Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 6 • novembre-décembre 2011
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Cas clinique
Cas 4
Une patiente âgée de 61ans était traitée pour une hépatite chronique C par interféron
alpha, ribavirine et télaprévir.
Trois semaines après le début du traitement, survenait une éruption prurigineuse
érythématopapuleuse œdémateuse diffuse, avec aspect purpurique au niveau des
jambes et œdème du visage
(figures 9-11)
, qui s’aggravait progressivement, malgré
des dermocorticoïdes, des émollients et des antihistaminiques.
À l’examen clinique, les aires ganglionnaires étaient libres, les muqueuses étaient
indemnes.
Elle était hospitalisée du fait de la survenue, en parallèle, d’une anémie nécessitant une
transfusion de culots globulaires et de l’apparition d’une fièvre élevée. Les examens
biologiques ne mettaient pas en évidence d’éosinophilie ni d’atteinte viscérale.
Le traitement par télaprévir était interrompu, permettant une régression de l’éruption.
Discussion
Les manifestations cutanées associées à l’interféron et à la ribavirine sont bien
connues. Il est intéressant de noter que l’association de la ribavirine et de l’interféron
a augmenté la fréquence des manifestations prenant la forme de sécheresse cutanée,
prurit et éruptions eczématiformes déjà connues sous interféron seul. Le passage à
l’interféron pégylé a encore augmenté la fréquence de ces manifestations. La ribavirine
a ajouté des effets indésirables spécifiques, en particulier la photosensibilité.
Depuis la récente mise à disposition des antiprotéases, et particulèrement du téla-
prévir, les manifestations cutanées ont augmenté de façon spectaculaire au cours de
ces traitements : le prurit et les éruptions cutanées représentent en effet les effets
secondaires les plus fréquents.
Sur l’étude cumulée de l’ensemble des patients traités par télaprévir au cours des
études de phases 2 et 3 (près de 2 000patients) les toxidermies étaient observées chez
55 % des patients traités par télaprévir contre 33 % des patients sous placebo
(5-9)
. La
très grande majorité(90 %) de ces toxidermies étaient peu sévères mais invalidantes.
Elles apparaissent généralement en début de traitement(50 % dans les 4 premières
semaines) mais peuvent apparaître à tout moment. Le début médian est en effet de
25jours. Elles sont d’évolution prolongée, leur durée médiane étant de 44jours.
Les éruptions eczématiformes prurigineuses fréquentes d’apparition parfois rapide
ne représentent qu’une simple augmentation de la fréquence des éruptions déjà
connues avec l’association interféron–ribavirine. Elles sont distinctes des éruptions plus
sévères et peut-être plus spécifiques des antiprotéases, en particulier du télaprévir.
Ces dernières surviennent plus tardivement, souvent 3 à 4semaines après le début
du traitement. Elles se présentent sous la forme de lésions érythématopapuleuses
œdémateuses extrêmement prurigineuses, avec parfois un œdème du visage et une
fièvre élevée. Une toxidermie à type de DRESS
(Drug Reaction with Eosinophilia and
Systemic Symptoms)
a été rapportée
(10).
L’observation présentée (cas 4) aurait pu
cliniquement faire discuter ce diagnostic. Toutefois, dans la majorité des cas, il n’y
a pas les critères diagnostiques pour un DRESS : absence de lymphocytes atypiques,
absence d’éosinophilie, absence d’atteinte viscérale.
Légendes
Figure 9. Éruption maculopapuleuse
du tronc.
Figure 10. Éruption cutanée sur les jambes
avec renforcement périphérique donnant
un aspect circiné.
Figure 11. Érythème et œdème du visage.
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