La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVIII - no 6 - novembre-décembre 2013 | 229
Points forts
d’enregistrement, ces événements indésirables sont
proportionnellement plus fréquents avec le télaprévir
qu’avec l’association interféron pégylé + ribavirine :
56 % et 34 % pour les manifestations cutanées ;
36 % et 17 % pour l’anémie ; 47 % et 28 % pour le
prurit ; 29 % et 7 % pour les symptômes anorec-
taux, respectivement (1). Dans les études ADVANCE
(patients naïfs) et REALIZE (patient prétraités), le
taux d’interruption du traitement anti-VHC pour
événement indésirable se situait entre 10 et 15 %
respectivement chez les patients recevant le téla-
prévir (versus 7 % et 3 % respectivement dans le
bras interféron pégylé + ribavirine) [6, 7].
De même, les interruptions de traitement pour érup-
tion cutanée chez les patients recevant le télaprévir
ont été retrouvées dans ces mêmes essais chez 5 à
7 % des patients. Quant aux arrêts de traitement
pour motif hématologique, ils se situaient dans le
groupe télaprévir entre 2 et 4 % selon les études.
Les modifi cations de posologie de la ribavirine pour
anémie ont été plus fréquente chez les patients
traités par télaprévir (32 %) que chez les patients
recevant interféron pégylé + ribavirine (12 %). Dans
l’étude ADVANCE, l’anémie a été rapportée chez
37 % des patients du groupe trithérapie contre 19 %
de ceux du groupe témoin (6).
Dans ces mêmes études évaluant le télaprévir,
l’utilisation de l’érythropoïétine était interdite, et
la toxicité hématologique – en particulier l’anémie –
a été gérée par des réductions de posologie de la
ribavirine. Dans une analyse poolée des patients
ayant participé aux essais ADVANCE et ILLUMINATE,
une transfusion sanguine a été pratiquée chez 12 %
des patients qui présentaient un taux d’hémoglo-
bine inférieur à 10 g/dl (5 % des patients du bras
contrôle ; 5/92) [6, 8]. Dans la même analyse, la
modifi cation de la posologie de ribavirine (réduction
ou interruption) n’a pas été associée à des taux plus
faibles de réponse virologique soutenue (RVS) chez
les patients recevant le télaprévir (7).
Les manifestations cutanées sont susceptibles
d’apparaître dans les 4 premières semaines de trai-
tement, mais elles peuvent également survenir à
tout moment. Dans plus de 50 % des cas, elles appa-
raissent au cours du premier mois de traitement.
De rares cas de réactions cutanées graves, parmi
lesquelles une éruption cutanée avec éosinophilie et
symptômes systémiques (Drug Reaction with Eosino-
philia and Systemic Symptoms, DRESS) et le syndrome
de Stevens-Johnson, ont également été décrits avec le
télaprévir. Dans l’étude REALIZE, ces manifestations
cutanées ont été considérées comme graves dans
5 % des cas et ont motivé l’arrêt du télaprévir dans
2 % des cas (7). Des taux équivalents sont retrouvés
dans l’étude ADVANCE, qui recense un syndrome de
Stevens-Johnson 11 semaines après la dernière prise
de télaprévir (6). Dans la cohorte CUPIC, une érup-
tion cutanée sévère (de grade 3/4) est survenue chez
4,8 % des patients traités avec le télaprévir (9, 10).
Aux États-Unis, depuis la commercialisation du téla-
prévir, 92 cas de DRESS et 20 cas de syndrome de
Stevens-Johnson ont été recensés entre mai 2011 et
juin 2012. Par ailleurs, quelques cas de syndrome de
Lyell ont été rapportés au Japon et aux États-Unis ;
parmi ces cas sévères, 2 décès ont été signalés (11).
Bocéprévir et télaprévir
chez les patients cirrhotiques
(CUPIC)
De même que les bithérapies, les trithérapies sont
associées à des effets indésirables plus fréquents
et plus graves chez les patients cirrhotiques que
chez les patients non cirrhotiques. L’étude française
multicentrique CUPIC (9, 10) apporte des donnés
importantes issues de la vie réelle, chez des patients
cirrhotiques traités soit par télaprévir (n = 292), soit
par bocéprévir (n = 205). Bien que l’étude soit non
randomisée, certaines tendances se dégagent de
l’ensemble de ces données. Le profi l de tolérance de
ces 2 molécules dans cette population est médiocre,
comme en témoigne la fréquence élevée d’effets
indésirables graves recensés (45,2 % dans le bras
télaprévir et 32,7 % dans le bras bocéprévir). Le taux
de décès est de 1,7 % chez les patients recevant le
télaprévir et de 0,5 % chez les patients recevant le
bocéprévir, les infections de grade 3/4 sont estimées
à 6,5 % et 2,4 % respectivement, et les cas de décom-
pensation hépatique sont de 2 % et 2,9 % (9, 10).
Les auteurs rapportent également un taux global
d’abandon du traitement de 22,6 % chez les patients
recevant le télaprévir et de 26,3 % chez ceux recevant
»
Dans les essais cliniques évaluant le bocéprévir et le télaprévir, en comparaison avec la bithérapie inter-
féron pégylé + ribavirine, les événements indésirables les plus notables sont hématologiques et cutanés.
»
L’analyse rétrospective des études de phase III du bocéprévir et du télaprévir montre que la diminution
de dose de la ribavirine ne semble pas avoir un impact négatif sur la réponse virologique soutenue, surtout
quand elle intervient après obtention de l’indétectabilité.
»
Le profil de tolérance de ces molécules dans cette population est médiocre, comme en témoigne la
fréquence élevée des effets indésirables graves. Les patients cirrhotiques peuvent être traités, mais avec
prudence et avec un suivi attentif.
»Les patients prétraités ayant une cirrhose compensée mais combinant une numération plaquettaire infé-
rieure à 100 000/mm3 et une albumine sérique inférieure à 35 g/l ont un risque élevé de complications graves.
Mots-clés
Bocéprévir
Télaprévir
Molécules antivirales
à action directe
Événements
indésirables
Highlights
»
In clinical trials evaluating
boceprevir and telaprevir, the
most notable adverse events,
when compared to pegylated
interferon and ribavirin therapy,
were hematologic and cuta-
neous.
»
Retrospective phase III
studies of boceprevir and
telaprevir showed that ribavirin
dose reduction does not seem
to have a negative impact on
SVR, especially after reaching
undetectability.
»
The safety profile of
boceprevir and telaprevir in
cirrhotic patients is poor, as
evidenced by a higher rate
of reported serious adverse
events. Cirrhotic patients
should be treated with caution
and followed attentively.
»
Pretreated patients with
compensated cirrhosis, but
combining a platelet count less
than 100,000/mm3and serum
albumin less than 35g/l are
at high risk of serious adverse
events.
Keywords
Boceprevir
Telaprevir
Direct acting agents
Adverse events