atteinte du rachis cervical au cours de la polyarthrite

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ATTEINTE DU RACHIS CERVICAL AU COURS
DE LA POLYARTHRITE RHUMATOIDE.
ASPECTS MEDICAUX.
MEDICAL ASPECTS OF CERVICAL SPINE
LOCALISATIONS IN RHEUMATOID ARTHRITIS
Y. Allanore, A. Kahan
Université Paris V, Service de Rhumatologie A, Hôpital Cochin, AP-HP, 75014 Paris
rachis cervical (2) ; elle a été déterminée à 14% dans
une série récente de patients traités précocement et au
long cours avec des traitements de fond (3). L’atteinte
du rachis cervical bas réalisant un aspect de spondylodiscite aseptique peut être focale ou multiple ; la fréquence de cette localisation est difficile à apprécier car
elle est moins souvent symptomatique et expose plus
rarement à des complications sévères. Des arthrites
articulaires postérieures avec spondylolisthésis sont
possibles.
a polyarthrite rhumatoïde (PR) est un rhumatisme inflammatoire chronique, de pathogénie
dysimmunitaire auto-immune, prédominant
dans le sexe féminin, caractérisé par des arthrites chroniques destructrices et déformantes. Cette maladie
appartient au groupe des connectivites ; il existe des
formes systémiques dont les manifestations extra-articulaires peuvent engager le pronostic vital, mais l’atteinte du tissu conjonctif est en général à prédominance synoviale. Sa prévalence en France est de l'ordre de
0,3 à 0,62 % de la population générale (1).
L’atteinte axiale du rachis cervical est une des complications classiques de la maladie mais sa prévalence a
fait l’objet de résultats très variables selon que les
signes cliniques, radiographiques ou en imagerie par
résonance magnétique étaient pris en compte.
L’atteinte la plus fréquente est une luxation atloïdoaxoïdienne notamment antérieure par rupture du ligament transverse de l’atlas; il a été rapporté une fréquence de 42% après 20 ans d’évolution de la PR dans
une série ancienne avec radiographie systématique du
L
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Facteurs de risque
L’atteinte cervicale est associée à l’importance des
érosions des articulations périphériques, aux facteurs
de susceptibilité tels les antigènes HLA (HLADRß*1 04),
ainsi qu’à la présence de facteurs rhumatoïdes et de
nodules rhumatoïdes. Dans une série récente, l’âge est
également apparu comme un facteur de risque, de
même que l’activité de la maladie dans le suivi (score
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DOSSIER
Article original
Y. Allanore, A. Kahan
groupe contrôle et la disparité des traitements de fond
utilisés limitent cette conclusion même si cette tendance avait déjà été suggérée (2).
Chez 187 patients souffrant d’une atteinte cervicale
ayant conduit à la réalisation d’une imagerie par résonance magnétique et/ou une chirurgie rachidienne, un
travail rétrospectif a étudié les facteurs associés à une
aggravation clinique définie par un recours chirurgical
lors du suivi ou un décès directement lié aux complications neurologiques (6). Le suivi médian est de 15
mois (4-84 mois) et 12% des patients ont une aggravation clinique. L’âge et la durée de la maladie n’étaient
pas différents entre les groupes avec et sans détérioration ; par contre, un nombre significativement plus
important de patients ont eu une arthroplastie périphérique dans le groupe qui s’aggrave, suggérant là encore une plus grande agressivité et tendance destructrice
chez les patients avec atteinte cervicale grave.
DAS), par contre la durée de la maladie n’était pas
associée au risque de développer une atteinte atloïdoaxoïdienne (3). En analyse multivariée, seul le score
radiographique de Larsen était significativement associé à ce risque confirmant l’association de cette atteinte aux formes érosives de PR ; les patients avec un
score radiographique supérieur à 10/100 après 5 ans de
suivi avaient 15,9 fois plus de risque (IC95% : 3,3874,7) de développer une atteinte atloïdo-axoïdienne
que ceux avec un score inférieur. L’association aux formes érosives avait précédemment été rapportée avec
notamment un plus grand recours aux arthroplasties
périphériques chez les patients avec atteintes cervicales sévères conduisant à une chirurgie rachidienne (4).
Par contre, aucune des caractéristiques cliniques, biologiques ou radiographiques au moment du diagnostic
n’était associée au risque d’atteinte cervicale haute, ce
qui confirme les difficultés à prédire au moment du
diagnostic de PR les patients à risque (5). Les résultats
récents (3) suggèrent une tendance à la diminution de
la prévalence de cette complication mais l’absence de
▲
L’analyse IRM montre que la présence de signes compressifs initiaux augmente le risque de détérioration.
Figure 1 a et b : Instabilité C1-C2 sur les clichés dynamiques.
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A
▲B
Atteinte du rachis cervical au cours de la polyarthrite rhumatoïde. Aspects médicaux
troubles sphinctériens. Une dislocation atloïdo-axoïdienne verticale peut engendrer une compression des
nerfs crâniens X, XI, XII ; une dislocation antéro-postérieure peut comprimer les racines C1 et C2 responsable de névralgie d’Arnold (7).
Une compression vasculaire semble exceptionnelle
mais peut être responsable de troubles visuels, vertiges
et paresthésies.
L’atteinte cervicale haute peut mettre en jeu le pronostic vital et les lésions évoluées peuvent engendrer des
compressions du tronc cérébral, de la moelle épinière,
voire des mort subites. Cependant l’association à une
surmortalité chez les patients avec PR et atteinte rachidienne cervicale semble surtout liée à la sévérité de la
maladie globale plus qu’à des décès directement à
relier au risque neurologique.
Explorations
Les radiographies standards sont la première étape de
l’évaluation en cas de suspicion d’atteinte cervicale.
Des clichés dynamiques en flexion/extension permettent d’apprécier le diastasis C1-C2 et sa réductibilité.
L’analyse de l’odontoïde et des articulations C0-C1C1-C2 repose sur un cliché en incidence de face bouche ouverte. Les critères diagnostiques radiographiques sont développés par ailleurs. Une des questions non réglée est le moment de réalisation de ces
clichés : si leur réalisation est indiscutable en cas de
signe clinique et en pré-opératoire avant une intubation, un dépistage systématique chez l’ensemble des
malades et le rythme éventuel de suivi restent discutés.
Certains proposent un cliché au début de la maladie,
surtout dans les formes potentiellement érosives afin
d’avoir un cliché de référence, puis attendent d’éventuels signes cliniques pour renouveler les radiographies.
Le scanner peut apporter une aide dans les dislocations
rotatoires, mais c’est l’IRM qui est l’examen de référence car elle permet d’apprécier le retentissement
neurologique, l’aspect de pannus de l’odontoïde et
explore plusieurs étages. Des techniques d’IRM dynamique sont en cours d’évaluation. L’étude des potentiels évoqués somesthésiques (8) semble assez spécifique (90%) mais peu sensible (56%) en détection, elle
apporte des informations sur le niveau lésionnel et
peut aider au suivi des malades non opérés et en peropératoire.
Figure 2 : Diastasis C1-C2.
Symptômes et signes
cliniques
Ils peuvent être variables et n’y a pas de parallélisme
entre ceux-ci et la sévérité des signes radiologiques.
Les signes les plus fréquents sont des douleurs sousoccipitales, cervicales, à la rotation latérale en cas
d’atteinte haute avec possible torticolis. Des craquements et instabilité sont plus rares.
Les signes neurologiques peuvent être initiaux ou
apparaître secondairement ; ils comportent : un signe
de Lhermitte, des signes pyramidaux (Babinski,
hyperréflexie), syndrome cordonal postérieur, signes
moteurs avec faiblesse musculaire des extrémités, des
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Traitements médicaux
Conclusion
Le traitement général repose sur celui de la maladie et
les progrès récents laissent augurer de grands espoirs. En
cas de douleur cervicale, des antalgiques adaptés sont
indispensables et une minerve avec appui mentonnier et
occipital semble utile mais mal tolérée, un collier souple
est moins efficace. Des infiltrations radio-guidées sont
parfois proposées et peuvent apporter un soulagement
parfois prolongé (9) mais ne peuvent être effectuées que
dans des centres très expérimentés. Cette technique semble utile en particulier en cas de souffrance radiculaire
C1-C2 et de décision de traitement conservateur. Les
indications chirurgicales sont développées par ailleurs.
L’atteinte du rachis cervical haut et bas n’est pas rare
au cours de la PR mais il est possible que la prévalence de cette complication soit en régression grâce à
l’apport des nouveaux traitements généraux de la maladie. Cette complication prédomine dans les formes
sévères, érosives, nodulaires, avec facteur rhumatoïde
positif. Un dépistage radiographique systématique
reste discuté et en cas de doute l’IRM est l’examen de
choix. Une surveillance clinique rapprochée est par
contre indispensable en cas de d’apparition de cette
complication.
■
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