26 | La Lettre du Sénologue • n° 57 - juillet-août-septembre 2012
Points forts
»
Les patientes traitées pour un cancer du sein peuvent présenter des symptômes urogénitaux gênants
(sécheresse vaginale, atrophie et infection urogénitale) liés aux traitements reçus : chimiothérapie et hormono-
thérapie. La carence estrogénique induite par ces traitements peut avoir un but thérapeutique, mais a des
conséquences néfastes sur la qualité de vie des patientes.
»
Le traitement hormonal substitutif oral reste contre-indiqué lors d’un antécédent de cancer mammaire.
En première intention, un traitement par lubrifiant ou hydratant doit être prescrit.
»En cas de persistance des symptômes, un traitement local par promestriène ou estriol peut être proposé,
en recherchant la dose minimale efficace. Le passage systémique de ces traitements, limitant leur utilisation,
est minime, voire nul. La patiente doit être informée du nombre d’études limité, mais également des résultats
rassurants de cette utilisation.
Mots-clés
Estrogènes locaux
Cancer du sein
Atrophie uro-génitale
Sécheresse vaginale
Highlights
»
Patients treated for breast
cancer can present uro-genital
symptoms (vaginal dryness, uro-
genital infection…) because of
treatments like chemotherapy
and hormonotherapy. The
estrogenic deficiency induced
by these treatments can have a
therapeutic purpose but has bad
consequences on the quality of
life of the patients.
»
The oral hormone replacement
therapy is contraindicated for
breast cancer survivors. In first
intention, vaginal lubricant or
moisturizer must be prescribed.
»
In case of recurency of the
symptoms, a local treatment
by promestrien or estriol can
be proposed, with minimal
dose. The systemic absorption
of vaginal estrogens is small.
Patient must be informed about
the few number of studies but
about the safety of this use.
Keywords
Topical estrogen
Breast cancer
Urogenial atrophy
Vaginal dryness
diminution de la vascularisation et des sécrétions
vaginales. Les différents traitements du cancer du
sein peuvent donc avoir des conséquences sur la
trophicité du vagin (atrophie, sécheresse, etc.)
pouvant être associées à un risque d’infection et
d’inflammation majoré ainsi que des signes fonc-
tionnels urinaires (dysurie, incontinence urinaire,
etc.) via l’atrophie des cellules lisses du tractus
uro-génital. L’atrophie vaginale est l’un des déter-
minants les plus importants de la fonction sexuelle
avec un impact important sur la qualité de vie.
Estrogènes locaux
Spécialités
Dans le monde, le traitement estrogénique local
existe sous différentes formes (ovules, crèmes,
comprimés et anneaux) et les préparations peuvent
être également différentes : estriol, 17 bêta-
estradiol ou estrogènes de synthèse (estrogènes
conjugués équins, promestriène). En France, les
estrogènes locaux existent sous forme d’estriol ou
de promestriène et sont présentés sous forme de
crème, comprimé ou ovule. Certaines préparations
contiennent une association d’estriol et de proges-
térone (Florgynal®, Trophigil®). Il existe 2 dosages
d’estriol pour les capsules vaginales : 0,2 mg (en
association avec de la progestérone) et 0,5 mg
(estriol seul : Physiogine®). Le promestriène se
présente sous forme de capsule vaginale dosée à
10 mg ou de crème (Colpotrophine®).
Pharmacocinétique
Les estrogènes locaux induisent la prolifération et
une lubrification de l’épithélium vaginal rendu atro-
phique par les traitements. Ils aident à la restauration
de la flore et du pH vaginal.
Les estrogènes sont absorbés par la paroi vaginale
et les effets peuvent ne pas être seulement locaux.
L’importance de leur absorption est dépendante de
la dose et de la formulation.
La plupart des galéniques ont une absorption et
un passage systémique minimes, voire nuls. Ils
n’altèrent donc pas le métabolisme hépatique. Le
promestriène a une action presque exclusivement
locale et son passage systémique est très faible.
L’étude princeps de Wolff et al. (3) chez 27 femmes
suivies pour cancer gynécologique ou mammaire
a évalué les taux plasmatiques hormonaux (FSH,
estrone, estradiol) après 40 jours d’utilisation de
promestriène. À la fin du traitement, aucune varia-
tion des dosages hormonaux n’est retrouvée, ce
qui suggère l’absence de passage systémique de
cette molécule. Ces résultats ont été confirmés
par l’étude plus récente de Del Pup et al. (4).
Quinze femmes suivies pour un cancer gynéco-
logique ont été traitées par promestriène 10 mg
pendant 1 mois, les dosages d’estrone avant et
après traitement vaginal ne varient pas de façon
significative. L’estriol, métabolite de l'estradiol et
de l'estrone, est nettement moins actif que ces
2 derniers. L’étude de Biglia et al. (5), réalisée
chez 18 patientes ayant un antécédent de cancer
du sein, montre après 12 semaines d’utilisation
d’estrogènes locaux (estriol ou estradiol) une
augmentation minime du taux d’estradiol circu-
lant (3,5 pg/ml) associée à une diminution non
significative des taux d’hormone folliculostimulante
(FSH) et d’hormone lutéinisante (LH). Kendall et
al. ont étudié le taux d’estrogènes circulants après
utilisation d’estradiol vaginal (Vagifem®) chez 6
patientes traitées par antiaromatase (6). Ils ont
mis en évidence une augmentation significative
du taux d’estrogènes circulants (de ≤ 5 pmol de
base à en moyenne 72 pmol/l après 2 semaines).Ils
soulignent le risque d’interférence entre le traite-
ment estrogénique local et le traitement antihor-
monal. Le faible nombre de patientes et l’utilisation
d’estradiol vaginal (non commercialisé en France)
sont les principales limites de cette étude, mais ce
sont les seules données que nous avons sur l’utili-
sation des estrogènes locaux en association avec
les antiaromatases. La connaissance du taux précis
d’estrogènes circulants des différentes présenta-
tions paraît indispensable, mais reste difficile en
pratique. De plus, l’absorption varie en fonction
de la durée du traitement et diminue avec l’amé-
lioration de la trophicité vaginale. Elle est donc
maximale au début du traitement.
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