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REVUE DE PRESSE
La Lettre du Rhumatologue - n° 259 - février 2000
La fréquence de la douleur chronique, définie par une durée
supérieure à trois ans, a été évaluée dans un échantillon de
population recruté à partir des listes de patients d’un cabinet de
médecine générale dans la région de Grampian, en Écosse, quel
que soit le motif de la consultation. L’enquête a été réalisée par
questionnaires expédiés par voie postale ; 3 605 réponses sur
5036 envois ont été obtenues.
50,4 % des personnes ayant répondu se plaignent de douleurs
chroniques ; pour un quart d’entre elles, la douleur a été estimée
sévère à très sévère. La fréquence de la douleur chronique aug-
mente avec l’âge (31,7 % dans la tranche 25-34 ans, 62 % après
75 ans), avec une fréquence légèrement plus élevée dans le sexe
féminin (51,8 % versus 48,9 %).
Les douleurs d’origine rhumatologique représentent un tiers des
douleurs chroniques : 16 % des personnes se plaignent de lom-
balgies chroniques, avec un taux comparable dans les différentes
tranches d’âges, 15,8 % des personnes se plaignent de douleurs
articulaires chroniques, avec une augmentation de fréquence en
fonction de l’âge (1,1 % pour les 25-34 ans, 28,1 % chez les plus
de 75 ans).
En résumé, la moitié de la population se plaint de douleurs chro-
niques. Une personne sur 6 (16 %) se plaint de douleurs rhuma-
tismales chroniques. Du pain sur la planche et un beau challenge
à relever pour les rhumatologues dont la vocation prééminente
dans la lutte contre la douleur est soulignée par les données de
cette enquête épidémiologique.
J.L. Kuntz, hôpital de Hautepierre, Strasbourg
Souffrance partagée
The epidemiology of chronic pain in the community.
Elliott A.M., Smith H., Penny K.I., Smith W.C., Chambers
W.A. ●Lancet
1999 ; 354
: 1248-52.
La thalidomide, de sinistre mémoire, reste utilisée par les
dermatologues dans certaines vascularites cutanées. Son
effet sur les cytokines (diminution du TNF, augmentation de l’in-
terleukine 10), lui donne un profil intéressant pour le traitement
de la polyarthrite rhumatoïde. La thalidomide a aussi des effets
inhibiteurs de l’angiogenèse ; or la néoangiogenèse est un élé-
ment primordial de la progression des tumeurs cancéreuses. Au
cours des myélomes, il existe une importante vascularisation
médullaire attribuée à la surproduction de facteurs angiogéniques
(VEGF, FGF), d’où l’idée d’utiliser la thalidomide dans cette
affection, idée proposée et appliquée chez un patient unique dès
1965.
La thalidomide, en monothérapie, à une dose initiale de 200 mg/j,
augmentée régulièrement dans la mesure du possible jusqu’à
800 mg/j, chez 84 cas de myélomes graves, réfractaires aux trai-
tements classiques, y compris une polychimiothérapie lourde, a
permis une réponse chez 32 % des patients, la réponse étant défi-
nie par une diminution du composant monoclonal supérieure ou
égale à 25 %. Six patients sur 84 sont en quasi-rémission (dimi-
nution du composant monoclonal supérieure de 90 %), deux en
rémission complète. La plasmocytose médullaire a diminué, par-
fois de façon spectaculaire.
Certes, une progression du composant monoclonal a été notée
chez deux tiers des patients malgré le traitement, et la moitié des
patients répondeurs ont rechuté dans l’année. Mais la proportion
de 32 % de répondeurs, parfois de façon quasi miraculeuse, est
à considérer comme particulièrement remarquable, vu la gravité
de ces myélomes au-delà de toute ressource thérapeutique. 58,5 %
des patients restent vivants à un an.
La toxicité du traitement a été acceptable. Un tiers des patients
se plaignaient de faiblesse, asthénie, fatigue, somnolence, mais
seulement 11 % ont dû arrêter le traitement pour intolérance ;
seuls quelques rares cas de toxicité hématologique (anémie, leu-
copénie, thrombopénie) sont survenus.
Il n’est pas sûr que cet effet antitumoral de la thalidomide passe
effectivement par le mécanisme présumé d’inhibition de l’an-
giogenèse, puisque la densité de la microvascularisation médul-
laire n’a pas diminué. L’association de la thalidomide à la chi-
miothérapie permet d’espérer une meilleure réponse et fait
envisager l’utilisation de ce traitement dans ces conditions à des
stades moins avancés du myélome.
J.L. Kuntz, hôpital de Hautepierre, Strasbourg
Thalidomide et myélome : une surprenante efficacité
Antitumor activity of thalidomide in refractory mul-
tiple myeloma.
Singhai S., Mehta J., Desikan R., Ayers D., Roberson P.,
Eddlemon P., Munsh N., Anaissie E., Wilson C.,
Dhodapkar M., Zeldis J., Barlogie B. ●N Engl J Med
1999 ; 341
: 1565-71.