R Feu vert pour la poursuite de l’hydroxychloroquine

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Résumés de la littérature
Feu vert pour la poursuite de l’hydroxychloroquine
au cours de la grossesse lupique
L’utilisation de l’hydroxychloroquine (Plaquenil®) chez la
femme enceinte atteinte d’une connectivite (lupus érythémateux disséminé [LED], syndrome de Gougerot-Sjögren, etc.)
reste controversée. Bien que les résultats d’études ouvertes soient
plutôt rassurants, une certaine inquiétude demeure dans la mesure
où l’hydroxychloroquine passe la barrière placentaire. Afin de
déterminer la tératogénicité de l’hydroxychloroquine ainsi que ses
effets secondaires potentiels sur le fœtus (notamment rétinopathie), une équipe française a mené une étude monocentrique (service de médecine interne, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris) et contrôlée visant à comparer l’évolution de la grossesse chez des femmes
atteintes d’une maladie auto-immune (le plus souvent un LED),
traitées ou non par hydroxychloroquine.
Le groupe traité concernait 133 grossesses survenues chez
90 femmes (64 nullipares, 26 multipares) suivies dans le service
entre janvier 1993 et mars 2002, recevant en règle 400 mg/j d’hydroxychloroquine, associés ou non à de la prednisone (n = 108)
et/ou à 100 mg/j d’aspirine (n = 112). Le groupe non traité comprenait 70 grossesses réalisées chez 53 femmes (36 nullipares,
17 multipares) vues au cours de la même période, n’ayant pas été
traitées par hydroxychloroquine au cours des 6 mois précédant
la grossesse, recevant, pour certaines d’entre elles, de la prednisone (n = 56) et/ou 100 mg/j d’aspirine (n = 54). Un suivi mensuel était assuré à la fois par un interniste et un obstétricien. Après
la naissance, les enfants étaient suivis en moyenne pendant
26 mois (12-108) en raison de la longue demi-vie de l’hydroxy-
chloroquine, avec notamment une évaluation de la vision et de
l’audition.
Les deux groupes étudiés présentaient les mêmes caractéristiques
cliniques. Quatre-vingt-huit pour cent des grossesses dans le
groupe traité et 84 % dans le groupe contrôle ont abouti à une naissance. Il n’y avait pas de différence significative en termes de
fausses couches spontanées, d’avortements thérapeutiques, de
mort fœtale, de prématurité ou de malformations fœtales entre les
deux groupes. Aucune anomalie de la croissance, de la vision ou
de l’audition n’a été observée au cours de la période de suivi
postnatal.
Même si un examen ophtalmologique n’a pas été systématiquement réalisé chez tous les enfants, cette étude contrôlée met en
évidence l’innocuité de l’hydroxychloroquine au cours de la grossesse, déjà suggérée par l’expérience de nombreux experts. Cette
donnée incite donc à maintenir ce traitement de fond au cours de
la grossesse chez les femmes atteintes de LED.
O. Vittecoq, Rouen
Safety of hydroxychloroquine in pregnant patients with
connective tissue diseases. A study of one hundred thirtythree cases compared with a control group.
Costedoat-Chalumeau N, Amoura Z, Duhaut P et al. ●
Arthritis Rheum 2003 ; 48 : 3207-11.
Sévérité de la PR : les fruits d’une meilleure prise
en charge
Durant les vingt dernières années, la prise en charge de la
polyarthrite rhumatoïde (PR) s’est très largement modifiée :
outils diagnostiques plus précis, diagnostic plus précoce, traitements plus efficaces tant sur les symptômes que sur l’atteinte structurale, prise en charge plus spécialisée et plus rapide. Toutes ces
évolutions se sont opérées sur une base scientifique validée, mais
leur validation a posteriori, c’est-à-dire la confirmation de leur
effet bénéfique sur le devenir des patients, restait encore à effectuer. C’est désormais chose faite.
Depuis la fin des années 70, la cohorte ARAMIS (Arthritis, Rheumatism and Aging Medical Information System) a inclus et suivi
plus de 3 000 patients souffrant de PR dans huit centres à travers
les États-Unis et le Canada. Tous les six mois, des questionnaires
d’incapacité fonctionnelle étaient remplis par les patients, et le
score de handicap HAQ (Health Assessment Questionnaire) était
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déterminé. Pour chaque patient, il a donc été possible de calculer,
un indice moyen de handicap rapporté à l’ancienneté de la maladie (score HAQ cumulé divisé par le nombre d’années d’évolution de la maladie), traduisant la sévérité de la maladie.
Entre 1977 et 1998, une réduction régulière de l’indice moyen de
handicap des patients souffrant de PR a été observée : cette décroissance du HAQ moyen a été chiffrée à 2 % par an durant ces
21 années, quel que soit le centre investigateur considéré. En 1998,
seulement 36 % des patients de la cohorte avaient un indice HAQ
supérieur ou égal à 1 (handicap modéré ou sévère), contre 63 %
en 1977. Le phénomène était retrouvé avec une même intensité
chez les hommes et chez les femmes, chez les sujets de type caucasien ou non caucasien, indépendamment de l’ancienneté de la
maladie ou de sa sévérité initiale (telle qu’évaluée par l’indice
HAQ à l’inclusion).
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Ce meilleur pronostic fonctionnel peut, au moins en partie, être
expliqué par les nouvelles thérapeutiques utilisées : au début de
la cohorte, le méthotrexate était utilisé chez 1 % des patients,
contre 44 % d’entre eux en 1997. L’utilisation des corticoïdes semblait en revanche assez stable, concernant entre 31 et 33 % des
patients inclus. Les autres thérapeutiques telles que les anti-TNFα
ou le léflunomide, n’étaient pas encore disponibles en 1998, et
n’ont donc pas contribué à l’amélioration observée.
Quelques sources d’incertitude persistent néanmoins. Tout
d’abord, il est clair que les progrès dans le diagnostic de la PR ont
pu contribuer à “étiqueter” PR des patients présentant une forme
moins agressive de la maladie. D’autre part, les patients inclus
dans la cohorte ont été pris en charge par des équipes particuliè-
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rement motivées ; de ce fait, les bons résultats observés ne sont
peut-être pas applicables dans leur intégralité à des patients qui
seraient pris en charge de façon moins spécialisée. Néanmoins, il
est probable que l’amélioration et l’homogénéisation croissante
des pratiques, associées à l’arrivée des anti-TNFα, vont permettre
de prolonger cette bonne évolution.
B. Fautrel, Paris
Reduction in long-term functional disability in rheumatoid arthritis from 1977 to 1998 : a longitudinal study of
3035 patients.
Krishnan E, Fries JF ● Am J Med 2003 ; 115 : 371-6.
Les hommes meurent deux fois plus d’infection que
les femmes après une fracture du col du fémur... !
On a beaucoup insisté, et avec raison, sur la surmortalité
liée aux fractures du col du fémur. Il a aussi été mis en évidence une mortalité plus importante des hommes que des femmes
dans cette circonstance. Les raisons de cette différence sont encore
mal comprises.
L’étude d’une cohorte de Baltimore nous donne quelques éléments
de réponse. Huit cent quatre patients (173 hommes et 631 femmes)
admis pour une fracture de hanche entre 1990 et 1991 à l’hôpital
ont été suivis pendant deux ans (à 2, 6, 12, 18 et 24 mois) à partir de questionnaires remplis par les patients ou par leurs proches
après une évaluation initiale détaillée durant l’hospitalisation. Au
moment de la fracture, les hommes étaient plus jeunes (79,5 versus 81,6 ans, p < 0,001), présentaient un peu plus de co-morbidités (3,6 versus 3,2 %, p = 0,01) ; leur durée de séjour à l’hôpital
était supérieure (17,2 versus 14,3 jours, p = 0,002), mais avec
moins de complications postopératoires (1,4 versus 3,2 %,
p < 0,001). Il n’y avait, en revanche, pas de différence sur les scores
évaluant les capacités physiques avant l’intervention. La mortalité post-fracturaire était significativement plus élevée chez les
hommes. Il y avait après 12 mois, 54 décès (31,4 %) chez les
hommes versus 96 (23,3 %) chez les femmes (p < 0,001) ; il y en
avait 19 (16,1 %) versus 49 (9,3 %) ; (p < 0,001) au cours de la
deuxième année et 73 (42,2 %) versus 145 (23,3 %) ; (p < 0,001)
pour les deux années cumulées. Cette différence persistait après
ajustement pour l’âge, les comorbidités, les scores de risque anesthésique, les anormalités de la radiographie thoracique, les complications postopératoires et la durée de séjour. En comparant ces
taux de mortalité à ceux attendus dans la population générale et
ajustés pour l’âge, on obtenait, pour les deux années, une surmortalité dans les deux sexes, mais plus élevée chez les hommes,
avec un risque relatif (RR) à 3,53 (2,27-5,48), contre 2,43 (1,843,22) chez les femmes. Le risque était particulièrement augmenté
la première année après la fracture [respectivement 5,19 (2,779,74) et 3,24 (2,18-4,82)], mais il persistait la deuxième année,
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avec, chez les hommes un RR de 1,31 (0,69-2,47) et, chez les
femmes, un RR de 1,55 (1,01-2,38). Par rapport à la population
générale, il y avait une surmortalité au cours des deux années suivantes, quelle que soit la comorbidité considérée (cardiovasculaire, cancer, accidents vasculaires cérébraux, etc.) recueillie sur
les certificats de décès. Cela était particulièrement net chez les
hommes pour les infections, avec un RR de 23,81 (12,81-44,25)
pour la rubrique “pneumonie/grippe” et un RR de 87,91 (16,49175,8) pour la rubrique “septicémie” la première année ; ces RR
étaient respectivement de 10,38 (3,35-32,19) et 31,95 (7,99127,76) la deuxième année. Chez les femmes, le RR était de 7,46
(6,51-8,55) pour “pneumonie/grippe” et de 36,72 (28,16-47,87)
pour “septicémie” la première année, puis de 4 (3,46-4,62) et 13,33
(10,16-17,48) la deuxième année. Lorsque les décès par infections
étaient exclus de l’analyse, la différence de mortalité entre les
sexes était significativement diminuée.
Discussion. Dans cette étude, les infections semblent être largement responsables de la différence de mortalité entre les sexes un
et deux ans après la fracture du col du fémur. Bien que ces paramètres n’aient pas modifié les résultats de cette étude, il serait probablement plus informatif de comparer ces sujets à d’autres ayant
les mêmes comorbidités, le même âge, et n’ayant pas subi de fracture pour juger de l’effet propre du traumatisme sur la mortalité
et ses causes. Néanmoins, cette étude soulève la question des relations entre l’ostéoporose et le système immunitaire.
P. Guggenbuhl, Rennes
Gender differences in mortality after hip fracture : the
role of infection.
Wehren LE, Hawkes WG, Orwig DL, Hebel JR, Zimmerman S,
Magaziner J ● J Bone Miner Res 2003 ; 18 : 2231-7.
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Infection par le virus de l’hépatite C et anti-TNFα semblent
faire bon ménage (résultats préliminaires)
Chez les malades atteints de polyarthrite rhumatoïde et
infectés par le virus de l’hépatite C (VHC), le recours à certains traitements de fond potentiellement hépatotoxiques, comme
le méthotrexate et le léflunomide, doit être évité. Les possibilités
thérapeutiques sont alors limitées et l’avènement des anti-TNFα,
dénués d’hépatotoxicité, offre de nouvelles perspectives. Néanmoins, il s’agit de molécules susceptibles de favoriser l’apparition d’infections sévères et la réactivation d’infections latentes
comme la tuberculose. C’est pourquoi la prudence est de rigueur
lorsque la question se pose de les administrer à des patients infectés par le VHC. Même si une étude a montré l’absence d’effet des
anti-TNFα sur la virémie chez les malades infectés par le VIH
(Walker RE et al. J Infect Dis 1996 ; 174 : 63-8), des études sont
nécessaires pour évaluer leur influence sur le VHC.
Une équipe américaine a donc mené une étude à la fois rétrospective et prospective, portant sur 24 malades atteints de PR
ancienne et ayant une infection chronique par le VHC, non traitée par l’interféron alpha et/ou la ribavirine dans les 6 mois précédant l’introduction d’un traitement par anti-TNFα, qu’il s’agisse
de l’etanercept (n = 21) ou de l’infliximab (n = 3). Des dosages
sériques des transaminases (ASAT et ALAT), des gamma GT, de
l’albumine et de la charge virale ont été effectués avant la mise
sous anti-TNFα puis à plusieurs reprises sous traitement pendant
une durée médiane de 9 mois (1-34 mois). Aucune modification
significative des paramètres étudiés n’a été observée sous antiTNFα. Il est important de préciser qu’aucune biopsie hépatique
n’a été réalisée dans cette étude. Ces résultats préliminaires sont
plutôt rassurants. Néanmoins, en raison du faible effectif et de la
durée limitée du suivi, d’autres investigations sont nécessaires. À
ce titre, l’association Promotion pour la recherche en immunologie microbienne a mis en place, avec le soutien du CRI, un
Observatoire de la réplication virale sous Remicade® (ORVR),
enquête prospective visant à étudier l’évolution de la réplication
des virus de l’hépatite B et C chez les patients atteints d’une PR
traitée par Remicade®.
O. Vittecoq, Rouen
Effect of tumour necrosis factor α antagonists on serum
transaminases and viraemia in patients with rheumatoid
arthritis and chronic hepatitis C infection.
Peterson JR, Hsu FC, Simkin PA, Wener MH ● Ann Rheum
Dis 2003 ; 62 : 1078-82.
Bientôt une nouvelle biothérapie pour nos PR en difficulté ?
Les biothérapies qui se développent dans le traitement de
la polyarthrite rhumatoïde (PR) ne sont pas seulement dirigées contre des cytokines. Parmi les différentes pistes, celle visant
à bloquer le signal de costimulation des lymphocytes T lors de la
présentation antigénique paraît tout à fait attractive, ce d’autant
qu’une étude pilote publiée l’année dernière montrait des résultats positifs (1). Rappelons brièvement qu’un lymphocyte T a
besoin de deux signaux pour devenir complètement activé : le
premier, bien connu, est la liaison du complexe “molécule du
CMH-peptide antigénique” avec son récepteur T ; le deuxième
consiste en l’interaction de l’antigène CD80 ou CD86 présent à
la surface de la cellule présentatrice d’antigène avec la molécule
CD28 présente, quant à elle, sur le lymphocyte T en regard ; mais
il existe sur le lymphocyte T une sorte de compétiteur physiologique du CD28, la molécule CTLA4, exprimée à la surface du
lymphocyte T lorsqu’il est activé. Ayant une plus grande affinité
que CD28 pour CD80 et CD86, il empêche la survenue du
deuxième signal, permettant ainsi une régulation de la réponse
immunologique spécifique. La protéine de fusion mise au point
dans un but thérapeutique, CTLA4-Ig, utilise donc ce mécanisme
d’action.
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Le CTLA4-Ig vient d’être évalué à travers un grand essai thérapeutique, multicentrique international, testant deux doses (2 mg/
kg/perfusion et 10 mg/kg/perfusion) contre un placebo (2). Les
patients, atteints d’une PR active malgré un traitement par méthotrexate adapté, ont reçu une perfusion tous les 15 jours pendant
un mois, puis une perfusion mensuelle jusqu’au sixième mois.
Trois cent trente-neuf patients ont été répartis dans les trois
groupes de traitement, tous poursuivant le méthotrexate.
Le résultat principal de cette étude concerne l’efficacité du traitement à 6 mois jugée sur la proportion de répondeurs aux critères ACR 20. Un taux de réponse de 60 %, ce qui est tout à fait
appréciable dans ce contexte, a été observé dans le groupe
10 mg/kg alors qu’il n’était que de 35,3 % dans le groupe placebo (p < 0,001). Le groupe 2 mg/kg donnait des résultats intermédiaires (41,9 %) non différents statistiquement de ceux du placebo. Le nombre de répondeurs ACR50 et ACR70 était également
plus élevé dans le groupe CTLA4-Ig 10 mg/kg que dans le groupe
placebo. En termes de cinétique de réponse, la proportion de
répondeurs ACR20 était déjà significativement plus élevée dans
le groupe 10 mg/kg que dans le groupe placebo à J60 (une différence mais non significative était même déjà notable à J15). Tous
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les critères cliniques usuels ainsi que la CRP ont été significativement, et de façon pertinente, améliorés dans le groupe CTLA4Ig 10m/kg par rapport au placebo (certains de ces critères étaient
également significativement améliorés dans le groupe 2 mg/kg).
En outre, cette étude a évalué l’impact sur la qualité de vie des
patients à travers l’indice SF-36 : l’ensemble des items ainsi que
le score global sont significativement améliorés dans le groupe
CTLA4-Ig. La tolérance au traitement est apparue comme excellente : aucun effet secondaire n’a été significativement plus fréquent dans les groupes CTLA4-Ig que dans le groupe placebo ;
la seule différence significative est en faveur... du CTLA4-Ig,
puisque seuls 2,6 % d’effets indésirables sérieux ont été rapportés dans ce groupe contre 10,1 % dans le groupe placebo (p = 0,03).
Au total, les applications pratiques de ce concept de blocage du
deuxième signal d’activation des lymphocytes prennent vraiment
forme avec les résultats de cette grande étude : taux de réponse
clinicobiologique très intéressant avec la dose de 10 mg/kg, amélioration significative de la qualité de vie des patients et très bonne
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tolérance. On attend avec impatience les résultats d’autres études
conduites avec cette molécule dans la PR et les résultats sur la
progression radiographique.
P. Claudepierre, Créteil
1. Costimulatory blockade in patients with rheumatoid
arthritis : a pilot, dose-finding, double-blind, placebocontrolled clinical trial evaluating CTLA4-Ig and LEA29Y
eighty-five days after the first infusion.
Moreland LW, Alten R, Van Den Bosch F et al. ● Arthritis
Rheum 2002 ; 46 : 1470-9.
2. Treatment of rheumatoid arthritis by selective inhibition of T-cell activation with fusion protein CTLA4-Ig.
Kremer JM, Westhovens R, Leon Met al. ● N Engl J Med
2003 ; 349 : 1907-15.
Un matelas de fermeté moyenne serait plus bénéfique
pour les lombalgiques qu’un matelas ferme
L’homme passe près d’un tiers de son temps alité, et les
patients lombalgiques interrogent fréquemment leur médecin sur l’effet de la fermeté de leur matelas sur leur lombalgie. Il
est classique de recommander un lit ferme, bien qu’aucune preuve
scientifique ne vienne étayer cette donnée. À cet effet, des auteurs
espagnols ont réalisé une étude comparative, randomisée, en
double aveugle, pour évaluer l’effet d’un matelas ferme (groupe F)
versus celui d’un matelas de fermeté moyenne (groupe M) chez
des patients lombalgiques chroniques. Pour être inclus, les patients
devaient avoir une lombalgie sans douleur référée évoluant depuis
plus de trois mois et des douleurs en position allongée au lit et au
lever. Ils étaient informés de la réalisation de l’étude, mais ne
savaient pas que deux types de matelas étaient comparés. La randomisation était centralisée. Après l’évaluation initiale, les anciens
matelas de tous les patients participant ont été remplacés gratuitement par un matelas ferme [coté 2,3 sur une échelle européenne
officielle de 0 (très ferme) à 10 (très mou)] ou par un matelas de
fermeté moyenne [coté 5,6].
Les patients ont été évalués à l’inclusion et à J90. Les caractéristiques du matelas antérieur, les conditions de vie, l’état du patient
ont été enregistrés. Les critères principaux de jugement étaient
l’intensité de la douleur en position couchée au lit, au lever, et le
degré d’incapacité fonctionnelle (échelle de Roland-Morris).
Trois cent treize patients ont été inclus (158 dans le groupe F et
155 dans le groupe M). Il n’y avait pas de différences statistiquement significatives entre les deux groupes sur les principales caractéristiques à l’inclusion.
À 90 jours, des différences statistiquement significatives ont été
mises en évidence entre les deux groupes en termes de degré d’incapacité (amélioration de 3 points sur l’échelle de Roland Morris
dans la groupe F et amélioration de 4 points dans le groupe M ;
p = 0,008) et de survenue de douleurs au lever au cours de l’étude
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(p = 0,008). Des résultats proches de la signification statistique
ont également été observés en ce qui concerne l’intensité de la
douleur au lever, et la présence de lombalgie pendant l’étude, la
présence de lombalgie au lit pendant l’étude. La plus part des
patients s’améliorent sur les trois principaux critères entre J0 et
J90, les résultats étant plutôt en faveur plutôt du groupe M :
– douleur en position couchée : 77,8 % dans le groupe F versus
82,6 % dans le groupe M (p = 0,29) ;
– douleur au lever : 80,4 % dans le groupe F versus 85,8 % dans
le groupe M (p = 0,20) ;
– incapacité fonctionnelle : 68,3 % dans le groupe F versus 81,9 %
dans le groupe M (p = 0,005).
Aucun patient n’a demandé de remplacement du matelas pour
aggravation des douleurs pendant l’étude.
Cette étude a montré que le remplacement d’un matelas ancien
(au moins deux ans) par un matelas de fermeté moyenne est associé à une diminution de la douleur et à une amélioration fonctionnelle plus marquées qu’elles ne le sont en cas de remplacement par un matelas ferme. Les traitements associés utilisés par
les patients pendant l’étude ne sont pas décrits, et l’étude ne dure
que trois mois. Toutefois, la qualité méthodologique de l’étude
fait que ces résultats sont intéressants et fournissent des éléments
de réponse objectifs pour nos patients lombalgiques.
M. Marty, Créteil
Effect of firmness of mattress on chronic non specific low
back pain, randomised, double-blind, controlled, multicenter trial.
Kovacs FM, Abraira V, Pena A, Martin-Rodriguez JG,
Sanchez-Vera M, Ferrer E ● Lancet 2003 ; 362 : 1599-604.
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Plusieurs anti-TNF dans la spondylarthrite aussi
Un seul essai thérapeutique contrôlé était jusqu’à maintenant disponible concernant l’etanercept dans la spondylarthrite ankylosante. Cet essai, très en faveur de l’etanercept, ne portait que sur un faible effectif de patients et sur une courte durée
de traitement (40 patients, 3 mois). Dans ce contexte, on comprend l’intérêt de cet essai thérapeutique supplémentaire, multicentrique international, qui a, quant à lui, concerné 277 patients
pour une durée de traitement de 6 mois.
Les patients inclus étaient atteints de spondylarthrite ankylosante
répondant aux critères de New York, dans des formes actives de
la maladie ; l’activité était définie à partir d’une combinaison
d’échelles visuelles analogiques (EVA) de plus de 30 mm. Outre
le traitement symptomatique à dose stable (AINS, prednisone jusqu’à 10 mg par jour, antalgiques), les patients pouvaient également avoir suivi un traitement de fond à dose stable depuis
4 semaines au moment de l’inclusion (méthotrexate, sulfasalazine, hydroxychloroquine). Une stratification a eu lieu en fonction de la prise ou non d’un traitement de fond. Les 3/4 des patients
inclus étaient des hommes, de 42 ans en moyenne, sous AINS pour
92 % d’entre eux et sous au moins un traitement de fond pour
32 % d’entre eux. Le critère principal de jugement de l’efficacité
de l’etanercept comparativement au placebo était le nombre de
patients répondeurs, la réponse étant définie par les critères
ASAS 20 (ici, combinaison d’EVA).
Les résultats montrent que, à 3 mois, il existait 59 % de répondeurs dans le groupe etanercept contre seulement 28 % dans le
groupe placebo (p < 0,0001). De plus, cette efficacité de l’etanercept s’est produite précocement puisque la différence était significative dès la deuxième semaine ; elle s’est maintenue au cours
du temps : on observait à 6 mois 57 % de répondeurs dans le groupe
etanercept contre 22 % dans le groupe placebo. Chez une grande
proportion de répondeurs, l’amplitude de l’amélioration allait au-
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delà des critères ASAS 20 : on observait ainsi 17 % de patients
répondant aux critères de rémission partielle à 6 mois (contre 4 %
dans le groupe placebo). L’analyse de tous les critères secondaires,
l’EVA globale du patient, l’EVA de douleur rachidienne, le BASDAI, le BASFI, les critères biologiques (VS et CRP) étaient tous
nettement, et significativement, améliorés sous etanercept comparativement au placebo. On observait enfin une amélioration significative des mesures axiales (Schöber, ampliation thoracique, distance occiput/mur). La stratification réalisée montre que le facteur
“prise concomitante d’un traitement de fond” n’a pas eu d’influence
sur les résultats d’efficacité. En termes de tolérance, il n’y a eu
aucune surprise par rapport aux données connues dans la polyarthrite rhumatoïde ; les seuls effets secondaires qui aient été plus
fréquents dans le groupe etanercept que dans le groupe placebo
sont les réactions au point d’injection, les infections des voies
aériennes supérieures et les blessures accidentelles.
Au total, cette étude vient confirmer l’efficacité symptomatique
franche de l’etanercept dans des spondylarthrites ankylosantes
actives malgré un traitement important. Il s’agit par conséquent d’une
nouvelle illustration de l’intérêt des anti-TNFα dans le contrôle des
symptômes des spondylarthrites ankylosantes réfractaires. Ces médicaments auront-ils en outre un effet de freination, voire d’arrêt, de
la progression des lésions radiologiques ? Des éléments le laissent
penser, mais des études adaptées devront le prouver.
P. Claudepierre, Créteil
Recombinant human tumor necrosis receptor (etanercept) for treating ankylosing spondylitis.
Davis JC, Van der Heijde D, Braun J et al. ● Arthritis Rheum
2003 ; 48 : 3230-6.
La Lettre du Rhumatologue - n° 299 - février 2004
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