Objectif SNC edimark

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MISE AU POINT
!
.
Le traumatisé crânien :
pronostic
Traumatic brain injury: prognosis
C. Benaïm1, 2, 3, I. Benatru1, 4
E
n l’absence d’enquête épidémiologique nationale, l’incidence annuelle des traumatismes
crâniens (TC) n’est pas connue en France. On
peut toutefois l’estimer grâce aux études réalisées à
l’étranger ou dans certaines régions françaises. Elle
serait comprise entre 150 et 300 pour 100 000 habitants, et son taux de mortalité irait de 7 à 17 %.
Parmi les survivants, le TC est considéré comme léger
dans 80 % des cas, modéré dans 11 % et grave dans
9 %. Les TC graves étaient définis dans l’enquête
d’Aquitaine par un coma (score à l’échelle de coma
de Glasgow inférieur ou égal à 8) et/ou une image
anormale sur les examens neuro-radiologiques.
On peut donc estimer l’incidence des TC graves
à environ 25/100 000 habitants/an. Les hommes
sont plus touchés que les femmes (3/1), avec un pic
de fréquence situé entre 15 et 25 ans. Les accidents
de la circulation restent la cause principale, dans
une proportion qui croît avec la gravité du TC. Les
lésions associées sont fréquentes, d’autant plus que
le TC est grave, et elles sont sources de séquelles.
De nombreux auteurs ont tenté de trouver
des indices pronostiques de récupération à court et
long terme après TC, avec plus ou moins de réussite. La synthèse de cette littérature est difficile en
raison de la diversité des protocoles d’études et,
en particulier, de celle des indices utilisés pour
mesurer le degré de récupération.
Nous rappelons ici les principales séquelles rencontrées chez les personnes atteintes de TC ainsi que
les principaux facteurs cliniques, radiologiques et
neuro-physiologiques présentés dans la littérature
comme susceptibles d’influencer l’évolution à court
et à long terme.
Principales séquelles des TC
Les évolutions possibles après un TC vont de la mort
à la récupération ad integrum, en passant par l’état
végétatif chronique et par tous les degrés d’atteinte
motrice et cognitive. L’échelle de devenir Glasgow
Outcome Scale (GOS) [tableau I] est souvent utilisée
pour classer les patients en fonction des séquelles
(1). Ainsi parle-t-on de “GOS 2” pour un patient
en état végétatif chronique, de “GOS 3” pour un
patient présentant de lourdes séquelles imposant
l’aide d’une tierce personne, etc.
Les principales séquelles d’un TC isolé sont de
plusieurs ordres : neurologiques, auxquelles s’ajoutent les inévitables conséquences sur l’appareil locomoteur, cognitives et psychologiques, en raison des
répercussions sur la personnalité et le comportement.
La complexité des tableaux cliniques résultant de ces
atteintes nécessite, pour une évaluation précise, la
prise en charge par une équipe multi­disciplinaire
médicale (médecin physique, neurologue, psychiatre,
Tableau I. Score de devenir Glasgow Outcome Scale.
1
Pôle rééducation-réadaptation,
CHU de Dijon.
Glasgow Outcome Scale (GOS)
5 : bonne récupération ; le patient est indépendant, sans déficit neurologique ou avec un déficit neurologique léger
4 : handicap modéré ; le patient a un déficit neurologique ou intellectuel mais est indépendant
3 : handicap sévère ; le patient est conscient mais totalement dépendant dans les activités de la vie quotidienne
2 : état végétatif
1 : décès
Inserm U887, université de Bourgogne, faculté des sciences du sport,
campus universitaire Montmuzard,
Dijon.
2
3 CIC-P Inserm 803, Dijon.
4 Service de neurologie, hôpital
général, Dijon.
La Lettre du Neurologue • Vol. XIII -n° 11 - décembre 2009 | 359
Points forts
Mots-clés
Traumatisme crânien
Séquelles
Pronostic
Summary
The incidence of traumatic
brain injuries (TBI) in France
has been estimated between
150 and 300.000 cases per
year. Traumatic brain injury
produces long term disabling
effects in a young population.
It is responsible for physical,
cognitive and psychological
deficiencies, whose assessments have to be performed
by a multidisciplinary team
(physicians, physiotherapists,
occupational therapists, speech
therapists, neuro-psychologists
and psychologists). In moderate
and severe TBI, physical and
cognitive deficiencies are
strongly associated with the
ongoing disruption of social
networks, employability, and
return to work.
The Glasgow Outcome Scale
is widely used to grade the
outcome according to the
degree of recovery, that can
take from a few weeks to
several months or even years.
After a TBI, the main prognosis
factors are initial severity (as
measured by the Glasgow
Coma Scale), age, duration of
the post-traumatic amnesia,
the number, the depth and
the variety of brain lesions.
However, the initial severity of
TBI does not necessarily correlate with the outcome, except
for extreme cases, while the
profile of recovery during the
first days or the first weeks is
a determining factor.
Keywords
Traumatic brain injury
Sequelae
Prognosis
»» L’incidence des traumatismes crâniens (TC) en France est estimée se situer entre 150 000 et 300 000 cas par an.
Parmi les survivants, 20 % sont considérés comme des cas modérés ou graves et garderont des séquelles incompatibles
avec le retour à la vie antérieure.
»» Les TC sont responsables de multiples déficiences physiques, cognitives et psychologiques dont l’évaluation doit
être multidisciplinaire (médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, neuropsychologues, psychologues, orthophonistes, etc.).
»» Le score de devenir Glasgow Outcome Scale est largement utilisé pour classer l’évolution en cinq stades selon
le degré de récupération. Celle-ci peut prendre plusieurs semaines, mois, voire années.
»» Les principaux facteurs pronostiques sont : la sévérité initiale mesurée par le score de coma de Glasgow, l’âge,
la durée de l’amnésie post-traumatique, le nombre, la profondeur et la diversité des lésions. Toutefois, en dehors
des cas extrêmes, la sévérité initiale du TC n’est pas forcément corrélée à l’évolution, alors que le profil de récupération durant les premiers jours ou les premières semaines est déterminant.
généraliste) et paramédicale (kinésithérapeute,
ergothérapeute, neuropsychologue, psychologue,
psychomotricien et orthophoniste).
À partir de quel délai peut-on parler
de séquelles définitives ?
Cette question ne fait pas l’objet d’un consensus,
et de nouvelles publications sortent régulièrement,
venant contredire ce que nos maîtres nous enseignaient il y a 10 ou 20 ans. Néanmoins, il est possible
de dégager quelques points de repère pour le patient
présentant une lésion hémisphérique isolée.
»» L’incapacité de préhension résultant de l’atteinte
sensitivo-motrice du membre supérieur est de très
mauvais pronostic si l’on n’observe pas l’amorce
d’une récupération analytique à 1 mois. À l’inverse,
la possibilité d’effectuer à ce stade un mouvement
d’approche, une prise globale et un lâcher actif
laisse supposer une évolution favorable, qui pourra
demander des mois.
»» La marche, conditionnée davantage par la récupération de l’équilibre du tronc que par la récupération
motrice du membre inférieur peut se modifier sur
plusieurs mois, et l’on peut voir évoluer des patients
après 6 ou 9 mois. Il s’agit généralement non pas
d’une amélioration de l’examen moteur analytique,
mais d’une progression des performances en termes
d’équilibre et d’endurance.
»» L’évolution des fonctions supérieures peut se faire
sur 1 année, parfois 2 ou plus, en fonction non seulement de la sévérité des déficiences, mais également
de la motivation du patient (absence d’anosognosie),
des possibilités de prise en charge spécialisée et de
l’existence d’un environnement familial favorable.
»» D’autres éléments comme les troubles sphinctériens ou de la déglutition peuvent également évoluer
à distance du TC.
»» Dans les cas les plus défavorables, la persistance
d’un coma profond est heureusement très rare, l’évolution se faisant généralement vers un état végétatif
ou paucirelationnel. Précisons ici que l’on ne parle
d’ “état végétatif chronique” (ou “persistant”) qu’après
12 ou 18 mois d’évolution, contrairement aux étiologies médicales, pour lesquelles le délai n’est que
de 3 à 6 mois.
360 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 11 - décembre 2009 Séquelles physiques
Les séquelles neurologiques sont de gravité variable.
Elles dépendent essentiellement de la lésion cérébrale
initiale et des lésions périphériques associées au TC.
Ainsi, il n’est pas rare de retrouver chez un patient
victime d’un accident de moto avec impact latéral
un déficit hémicorporel controlatéral au côté de
l’impact (par lésion cérébrale) et une paralysie flasque
du membre supérieur du côté de l’impact (par lésion
du plexus brachial), aggravant considérablement le
pronostic fonctionnel. À cela s’ajoutent les polyneuro­
pathies de réanimation et les syndromes canalaires
causés par le décubitus prolongé, heureusement peu
fréquents dans leurs formes graves. Chaque déficience
évolue alors pour son propre compte et le pronostic
n’est pas toujours facile à établir.
Séquelles cognitives
Toutes les fonctions cognitives peuvent être touchées
après un TC, en fonction du nombre et de la localisation
des lésions. À la différence des accidents vasculaires cérébraux, où les lésions sont plus ou moins systématisées,
la diversité des lésions traumatiques, à la fois focales
et diffuses, explique une symptomatologie riche et
complexe. Toutefois, les contusions frontales et temporales, résultant de chocs directs de l’encéphale contre
la boîte crânienne, sont relativement plus fréquentes.
Ainsi, les fonctions cognitives les plus touchées sont les
fonctions exécutives et mnésiques, s’associant à des
troubles psycho-affectifs et comportementaux que l’on
considère souvent comme “spécifiques” du traumatisé
crânien. Il faut d’ailleurs rappeler ici que, même en l’absence de lésions visibles des lobes frontaux, des lésions
diffuses peuvent s’accompagner de dysfonctionnements
frontaux, mis en évidence par les techniques de neuroimagerie fonctionnelle et probablement liés à un défaut
d’activation de réseaux neuronaux impliquant les régions
préfrontales et cingulaires (2).
Depuis les travaux de Luria dans les années 1970,
on distingue classiquement le syndrome préfrontal
dorso-latéral, où les patients sont passifs et apragmatiques, du syndrome orbito-basal, caractérisé par
une désinhibition et des comportements compulsifs.
Plus récemment, O. Godefroy et al. ont proposé la
MISE AU POINT
Le traumatisé crânien :
pronostic
classification suivante des troubles comportementaux
du syndrome frontal ou “syndrome dysexécutif” (3) :
»» l’hypoactivité globale avec aboulie et/ou apathie
et/ou aspontanéité ;
»» l’hyperactivité globale avec distractibilité et/ou
impulsivité et/ou désinhibition ;
»» les persévérations et les stéréotypies ;
»» le syndrome de dépendance à l’environnement
avec des comportements de préhension pathologique, d’imitation et d’utilisation.
À cela il faut ajouter la fréquente anosognosie, élément
déterminant dans la prise en charge rééducative. Au
maximum, on peut observer un mutisme akinétique,
qui est à différencier des états de conscience altérée
(état végétatif et état paucirelationnel).
En dehors de ces tableaux typiques peuvent être
observés, selon les cas, des troubles du langage,
des praxies et des gnosies, sources d’incapacités
plus ou moins sévères.
Séquelles psychologiques
Elles s’organisent autour de la réaction psychogène à l’accident et à ses conséquences en termes de déficiences,
d’incapacités et de handicap social. La personnalité
prétraumatique peut également orienter l’expression
de ces troubles (un psychopathe reprendra sa trajectoire jusqu’au prochain accident…). Des manifestations paroxystiques soudaines, passagères, révélant des
émotions non contenues d’anxiété, de peur intense, de
colère, peuvent entraîner des accès d’agressivité. Ces
troubles parfois spectaculaires sont particulièrement
fréquents et bruyants en phase initiale, notamment
lorsque les déficiences physiques sont mineures et que
le patient est ambulatoire (risque de fugue). Un état
psychopathologique antérieur normal, un environnement psycho-affectif favorable et une prise en charge
spécialisée permettront généralement d’améliorer
cette symptomatologie. Un épisode dépressif majeur
est fréquent, réactionnel à la prise de conscience par le
patient de son état et de la réaction de son entourage.
De même que l’évolution des déficiences neurotraumatologiques et neuro­psychologiques est lente, le début
du travail de deuil peut être tardif.
lors qu’il y a eu une perte de connaissance, même
brève. Il disparaît généralement aussi vite, ou
au maximum en 1 à 2 ans. Interviennent ici des
facteurs tant somatiques que psychologiques. Il
comporte des symptômes physiques (céphalées,
vertiges, troubles de l’équilibre, fatigue, nausées,
vision floue, etc.), cognitifs (troubles de la mémoire,
bradypsychie, difficultés de concentration, etc.)
et émotionnels (irritabilité, anxiété, agitation,
instabilité, etc.). Le mécanisme d’apparition
de ce syndrome n’est pas connu. Il pourrait résulter
de lésions cérébrales minimes, invisibles en imagerie
cérébrale. Toutefois, il peut être observé chez des
patients victimes d’un accident de travail responsable d’une commotion cérébrale minime avec
amnésie post-traumatique très courte, mais chez
qui les compensations financières peuvent être d’une
grande importance.
◆◆ Le déficit posthypophysaire
Le diabète insipide (DI) et le syndrome de sécrétion inapproprié d’ADH (SIADH), secondaires à une
atteinte de l’hypophyse postérieure, sont généralement transitoires après la phase aiguë du TC.
L’incidence du DI est faible (< 3 %) ; elle est plus
élevée lorsque les lésions sont proches du chiasma
(> 30 %). Dans une étude récente, l’incidence du
SIADH a été estimée à 14 % après TC léger ou
modéré (4).
Autres séquelles
◆◆ Le déficit antéhypophysaire
Sa prévalence à distance du TC est estimée se situer
entre 28 % et 68 % selon les séries, les déficits en
GH et en gonadotrophine étant les plus fréquemment observés (4). Ces déficiences peuvent régresser
spontanément (surtout les déficiences gonadotrope
et somatotrope), se stabiliser (thyréotrope) ou au
contraire apparaître ou s’aggraver avec le temps
(corticotrope), et il n’y a pas de facteurs prédictifs
de ces différentes évolutions. Il existe des similitudes
entre les tableaux cliniques résultant d’un TC et d’une
insuffisance antéhypophysaire. C’est le cas en particulier du déficit en GH, qui peut être à l’origine de
troubles attentionnels et mnésiques, d’une fatigabilité physique et mentale et d’une labilité émotionnelle. Il faut alors savoir y penser, le diagnostiquer
et proposer un traitement substitutif tout en suivant
l’évolution des troubles neuro­psychologiques.
◆◆ Le syndrome post-commotionnel
ou syndrome subjectif
C’est un ensemble de symptômes apparaissant
quelques jours à quelques mois après un TC dès
◆◆ L’épilepsie post-traumatique
L’épilepsie post-traumatique survient le plus souvent
entre 8 jours et 2 ans après le TC, le délai de survenue
pouvant toutefois se prolonger jusqu’à 30 ans.
362 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 11 - décembre 2009 MISE AU POINT
Son incidence se situe entre 26 % et 53 % selon
les séries, le risque d’épilepsie post-traumatique
étant plus important en cas de traumatisme avec
hématome intracérébral, hématome sous-dural,
contusion hémorragique ou séquelles neurologiques
cliniques (5). Le traitement symptomatique n’est
pas différent de celui de l’épilepsie primaire, mais
25 % des patients pourront être difficiles à traiter.
◆◆ Les para-ostéo-arthropathies neurogènes
(POAN)
Les POAN sont une complication orthopédique
redoutable sur le plan fonctionnel. Ce sont des
ossifications ectopiques, développées par néoostéogenèse à proximité des grosses articulations
(surtout hanches, genoux et coudes) dans les suites
de lésions neurologiques centrales ou périphériques,
notamment après sédation prolongée ou coma.
Selon les séries, elles surviennent dans 11 % à 25 %
des TC (6). Elles s’installent en quelques jours ou
quelques semaines et réalisent un tableau d’ankylose progressive extrêmement douloureuse. Elles
peuvent également comprimer un tronc nerveux.
De mécanisme inconnu, les POAN n’ont pas de
traitement spécifique. Ont été proposés avec plus
ou moins de succès les AINS, les bisphosphonates
et la radiothérapie, mais le recours à la chirurgie
est de mise si la gêne est importante ou en cas de
compression nerveuse. Contrairement au cortège
de complications orthopédiques observées dans les
maladies neurologiques (raideurs articulaires, rétractions musculotendineuses, algoneurodystrophie), les
POAN ont la particularité de se développer aussi bien
chez les patients à mauvais pronostic neurologique
que chez les autres, et il n’est pas rare qu’une POAN
bloque en position gênante une articulation alors que
la commande volontaire a parfaitement récupéré.
Facteurs pronostiques
Plusieurs facteurs pronostiques ont été proposés
dans la littérature, de nature essentiellement
clinique, radiologique et neurophysiologique. Nous
les rappelons ci-dessous.
Facteurs pronostiques cliniques
Le score de coma de Glasgow (GCS) [tableau II],
proposé en 1974 par G. Teasdale et B. Jennett pour
évaluer le niveau de conscience, est classiquement
utilisé pour mesurer la sévérité d’un TC (7). Il évalue
l’ouverture des yeux et les réponses verbale et
motrice sur une échelle de 3 à 15 et permet de suivre
l’évolution d’un patient au cours de l’éveil. Il en existe
une version adaptée aux jeunes enfants. Le GCS est
couramment utilisé pour qualifier le TC de “léger”
(score entre 13 et 15), “modéré” (score entre 9 et 12)
ou “grave” (score entre 3 et 8). Une équipe belge a
proposé d’y associer les informations résultant de la
recherche des réflexes du tronc cérébral, pour former
l’échelle dite de “Glasgow-Liège”, très utile dans les
phases de coma profond (8). L’étude des réflexes du
tronc cérébral a également une valeur pronostique
indéniable pour l’évolution à court terme. Non pas
que les lésions primitives du tronc cérébral soient
fréquentes, mais l’altération de ces réflexes est le
plus souvent liée au volume des lésions sus-tentorielles et à l’hypertension intracrânienne qui en
résulte. De nombreuses études ont, il y a longtemps,
montré l’utilité du GCS initial dans la prédiction de
l’évolution (9). Toutefois, une récente étude britannique a mis en évidence la perte progressive de cette
valeur pronostique sur une série de 358 TC survenus
entre 1992 et 2001 (10). Le score GCS était significativement corrélé à l’évolution à 6 mois (mesurée
par le GOS) pour les patients victimes d’un TC de
1992 à 1995, mais ne l’était plus pour les patients
suivants. L’âge, en revanche, restait inversement
corrélé au pronostic sur toute la durée de l’étude.
Bien que le recueil des données dans cette étude ne
fût pas exhaustif, ces résultats remettent clairement
en cause la valeur prédictive du GCS initial. Comme
explication possible de cette évolution, on peut
avancer les progrès réalisés dans la prise en charge
des TC, mais également la sédation et l’intubation
précoces, qui rendent plus difficile l’évaluation du
GCS (11). Certains auteurs ont proposé l’utilisation
de la seule réponse motrice, plus fiable que l’ouverture des yeux et que la réponse verbale. Couplée à
l’examen des deux pupilles (mydriase) et à l’âge,
elle serait un meilleur facteur prédictif de l’évolution clinique, notamment de la sortie du coma (12).
Tableau II. Score de coma de Glasgow.
Échelle de Glasgow adulte
Ouverture des yeux
Réponse verbale
Réponse motrice
1 - Nulle
1 - Nulle
1 - Nulle
2 - À la douleur
2 - Incompréhensible
2 - Extension stéréotypée
(rigidité décérébrée)
3 - Au bruit
3 - Inappropriée
3 - Flexion stéréotypée
(rigidité de décortication)
4 - Spontanée
4 - Confuse
4 - Évitement
5 - Normale
5 - Orientée
6 - Aux ordres
La Lettre du Neurologue • Vol. XIII -n° 11 - décembre 2009 | 363
MISE AU POINT
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Retrouvez l’intégralité
des références bibliographiques
sur www.edimark.fr
Le traumatisé crânien :
pronostic
Pour de nombreux auteurs, et sous réserve que le
GCS soit mesuré hors sédation et chez un patient
non intubé, on peut considérer qu’un score bas (< 6)
associé à une mydriase bilatérale est corrélé à un
fort taux de mortalité ou d’évolution vers un état
végétatif chronique (13).
Comme indiqué plus haut, l’âge influence l’évolution
après TC. Pour de nombreux auteurs, le pronostic des
sujets âgés est moins bon et certaines études suggèrent
que cette liaison se renforce au-delà de 50 ans (14).
La durée de l’amnésie post-traumatique (APT) est
considérée comme l’un des meilleurs facteurs pronostiques du statut cognitif à long terme. L’APT est définie
comme “la période suivant le TC pendant laquelle le
patient est confus, incapable de s’orienter, de mémoriser des événements courants, avec troubles de l’orientation, amnésie antérograde et amnésie rétrograde”.
L’APT est donc évaluée chez les patients sortis du coma
et elle est utile pour la prédiction du pronostic à long
terme. Elle peut être qualifiée selon la classification de
B. Jennett et G. Teasdale, de “très légère” lorsqu’elle
est inférieure à 5 minutes à “très sévère” lorsqu’elle
dépasse 4 semaines (15). Des questionnaires standardisés ont été proposés pour la quantifier, comme le
Galveston Orientation and Amnesia Test (16).
L’association à d’autres traumatismes osseux ou
viscéraux grève, bien sûr, le pronostic vital immédiat
et fonctionnel à long terme et est à considérer pour
chaque patient.
de leur utilité. La conférence de consensus organisée
par la Société française de médecine physique et
réadaptation (SOFMER) en 2001 a accordé un grade
de recommandation “C” aux propositions suivantes
(17) :
»» les potentiels évoqués sensoriels et moteurs
sont utiles pour identifier le locked-in syndrome et
le mutisme akinétique ;
»» l’enregistrement de potentiels évoqués cognitifs
chez un patient dans le coma serait prédictif du réveil
dans les jours qui suivent. En phase chronique, ils
peuvent fournir des arguments en faveur de capacités
conscientes résiduelles.
Autres facteurs pronostiques
À la phase aiguë, plusieurs facteurs d’agression cérébrale secondaire sont corrélés au pronostic vital
post-TC, comme l’hypotension artérielle systémique, l’hypoxémie et l’hypercapnie. Dans la série
de R.M. Chesnut, l’association d’un TC et d’un état
de choc est responsable d’une mortalité de 65 %
(18). Un monitoring multimodal peut être utile pour
guider la thérapeutique à la phase aiguë, intégrant
le doppler transcrânien, la pression intracrânienne
(PIC), la saturation veineuse jugulaire en oxygène
(SvJO2), la pression tissulaire en oxygène (PtIO2) et
le glucose parenchymateux mesuré par microdialyse
cérébrale (19).
Facteurs pronostiques radiologiques
La valeur prédictive de l’IRM est plus forte que celle
de la TDM, car elle permet de détecter les lésions
axonales diffuses et les lésions du tronc cérébral. Sont
considérés comme étant de mauvais pronostic (17) :
»» la profondeur des lésions : corps calleux, noyaux
gris centraux, hippocampe, mésencéphale, partie
dorso-latérale du tronc cérébral ;
»» le nombre de lésions supérieur à 3 ;
»» l’association de plusieurs types de lésions cérébrales : lésions axonales diffuses, hématomes.
Le développement récent de nouvelles séquences
d’IRM (diffusion, transfert magnétique, spectro­
scopie) devrait élargir la place de cet examen dans
la phase précoce.
Facteurs pronostiques neurophysiologiques
Les examens neurophysiologiques à la phase aiguë ou
subaiguë d’un TC n’ont pas clairement fait la preuve
364 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 11 - décembre 2009 Conclusion
Si tous les indicateurs épidémiologiques semblent
montrer une inflexion de l’incidence annuelle des
TC en France, attribuée en particulier aux récentes
mesures de répression routière, ils restent néanmoins un problème majeur de santé publique, à
l’origine d’incapacités physiques et cognitives à
long terme. Les séquelles cognitives, parfois isolées
ou prépondérantes, constituent un handicap “invisible” qu’il faut savoir évaluer, car son retentissement social, familial et professionnel est souvent
important.
Le pronostic à court et à long terme peut être
estimé dans les premiers jours suivant un TC, grâce
à des indices de sévérité cliniques, radiologiques
et neurophysiologiques. Toutefois, en dehors des
cas extrêmes, la sévérité initiale du TC n’est pas
forcément corrélée à l’évolution, alors que le profil
de récupération durant les premiers jours ou les
premières semaines est déterminant.
◾
MISE AU POINT
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La Lettre du Neurologue • Vol. XIII -n° 11 - décembre 2009 | 1
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