénie de la synovite rhumatoïde et est, avec le TNFα, produite principalement par les monocytes-macrophages activés par le contact direct avec les cellules T stimulées. L’IL-1 apparaît comme étant le médiateur principal de la résorption osseuse et de la dégradation cartilagineuse au cours de la PR (4). L’IL-1Ra est un inhibiteur La Lettre du Rhumatologue - n° 290 - mars 2003 I S E A U P O I N T naturel de l’IL-1. Les souris déficientes en IL-1Ra développent une arthropathie inflammatoire chronique ressemblant à la PR. Dans différents modèles animaux d’arthrites, il a été démontré que l’administration d’IL-1Ra permettait non seulement d’améliorer les symptômes cliniques et articulaires, mais également la destruction ostéocartilagineuse. L’IL-1Ra en monothérapie L’anakinra est un IL-1Ra recombinant non glycosylé, produit dans E. coli et qui a fait l’objet de plusieurs études de phase II et III dans la PR (4-8). Dans l’article de Bresnihan et al. (7), 472 patients ont été inclus dans une étude randomisée en double insu contre placebo sur 24 semaines. Des patients ont été répartis en quatre groupes : placebo, 30, 75, 150 mg/j d’IL-1Ra par voie sous-cutanée. Le pourcentage de répondeurs ACR 20 était de 43 % dans le groupe 150 mg, ce qui a été significativement supérieur au groupe placebo (27 %). Des indices d’activité comme la VS, la CRP, le HAQ étaient significativement supérieurs dans les trois groupes de traitement par rapport au placebo. La progression radiologique évaluée sur le score de Larsen a été réduite de 41 % dans les groupes IL-1Ra par rapport au placebo, avec une réduction de 46 % du nombre d’articulations comportant des érosions. Les effets indésirables ont surtout comporté des réactions au site d’injection (50 à 80 % des cas) avec une élévation non significative des infections dans le groupe 150 mg (17 % versus 12 % dans le groupe placebo). Trois cent neuf patients ont ensuite été inclus dans un suivi supplémentaire de 24 semaines, les patients sous placebo étant randomisés dans un des trois groupes de traitement avec une amélioration clinique similaire à celle obtenue avec le traitement actif initial. L’évaluation de l’effet radiologique a été réanalysée de nouveau à 24 et 48 semaines, selon le score de Genant (9). Ce score a été réduit significativement dès la 24e semaine pour ce qui concerne la progression du pincement articulaire et le score total dans les groupes traités, avec 38 % de réduction des érosions, 58 % de réduction du pincement et 47 % de réduction du score total. Le ralentissement de la progression radiologique a également été retrouvé dans le groupe placebo traité secondairement par IL-1Ra entre les 24e et 48e semaines, et, au cours de cette même période, la progression radiologique a été plus lente que dans la période 024e semaine pour les patients ayant reçu d’emblée le traitement actif. L’IL-1Ra en association avec le méthotrexate L’IL-1Ra a été évalué dans une étude contrôlée en double aveugle, contre placebo, chez 419 patients atteints de PR active, insuffisamment améliorés par le méthotrexate (8). Les posologies ont été comprises entre 0,04 et 2 mg/kg/j d’IL-1Ra pendant 24 semaines. Une relation dose-réponse a été constatée, avec une amélioration significativement supérieure dans le groupe IL-1Ra 1 mg/kg/j + méthotrexate par rapport au groupe méthotrexate + placebo (42 % versus 23 %). Des résultats similaires ont été observés pour les réponses ACR 50 9 M I S E A U P O I N T (24 % versus 4 %) et ACR 70 (10 % versus 0 %). La réponse s’est manifestée précocement entre la 2e et la 4e semaine, avec un profil de tolérance comparable à ce qui avait été observé dans les études de phase II. Les anticorps anti-anakinra ont été retrouvés dans 2,7 % des cas, mais sans association avec des manifestations cliniques. Les résultats sur la progression radiographique confirment les données fondamentales sur le mécanisme d’action de l’IL-1 et les données des études animales. Ces données structurales, qui ne sont pas encore publiées, ont été évaluées au cours d’une étude randomisée en double insu contre placebo chez 906 patients atteints de PR et traités par méthotrexate. L’évolution du score radiologique de Sharp modifié met en évidence un ralentissement significatif de la progression radiographique dès la 24e semaine dans le groupe anakinra (100 mg/j + méthotrexate) par rapport au groupe méthotrexate seul. Le pourcentage de sujets exempts de progression radiologique est également plus important dans le groupe anakinra (50 %) que dans le groupe méthotrexate seul (42 %) (p = 0,018). L’efficacité structurale est retrouvée aussi bien sur les érosions que sur le pincement articulaire. Parallèlement, une amélioration significative et précoce des indices de qualité de vie (SF-36) est mise en évidence (10). L’anakinra apparaît donc comme un nouvel agent biologique particulièrement intéressant dans l’arsenal thérapeutique de la PR, même si les données cliniques d’efficacité actuellement disponibles paraissent se situer un peu en deçà des inhibiteurs du TNFα. Le profil de tolérance paraît très bon, comme l’ont montré récemment deux études de tolérance à long terme, où le seul effet indésirable paraissant lié au traitement est la grande fréquence des réactions locales aux points d’injection, conforme aux études antérieures. Les autres effets indésirables, y compris les infections sérieuses, ne sont pas significativement augmentés (11, 12). L’anakinra (Kineret®) a obtenu son autorisation de mise sur le marché aux États-Unis et en Europe en 2002 et est indiqué en association au méthotrexate chez les patients atteints de PR insuffisamment améliorés par le méthotrexate. Autres voies d’inhibition de l’IL-1 Le récepteur de l’IL-1 appartient à la super-famille des toll récepteurs. Parmi les récepteurs de l’IL-1, le récepteur de type I, l’IL-1RI, est activateur, alors que le récepteur de type II, l’ IL-1RII, ne l’est pas. Il s’agit d’un récepteur bloquant, comme l’IL-1Ra. Le relargage de ce récepteur peut être augmenté ou diminué suivant les situations physiologiques ou pathologiques. Des études fondamentales portent actuellement sur l’utilisation de l’IL-1RII comme agent de régulation de l’inflammation articulaire. Une autre voie pourrait être, comme pour le TNFα, le développement en cours de molécules inhibant l’enzyme de conversion de l’IL-1 : l’ICE, ou IL-1 Convertase Enzyme. Le premier travail utilisant un inhibiteur de l’ICE actif par voie orale (pranalcasan) vient d’être présenté (13). Deux cent quatre-vingt-cinq patients atteints de PR ont reçu pendant 10 12 semaines soit un placebo, soit 300 mg, soit 1 200 mg du traitement actif en trois prises. Quarante-quatre pour cent de patients ont été répondeurs à ce traitement, ce qui n’était cependant pas significatif en raison d’une forte réponse placebo (32,7 %). Une réduction des marqueurs biologiques de l’inflammation et un effet d’épargne cortisonique ont, en revanche, été observés dans les groupes traités. Des études complémentaires sont nécessaires. MODULATION D’AUTRES CYTOKINES L’interleukine 6 (IL-6) L’IL-6 est une cytokine impliquée dans de nombreuses étapes de la physiopathologie de l’inflammation synoviale et de la destruction cartilagineuse et osseuse dans la PR. Un anticorps monoclonal humanisé anti-récepteur de l’IL-6 (MRA) a été évalué dans le cadre d’une étude randomisée contre placebo (14). Quarante-cinq patients atteints de PR active d’âge moyen 46 ans, dont la maladie était ancienne de 14 ans, ont reçu une dose unique par voie intraveineuse, soit de MRA à 0,1, 1, 5 ou 10 mg/kg, soit de placebo. À 8 semaines, la posologie de 5 mg/kg est significativement plus efficace que le placebo, avec un pourcentage de répondeurs ACR 20 de 55 % à la 2e semaine et de 65 % à la 4e semaine. La VS et la CRP se normalisent une semaine après le début du traitement dans les groupes 5 et 10 mg/kg. La tolérance est bonne, avec une diarrhée notée néanmoins dans 17 % des cas (à noter un cas d’infarctus du myocarde). Une étude récente complémentaire, contrôlée contre placebo, a évalué deux doses de cet anticorps monoclonal, 4 ou 8 mg/kg à J0 et aux semaines 4 et 8 (15). Cent soixante-quatre patients atteints de PR ont été inclus ; les résultats à 12 semaines sont très significatifs, en faveur de l’anticorps monoclonal anti-IL-6, aussi bien sur les données cliniques que sur la réduction de la CRP. Une immunisation antiMRA a été observée chez deux patients ; des effets indésirables mineurs ont été observés dans les groupes traitements actifs et placebo, sans différence significative. Deux effets indésirables graves ont toutefois été notés dans le groupe 8 mg/kg : un décès lié à une réactivation d’une infection à EBV et une pneumopathie allergique. Cette toxicité grave potentielle doit rendre particulièrement vigilant au cours des études à venir. Modulation d’autres cytokines De nouvelles cytokines pro-inflammatoires pourraient être des cibles thérapeutiques intéressantes dans la PR, en particulier l’IL-12, l’IL-15, l’IL-17 et l’IL-18. Ce sujet a été abordé récemment dans une revue générale par Bessis et Boissier (16). L’inhibition de ces cytokines permet de prévenir ou de réduire la sévérité des arthrites expérimentales chez l’animal. L’oncostatine M est une cytokine pléiotrope, de la famille de l’IL-6, qui pourrait aussi jouer un rôle intéressant dans l’inflammation articulaire (17). La Lettre du Rhumatologue - n° 290 - mars 2003 M L’utilisation de cytokines anti-inflammatoires telles que l’IL-4, l’IL-10 ou l’IL-13 a également été envisagée, mais, pour le moment, elle s’avère décevante. Modulation des lymphocytes T De nombreuses biothérapies dirigées contre des lymphocytes T ont été envisagées dans le traitement de la PR puisque les lymphocytes T, notamment CD4, semblent jouer un rôle central dans l’immunopathologie de la synovite rhumatoïde. Les principaux essais thérapeutiques ont utilisé les anticorps monoclonaux anti-lymphocytes TCD4 et, globalement, les résultats ont été très décevants. Plus récemment, on s’est intéressé à la modulation des molécules de costimulation intervenant dans la présentation antigénique, entre les macrophages ou autres cellules présentatrices d’antigènes et les lymphocytes T. Ainsi, un anticorps anti-GP39 modulant l’interaction CD40CD40 ligand a paru efficace chez l’animal, mais des études chez l’homme, non publiées, sont actuellement décevantes. La protéine CTLA4 (aussi appelée CD28) est une molécule de coactivation, présente à la surface des lymphocytes T, qui est indispensable à l’activation de ces lymphocytes par les cellules présentatrices d’antigènes. Le blocage de l’interaction entre CTLA4 et ses récepteurs, les molécules B7-1 et B7-2 (aussi appelées CD80 et CD86), par CTLA4-Ig entraîne un défaut d’activation de la réponse immunitaire (figure 4). Les résultats d’une première étude pilote dans la polyarthrite rhumatoïde viennent d’être publiés (18). Il s’agit d’une étude contrôlée, en double aveugle contre placebo, dans laquelle CTLA4-Ig et LEA29Y, une molécule capable également d’inhiber le système, ont été administrées par voie intraveineuse aux doses de 0,5, 2 ou 10 mg/kg, chez 214 patients atteints de PR. CTLA4-Ig et LEA29Y ont été bien tolérées à toutes les doses. Le pourcentage de patients répondeurs ACR 20 lors de l’évaluation à J85 a augmenté de manière dose-dépendante : 23, 44, 53 % chez les patients traités par CTLA4-Ig et 34, 45, 61 % chez ceux traités par LEA29Y aux doses de 0,5, 2, 10 mg/kg respectivement, contre 31 % chez les patients recevant du placebo. I S E A U P O I N T Lors des congrès 2002 de l’EULAR et de l’ACR, les données concernant une nouvelle étude chez des patients insuffisamment répondeurs au méthotrexate ont été présentées (19, 20). Trois cent trente-neuf personnes atteintes de PR ont été incluses, la maladie articulaire évoluant en moyenne depuis 9 ans. Tous les sujets inclus recevaient des doses stables de méthotrexate, auxquelles étaient associées tous les mois soit des perfusions de CTLA4-Ig à la dose de 2 mg/kg ou de 10 mg/kg, soit des perfusions de placebo. Les réponses cliniques étaient significativement supérieures dans le groupe 10 mg/kg, respectivement 60 %, 37 % et 17 % des patients répondant, à la semaine 24, aux critères ACR 20, 50, 70 (tableau II). Tableau II. Efficacité du CTLA4-Ig par voie intraveineuse dans la polyarthrite rhumatoïde. Essai clinique randomisé, en double aveugle contre placebo, avec évaluation à 6 mois. MTX MTX + placebo + CTLA4-Ig 2 mg/kg Nombre de patients Réponse ACR (% répondeurs) ACR 20 ACR 50 ACR 70 119 35 12 1,7 MTX + CTLA4-Ig 10 mg/kg 105 115 42 23 11 60 37 17 Taux d’interruption thérapeutique (%) 5,9 6,7 1,7 Fréquence des effets indésirables (%) Tous confondus Graves 8,4 0,8 10,5 0,0 2,6 0,0 Les perfusions sont administrées à 0, 2, 4 et 8 semaines. MTX : méthotrexate. En parallèle, on notait une amélioration significative de la qualité de vie des patients traités par CTLA4-Ig. Biologiquement, on observe une réduction dose-dépendante de la CRP, du FR, du récepteur soluble de l’IL-2 (traduisant l’inhibition de l’activation lymphocytaire T), de l’IL-6 et des molécules d’adhésion ; il n’y a pas eu de modification significative des taux de TNF. La tolérance du traitement était satisfaisante. La fréquence des effets indésirables, sérieux ou non, était identique dans les trois groupes, sans augmentation, notamment, des infections chez les patients traités par CTLA4-Ig. Les interruptions de traitement étaient plus souvent observées dans le groupe placebo et dans le groupe CTLA4-Ig faible dose, du fait d’un manque d’efficacité. Figure 4. Blocage de la voie de costimulation par CTLA4-Ig. Une étude préliminaire (21) a évalué l’effet de CTLA4-Ig à la dose de 2 mg/kg tous les mois versus placebo chez des patients insuffisamment répondeurs à l’etanercept et qui continuaient ce traitement anti-TNF. L’efficacité, si elle ne paraît pas spectaculaire, n’en est pas moins nette (ACR 20 = 48 % versus La Lettre du Rhumatologue - n° 290 - mars 2003 11 M I S E A U P O I N T 10 % ; ACR 70 = 28 % versus 0 %). La dose de CTLA4-Ig était peut-être insuffisante. Le profil de tolérance a été comparable dans les deux groupes, montrant la faisabilité d’une telle association. Des études complémentaires sont en cours. MODULATION DES LYMPHOCYTES B de membrane, l’activation successive de kinases induit la libération de petites protéines, comme NF-κB, qui vont alors migrer vers le noyau cellulaire et induire la transcription de gènes, tels que les gènes de cytokines pro-inflammatoires, de molécules d’adhésion, encore d’enzymes comme la COX-2 (figure 5). On conçoit que l’inhibition de certaines de ces voies de signalisation intracellulaire puisse empêcher l’activation d’un gène conduisant à la diminution, voire à l’inhibition, de la synthèse de molécules pro-inflammatoires. Ainsi, concernant NF-κB, la première étape de son activation est la phosphorisation d’une molécule associée, appelée I-κB. Cette phosphorisation va entraîner une dissociation de I-κB et de NF-κB. NF-κB va alors pouvoir être transloquée dans le noyau et activer les gènes de molécules pro-inflammatoires. Le rituximab est un anticorps monoclonal dirigé contre le CD20 des lymphocytes B, actuellement utilisé dans le traitement de certains lymphomes. Les travaux préliminaires effectués en ouvert (22) avaient suggéré que cet anticorps antilymphocytes B pouvait être efficace dans les PR sévères, y compris après échec d’un traitement anti-TNF. Les premiers résultats d’une étude multicentrique randomisée en double insu contre placebo viennent d’être présentés (23). Les auteurs ont inclus 160 patients atteints de PR et insuffisamment répondeurs au méthotrexate. Quatre groupes de traitement ont été constitués : trois groupes recevaient du rituximab 1 g en perfusion intraveineuse administré deux fois à 15 jours d’intervalle (un groupe poursuivait le méthotrexate, un groupe arrêtait le méthotrexate et recevait le rituximab en monothérapie, un troisième groupe recevait du cyclophosphamide i.v. 750 mg à deux reprises à la place du méthotrexate), le quatrième groupe poursuivait le méthotrexate seul. Tous les patients ont, en outre, reçu une corticothérapie générale forte pendant deux semaines. Les résultats à six mois montraient une efficacité nette du rituximab, en particulier dans les groupes Figure 5. Les voies de signalisation intracellulaire : classique et alternative. recevant en association le méthotrexate ou le cyclophosphamide, avec un pourcentage de répondeurs ACR 20 de La phosphorisation de I-κB est sous la dépendance de deux respectivement 80 et 84 % contre 58 et 33 % dans les groupes molécules appelées IKK1 et IKK2. L’inactivation de IKK2 rituximab seul et méthotrexate seul. Les répondeurs ACR 50 va inhiber la cascade d’activation de NF-κB. Ainsi, dans le étaient également élevés, à, respectivement, 50 et 45 % vermodèle animal de l’arthrite à l’adjuvant du rat, l’administrasus 32 et 10 %. Des réductions significatives du taux de lymtion par voie orale d’une molécule inhibant IKK2 a montré phocytes B circulants et du taux de facteur rhumatoïde ont une efficacité dose-dépendante à la fois sur l’inflammation été constatées dans tous les groupes recevant du rituximab. synoviale et sur la prévention des érosions articulaires (25). La tolérance est apparue satisfaisante, globalement sans difLa voie des MAP-kinases est aussi une cible thérapeutique férence significative entre les groupes. Ces résultats sont parintéressante. Il existe trois familles de MAP-kinases : les JNK, ticulièrement intéressants et pourraient, s’ils sont confirmés, l’ERK et la p38-kinase. Leur activation dépend des récepteurs réhabiliter le rôle du lymphocyte B dans la pathogénie de la membranaires mis en jeu. Lorsqu’on utilise, dans l’arthrite à PR, et en faire une nouvelle cible thérapeutique. l’adjuvant du rat, un inhibiteur de JNK, on observe une diminution de l’œdème et, à un degré moindre, de la destruction radiologique. Un inhibiteur ayant 50 % d’homologie avec la p38-kinase est en cours de développement, avec des résultats AUTRES CIBLES THÉRAPEUTIQUES D’AVENIR très intéressants dans les modèles murins d’arthrite. Des essais de phase II ont débuté dans la PR, mais aucun résultat clinique n’est connu à ce jour. Les voies de signalisation intracellulaire L’activation intracellulaire de NF-κB (voie principale de signaL’angiogenèse lisation intracellulaire) et des MAP-kinases (voies accessoires) La prolifération vasculaire est l’une des premières manifesjoue un rôle fondamental dans la plupart des phénomènes tations de la synovite rhumatoïde permettant l’apport de inflammatoires (24). À la suite de l’activation d’un récepteur 12 La Lettre du Rhumatologue - n° 290 - mars 2003 M nutriments, d’oxygène et de cellules inflammatoires au panus en formation. L’apparition de néovaisseaux semble être l’un des événements les plus précoces dans le déclenchement de la synovite rhumatoïde, permettant un recrutement accru de cellules lymphocytaires et macrophagiques, qui produisent à leur tour des médiateurs angiogéniques. Les cellules endothéliales elles-mêmes ont joué un rôle important dans la pathogénie de la PR, par leur rôle sur l’adhésion cellulaire, le recrutement lymphocytaire, la production de cytokines, leur rôle de présentation antigène aux cellules immunitaires, la coagulation. L’angiogenèse va favoriser la chronicisation de la synovite rhumatoïde. De nombreux médiateurs proangiogéniques tels que les molécules d’adhésion, les facteurs de croissance ou les chimiokines jouent un rôle potentiel dans la pathogénie de la PR. Les molécules empêchant l’apparition ou inhibant la néo-angiogenèse synoviale constituent des voies thérapeutiques potentielles, comme c’est le cas en oncologie. Dans les modèles murins d’arthrite, plusieurs molécules antiangiogéniques ont montré leur efficacité sur l’évolution clinique et radiologique, laissant actuellement envisager une possibilité de développement thérapeutique dans la PR. Le VEGF, qui paraît jouer un rôle clé dans le développement de l’angiogenèse rhumatoïde, pourrait être une cible intéressante (26). Le système RANK-RANK ligand Le système RANK-RANK ligand-ostéoprotégérine paraît être la voie finale de toutes les ostéolyses, et l’on a montré récemment son rôle déterminant dans la dégradation ostéoarticulaire dans les modèles murins d’arthrite (souris K/BxN, arthrite au collagène, souris transgénique TNFα) et dans la PR (27). L’ostéolyse est activée par l’interaction entre RANK, situé sur l’ostéoclaste, et RANK ligand, situé sur l’ostéoblaste ou la cellule stromale, telle que la cellule synoviale ou le fibroblaste. Le système est inhibé par l’ostéoprotégérine. Il a été montré, dans ces modèles murins, que des traitements inhibant l’interaction RANK-RANK ligand pouvaient prévenir complètement les érosions articulaires et atténuer la chondrolyse sans modifier l’inflammation synoviale (28, 29). Des études dans la PR devraient débuter prochainement. Les métalloprotéinases Les métalloprotéinases jouent un rôle important dans la dégradation de la matrice osseuse et surtout cartilagineuse, que ce soit dans la PR ou même dans l’arthrose (30). Plusieurs inhibiteurs de ces enzymes ont montré des résultats très intéressants dans les modèles animaux, et certains ont été évalués au cours d’essais cliniques de phase II, mais les résultats sur la progression de la dégradation articulaire ont été décevants et un certain nombre d’effets indésirables sont survenus, stoppant, pour le moment du moins, ce type d’approche thérapeutique. De nombreuses cibles thérapeutiques, dont nous avons revu certaines, sont actuellement des candidates très intéressantes La Lettre du Rhumatologue - n° 290 - mars 2003 I S E A U P O I N T pour le développement de programmes d’essais cliniques dans la PR. Il peut s’agir d’autres modes d’inhibition du TNFα, d’autres voies d’inhibition des cytokines pro-inflammatoires, d’interventions sur les systèmes de costimulation des lymphocytes T par des cellules présentatrices d’antigènes, d’inhibition des lymphocytes B, d’inhibition de la néoangiogenèse synoviale, d’interventions sur la signalisation intracellulaire, ou encore d’actions plus en aval sur les mécanismes directs de la destruction articulaire. Il est probable que l’association de plusieurs de ces voies thérapeutiques puisse apporter un effet additif, voire synergique ; ces associations devraient donc se développer dans l’avenir, pour augmenter le pourcentage de patients répondeurs et l’intensité de la réponse, en tendant vers la rémission clinique, et pour diminuer, voire stopper, les processus de dégradation articulaire vers la PR. " Bibliographie 1. Kavanaugh A. Combination cytokine therapy : the next generation of rheumatoid arthritis therapy ? 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