D O S S I E R T H É M A T I Q U E Avant-propos • L. Choné* n dénombre par Medline 8 560 références indexées sous “gastric cancer” entre 1970 et 1997, et parmi celles-ci, 64 seulement sont d’origine française ! Les équipes françaises ne seraient-elles pas (ou peu) concernées par ce cancer, situé au deuxième rang mondial des cancers et pour lequel on compte à travers le monde 755 000 nouveaux cas par an ? Il est vrai que la France est un pays à faible risque de cancer gastrique et que son incidence y est en constante diminution depuis 20 ans, passant de 9 800 cas en 1975 à 7 310 cas en 1995 (alors que l'incidence du cancer colique est estimée à 30 000 nouveaux cas par an). Il est vrai que le traitement reste décevant et que l'exérèse chirurgicale est toujours le seul traitement curatif efficace de ce cancer. La chimiothérapie n'a pas, à ce jour, prouvé son efficacité en situation adjuvante, et en phase métastatique, les associations les plus prometteuses augmentent la survie médiane de 3 mois. Enfin, le pronostic reste globalement sombre et la survie à 5 ans en Europe occidentale varie entre 8 et 21 % selon l'étude EUROCARE… O Et pourtant, dans cette atmosphère morose, des données et des questions nouvelles viennent apporter des notes d'espoir. Le salut viendra-t-il d'Helicobacter pylori (H. pylori) ? Les études cas-témoins suggèrent que le risque de cancer de l'estomac est 3 à 6 fois plus élevé chez les sujets atteints d'une infection à H. pylori que chez les témoins. Il est maintenant clairement défini que la gastrite atrophique induite par la bactérie est une étape pivot dans la carcinogenèse gastrique. Une étude finlandaise a démontré en 1994 que l'incidence du cancer de l'estomac, de la gastrite atrophique et de l'infection à H. pylori diminuait de façon parallèle. Depuis une dizaine d'années, les données précisant les relations entre H. pylori et cancer de l'estomac se sont donc accumulées et l'IARC (International Agency for Research on Cancer) a classé H. pylori comme un carcinogène gastrique certain (groupe I). Cependant, un dépistage de masse n’est actuellement pas justifié, d’autant qu’il persiste encore de nom- breuses inconnues : par exemple, pourquoi la fréquence des cancers gastriques est-elle en diminution dans tous les pays du monde, alors qu'on estime que la moitié de la population mondiale est infectée par H. pylori ? La prévention offre donc des espoirs mais un diagnostic plus précoce pourrait également contribuer à diminuer la mortalité due au cancer de l'estomac. Comment expliquer les disparités observées entre la proportion de cancers superficiels diagnostiqués au Japon (30 à 40 % de la totalité des cas) et dans les pays occidentaux (10 % des cas environ) ? La dysplasie sévère doit être considérée comme une lésion précancéreuse dans la mesure où elle coexiste immédiatement ou dans les mois qui suivent avec une lésion néoplasique. Devrait-on, en conséquence, la rechercher avec plus de conviction ? La chirurgie étant le seul traitement curatif de ces cancers, peuton en améliorer la qualité ? Peut-on trouver un compromis satisfaisant entre les curages extensifs associés dans les études japonaises (souvent non randomisées) à un gain de survie et l'augmentation de la mortalité et de la morbidité associée aux curages de type D2 qui a été retrouvée dans deux études occidentales récentes ? Les chimiothérapies, notamment néo-adjuvantes, vont-elles améliorer le pronostic des formes localement avancées ? L'agressivité thérapeutique est-elle l’attitude à adopter face au cancer gastrique évolué ? Des traitements tels que la chimiothérapie ou la chimiohyperthermie intrapéritonéale ou encore l’immunothérapie confirmeront-ils les résultats encourageants rapportés par des équipes spécialisées sur des séries limitées ? Les réponses à toutes ces questions finiront peut-être par modifier dans les années à venir notre vision un peu fataliste (ou paradoxalement très occidentale ?) du cancer de l'estomac. ■ * Service d’hépato-gastroentérologie, CHU Nancy-Brabois, Vandœuvre. 8 La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - février 1998