Images en Dermatologie Vol. IV 6 novembre-décembre 2011
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Cas clinique
Manifestations cutanées
au cours des nouveaux traitements
de l’hépatite C
Skin manifestations
in patients treated for hepatitis C
V. Descamps*, T. Asselah** (* Service de dermatologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris ;
** Service d’hépatologie, hôpital Beaujon, Clichy)
Les traitements de l’hépatite C connaissent un grand changement en 2012
avec la mise à disposition des antiprotéases qui font entrer la prise en charge
des patients atteints d’hépatite chronique C dans une ère nouvelle. Au traite-
ment classique – associant interféron pégylé et ribavirine, pour une durée de 24 à
72 semaines et dont l’effi cacité est dépendante du génotype viral – se sont récem-
ment ajoutées les antiprotéases (bocéprévir et télaprévir) et les anti polymérases
en cours d’évaluation. Ces traitements sont particulièrement importants pour les
génotypes 1 qui étaient peu répondeurs au traitement classique.
Le dermatologue est particulièrement concerné par la prise en charge des patients
traités pour une hépatite chronique C. Aux manifestations cutanées classiques asso-
ciées à l’hépatite chronique C (prurit, érythème acral, psoriasis, lichen plan, vascularite,
cryoglobulinémie mixte, porphyrie cutanée tardive) s'ajoutent les effets indésirables
propres à ces différents traitements et l’induction ou la révélation possible de maladies
infl ammatoires sous traitement par interféron alpha (psoriasis, lichen plan, sarcoïdose,
dermatite atopique)
[1-4]
.
Nous rapportons quatre observations de patients traités avec succès par ces nouvelles
thérapeutiques et illustrant des manifestations classiques au cours de ces traitements.
Observations
Cas 1
Un patient âgé de 52ans était traité depuis 4mois par l’association bocéprévir, inter-
féron pégylé et ribavirine. Il avait reçu un premier traitement, 18mois auparavant,
par interféron pégylé et ribavirine seuls, sans effi cacité. Sous ce nouveau traitement
sont apparues progressivement des lésions nummulaires prurigineuses disséminées,
accompagnées d’une grande sécheresse cutanée et muqueuse. Un prélèvement myco-
logique réalisé en ville était négatif.
L’aspect clinique évoquait un eczéma nummulaire, malgré l’absence d’antécédent
atopique, mais pouvait faire discuter un psoriasis remanié
(fi gures 1-3)
. Il n’y avait
pas d’autre atteinte, en particulier phanérienne, en facteur du psoriasis. Une biopsie
cutanée confi rmait le diagnostic d’eczéma. Un traitement par dermocorticoïdes asso-
ciés aux émollients permettait d’améliorer incomplètement les lésions cutanées et
le prurit. L’arrêt de l’antiprotéase (comme prévu dans le cadre de son traitement)
ne modifi ait pas l’évolution des lésions cutanées qui persistaient, inchangées, sous
l’association d’interféron et de ribavirine.
Toxidermie Hépatite chro-
nique C Interféron alpha
Ribavirine Antiprotéase
Télaprévir • Bocéprévir
Dermatological adverse drug
reaction Chronic hepatitis C
• Interferon alfa • Ribavirin
• Antiprotease • Telaprevir •
Boceprevir
Légendes
Figure 1. Lésions nummulaires eczémati-
formes du bras droit.
Figure 2. Lésions nummulaires au dos.
Figure 3. Lésions nummulaires du bras
gauche.
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Ce tableau clinique était caractéristique des éruptions eczématiformes, parfois nummu-
laires ou disséminées, observées sous traitement par interféron seul et encore plus
fréquentes au cours des associations interféron-ribavirine et interféron-ribavirine-
antiprotéase. Il est souvent noté des plaques eczématiformes aux sites d’injection de
l’interféron
(figure 4)
.
Cas 2
Un patient âgé de 47ans était traité pour une hépatite chronique C par l’association
bocéprévir, interféron pégylé et ribavirine depuis 4mois.
Il avait présenté, dès le début du traitement, des lésions érythémateuses eczémati-
formes aux sites d’injection d’interféron pégylé et une photosensibilité en rapport avec
la prise de ribavirine. Depuis, il réalisait une photoprotection par application régulière
de crème antisolaire.
Depuis deux semaines était apparue une éruption différente œdémateuse diffuse, très
prurigineuse, prédominant au niveau du tronc et du visage, sans facteur déclenchant
particulier
(figure 5)
.
L’état général était conservé. Le patient ne présentait pas de fièvre. Les aires ganglion-
naires étaient libres, à l’exception de ganglions banals axillaires.
Au niveau des jambes, les lésions prenaient un aspect purpurique, favorisé par une
thrombopénie
(figure 6)
.
Le bilan biologique ne montrait pas d’hyperéosinophilie et ne révélait aucune atteinte
viscérale, n’apportant aucun argument en faveur d’un DRESS : absence d’hyperéosi-
nophilie, absence d’atteinte viscérale.
Une biopsie réalisée sur les placards érythémato-œdémateux ne mettait pas en
évidence de signe spécifique, la peau paraissant normale, sans infiltrat inflammatoire,
contrastant avec l’aspect inflammatoire clinique.
Un traitement par dermocorticoïdes forts associés à des émollients et à des antihis-
taminiques a permis un contrôle relatif de l’éruption, qui a persisté mais dans une
limite supportable.
Cas 3
Un patient de 46ans était traité pour une hépatite chronique C par interféron alpha,
ribavirine et télaprévir.
Il consultait pour des lésions érythématosquameuses apparues sous traitement. L’as-
pect clinique évoquait un psoriasis avec des lésions disséminées prédominant au niveau
des coudes, genoux, jambes et points d’injection d’interféron. Il notait en parallèle une
modification des cheveux dont la couleur avait changé et des cils, devenus plus épais
et de grande taille
(figure 7)
. Les modifications phanériennes sont classiques sous
interféron alpha. L’interféron est souvent responsable d’un effluvium télogène mais
peut induire aussi des modifications réversibles des cheveux et des cils.
L’aspect clinique était typique d’un psoriasis induit par l’interféron
(figure 8)
. Sous
interféron, les traitements locaux contrôlaient incomplètement le psoriasis.
Finalement, le psoriasis régressait spontanément peu de jours après l’arrêt du trai-
tement par interféron.
Légendes
Figure 4. Érythème aux points d’injection de
l’interféron pégylé.
Figure 5. Rash maculopapuleux œdemateux
du tronc.
Figure 6. Placards érythémateux et purpu-
riques des jambes.
Figure 7. Hypertrichose ciliaire.
Figure 8. Plaque érythématosquameuse
psoriasiforme de la jambe.
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Cas 4
Une patiente âgée de 61ans était traitée pour une hépatite chronique C par interféron
alpha, ribavirine et télaprévir.
Trois semaines après le début du traitement, survenait une éruption prurigineuse
érythématopapuleuse œdémateuse diffuse, avec aspect purpurique au niveau des
jambes et œdème du visage
(figures 9-11)
, qui s’aggravait progressivement, malgré
des dermocorticoïdes, des émollients et des antihistaminiques.
À l’examen clinique, les aires ganglionnaires étaient libres, les muqueuses étaient
indemnes.
Elle était hospitalisée du fait de la survenue, en parallèle, d’une anémie nécessitant une
transfusion de culots globulaires et de l’apparition d’une fièvre élevée. Les examens
biologiques ne mettaient pas en évidence d’éosinophilie ni d’atteinte viscérale.
Le traitement par télaprévir était interrompu, permettant une régression de l’éruption.
Discussion
Les manifestations cutanées associées à l’interféron et à la ribavirine sont bien
connues. Il est intéressant de noter que l’association de la ribavirine et de l’interféron
a augmenté la fréquence des manifestations prenant la forme de sécheresse cutanée,
prurit et éruptions eczématiformes déjà connues sous interféron seul. Le passage à
l’interféron pégylé a encore augmenté la fréquence de ces manifestations. La ribavirine
a ajouté des effets indésirables spécifiques, en particulier la photosensibilité.
Depuis la récente mise à disposition des antiprotéases, et particulèrement du téla-
prévir, les manifestations cutanées ont augmenté de façon spectaculaire au cours de
ces traitements : le prurit et les éruptions cutanées représentent en effet les effets
secondaires les plus fréquents.
Sur l’étude cumulée de l’ensemble des patients traités par télaprévir au cours des
études de phases 2 et 3 (près de 2 000patients) les toxidermies étaient observées chez
55 % des patients traités par télaprévir contre 33 % des patients sous placebo
(5-9)
. La
très grande majorité(90 %) de ces toxidermies étaient peu sévères mais invalidantes.
Elles apparaissent généralement en début de traitement(50 % dans les 4 premières
semaines) mais peuvent apparaître à tout moment. Le début médian est en effet de
25jours. Elles sont d’évolution prolongée, leur durée médiane étant de 44jours.
Les éruptions eczématiformes prurigineuses fréquentes d’apparition parfois rapide
ne représentent qu’une simple augmentation de la fréquence des éruptions déjà
connues avec l’association interféron–ribavirine. Elles sont distinctes des éruptions plus
sévères et peut-être plus spécifiques des antiprotéases, en particulier du télaprévir.
Ces dernières surviennent plus tardivement, souvent 3 à 4semaines après le début
du traitement. Elles se présentent sous la forme de lésions érythématopapuleuses
œdémateuses extrêmement prurigineuses, avec parfois un œdème du visage et une
fièvre élevée. Une toxidermie à type de DRESS
(Drug Reaction with Eosinophilia and
Systemic Symptoms)
a été rapportée
(10).
L’observation présentée (cas 4) aurait pu
cliniquement faire discuter ce diagnostic. Toutefois, dans la majorité des cas, il n’y
a pas les critères diagnostiques pour un DRESS : absence de lymphocytes atypiques,
absence d’éosinophilie, absence d’atteinte viscérale.
Légendes
Figure 9. Éruption maculopapuleuse
du tronc.
Figure 10. Éruption cutanée sur les jambes
avec renforcement périphérique donnant
un aspect circiné.
Figure 11. Érythème et œdème du visage.
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