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La Lettre du Rhumatologue - n° 259 - février 2000
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie auto-
immune mais l’auto-antigène à l’origine de cette réaction
est toujours inconnu. La souche de souris K/BxN transgénique
pour le récepteur T développe spontanément une maladie qui s’ap-
parente à la PR. Les auteurs savaient déjà que la maladie était
transférable à des souris saines par l’administration des immu-
noglobulines G (IgG) provenant de souris K/BxN.
Il restait donc à identifier l’auto-antigène contre lequel ces IgG
arthritogènes étaient dirigées. Un screening de différents extraits
tissulaires montre que ces anticorps reconnaissent une protéine
de 60 kDa qui, après purification, extraction, digestion enzyma-
tique, séquençage et comparaison aux banques de données pro-
téiques disponibles, s’avère être la glucose-6-phosphate isomé-
rase (GPI). Cette enzyme est une protéine ubiquitaire, intervenant
dans la glycolyse, de localisation cytoplasmique mais aussi détec-
tée à l’état de traces dans le sérum. Pourquoi une réaction contre
une protéine ubiquitaire n’engendrerait-elle qu’une symptoma-
tologie articulaire ? Après avoir rendu peu probable l’hypothèse
d’une réaction croisée des anti-GPI avec une protéine d’expres-
sion purement synoviale, les auteurs suggèrent que la GPI aurait
une expression différente dans la synoviale par rapport aux autres
tissus de l’organisme. Cette expression différente serait à l’ori-
gine de la symptomatologie purement articulaire par un méca-
nisme pour l’instant inconnu.
Ces résultats pour le moins inattendus sont importants à plus d’un
titre : remise au goût du jour de la voie des lymphocytes B dans
la pathogénie de la PR et de la coopération T/B, alors que le para-
digme dominant est celui de la voie des lymphocytes T ; renfor-
cement de la théorie de la responsabilité d’un auto-antigène dans
le déclenchement de l’arthrite, ce qui ne manquera pas de stimu-
ler les recherches du ou des auto-antigène(s) responsable(s) ;
potentialités thérapeutiques. Cependant, et les auteurs prennent
bien soin de le souligner, l’extrapolation aux PR humaines doit
être prudente, car la “sémiologie” dans le modèle animal n’est
pas tout à fait superposable à celle de l’être humain.
C. Bologna, Mende
Le mystérieux auto-antigène responsable du déclenchement
de la polyarthrite rhumatoïde serait-il démasqué ?
Arthritis provoked by linked T and B cell recognition of
a glycolytic enzyme.
Matsumoto I., Staub A., Benoist C., Mathis D. Science
1999 ; 286
: 1732-5.
Dans trois études multicentriques, randomisées, double
aveugle contre placebo, un effet bénéfique de la sulfasala-
zine (SZL) a été montré dans le rhumatisme psoriasique (RP), les
arthrites réactives (AR) et, à un moindre degré, dans la spondyl-
arthrite ankylosante (SPA). Mais, depuis, de nouvelles données
suggéraient une réponse différente à la SZL selon le caractère
axial ou périphérique de l’atteinte. Les auteurs ont donc décidé
de faire une analyse a posteriori de leurs trois études en compa-
rant la réponse à la SZL selon le type des manifestations cliniques.
L’atteinte axiale était définie comme l’absence de synovite,
l’atteinte périphérique comme la présence de plus d’une syno-
vite, alors que l’atteinte isolée de l’épaule ou de la hanche était
classée comme atteinte axiale. La SZL était donnée à la dose
de 2 g/j. Les trois études regroupaient 619 patients (264 SPA,
221 RP et 134 AR), qui se répartissaient en 187 patients ayant
une atteinte axiale, dont 97 traités par SZL et 90 par placebo, et
432 patients ayant une atteinte périphérique, dont 212 traités par
SZL et 220 par placebo. Le taux de réponse dans le groupe axial
n’était pas différent entre SZL et placebo ; en revanche, il était
significativement plus élevé avec la SZL dans le groupe péri-
phérique (p = 0,0007) par rapport au placebo. De toutes les
variables analysées, seule la VS diminue significativement dans
le groupe SZL axial, alors que la VS, le nombre d’articulations
douloureuses et gonflées, ainsi que la consommation d’AINS
diminuent significativement sous SZL dans le groupe périphé-
rique. Les arrêts sont aussi fréquents avec la SZL qu’avec le pla-
cebo dans les deux groupes.
On peut arguer, pour rester prudent quant aux résultats de cette
analyse, de la difficulté de la classification des patients en axial
et périphérique, de la dose non maximale de SZL testée (2 g au
lieu de 3 g/j) et de la légère irrégularité statistique de l’analyse
de groupes constitués a posteriori et non préalablement à la réa-
lisation des trois essais thérapeutiques. De cette étude, on retien-
dra cependant qu’elle confirme l’impression clinique d’une bonne
efficacité avec bonne tolérance de la SZL dans les formes péri-
phériques de spondylarthropathies. Dans les formes axiales, l’ef-
fet de la SZL est au mieux modeste, le nombre de patients n’étant
peut-être pas encore assez grand pour le mettre en évidence.
C. Bologna, Mende
Le rachis des spondylarthropathies est peu sensible
à la sulfasalazine
Comparison of sulfasalazine and placebo for the treat-
ment of axial and peripheral articular manifestations
of the seronegative spondylarthropathies.
Clegg D.O., Reda D.J., Abdellatif M. Arthritis Rheum
1999 ; 42
: 2325-9.
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La fréquence de la douleur chronique, définie par une durée
supérieure à trois ans, a été évaluée dans un échantillon de
population recruté à partir des listes de patients d’un cabinet de
médecine générale dans la région de Grampian, en Écosse, quel
que soit le motif de la consultation. L’enquête a été réalisée par
questionnaires expédiés par voie postale ; 3 605 réponses sur
5036 envois ont été obtenues.
50,4 % des personnes ayant répondu se plaignent de douleurs
chroniques ; pour un quart d’entre elles, la douleur a été estimée
sévère à très sévère. La fréquence de la douleur chronique aug-
mente avec l’âge (31,7 % dans la tranche 25-34 ans, 62 % après
75 ans), avec une fréquence légèrement plus élevée dans le sexe
féminin (51,8 % versus 48,9 %).
Les douleurs d’origine rhumatologique représentent un tiers des
douleurs chroniques : 16 % des personnes se plaignent de lom-
balgies chroniques, avec un taux comparable dans les différentes
tranches d’âges, 15,8 % des personnes se plaignent de douleurs
articulaires chroniques, avec une augmentation de fréquence en
fonction de l’âge (1,1 % pour les 25-34 ans, 28,1 % chez les plus
de 75 ans).
En résumé, la moitié de la population se plaint de douleurs chro-
niques. Une personne sur 6 (16 %) se plaint de douleurs rhuma-
tismales chroniques. Du pain sur la planche et un beau challenge
à relever pour les rhumatologues dont la vocation prééminente
dans la lutte contre la douleur est soulignée par les données de
cette enquête épidémiologique.
J.L. Kuntz, hôpital de Hautepierre, Strasbourg
Souffrance partagée
The epidemiology of chronic pain in the community.
Elliott A.M., Smith H., Penny K.I., Smith W.C., Chambers
W.A. Lancet
1999 ; 354
: 1248-52.
La thalidomide, de sinistre mémoire, reste utilisée par les
dermatologues dans certaines vascularites cutanées. Son
effet sur les cytokines (diminution du TNF, augmentation de l’in-
terleukine 10), lui donne un profil intéressant pour le traitement
de la polyarthrite rhumatoïde. La thalidomide a aussi des effets
inhibiteurs de l’angiogenèse ; or la néoangiogenèse est un élé-
ment primordial de la progression des tumeurs cancéreuses. Au
cours des myélomes, il existe une importante vascularisation
médullaire attribuée à la surproduction de facteurs angiogéniques
(VEGF, FGF), d’où l’idée d’utiliser la thalidomide dans cette
affection, idée proposée et appliquée chez un patient unique dès
1965.
La thalidomide, en monothérapie, à une dose initiale de 200 mg/j,
augmentée régulièrement dans la mesure du possible jusqu’à
800 mg/j, chez 84 cas de myélomes graves, réfractaires aux trai-
tements classiques, y compris une polychimiothérapie lourde, a
permis une réponse chez 32 % des patients, la réponse étant défi-
nie par une diminution du composant monoclonal supérieure ou
égale à 25 %. Six patients sur 84 sont en quasi-rémission (dimi-
nution du composant monoclonal supérieure de 90 %), deux en
rémission complète. La plasmocytose médullaire a diminué, par-
fois de façon spectaculaire.
Certes, une progression du composant monoclonal a été notée
chez deux tiers des patients malgré le traitement, et la moitié des
patients répondeurs ont rechuté dans l’année. Mais la proportion
de 32 % de répondeurs, parfois de façon quasi miraculeuse, est
à considérer comme particulièrement remarquable, vu la gravité
de ces myélomes au-delà de toute ressource thérapeutique. 58,5 %
des patients restent vivants à un an.
La toxicité du traitement a été acceptable. Un tiers des patients
se plaignaient de faiblesse, asthénie, fatigue, somnolence, mais
seulement 11 % ont dû arrêter le traitement pour intolérance ;
seuls quelques rares cas de toxicité hématologique (anémie, leu-
copénie, thrombopénie) sont survenus.
Il n’est pas sûr que cet effet antitumoral de la thalidomide passe
effectivement par le mécanisme présumé d’inhibition de l’an-
giogenèse, puisque la densité de la microvascularisation médul-
laire n’a pas diminué. L’association de la thalidomide à la chi-
miothérapie permet d’espérer une meilleure réponse et fait
envisager l’utilisation de ce traitement dans ces conditions à des
stades moins avancés du myélome.
J.L. Kuntz, hôpital de Hautepierre, Strasbourg
Thalidomide et myélome : une surprenante efficacité
Antitumor activity of thalidomide in refractory mul-
tiple myeloma.
Singhai S., Mehta J., Desikan R., Ayers D., Roberson P.,
Eddlemon P., Munsh N., Anaissie E., Wilson C.,
Dhodapkar M., Zeldis J., Barlogie B. N Engl J Med
1999 ; 341
: 1565-71.
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La Lettre du Rhumatologue - n° 259 - février 2000
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L’indication opératoire est facile à poser au cours de l’hy-
perparathyroïdie primitive (HPT) compliquée de troubles
psychiques, digestifs, rénaux ou osseux évidents. En revanche,
dans l’HPT modérée, la conduite thérapeutique reste très contro-
versée.
Khosla et coll. ont évalué rétrospectivement (sur la période 1965-
1992, région de Rochester, Minnesota) l’incidence des fractures
survenues dans un groupe de 407 sujets atteints d’HPT (le plus
souvent modérée). Le risque fracturaire a été calculé en compa-
rant le nombre de fractures à chaque site à celui attendu pour la
population générale.
Quatre cent soixante et onze fractures sont survenues sur une
période de 5 766 personnes-année de suivi. Le risque fracturaire
était globalement accru dans le groupe HPT (ratio standardisé
d’incidence [RSI] : 1,3). Le risque était plus marqué pour les frac-
tures vertébrales (RSI : 3,2), de l’avant-bras (RSI : 2,2), des côtes
(RSI : 2,7) et du bassin (RSI : 2,1) que pour les fractures de l’ex-
trémité supérieure du fémur (RSI : 1,4). En analyse multivariée,
seuls l’âge et le sexe féminin étaient des facteurs de risque indé-
pendants de fracture, alors qu’en analyse univariée le taux de cal-
cémie semblait également intervenir.
En conclusion, l’HPT, même modérée, expose à un risque accru
de fracture, notamment dans les populations féminines âgées. Un
traitement chirurgical devrait donc être plus souvent proposé à
ces patientes.
E. Thomas, hôpital Lapeyronie, Montpellier
Y a-t-il un risque accru de fracture au cours
de l’hyperparathyroïdie primitive ?
Primary hyperparathyroidism and the risk of fracture :
a population-based study.
Khosla S., Melton III L.J., Wermers R.A., Crowson C.S.,
O’Fallon W.M., Riggs B.L. J Bone Miner Res
1999 ; 14
:
1700-7.
Analyses de la littérature
Les lombalgies communes représentent, malgré leur béni-
gnité apparente, une part importante des dépenses de santé.
En France, près de six millions de consultations sont liées chaque
année à ce problème, avec un coût d’un milliard de francs. La
place respective des différents traitements reste très discutée.
Andersson et coll. ont réalisé une intéressante étude contrôlée et
randomisée évaluant le traitement conventionnel (antalgiques,
anti-inflammatoires non stéroïdiens, physiothérapie, rééduca-
tion...) avec ou sans manipulations vertébrales.
Le critère d’inclusion était la présence d’une lombalgie commune
(mécanique) évoluant depuis plus de trois semaines et moins de
six mois. Toutes les lombalgies symptomatiques étaient exclues.
De même, les patients présentant une affection générale sévère,
en arrêt de travail ou présentant un problème psychiatrique ne
pouvaient pas participer à l’étude.
La durée du suivi a été fixée à 12 semaines. Les critères d’éva-
luation étaient : l’échelle visuelle de douleur, les échelles de qua-
lité de vie (Roland-Morris, Oswestry) et la mobilité rachidienne.
Sur les 155 patients qui ont terminé l’étude, 72 avaient été
traités “classiquement” et les autres par manipulations. À
12 semaines, 90 % des patients ont été améliorés, sans différence
significative entre les deux groupes. La consommation de médi-
caments antalgiques et le nombre de prescriptions de rééducation
étaient moins importants dans le groupe manipulation.
Les auteurs concluent que les manipulations représentent un trai-
tement efficace des lombalgies communes subaiguës et chro-
niques de moins de six mois d’évolution. Il aurait été toutefois
intéressant de comparer l’évolution de ces six groupes à celle de
groupes placebo pour se faire une opinion plus précise sur l’in-
térêt réel des manipulations dans une affection où l’évolution
habituelle est la guérison...
E. Thomas, hôpital Lapeyronie, Montpellier
Traitement des lombalgies : les manipulations efficaces ?
A comparison of osteopathic spinal manipulation with
standard care for patients with low back pain.
Andersson G.B.J., Lucente T., Davis A.M., Kappler R.E.,
Lipton J.A., Leurgans S. N Engl J Med
1999 ; 341
:
1426-31.
Les autres articles à ne pas manquer
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Os et métabolisme phosphocalcique
Monofluorophosphate combined with hormone replacement therapy induces a synergistic effect
on bone mass by dissociating bone formation and resorption in postmenopausal women : a ran-
domized study.
Alexandersen P., Riis B.J., Christiansen C. J Clin Endocrinol Metab 1999 ; 84 : 3013-20.
L’association fluor et THS a un effet synergique sur la masse osseuse en dissociant les activités de formation et de résorption
osseuse.
Risedronate therapy prevents corticosteroid-induced bone loss.
Cohen S., Levy R.M., Keller M. et coll. Arthritis Rheum 1999 ; 42 : 2309-18.
Le risédronate prouve son efficacité dans la prévention de l’ostéoporose cortico-induite.
Arthrose
Cartilage protection by nitric oxide synthase inhibitors after intraarticular injection of inter-
leukin-1ß in rats.
Presle N., Cipolletta C., Jouzeau J.Y. et coll. Arthritis Rheum 1999 ; 42 : 2094-102.
Article intéressant qui montre l’effet bénéfique de deux formes d’inhibiteurs du NO (un qui inhibe les formes inductibles et
constitutives et l’autre qui inhibe les formes seulement inductibles) sur un modèle d’arthrite du rat induit par injection intra-
articulaire d’IL1ß.
Auto-immunité
High-dose chemotherapy and syngeneic hemopoietic stem-cell transplantation for severe, sero-
negative rheumatoid arthritis.
McColl G., Kohsaka H., Szer J. et coll. Ann Intern Med 1999 ; 7 : 507-9.
Une allogreffe d’un jumeau monozygote à son frère souffrant de PR : succès à deux ans de suivi. L’intérêt est que le receveur
acquiert un répertoire lymphocytaire T pratiquement identique à celui de son frère (alors qu’ils différaient au départ).
A phase I/II dose escalation study of intensified cyclophosphamide and autologous blood stem cell
rescue in severe, active rheumatoid arthritis.
Snowden J.A., Biggs J.C., Milliken S.T., Fuller A., Brooks P.M. Arthritis Rheum 1999 ; 42 : 2286-92.
Immunosuppression intensive et greffe de moelle dans la PR sévère. Le jeu en vaut-il toujours la chandelle à l’approche de la
mise prochaine sur le marché des anti-TNF ?
Rhumatismes inflammatoires
Extrahepatic manifestations of chronic hepatitis C.
Cacoub P., Poynard T., Ghillani P. et coll. Arthritis Rheum 1999 ; 42 : 2204-12.
Soixante-quatorze pour cent des patients porteurs d’une hépatite C ont des manifestations extrahépatiques cliniques (arthralgie
23 %). Une cryoglobulinémie est présente dans 40 % des cas.
Serum levels of hyaluronan, antigenic keratan sulfate, matrix metalloproteinase 3, and tissue
inhibitor of metalloproteinases 1 change predictably in rheumatoid arthritis patients who have
begun activity after a night of bed rest.
Manicourt D.H., Poilvache P., Nzeusseu A. et coll. Arthritis Rheum 1999 ; 42 : 1861-9.
De la prudence à interpréter des marqueurs au cours de la PR. En effet, l’exercice matinal entraîne des fluctuations importantes
des taux d’acide hyaluronique, MMP-3, kératane sulfate ...
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