REVUE DE PRESSE
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Analyses de la littérature
La Lettre du Rhumatologue - n° 265 - octobre 2000
Si l’effet délétère de la corticothérapie sur l’os est bien
connu, l’incidence réelle du problème en termes de frac-
ture ne l’est que par les échantillons de population des essais cli-
niques thérapeutiques en prévention, ce qui est un biais de sélec-
tion. Il est donc très important de disposer d’une grande étude
épidémiologique de patients “ordinaires”. Cette information est
fournie par la General Practice Research Database, réseau de
médecins généralistes britanniques qui collectent par informa-
tique les données de leurs patients : 244 235 patients âgés de plus
de 18 ans prenant des corticoïdes ont pu être comparés au même
nombre de patients appariés par l’âge et le sexe, les indications
de corticothérapie étant variées, le plus souvent pour affections
respiratoires. Le risque relatif de fracture vertébrale est de 2,60,
celui de fracture de hanche de 1,61, et le risque relatif est de 1,33
pour l’ensemble des fractures non vertébrales. La sensibilité par-
ticulière de la colonne vertébrale, os trabéculaire, est ainsi confir-
mée. L’augmentation du risque fracturaire est manifeste dès le
troisième mois de traitement.
Il existe un effet dose (dose quotidienne moyenne = dose totale
divisée par la durée du traitement). L’augmentation du risque de
fracture de hanche apparaît dès la tranche 2,5 à 7,5 mg/j (RR :
1,77), et atteint 2,27 pour des doses supérieures à 7,5 mg/j ; l’aug-
mentation du risque de fracture vertébrale semble exister même
pour les doses inférieures à 2,5 mg/j (RR : 1,55), pour s’accen-
tuer très nettement au-delà (RR : 5,18) pour une dose supérieure
à 7,5 mg/j.
Cette augmentation du risque fracturaire dès les faibles doses est
particulièrement inquiétante par rapport à la pratique rhumatolo-
gique de plus en plus fréquente, recourant volontiers à la corti-
cothérapie à faibles doses...
L’âge est un facteur de mauvais pronostic : la courbe d’incidence
fracturaire est exponentielle dans le sexe féminin ; chez l’homme,
l’augmentation est manifeste à partir de l’âge de 65 ans. Par
contre, l’augmentation du risque fracturaire disparaît rapidement
en un an environ, à l’arrêt de la corticothérapie, ce qui est rassu-
rant, mais quand même étonnant puisque l’ostéoporose cortiso-
nique iatrogène n’a pas la réputation d’être réversible. Ce phé-
nomène pourrait s’expliquer par la fréquence des chutes, très
nettement augmentée pendant la corticothérapie (facteur muscu-
laire ?) et se normalisant à l’arrêt du traitement.
J.L. Kuntz, hôpital de Hautepierre, Strasbourg
Cortisone et os : un couple craquant !
Use of oral corticosteroids and risk of fractures.
Van Staa TP, Leufkens HGM, Abenhaim L, Zhang B,
Cooper C !J Bone Miner Res
2000 ; 15
: 993-1000.
Les facteurs de risque d’incidence de gonarthrose (nou-
veaux cas) ou de progression (aggravation) de la gonar-
throse ont été appréciés par le suivi d’une cohorte initiale de
583 patients à Bristol, examinés du point de vue clinique et radio-
graphique en 1990/91, revus en 1995/96 (suivi moyen de 5,1 ans)
pour 354 d’entre eux (99 hommes, 255 femmes). L’arthrose du
genou a été définie à partir des radiographies (clichés en charge)
selon la cotation de Kellgren Lawrence. L’incidence de la gonar-
throse a été de 2,5 % des patients par an, comparable à celle mise
en évidence dans d’autres études. Le facteur de risque principal
et majeur de survenue de gonarthrose est le surpoids : le risque
relatif est de 9,1 en comparant le tertile d’index de masse corpo-
relle supérieur au tertile inférieur. Les antécédents traumatiques,
l’activité sportive, la notion d’arthrose digitale ressortent comme
autres facteurs de risque. Toutefois, si l’on exige une progression
dans la cotation de Kellgren de deux grades au lieu d’un, seul le
facteur poids reste statistiquement significatif.
L’intensité de la douleur et la notion de polyarthrose (arthrose
digitale associée) pourraient être des facteurs de progression accé-
lérée de l’arthrose, mais l’étendue de l’intervalle de confiance ne
permet pas d’affirmer formellement ces risques. Globalement,
ces facteurs de risque sont moins nets pour l’aggravation de
l’arthrose que pour son incidence, y compris le surpoids. En étu-
diant séparément le critère “ostéophyte” et le critère “pincement
articulaire”, le surpoids est le facteur déterminant du pincement
de l’interligne articulaire.
Cette étude épidémiologique est intéressante par son caractère
longitudinal, la tentative de différencier les facteurs de risque de
l’incidence et de la progression de l’arthrose, mais l’interpréta-
tion est difficile car les facteurs identifiés ne sont pas les mêmes
selon que l’on définit une aggravation ou une incidence par la
progression d’un ou de deux grades dans la cotation de Kellgren.
J.L. Kuntz, hôpital de Hautepierre, Strasbourg
Facteurs de risque de gonarthrose : un problème de poids
Risk factors for the incidence and progression of radio-
graphic knee osteoarthritis.
Cooper C, Snow S, Mc Alindon TE et al. !Arthritis Rheum
2000 ; 43
: 995-1000. (ACR).