La Lettre du Rhumatologue - n° 290 - mars 2003
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MISE AU POINT
(24 % versus 4 %) et ACR 70 (10 % versus 0 %). La réponse
s’est manifestée précocement entre la 2eet la 4esemaine, avec
un profil de tolérance comparable à ce qui avait été observé
dans les études de phase II. Les anticorps anti-anakinra ont été
retrouvés dans 2,7 % des cas, mais sans association avec des
manifestations cliniques.
Les résultats sur la progression radiographique confirment les
données fondamentales sur le mécanisme d’action de l’IL-1
et les données des études animales. Ces données structurales,
qui ne sont pas encore publiées, ont été évaluées au cours
d’une étude randomisée en double insu contre placebo chez
906 patients atteints de PR et traités par méthotrexate. L’évo-
lution du score radiologique de Sharp modifié met en évidence
un ralentissement significatif de la progression radiographique
dès la 24esemaine dans le groupe anakinra (100 mg/j + métho-
trexate) par rapport au groupe méthotrexate seul. Le pour-
centage de sujets exempts de progression radiologique est éga-
lement plus important dans le groupe anakinra (50 %) que dans
le groupe méthotrexate seul (42 %) (p = 0,018). L’efficacité
structurale est retrouvée aussi bien sur les érosions que sur le
pincement articulaire. Parallèlement, une amélioration signi-
ficative et précoce des indices de qualité de vie (SF-36) est
mise en évidence (10).
L’anakinra apparaît donc comme un nouvel agent biologique
particulièrement intéressant dans l’arsenal thérapeutique de la
PR, même si les données cliniques d’efficacité actuellement
disponibles paraissent se situer un peu en deçà des inhibiteurs
du TNFα. Le profil de tolérance paraît très bon, comme l’ont
montré récemment deux études de tolérance à long terme, où
le seul effet indésirable paraissant lié au traitement est la
grande fréquence des réactions locales aux points d’injection,
conforme aux études antérieures. Les autres effets indésirables,
y compris les infections sérieuses, ne sont pas significative-
ment augmentés (11, 12).
L’anakinra (Kineret®) a obtenu son autorisation de mise sur le
marché aux États-Unis et en Europe en 2002 et est indiqué en
association au méthotrexate chez les patients atteints de PR
insuffisamment améliorés par le méthotrexate.
Autres voies d’inhibition de l’IL-1
Le récepteur de l’IL-1 appartient à la super-famille des toll
récepteurs. Parmi les récepteurs de l’IL-1, le récepteur de
type I, l’IL-1RI, est activateur, alors que le récepteur de type II,
l’ IL-1RII, ne l’est pas. Il s’agit d’un récepteur bloquant,
comme l’IL-1Ra. Le relargage de ce récepteur peut être aug-
menté ou diminué suivant les situations physiologiques ou
pathologiques. Des études fondamentales portent actuellement
sur l’utilisation de l’IL-1RII comme agent de régulation de
l’inflammation articulaire.
Une autre voie pourrait être, comme pour le TNFα,le déve-
loppement en cours de molécules inhibant l’enzyme de conver-
sion de l’IL-1 : l’ICE, ou IL-1 Convertase Enzyme.
Le premier travail utilisant un inhibiteur de l’ICE actif par voie
orale (pranalcasan) vient d’être présenté (13). Deux cent
quatre-vingt-cinq patients atteints de PR ont reçu pendant
12 semaines soit un placebo, soit 300 mg, soit 1 200 mg du
traitement actif en trois prises. Quarante-quatre pour cent de
patients ont été répondeurs à ce traitement, ce qui n’était cepen-
dant pas significatif en raison d’une forte réponse placebo
(32,7 %). Une réduction des marqueurs biologiques de l’in-
flammation et un effet d’épargne cortisonique ont, en revanche,
été observés dans les groupes traités. Des études complémen-
taires sont nécessaires.
MODULATION D’AUTRES CYTOKINES
L’interleukine 6 (IL-6)
L’IL-6 est une cytokine impliquée dans de nombreuses étapes
de la physiopathologie de l’inflammation synoviale et de la
destruction cartilagineuse et osseuse dans la PR. Un anticorps
monoclonal humanisé anti-récepteur de l’IL-6 (MRA) a été
évalué dans le cadre d’une étude randomisée contre placebo
(14). Quarante-cinq patients atteints de PR active d’âge moyen
46 ans, dont la maladie était ancienne de 14 ans, ont reçu une
dose unique par voie intraveineuse, soit de MRA à 0,1, 1, 5 ou
10 mg/kg, soit de placebo. À 8 semaines, la posologie de
5mg/kg est significativement plus efficace que le placebo,
avec un pourcentage de répondeurs ACR 20 de 55 % à la
2esemaine et de 65 % à la 4esemaine. La VS et la CRP se nor-
malisent une semaine après le début du traitement dans les
groupes 5 et 10 mg/kg. La tolérance est bonne, avec une diar-
rhée notée néanmoins dans 17 % des cas (à noter un cas d’in-
farctus du myocarde). Une étude récente complémentaire,
contrôlée contre placebo, a évalué deux doses de cet anticorps
monoclonal, 4 ou 8 mg/kg à J0 et aux semaines 4 et 8 (15).
Cent soixante-quatre patients atteints de PR ont été inclus ; les
résultats à 12 semaines sont très significatifs, en faveur de l’an-
ticorps monoclonal anti-IL-6, aussi bien sur les données cli-
niques que sur la réduction de la CRP. Une immunisation anti-
MRA a été observée chez deux patients ; des effets indésirables
mineurs ont été observés dans les groupes traitements actifs
et placebo, sans différence significative. Deux effets indési-
rables graves ont toutefois été notés dans le groupe 8 mg/kg :
un décès lié à une réactivation d’une infection à EBV et une
pneumopathie allergique. Cette toxicité grave potentielle doit
rendre particulièrement vigilant au cours des études à venir.
Modulation d’autres cytokines
De nouvelles cytokines pro-inflammatoires pourraient être des
cibles thérapeutiques intéressantes dans la PR, en particulier
l’IL-12, l’IL-15, l’IL-17 et l’IL-18. Ce sujet a été abordé
récemment dans une revue générale par Bessis et Boissier (16).
L’inhibition de ces cytokines permet de prévenir ou de réduire
la sévérité des arthrites expérimentales chez l’animal.
L’oncostatine M est une cytokine pléiotrope, de la famille de
l’IL-6, qui pourrait aussi jouer un rôle intéressant dans l’in-
flammation articulaire (17).