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Cancer de la vessie
chez le sujet âgé
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. III - no 1 - janvier-février-mars 2012
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Chirurgie du cancer de la vessie
chez le sujet âgé
Bladder cancer surgery in the elderly
Y. Neuzillet*
* Service d’urologie,
hôpital Foch, Suresnes.
Chirurgie gériatrique ?
La chirurgie connaît-elle des spécifi cités liées à l’âge des
patients ? La question paraît triviale puisqu’il existe une
spécialité de chirurgie pédiatrique, dont l’exercice est
réservé, en France, aux titulaires d’un diplôme d’études
spécialisées complémentaires (DESC) spécifique.
Ces chirurgiens spécialistes prennent en charge les
jeunes patients en collaboration avec des anesthé-
sistes et des médecins pédiatres. Une instrumentation
chirurgicale spécifi que a même été développée pour
répondre aux exigences techniques liées à la pédiatrie.
En revanche, à l’autre extrémité de la vie, force est de
constater qu’il nexiste pas de spécialité de chirurgie
gériatrique.
Les démographes ont constaté que la proportion de
patients âgés de moins 20 ans et celle de ceux âgés
de plus de 75 ans suit une évolution contraire, avec
une augmentation constante de la proportion des
patients plus âgés (3,8 % en 1950 et 8,8 % en 2010).
Les projections de l’Institut national de la statistique
et des études économiques (Insee) prévoient que ce
taux atteindra 15 % en 2045.
Ce vieillissement de la population est associé à une
augmentation de l’incidence des cancers de la vessie (1)
dont l’âge moyen de survenue est de 69 ans chez
l’homme et de 71 ans chez la femme (2). Les urologues
sont donc de plus en plus fréquemment amenés à
prendre en charge des cancers de la vessie chez des
patients âgés. Quelles sont les spécifi cités de la chirurgie
de ces cancers et justifi ent-elles sa pratique par des
équipes extrêmement spécialisées ?
Au moment du diagnostic, 70 % des tumeurs ont un
stade super ciel (tumeur de la vessie n’infi ltrant pas
le muscle [TVNIM]), 25 %, un stade invasif (tumeur de
la vessie infi ltrant le muscle [TVIM]) et 5 %, un stade
métastatique (2). Chez les patients âgés, la proportion
des TVIM est plus élevée, aux alentours de 40 % (3).
Si ce diagnostic de TVNIM ou de TVIM peut être
fortement suspecté par l’examen clinique ou l’imagerie,
Points forts
highlights
»
Les tumeurs de la vessie infi ltrant le muscle (TVIM) sont plus
fréquentes chez les patients âgés.
»La résection endoscopique de la vessie et la cystectomie totale
chez les patients âgés justifi ent une maîtrise technique pour en
réduire la morbidité.
»
Les principes carcinologiques du traitement chirurgical curateur
des TVIM sont les mêmes que chez le sujet jeune : cystectomie
totale avec curage ganglionnaire pelvien.
»
Le choix de la dérivation urinaire après cystectomie doit être
guidé par l’expertise de l’urologue afi n d’assurer la morbidité
postopératoire minimale.
»
Une évaluation gériatrique globale doit au mieux être réalisée
et les mesures correctives mises en place sans retarder l’acte
chirurgical.
Mots-clés : Cancer – Vessie – Résection endoscopique – Cystectomie –
Patient âgé.
The muscle-invasive bladder cancers (MIBC) are
more commonly diagnosed in elderly patients.
Transurethral resection of the bladder and radical
cystectomy in elderly patients justify a technical
expertise to reduce morbidity.
The oncological principles of curative surgery of
MIBC are the same as in younger patients: radical
cystectomy with pelvic lymphadenectomy.
The choice of urinary diversion after radical
cystectomy should be guided by the expertise of the
urologist to ensure minimal postoperative morbidity.
A comprehensive geriatric assessment and their
corrective measures should be performed without
delaying surgery.
Keywords: Cancer – Bladder – Transurethral
resection – Cystectomy – Elderly patient.
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il nest affi rmé que par l’analyse histologique des prélè-
vements eff ectués par résection endoscopique de la
vessie.
Résection transurétrale de la vessie
chezlesujet âgé
Le nombre de publications spécifi ques à ce sujet est
très limité. L’analyse du registre SEER par G.R. Prout et al.
a montré que ni l’âge ni les comorbidités du patient
nont modifi é l’indication d’une résection transurétrale
de la vessie (RTUV) chez les sujets ayant une TVNIM (4).
Lextrapolation à partir des données concernant la
résection endoscopique de la prostate chez le sujet
âgé montre que l’âge nest pas un facteur de risque de
morbidité (5, 6). Néanmoins, la durée d’hospitalisation
des patients de plus de 75 ans est signifi cativement plus
longue que celle de leurs benjamins (5).
Les principales complications de la RTUV sont :
l’hémorragie, la perforation vésicale et le syndrome
de réabsorption du liquide d’irrigation utilisé durant la
résection (TURP [TransUrethral Resection of the Prostate]
syndrome).
Complications hémorragiques
Lors de la chirurgie transurétrale, le taux de transfusion
sanguine est plus élevé chez les patients plus âgés (5).
Cependant, aucune étude nindique que les pertes
sanguines sont plus importantes chez le sujet âgé.
Une anémie préalable plus fréquente et la moindre
tolérance cardiaque de l’anémie chez le sujet âgé
peuvent expliquer ces transfusions plus fréquentes (7, 8).
Perforation vésicale
La moindre épaisseur de la paroi vésicale chez le patient
âgé pourrait favoriser la survenue d’une perforation
lors de la RTUV. Dans une cohorte de 77 patients,
S. Golan et al. ont récemment rapporté un risque
accru de perforation chez les sujets plus âgés, ayant
une tumeur de localisation postérieure et des antécé-
dents de RTUV (9). Ces résultats contredisent ceux
précédemment rapportés par M.D. Balbay et al. qui
montraient, chez 36 patients, que seule la taille tumorale
est un facteur de risque de perforation vésicale (10).
Au total, lâge avancé doit amener le chirurgien à une
vigilance toute particulière lors de la RTUV.
TURP syndrome
Labsorption du liquide d’irrigation a été rapportée
dans 46 % des résections endoscopiques avec 5 à 10 %
des patients ayant absorbé plus de 1 litre de liquide (11).
Cependant, l’incidence des conséquences cliniques
de cette absorption a été de 1 à 2 % (12). La surcharge
volémique, les variations de la natrémie et la toxicité
directe de la glycine contenue dans le liquide d’irri-
gation expliquent les conséquences cliniques de son
absorption (13). Avec l’âge avancé, les fonctions ventri-
culaires gauche (supportant la surcharge volémique),
rénales (régulation de la natrémie) et hépatiques
(métabolisme de la glycine transformée en ammoniac)
sont susceptibles d’être altérées, et les conséquences
de l’absorption du liquide d’irrigation peuvent être
aggravées. Cependant, l’âge n’a pas été rapporté
comme étant un facteur indépendant de risque de
TURP syndrome (11).
Au fi nal, les indications de RTUV ne sont pas modifi ées
chez les patients âgés. Une attention particulière doit
être apportée en préopératoire quant à la présence
d’une anémie, d’une insuffi sance cardiorespiratoire,
rénale et/ou hépatique. Le patient bénéfi ciera alors
tout particulièrement du fait que le chirurgien a une
expérience avancée en RTUV (14).
Concernant les instillations vésicales, il n’y a pas de
restriction de leur indication liée à l’âge des patients.
Cependant, une étude rétrospective récemment
rapportée par D. Margel et al. a montré une effi cacité
moindre du BCG chez les patients âgés de plus de
75 ans (15).
Cystectomie totale chez le sujet âgé
Le pronostic des tumeurs de la vessie a été plus mauvais
chez les patients âgés (16, 17). La mortalité spécifi que
a été augmentée, d’une part, par un retard diagnostic
et, d’autre part, par un accès plus restreint à la chirurgie
curatrice (4, 18). Cette explication est soutenue par les
données sur l’importance pronostique du délai entre
le diagnostic et la cystectomie (19). La TVIM chez le
sujet âgé constitue donc une urgence diagnostique
et thérapeutique.
Dans les faits, certains médecins peuvent avoir des
réticences à faire subir une cystectomie totale à des
sujets âgés (20). Leur rationnel repose sur l’importante
morbidité de cette chirurgie et ses conséquences
psychologiques chez des patients jugés fragiles tant
sur le plan physiologique que cognitif (21).
Morbimortalité de la cystectomie totale
chez le sujet âgé
Plusieurs études rétrospectives de cohortes ont montré
que la morbidité et la mortalité de la cystectomie totale
ont été plus élevées chez les patients âgés de plus
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de 70 ans que chez les plus jeunes (22-24). Dans l’analyse
multivariée faite récemment par T.M. Morgan et al.,
l’âge a été un facteur de risque indépendant de
mortalité dans les 90 jours suivant la cystectomie
totale (25). Les morbidités compétitives ont également
été corrélées au pronostic péri-opératoire (23, 26).
Lévaluation de morbidité compétitive, par exemple
par le score de Charlson (27), apporte une information
pronostique complémentaire, mais ne modifi e pas,
en soit, le pronostic du patient (23). En eff et, recenser
les faiblesses des patients sans les corriger ou adapter
la prise en charge péri-opératoire n’a pas d’autre
intérêt que celui d’évaluer le risque de complication
et de décès. Lévaluation gériatrique globale et la mise
en place des mesures correctives quelle préconise
pourraient apporter une réduction de morbimortalité
péri-opératoire (28). Néanmoins, aucune étude sur léva-
luation gériatrique globale dans la condition spécifi que
des patients âgés subissant une cystectomie totale n’a
été faite. Par ailleurs, la nécessité d’une intervention
rapide est diffi cilement compatible avec la réalisation
d’une évaluation gériatrique globale et, a fortiori, avec
la mise en place de toutes ces mesures correctives qui,
en pratique, demandent plusieurs mois.
La chirurgie doit-elle être modifi ée
du fait de l’âge du patient ?
Le traitement chirurgical curateur des TVIM consiste
en une cystectomie totale (cystoprostatectomie
chez l’homme) avec curage ganglionnaire pelvien.
Dans une étude du registre SEER, F. Abdollah et al.
ont montré que le curage ganglionnaire pelvien a
été moins fréquemment réalisé chez les patients de
plus de 80 ans, alors que ses valeurs pronostiques et
thérapeutiques étaient virtuellement les mêmes que
chez les patients moins âgés (29). Largument du non
intérêt du curage en tant quélément dinformation
pronostique est recevable si, comme pour certaines
équipes, l’âge avancé du patient contre-indique une
chimiothérapie adjuvante. En revanche, la valeur théra-
peutique du curage ganglionnaire a été démontrée (30)
et se justifi e d’autant plus qu’aucune chimiothérapie
ne sera proposée aux patients en postopératoire.
Par conséquent, l’âge du patient ne constitue pas une
justifi cation pour surseoir au curage ganglionnaire.
La dérivation des urines après cystectomie est rendue
impérative par la suppression du réservoir vésical et peut
être schématiquement assurée soit par un abouchement
cutané des uretères direct (urétérostomie cutanée) ou à
travers un segment intestinal (urétérostomie transiléale
de type Bricker, la plus fréquemment utilisée), soit par un
remplacement vésical orthotopique ( entérocystoplastie).
Il n’y a pas détude comparative randomisée permettant
de démontrer la supériorité d’une technique sur les
autres, que ce soit en termes de complications péri-
ou postopératoires ou en termes de qualité de vie.
A. Pycha et al. ont comparé les complications péri- et
postopératoires de 130 patients à haut risque de compli-
cations (défi ni sur le score ASA) en fonction du type de
dérivation cutanée réalisée (31). Contrairement à ce qui
était attendu, la morbidité de l’urétérostomie cutanée,
technique la plus simple, n’a pas été signifi cativement
plus faible que celle des dérivations utilisant un segment
digestif. Néanmoins, les 3 groupes de l’étude nétaient
pas comparables sur le plan du score ASA, au détriment
des patients ayant eu une urétérostomie cutanée (31).
Si la morbidité potentielle de la technique de dérivation
augmente avec sa complexité, elle est essentiel-
lement dépendante de l’expérience des équipes qui la
pratiquent et, dans ce domaine, les résultats des centres
à haut volume d’activité ont montré leur supériorité (32).
Concernant la qualité de vie, la récupération de la conti-
nence urinaire après entérocystoplastie a été plus
aléatoire chez les patients âgés de plus de 75 ans (33).
Cependant, là encore, l’expérience de l’environnement
(gériatres, kinésithérapeutes, infi rmières, psychologues
et stomathérapeutes) a été déterminante dans le résultat
fonctionnel et son ressenti pour le patient (20, 34).
En résumé, les principes carcinologiques de la cystec-
tomie totale ne doivent pas être remis en cause du
fait de l’âge du patient. En revanche, les sujets âgés
bénéfi cieraient d’une chirurgie réalisée dans un environ-
nement adapté, c’est-à-dire disposant d’une équipe
ayant un maximum d’expérience de cette chirurgie,
avec, idéalement, une prise en charge péri-opératoire
gériatrique globale.
Traitements chirurgicaux palliatifs
Les traitements chirurgicaux du cancer de la vessie
peuvent être distingués selon leur objectif carcino-
logique : à titre curatif, il s’agit de la résection endo-
scopique de la vessie pour TVNIM et de la cystectomie
totale (cystoprostatectomie chez l’homme) avec curage
ganglionnaire pelvien pour les TVIM. À titre palliatif, il
s’agit de la RTUV pour les TVIM, de la cystectomie et
des dérivations urinaires cutanées.
Les RTUV palliatives ont permis le contrôle transi-
toire des hématuries et, dans une moindre mesure,
une réduction des symptômes algiques et irritatifs
liés au volume tumoral intravésical. Dans le cas d’une
obstruction des méats urétéraux par la tumeur, la RTUV
peut permettre de reperméabiliser les voies excrétrices
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supérieures. Les résultats sont, là aussi, transitoires.
La mise en place d’endoprothèses urétérales a permis
d’améliorer la durée des résultats (35). Cependant,
la mise en place de telles endoprothèses a également
été corrélée à des symptômes irritatifs vésicaux altérant
la qualité de vie (36).
Lorsque les voies excrétrices supérieures étaient
obstruées et que la dérivation nétait pas possible
par voie rétrograde (mise en place d’endoprothèse
urétérale [sonde JJ]), la mise en place d’une néphro-
stomie a permis de traiter une insuffi sance rénale aiguë
ou une pyélonéphrite obstructive. Néanmoins, la mise
en place de tels drains a été associée à une altération de
la qualité de vie (37) alors même que l’espérance de vie
médiane des patients ayant une obstruction urétérale
n’a été que de 3 mois environ (38). Par conséquent,
l’évaluation du bénéfi ce de cette dérivation doit être
déterminée en prenant en considération la vitesse de
croissance tumorale et les possibilités de chimiothérapie
qui peuvent être proposées aux patients (36).
En conclusion, la prise en charge chirurgicale des
cancers de la vessie chez les patients âgés doit être à
la fois préparée au mieux avec les équipes gériatriques,
les nutritionnistes, les psychologues, les assistantes
sociales, etc., dans le but den réduire la morbidité péri-
opératoire, et doit être rapide afi n de ne pas retarder
l’intervention dont les principes carcinologiques sont
les mêmes que chez le patient plus jeune. Lexpertise
oncogériatrique des équipes médicales et chirurgicales
est un facteur pronostique particulièrement important
dans ce contexte.
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Références
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Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de
communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur
l’état actuel de la recherche ; ainsi les données présentées sont susceptibles de
ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas
être mises en pratique. Ce compte-rendu a été réalisé sous la seule
responsabilité du coordonnateur, des auteurs et du directeur de la publication qui
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