edimark
Un autre regard sur votre spécialité
edimark
edimark
Sous l’égide de Avec le soutien
institutionnel de
Objectif SNC
Suivez l’actualité de la neurologie. Soyez toujours plus nombreux à consulter
et télécharger gratuitement nos émissions et nos reportages
sur www.edimark.tv
Edimark.tv : un autre regard sur votre spécialité!
Toujours en ligne
Sclérose en plaques (parties 1 et 2)
Le Pr Catherine Lubetzki (Paris) et le Pr Thibault Moreau (Dijon) font le point
des connaissances sur la SEP en 2009. Dans un premier temps, nos experts reviennent
sur la physiopathologie et l’apport de l’imagerie. La seconde partie de leur entretien
est consacrée à la prise en charge de la maladie. Catherine Lubetzki en présente
les aspects thérapeutiques, tandis qu’un reportage réalià la CLIBOSEP de Dijon
propose une solution innovante de prise en charge pluridisciplinaire.
Quel traitement choisir dans la maladie d’Alzheimer?
Le Dr Bernard Croisile (Lyon) étudie pour nous la place des différentes classes
thérapeutiques dans la prise en charge de la maladie. Il n’oublie pas de souligner
l’importance de l’accompagnement des aidants par le corps médical.
Maladie de Parkinson et tremblement essentiel
Le Pr Philippe Damier (Nantes) fait une synthèse des connaissances actuelles
sur la maladie de Parkinson et sur le tremblement essentiel : neurostimulation chirurgicale,
place de la L-Dopa, causes (prédisposition génétique, facteurs environnementaux).
Le Pr François Tison (Bordeaux) précise les outils et les méthodes diagnostiques
des uctuations pcoces dans la maladie de Parkinson.
Démences et maladie d’Alzheimer
Le Pr Florence Pasquier (Lille) analyse avec le Pr Thibault Moreau (Dijon) l’actualides
démences : diagnostic, essais cliniques, recommandations et prise en charge thérapeutique.
Le Pr Serge Bakchine (Reims) présente, d’une part, les nouveaux critères diagnostiques
(tests neuropsychologiques, marqueurs du LCR...) et, d’autre part, les nouvelles voies
thérapeutiques de la maladie d’Alzheimer.
La Lettre du Neurologue Vol. XIII -n° 11 - décembre 2009 | 359
MISE AU POINT
Le traumatisé crânien :
pronostic
Traumatic brain injury: prognosis
C. Benaïm1, 2, 3, I. Benatru1, 4
1 le éducation-réadaptation,
CHU de Dijon.
2 Inserm U887, université de Bour-
gogne, faculté des sciences du sport,
campus universitaire Montmuzard,
Dijon.
3 CIC-P Inserm 803, Dijon.
4 Service de neurologie, hôpital
général, Dijon.
E
n l’absence d’enquête épidémiologique natio-
nale, l’incidence annuelle des traumatismes
crâniens (TC) n’est pas connue en France. On
peut toutefois l’estimer grâce aux études réalisées à
l’étranger ou dans certaines régions françaises. Elle
serait comprise entre 150 et 300 pour 100 000 habi-
tants, et son taux de mortalité irait de 7 à 17 %.
Parmi les survivants, le TC est considéré comme léger
dans 80 % des cas, modéré dans 11 % et grave dans
9 %. Les TC graves étaient définis dans l’enquête
d’Aquitaine par un coma (score à l’échelle de coma
de Glasgow inférieur ou égal à 8) et/ou une image
anormale sur les examens neuro-radiologiques.
On peut donc estimer l’incidence des TC graves
à environ 25/100 000 habitants/an. Les hommes
sont plus touchés que les femmes (3/1), avec un pic
de fréquence situé entre 15 et 25 ans. Les accidents
de la circulation restent la cause principale, dans
une proportion qui croît avec la gravité du TC. Les
lésions associées sont fréquentes, d’autant plus que
le TC est grave, et elles sont sources de séquelles.
De nombreux auteurs ont tenté de trouver
des indices pronostiques de récupération à court et
long terme après TC, avec plus ou moins de réus-
site. La synthèse de cette littérature est difficile en
raison de la diversité des protocoles d’études et,
en particulier, de celle des indices utilisés pour
mesurer le degré de récupération.
Nous rappelons ici les principales séquelles rencon-
trées chez les personnes atteintes de TC ainsi que
les principaux facteurs cliniques, radiologiques et
neuro-physiologiques présentés dans la littérature
comme susceptibles d’influencer l’évolution à court
et à long terme.
Principales séquelles des TC
Les évolutions possibles après un TC vont de la mort
à la récupération ad integrum, en passant par l’état
végétatif chronique et par tous les degrés d’atteinte
motrice et cognitive. L’échelle de devenir Glasgow
Outcome Scale (GOS) [tableau I] est souvent utilisée
pour classer les patients en fonction des séquelles
(1). Ainsi parle-t-on de “GOS 2” pour un patient
en état végétatif chronique, de “GOS 3” pour un
patient présentant de lourdes séquelles imposant
l’aide d’une tierce personne, etc.
Les principales séquelles d’un TC isolé sont de
plusieurs ordres : neurologiques, auxquelles s’ajou-
tent les inévitables conséquences sur l’appareil loco-
moteur, cognitives et psychologiques, en raison des
percussions sur la personnalité et le comportement.
La complexité des tableaux cliniques résultant de ces
atteintes nécessite, pour une évaluation précise, la
prise en charge par une équipe multi disciplinaire
médicale (médecin physique, neurologue, psychiatre,
Tableau I. Score de devenir Glasgow Outcome Scale.
Glasgow Outcome Scale
(GOS)
5: bonne récupération; le patient est indépendant, sans déficit neurologique ou avec un déficit neurologique léger
4: handicap modéré; le patient a un déficit neurologique ou intellectuel mais est indépendant
3: handicap sévère; le patient est conscient mais totalement dépendant dans les activités de la vie quotidienne
2: état végétatif
1: décès
360 | La Lettre du Neurologue Vol. XIII - n° 11 - décembre 2009
Points forts
généraliste) et paramédicale (kinésithérapeute,
ergothérapeute, neuropsychologue, psychologue,
psychomotricien et orthophoniste).
À partir de quel délai peut-on parler
de séquelles définitives ?
Cette question ne fait pas l’objet d’un consensus,
et de nouvelles publications sortent régulièrement,
venant contredire ce que nos maîtres nous ensei-
gnaient il y a 10 ou 20 ans. Néanmoins, il est possible
de dégager quelques points de repère pour le patient
présentant une lésion hémisphérique isolée.
»
L’incapacité de préhension résultant de l’atteinte
sensitivo-motrice du membre supérieur est de très
mauvais pronostic si l’on n’observe pas l’amorce
d’une récupération analytique à 1 mois. À l’inverse,
la possibilité d’effectuer à ce stade un mouvement
d’approche, une prise globale et un lâcher actif
laisse supposer une évolution favorable, qui pourra
demander des mois.
»
La marche, conditionnée davantage par la récupé-
ration de l’équilibre du tronc que par la récupération
motrice du membre inférieur peut se modifier sur
plusieurs mois, et l’on peut voir évoluer des patients
après 6 ou 9 mois. Il s’agit généralement non pas
d’une amélioration de l’examen moteur analytique,
mais d’une progression des performances en termes
d’équilibre et d’endurance.
»
Lévolution des fonctions supérieures peut se faire
sur 1 année, parfois 2 ou plus, en fonction non seule-
ment de la sévérité des déficiences, mais également
de la motivation du patient (absence d’anosognosie),
des possibilités de prise en charge spécialisée et de
l’existence d’un environnement familial favorable.
»
D’autres éléments comme les troubles sphincté-
riens ou de la déglutition peuvent également évoluer
à distance du TC.
»
Dans les cas les plus défavorables, la persistance
d’un coma profond est heureusement très rare, l’évo-
lution se faisant généralement vers un état végétatif
ou paucirelationnel. Précisons ici que l’on ne parle
d’ état végétatif chronique” (ou “persistant”) qu’après
12 ou 18 mois d’évolution, contrairement aux étio-
logies médicales, pour lesquelles le délai n’est que
de 3 à 6 mois.
Séquelles physiques
Les séquelles neurologiques sont de gravité variable.
Elles dépendent essentiellement de la lésion cérébrale
initiale et des lésions périphériques associées au TC.
Ainsi, il n’est pas rare de retrouver chez un patient
victime d’un accident de moto avec impact latéral
un déficit hémicorporel controlatéral au côté de
l’impact (par lésion cérébrale) et une paralysie flasque
du membre supérieur du côté de l’impact (par lésion
du plexus brachial), aggravant considérablement le
pronostic fonctionnel. À cela s’ajoutent les polyneuro-
pathies de réanimation et les syndromes canalaires
causés par le décubitus prolongé, heureusement peu
fréquents dans leurs formes graves. Chaque déficience
évolue alors pour son propre compte et le pronostic
n’est pas toujours facile à établir.
Séquelles cognitives
Toutes les fonctions cognitives peuvent être touchées
après un TC, en fonction du nombre et de la localisation
des sions. À la différence des accidents vasculaires céré-
braux, les lésions sont plus ou moins systématisées,
la diversité des lésions traumatiques, à la fois focales
et diffuses, explique une symptomatologie riche et
complexe. Toutefois, les contusions frontales et tempo-
rales, résultant de chocs directs de l’enphale contre
la boîte crânienne, sont relativement plus fréquentes.
Ainsi, les fonctions cognitives les plus touchées sont les
fonctions exécutives et mnésiques, s’associant à des
troubles psycho-affectifs et comportementaux que l’on
considère souvent comme spécifiquesdu traumatisé
crânien. Il faut d’ailleurs rappeler ici que, même en lab-
sence de lésions visibles des lobes frontaux, des lésions
diffuses peuvent s’accompagner de dysfonctionnements
frontaux, mis en évidence par les techniques de neuro-
imagerie fonctionnelle et probablement liés à un défaut
d’activation de réseaux neuronaux impliquant les gions
préfrontales et cingulaires (2).
Depuis les travaux de Luria dans les années 1970,
on distingue classiquement le syndrome préfrontal
dorso-latéral, où les patients sont passifs et aprag-
matiques, du syndrome orbito-basal, caractérisé par
une désinhibition et des comportements compulsifs.
Plus récemment, O. Godefroy et al. ont proposé la
»
L’incidence des traumatismes crâniens (TC) en France est estimée se situer entre 150 000 et 300 000cas par an.
Parmi les survivants, 20% sont considérés comme des cas modérés ou graves et garderont des séquelles incompatibles
avec le retour à la vie antérieure.
»Les TC sont responsables de multiples déficiences physiques, cognitives et psychologiques dont l’évaluation doit
être multidisciplinaire (médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, neuropsychologues, psychologues, orthopho-
nistes, etc.).
»
Le score de devenir
Glasgow Outcome Scale
est largement utilisé pour classer l’évolution en cinq stades selon
le degré de récupération. Celle-ci peut prendre plusieurs semaines, mois, voire années.
»
Les principaux facteurs pronostiques sont: la sévérité initiale mesurée par le score de coma de Glasgow, l’âge,
la durée de l’amnésie post-traumatique, le nombre, la profondeur et la diversité des lésions. Toutefois, en dehors
des cas extrêmes, la sévérité initiale du TC n’est pas forcément corrélée à l’évolution, alors que le profil de récupé-
ration durant les premiers jours ou les premières semaines est déterminant.
Mots-clés
Traumatisme crânien
Séquelles
Pronostic
Summary
The incidence of traumatic
brain injuries (TBI) in France
has been estimated between
150 and 300.000cases per
year. Traumatic brain injury
produces long term disabling
effects in a young population.
It is responsible for physical,
cognitive and psychological
deficiencies, whose assess-
ments have to be performed
by a multidisciplinary team
(physicians, physiotherapists,
occupational therapists, speech
therapists, neuro-psychologists
and psychologists). In moderate
and severe TBI, physical and
cognitive deficiencies are
strongly associated with the
ongoing disruption of social
networks, employability, and
return to work.
The Glasgow Outcome Scale
is widely used to grade the
outcome according to the
degree of recovery, that can
take from a few weeks to
several months or even years.
After a TBI, the main prognosis
factors are initial severity (as
measured by the Glasgow
Coma Scale), age, duration of
the post-traumatic amnesia,
the number, the depth and
the variety of brain lesions.
However, the initial severity of
TBI does not necessarily corre-
late with the outcome, except
for extreme cases, while the
profile of recovery during the
first days or the first weeks is
a determining factor.
Keywords
Traumatic brain injury
Sequelae
Prognosis
362 | La Lettre du Neurologue Vol. XIII - n° 11 - décembre 2009
Le traumatisé crânien:
pronostic
MISE AU POINT
classification suivante des troubles comportementaux
du syndrome frontal ou “syndrome dysexécutif” (3) :
»
l’hypoactivité globale avec aboulie et/ou apathie
et/ou aspontanéité ;
»
l’hyperactivité globale avec distractibilité et/ou
impulsivité et/ou désinhibition ;
»les persévérations et les stéréotypies ;
»
le syndrome de dépendance à l’environnement
avec des comportements de préhension patholo-
gique, d’imitation et d’utilisation.
À cela il faut ajouter la fréquente anosognosie, élément
déterminant dans la prise en charge rééducative. Au
maximum, on peut observer un mutisme akinétique,
qui est à différencier des états de conscience altérée
(état végétatif et état paucirelationnel).
En dehors de ces tableaux typiques peuvent être
observés, selon les cas, des troubles du langage,
des praxies et des gnosies, sources d’incapacités
plus ou moins sévères.
Séquelles psychologiques
Elles sorganisent autour de la réaction psychone à l’ac-
cident et à ses conséquences en termes de ficiences,
d’incapacités et de handicap social. La personnali
prétraumatique peut également orienter l’expression
de ces troubles (un psychopathe reprendra sa trajec-
toire jusqu’au prochain accident…). Des manifesta-
tions paroxystiques soudaines, passagères, révélant des
émotions non contenues d’anxié, de peur intense, de
colère, peuvent entraîner des accès dagressivité. Ces
troubles parfois spectaculaires sont particulièrement
fréquents et bruyants en phase initiale, notamment
lorsque les déficiences physiques sont mineures et que
le patient est ambulatoire (risque de fugue). Un état
psychopathologique antérieur normal, un environne-
ment psycho-affectif favorable et une prise en charge
spécialisée permettront généralement d’améliorer
cette symptomatologie. Un épisode dépressif majeur
est fréquent, actionnel à la prise de conscience par le
patient de son état et de la réaction de son entourage.
De me que lévolution des déficiences neurotrauma-
tologiques et neuro psychologiques est lente, le début
du travail de deuil peut être tardif.
Autres séquelles
Le syndrome post-commotionnel
ou syndrome subjectif
C’est un ensemble de symptômes apparaissant
quelques jours à quelques mois après un TC dès
lors qu’il y a eu une perte de connaissance, même
brève. Il disparaît généralement aussi vite, ou
au maximum en 1 à 2 ans. Interviennent ici des
facteurs tant somatiques que psychologiques. Il
comporte des symptômes physiques (céphalées,
vertiges, troubles de l’équilibre, fatigue, nausées,
vision floue, etc.), cognitifs (troubles de la mémoire,
bradypsychie, difficultés de concentration, etc.)
et émotionnels (irritabilité, anxiété, agitation,
instabilité, etc.). Le mécanisme d’apparition
de ce syndrome n’est pas connu. Il pourrait résulter
de lésions cérébrales minimes, invisibles en imagerie
cérébrale. Toutefois, il peut être observé chez des
patients victimes d’un accident de travail respon-
sable d’une commotion cérébrale minime avec
amnésie post-traumatique très courte, mais chez
qui les compensations financières peuvent être d’une
grande importance.
Le déficit posthypophysaire
Le diabète insipide (DI) et le syndrome de sécré-
tion inapproprié d’ADH (SIADH), secondaires à une
atteinte de l’hypophyse postérieure, sont généra-
lement transitoires après la phase aiguë du TC.
L’incidence du DI est faible (< 3 %) ; elle est plus
élevée lorsque les lésions sont proches du chiasma
(> 30 %). Dans une étude récente, l’incidence du
SIADH a été estimée à 14 % après TC léger ou
modéré (4).
Le déficit antéhypophysaire
Sa prévalence à distance du TC est estimée se situer
entre 28 % et 68 % selon les séries, les déficits en
GH et en gonadotrophine étant les plus fréquem-
ment observés (4). Ces déficiences peuvent régresser
spontanément (surtout les déficiences gonadotrope
et somatotrope), se stabiliser (thyréotrope) ou au
contraire apparaître ou s’aggraver avec le temps
(corticotrope), et il n’y a pas de facteurs prédictifs
de ces différentes évolutions. Il existe des similitudes
entre les tableaux cliniques résultant d’un TC et d’une
insuffisance antéhypophysaire. C’est le cas en parti-
culier du déficit en GH, qui peut être à l’origine de
troubles attentionnels et mnésiques, d’une fatigabi-
lité physique et mentale et d’une labilité émotion-
nelle. Il faut alors savoir y penser, le diagnostiquer
et proposer un traitement substitutif tout en suivant
l’évolution des troubles neuro psychologiques.
L’épilepsie post-traumatique
Lépilepsie post-traumatique survient le plus souvent
entre 8 jours et 2 ans après le TC, le délai de survenue
pouvant toutefois se prolonger jusqu’à 30 ans.
La Lettre du Neurologue Vol. XIII -n° 11 - décembre 2009 | 363
MISE AU POINT
Son incidence se situe entre 26 % et 53 % selon
les séries, le risque d’épilepsie post-traumatique
étant plus important en cas de traumatisme avec
hématome intracérébral, hématome sous-dural,
contusion hémorragique ou séquelles neurologiques
cliniques (5). Le traitement symptomatique n’est
pas différent de celui de l’épilepsie primaire, mais
25 % des patients pourront être difficiles à traiter.
Les para-ostéo-arthropathies neurogènes
(POAN)
Les POAN sont une complication orthopédique
redoutable sur le plan fonctionnel. Ce sont des
ossifications ectopiques, développées par néo-
ostéogenèse à proximité des grosses articulations
(surtout hanches, genoux et coudes) dans les suites
de lésions neurologiques centrales ou périphériques,
notamment après sédation prolongée ou coma.
Selon les séries, elles surviennent dans 11 % à 25 %
des TC (6). Elles s’installent en quelques jours ou
quelques semaines et réalisent un tableau d’anky-
lose progressive extrêmement douloureuse. Elles
peuvent également comprimer un tronc nerveux.
De mécanisme inconnu, les POAN n’ont pas de
traitement spécifique. Ont été proposés avec plus
ou moins de succès les AINS, les bisphosphonates
et la radiothérapie, mais le recours à la chirurgie
est de mise si la gêne est importante ou en cas de
compression nerveuse. Contrairement au cortège
de complications orthopédiques observées dans les
maladies neurologiques (raideurs articulaires, rétrac-
tions musculotendineuses, algoneurodystrophie), les
POAN ont la particularité de se développer aussi bien
chez les patients à mauvais pronostic neurologique
que chez les autres, et il n’est pas rare qu’une POAN
bloque en position gênante une articulation alors que
la commande volontaire a parfaitement récupéré.
Facteurs pronostiques
Plusieurs facteurs pronostiques ont été proposés
dans la littérature, de nature essentiellement
clinique, radiologique et neurophysiologique. Nous
les rappelons ci-dessous.
Facteurs pronostiques cliniques
Le score de coma de Glasgow (GCS) [tableau II],
proposé en 1974 par G. Teasdale et B. Jennett pour
évaluer le niveau de conscience, est classiquement
utilisé pour mesurer la sévérité d’un TC (7). Il évalue
l’ouverture des yeux et les réponses verbale et
motrice sur une échelle de 3 à 15 et permet de suivre
l’évolution d’un patient au cours de l’éveil. Il en existe
une version adaptée aux jeunes enfants. Le GCS est
couramment utilisé pour qualifier le TC de “léger”
(score entre 13 et 15), “modéré” (score entre 9 et 12)
ou “grave” (score entre 3 et 8). Une équipe belge a
proposé d’y associer les informations résultant de la
recherche des réflexes du tronc cérébral, pour former
l’échelle dite de “Glasgow-Liège”, très utile dans les
phases de coma profond (8). Létude des réflexes du
tronc cérébral a également une valeur pronostique
indéniable pour l’évolution à court terme. Non pas
que les lésions primitives du tronc cérébral soient
fréquentes, mais l’altération de ces réflexes est le
plus souvent liée au volume des lésions sus-tento-
rielles et à l’hypertension intracrânienne qui en
résulte. De nombreuses études ont, il y a longtemps,
montré l’utilité du GCS initial dans la prédiction de
l’évolution (9). Toutefois, une récente étude britan-
nique a mis en évidence la perte progressive de cette
valeur pronostique sur une série de 358 TC survenus
entre 1992 et 2001 (10). Le score GCS était signifi-
cativement corrélé à l’évolution à 6 mois (mesurée
par le GOS) pour les patients victimes d’un TC de
1992 à 1995, mais ne l’était plus pour les patients
suivants. L’âge, en revanche, restait inversement
corrélé au pronostic sur toute la durée de l’étude.
Bien que le recueil des données dans cette étude ne
fût pas exhaustif, ces résultats remettent clairement
en cause la valeur prédictive du GCS initial. Comme
explication possible de cette évolution, on peut
avancer les progrès réalisés dans la prise en charge
des TC, mais également la sédation et l’intubation
précoces, qui rendent plus difficile l’évaluation du
GCS (11). Certains auteurs ont proposé l’utilisation
de la seule réponse motrice, plus fiable que l’ouver-
ture des yeux et que la réponse verbale. Couplée à
l’examen des deux pupilles (mydriase) et à l’âge,
elle serait un meilleur facteur prédictif de l’évolu-
tion clinique, notamment de la sortie du coma (12).
Tableau II. Score de coma de Glasgow.
Échelle de Glasgow adulte
Ouverture des yeux Réponse verbale Réponse motrice
1 - Nulle 1 - Nulle 1 - Nulle
2 - À la douleur 2 - Incompréhensible 2 - Extension stéréotypée
(rigidité décérébrée)
3 - Au bruit 3 - Inappropriée 3 - Flexion stéréotypée
(rigidité de décortication)
4 - Spontanée 4 - Confuse 4 - Évitement
5 - Normale 5 - Orientée
6 - Aux ordres
364 | La Lettre du Neurologue Vol. XIII - n° 11 - décembre 2009
Le traumatisé crânien:
pronostic
MISE AU POINT
1. Jennett B, Bond M. Assess-
ment of outcome after
severe brain damage. Lancet
1975;1(7905):480-4.
2. Azouvi P. Neuroimaging
correlates of cognitive and func-
tional outcome after traumatic
brain injury. Curr Opin Neurol
2000;13:665-9.
3. Godefroy O, Brigitte A, Philippe
A et al. Syndromes frontaux et
dysexécutifs. Rev Neurol (Paris)
2004;160(10):899-909.
4. Ciancia S, Raverot G, Tell L et al.
Troubles neuroendocriniens après
traumatisme crânien. In : Azouvi
P, Joseph PA, Pélissier J, Pellas F
(eds). Prise en charge des trauma-
tisés cranio-encéphaliques. Paris :
Masson, 2007:149-59.
5. Benardo LS. Prevention of epilepsy
after head trauma: do we need new
drugs or a new approach? Epilepsia
2003;44 (Suppl. 10):27-33.
6. Pélissier J, Petiot S, Bénaïm C,
Asencio G. Prise en charge des
paraostéoarthropathies neuro-
gènes (POAN) chez le traumatisé
cranio-encéphalique: étude de la
littérature. Ann Readapt Med Phys
2002;45(5):188-97.
7. Teasdale G, Jennett B. Assess-
ment of coma and impaired
consciousness: a practical scale.
Lancet 1974;2:81-4.
8. Born JD, Albert A, Hans P,
Bonnal J. Relative prognostic
value of best motor response and
brain stem reflexes in patients with
severe head injury. Neurosurgery
1985;16(5):595-601.
9. Colohan AR, Alves WM, Gross CR
et al. Head injury mortality in two
centers with different emergency
medical services and intensive care.
J Neurosurg 1989;71(2):202-7.
10. Balestreri M, Czosnyka M, Chat-
field DA et al. Predictive value of
Glasgow Coma Scale after brain
trauma: change in trend over the
past ten years. J Neurol Neurosurg
Psychiatry 2004;75(1):161-2.
11. Marion DW, Carlier PM.
Problems with initial Glasgow coma
scale assessment caused by prehos-
pital treatment of patients with
head injuries: results of a national
survey. J Trauma 1994;36(1):89-95.
12. Choi SC, Narayan RK, Anderson
RL, Ward JD. Enhanced specificity
of prognosis in severe head injury.
J Neurosurg 1988;69(3):381-5.
Retrouvez l’intégralité
des références bibliographiques
sur www.edimark.fr
Références
bibliographiques
Pour de nombreux auteurs, et sous réserve que le
GCS soit mesuré hors sédation et chez un patient
non intubé, on peut considérer qu’un score bas (< 6)
associé à une mydriase bilatérale est corrélé à un
fort taux de mortalité ou d’évolution vers un état
végétatif chronique (13).
Comme indiqué plus haut, l’âge influence l’évolution
après TC. Pour de nombreux auteurs, le pronostic des
sujets âgés est moins bon et certaines études suggèrent
que cette liaison se renforce au-delà de 50 ans (14).
La durée de l’amnésie post-traumatique (APT) est
considée comme l’un des meilleurs facteurs pronos-
tiques du statut cognitif à long terme. LAPT est définie
comme “la période suivant le TC pendant laquelle le
patient est confus, incapable de s’orienter, de mémo-
riser des événements courants, avec troubles de l’orien-
tation, amnésie antérograde et amnésie rétrograde”.
LAPT est donc évaluée chez les patients sortis du coma
et elle est utile pour la prédiction du pronostic à long
terme. Elle peut être qualifiée selon la classification de
B. Jennett et G. Teasdale, de “très légère” lorsqu’elle
est inférieure à 5 minutes à “très sévère” lorsqu’elle
dépasse 4 semaines (15). Des questionnaires standar-
disés ont été proposés pour la quantifier, comme le
Galveston Orientation and Amnesia Test (16).
L’association à d’autres traumatismes osseux ou
viscéraux grève, bien sûr, le pronostic vital immédiat
et fonctionnel à long terme et est à considérer pour
chaque patient.
Facteurs pronostiques radiologiques
La valeur prédictive de l’IRM est plus forte que celle
de la TDM, car elle permet de détecter les lésions
axonales diffuses et les lésions du tronc cérébral. Sont
considérés comme étant de mauvais pronostic (17) :
»la profondeur des lésions : corps calleux, noyaux
gris centraux, hippocampe, mésencéphale, partie
dorso-latérale du tronc cérébral ;
»le nombre de lésions supérieur à 3 ;
»
l’association de plusieurs types de lésions céré-
brales : lésions axonales diffuses, hématomes.
Le développement récent de nouvelles séquences
d’IRM (diffusion, transfert magnétique, spectro-
scopie) devrait élargir la place de cet examen dans
la phase précoce.
Facteurs pronostiques neurophysiologiques
Les examens neurophysiologiques à la phase aiguë ou
subaiguë d’un TC nont pas clairement fait la preuve
de leur utilité. La conférence de consensus organisée
par la Société française de médecine physique et
réadaptation (SOFMER) en 2001 a accordé un grade
de recommandation “C” aux propositions suivantes
(17) :
»
les potentiels évoqués sensoriels et moteurs
sont utiles pour identifier le locked-in syndrome et
le mutisme akinétique ;
»l’enregistrement de potentiels évoqués cognitifs
chez un patient dans le coma serait prédictif du réveil
dans les jours qui suivent. En phase chronique, ils
peuvent fournir des arguments en faveur de capacités
conscientes résiduelles.
Autres facteurs pronostiques
À la phase aiguë, plusieurs facteurs d’agression céré-
brale secondaire sont corrélés au pronostic vital
post-TC, comme l’hypotension artérielle systé-
mique, l’hypoxémie et l’hypercapnie. Dans la série
de R.M. Chesnut, l’association d’un TC et d’un état
de choc est responsable d’une mortalité de 65 %
(18). Un monitoring multimodal peut être utile pour
guider la thérapeutique à la phase aiguë, intégrant
le doppler transcrânien, la pression intracrânienne
(PIC), la saturation veineuse jugulaire en oxygène
(SvJO
2
), la pression tissulaire en oxygène (PtIO
2
) et
le glucose parenchymateux mesuré par microdialyse
cérébrale (19).
Conclusion
Si tous les indicateurs épidémiologiques semblent
montrer une inflexion de l’incidence annuelle des
TC en France, attribuée en particulier aux récentes
mesures de répression routière, ils restent néan-
moins un problème majeur de santé publique, à
l’origine d’incapacités physiques et cognitives à
long terme. Les séquelles cognitives, parfois isolées
ou prépondérantes, constituent un handicap “invi-
sible” qu’il faut savoir évaluer, car son retentisse-
ment social, familial et professionnel est souvent
important.
Le pronostic à court et à long terme peut être
estimé dans les premiers jours suivant un TC, grâce
à des indices de sévérité cliniques, radiologiques
et neurophysiologiques. Toutefois, en dehors des
cas extrêmes, la sévérité initiale du TC n’est pas
forcément corrélée à l’évolution, alors que le profil
de récupération durant les premiers jours ou les
premières semaines est déterminant.
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!