Mise au point Les nouveaux traitements de l’hépatite C New treatments for hepatitis C virus infection P. Sogni (Service d’hépatologie, hôpital Cochin, CNRS UMR 8104, Inserm U-1016, université Paris-Descartes, Sorbonne Paris-Cité) Complications .PUTDMÏT)ÏQBUJUF$t*OUFSGÏSPOQÏHZMÏt3JCBWJSJOFt #PDÏQSÏWJSt5ÏMBQSÏWJS ,FZXPSET)FQBUJUJT$t1FHZMBUFEJOUFSGFSPOt3JCBWJSJOt #PDFQSFWJSt5FMBQSFWJS - hépatite C chronique est un problème de santé publique avec 300 à 400 millions de personnes infectées dans le monde (1). La prévalence en France est évaluée à 0,84 % de la population, et on estime à environ 230 000 le nombre de personnes avec une multiplication virale (2). Son histoire naturelle est marquée par la constitution d’une cirrhose dans environ 20 % des cas, avec une durée moyenne de constitution de 20 à 30 ans environ (3). La fréquence de cette évolution et sa rapidité de constitution dépendent de la présence ou non des facteurs de risque de développement de la fibrose, qui sont : l’âge du patient, l’âge au moment de la contamination, la durée d’évolution, la surconsommation d’alcool, un syndrome métabolique, une co-infection par le VIH ou le VHB, et une immunodépression non liée au VIH (par exemple chez les patients transplantés). Les complications de la cirrhose sont responsables de la morbidité et de la mortalité de cette pathologie, en dehors de plus rares manifestations extrahépatiques sévères comme la glomérulonéphrite extramembraneuse ou les vascularites. Ces complications sont liées à l’insuffisance hépatique (sepsis, encéphalopathie hépatique), à l’hypertension portale (varices œsogastriques ou plus rarement ectopiques, avec le risque d’hémorragies digestives), ou sont mixtes comme l’ascite (souvent elle-même compliquée d’infection) et, enfin, elles peuvent être liées au carcinome hépatocellulaire, qui représente actuellement la principale cause de mortalité au cours de la cirrhose. On considère globalement que l’incidence annuelle d’une complication au cours de l’évolution d’une cirrhose est de 6 % ; dans la moitié des cas, il s’agit d’un carcinome hépatocellulaire. De nouvelles trithérapies L’enjeu du traitement antiviral C est donc important. Le but est d’obtenir une réponse virologique soutenue (RVS) définie par une virémie (PCR VHC) indétectable 6 mois après l’arrêt du Échappement Charge virale (PCR VHC) Répondeurs nuls Rechuteurs Non-répondeurs È ≥ 2 log Répondeurs partiels Limite de détection Traitement J0 S12 S24 S36 S48 S60 S72 Figure 1. Représentation schématique des différents types d’échec au traitement par interféron pégylé + ribavirine chez des patients atteints d’hépatite C chronique (5). Images en Dermatologie U Vol. V UÊcÊ£ÊUÊ>ÛiÀvjÛÀiÀÊÓä£Ó ÓÇ Mise au point traitement. Cette RVS correspond à une guérison virologique, même si la sérologie VHC reste habituellement positive. Elle est associée à une amélioration biologique (normalisation des transaminases) et histologique des lésions d’activité nécroticoinflammatoire et de fibrose. Elle est associée également à une amélioration pronostique avec une diminution du risque de cirrhose quand le traitement a été réalisé avant ce stade, et à une stabilisation des lésions de cirrhose, voire une régression de la cirrhose quand le traitement a été réalisé plus tardivement. Le traitement de référence actuel est constitué par l’association de l’interféron pégylé (PEG-IFN) et de la ribavirine, pendant 24 à 72 semaines, permettant d’obtenir une guérison dans un peu plus de la moitié des cas. Ce résultat varie en fonction du génotype : 80 % pour le génotype 2, 70 % pour le génotype 3, 60 % pour le génotype 4 et 45 à 50 % pour le génotype 1. Ce dernier génotype représente environ 55 % des patients en France (4). -29 69 % -75 83 % -88 % Le traitement par trithérapie entraîne une augmentation des chances de guérison quel que soit le statut du patient vis-à-vis d’un traitement antérieur (figure 2) [6-9]. -44 63 % -66 69 % -75 % 7-1 5 40 % -52 54 % -59 % 80 40 -33 29 5% % 60 20 0 Premier traitement Rechuteurs au traitement antérieur PEG-IFN + ribavirine Répondeurs partiels au traitement antérieur Répondeurs nuls au traitement antérieur Trithérapie incluant le bocéprévir Trithérapie incluant le télaprévir Figure 2. Résultats des études de phase III comparant le traitement standard (interféron pégylé + ribavirine) aux trithérapies incluant le bocéprévir ou le télaprévir, en fonction du statut des patients atteints d’hépatite C chronique de génotype 1 vis-à-vis d’un traitement antérieur (6-9). Les études n’ont pas comparé directement les trithérapies entre elles mais chaque trithérapie au traitement standard. Ón Les chances de guérison avec ces nouvelles trithérapies dépendent d’abord du statut du patient vis-à-vis d’un traitement antérieur. Le patient peut être naïf de traitement, ou bien au contraire en échec d’un premier traitement standard par bithérapie PEG-IFN et ribavirine (5). Dans ce cas, on distingue (figure 1, p. 27) les patients ayant rechuté après un premier traitement (PCR VHC négativée pendant le traitement et repositivée dans les 6 mois suivant la fin du traitement), les patients ayant échappé à un premier traitement (PCR VHC négativée et repositivée au cours du traitement) et les patients non répondeurs (PCR VHC jamais négativée durant le traitement). Parmi ces derniers, on distingue (figure 1, p. 27) les patients répondeurs partiels (PCR VHC ayant diminué de plus de 2 log à S12 mais positive à S24) des patients répondeurs nuls (PCR VHC ayant diminué de moins de 2 log à S12). Intérêt et contraintes des nouvelles trithérapies 24 100 38 Réponse virologique soutenue = guérison virologique (%) La recherche, très active dans ce domaine, s’est orientée au cours des dernières années vers le développement de molécules directement antivirales. Les molécules les plus avancées sont le bocéprévir (Victrelis®) et le télaprévir (Incivo®), des anti- protéases NS3 qui viennent d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché (AMM), respectivement en juillet et en septembre 2011. Leur indication est réservée aux patients atteints d’hépatite C chronique de génotype 1 non décompensée, en primotraitement ou en retraitement en cas d’échec du traitement standard. Ces molécules sont prescrites en association avec PEG-IFN et la ribavirine (trithérapie). Images en Dermatologie U Vol. V UÊcÊ£ÊUÊ>ÛiÀvjÛÀiÀÊÓä£Ó Ce bénéfice réel pour les patients de génotype 1 s’accompagne malheureusement d’un certain nombre de contraintes : ▶ Ces antiprotéases de première génération sont métabolisées entre autres par le cytochrome P450 3A4/5 et inhibent celui-ci. Il s’agit d’une voie métabolique majeure, empruntée par un grand nombre de médicaments. Il faut donc vérifier avant de commencer cette trithérapie que la poursuite des traitements concomitants ne pose pas de problème particulier. Des sites spécialisés sont aisément consultables en ligne pour évaluer ce risque potentiel (10). ▶ La prise de ces antiprotéases doit se faire 3 fois par jour en se rapprochant le plus possible d’une prise toutes les 8 heures. Pour le bocéprévir, la prise est de 4 gélules à 200 mg × 3/j, et pour le télaprévir, de 2 comprimés à 750 mg × 3/j. Ces 2 molécules doivent être prises avec une collation (de préférence grasse pour le télaprévir). ▶ Les schémas thérapeutiques sont différents suivant le statut du patient vis-à-vis d’un traitement antérieur, suivant la rapidité de la réponse virologique sous traitement, la présence ou non d’une cirrhose et l’antiprotéase utilisée – bocéprévir (figure 3) ou télaprévir (figure 4). ▶ Le fait d’ajouter une nouvelle molécule augmente bien entendu le risque d’effets indésirables par rapport à la bithérapie par PEG-IFN et ribavirine, effets qui sont déjà nombreux. Avec Mise au point S12 S8 S4 S0 S24 S48 S36 S28 Patients naïfs non cirrhotiques avec PCR VHC+ à S8 ou répondeurs partiels Patients naïfs, non cirrhotiques, avec PCR VHC– à S8 Patients cirrhotiques ou répondeurs nuls PEG-IFN + ribavirine Trithérapie incluant le bocéprévir le bocéprévir, la dysgueusie et l’anémie sont plus fréquentes. Avec le télaprévir, l’anémie est également plus fréquente, de même que les troubles digestifs et les rashs cutanés (cf. cas clinique p. 30). L’anémie nécessite donc plus souvent l’utilisation d’érythropoïétine pour augmenter la tolérance et éviter la baisse des doses de ribavirine ou l’arrêt du traitement. ▶ En revanche, un certain nombre de ces traitements sont raccourcis en cas de réponse virologique rapide et maintenue durant le traitement (figures 3 et 4) sans pour autant restreindre les chances de guérison finale. À l’inverse, de nouvelles règles d’arrêt en cas d’inefficacité virologique sont proposées. Pour le bocéprévir, il est proposé d’arrêter le traitement si la PCR VHC est supérieure à 100 UI/ml à S12 ou positive à S24. Pour le télaprévir, il est proposé d’arrêter le traitement si la PCR ne diminue pas de plus de 2 log à S12 ou reste positive à S24 pour les patients naïfs, et si la PCR est supérieure à 100 UI/ml à S12 ou positive à S24 pour les patients en échec d’un traitement antérieur. Figure 3. Schéma des trithérapies incluant le bocéprévir. Conclusion S0 S4 S8 S12 S24 S28 S36 S48 Schéma standard Patients naïfs, non cirrhotiques et avec PCR VHC– de S4 à S20 PEG-IFN + ribavirine Un grand nombre d’autres molécules sont maintenant en essais de phase II ou III (11) : c’est par exemple le cas des inhibiteurs de protéase de deuxième génération, des inhibiteurs de polymérase, des inhibiteurs de cyclophiline, des inhibiteurs de NS5A ou des nouveaux interférons (interféron lambda). Ces nouvelles molécules sont actives surtout sur le génotype 1 mais, pour un certain nombre d’entre elles, elles le sont sur les génotypes non 1. Enfin, des essais de phase II proposent des associations de nouvelles molécules en quadrithérapie (12) ou bien en bithérapie orale sans PEG-IFN ni ribavirine en cas de réponse virologique précoce. Les stratégies futures devront inclure des traitements avec une puissance antivirale plus élevée, une durée de traitement plus courte et une meilleure tolérance. II Trithérapie incluant le télaprévir Figure 4. Schéma des trithérapies incluant le télaprévir. Conflit d’intérêts. P. Sogni déclare avoir un conflit d’intérêts avec les laboratoires Bristol-Myers Squibb, Schering-Plough/MSD, Roche, Janssen (co-investigateur dans des études sur le VHC, participation à des groupes de travail et à des réunions, invitation à des congrès), ainsi qu’avec les laboratoires Gilead, Boehringer Ingelheim, Tibotec et Vertex. Références bibliographiques 1. Lavanchy D. The global burden of hepatitis C. Liver Int 2009;29(Suppl.1):74-81. 2. Meffre C, Le Strat Y, Delarocque-Astagneau E, Antona D, Desenclos JC. Prévalence des hépatites B et C en France en 2004. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire, 2006. Disponible sur : http://www.invs.sante.fr/publications/2006/ prevalence_b_c/index.html 3. Afdhal NH. The natural history of hepatitis C. Semin Liver Dis 2004;24(Suppl. 2): 3-8. 4. European Association for the Study of the Liver. EASL Clinical Practice Guidelines: management of hepatitis C virus infection. J Hepatol 2011;55:245-64. 5. Shiffman ML. Chronic hepatitis C: treatment of pegylated interferon/ribavirin nonresponders. Curr Gastroenterol Rep 2006;8:46-52. 6. Poordad F, McCone J Jr, Bacon BR et al. Boceprevir for untreated chronic HCV genotype 1 infection. N Engl J Med 2011;364:1195-206. 7. Jacobson IM, McHutchison JG, Dusheiko G et al. Telaprevir for previously untreated chronic hepatitis C infection. N Engl J Med 2011;364:2405-16. 8. Bacon BR, Gordon SC, Lawitz E et al. Boceprevir for previously treated chronic HCV genotype 1 infection. N Engl J Med 2011;364:1207-17. 9. Zeuzem S, Andreone P, Pol S et al. Telaprevir for retreatment of HCV infection. N Engl J Med 2011;364:2417-28. 10. Sites en accès libre : www.pharmacoclin.ch ou www.hep-druginteractions.org 11. Flisiak R, Parfieniuk A. Investigational drugs for hepatitis C. Expert Opin Investig Drugs 2010;19:63-75. 12. Gane EJ, Roberts SK, Stedman CA et al. Oral combination therapy with a nucleoside polymerase inhibitor (RG7128) and danoprevir for chronic hepatitis C genotype 1 infection (INFORM-1): a randomised, double-blind, placebocontrolled, dose-escalation trial. Lancet 2010;376:1467-75. Images en Dermatologie U Vol. V UÊcÊ£ÊUÊ>ÛiÀvjÛÀiÀÊÓä£Ó Ó