> ACTUALITÉS recherche ACTUALITÉS recherche > Gut > Gastroenterology > Gastroentérologie clinique et biologique > Endoscopy > Hepatology > Gastrointestinal Endoscopy > Journal of Chirurgy > Current Treatment Options in Gastroenterology Coordinateurs : Pr P. Desreumaux (Lille), Dr L. Peyrin-Biroulet (Nancy) Auteur : L. Peyrin-Biroulet Service d’hépato-gastroentérologie, CHU Nancy-Brabois et unité INSERM EPI114, CHU Lille. > L’éradication de Helicobacter pylori permet-elle une régression des lésions histologiques ? Résultats à long terme ’infection par Helicobacter pylori est considérée comme un carcinogène de classe I. Le risque relatif de cancer gastrique est de 18,1 chez les sujets avec une atrophie antrale. Certaines études ont montré une amélioration significative de l’inflammation et de l’atrophie muqueuse gastrique après éradication de cette infection, mais une modification du degré de dysplasie reste discutée. Le but de cette étude était d’évaluer les effets à long terme au niveau histologique de l’éradication de H. pylori. L’étude a débuté en 1991 en Colombie et a inclus 195 adultes avec des lésions prénéoplasiques prouvées histologiquement. Une randomisation a été effectuée pour recevoir un traitement d’éradication pendant 2 semaines (amoxicilline, métronidazole et sels de bismuth) et/ou un traitement antioxydant (bêtacarotène ou acide ascorbique). Les patients chez lesquels H. pylori avait été éradiqué une première fois et qui étaient testés positifs après 3 ans de suivi étaient traités à nouveau selon la trithérapie classique. Après 6 ans de suivi, le double-aveugle était levé pour des raisons éthiques et le traitement d’éradication était proposé aux malades traités initialement par antioxydant. Ils étaient alors suivis pour une nouvelle période de 3 années. Des biopsies gastriques ont été effectuées à l’inclusion, à 3 ans, à 6 ans et à 12 ans (609 patients ont terminé l’étude). Les sujets H. pylori positif à 12 ans ont 14,8 % de régression en plus et 13,7 % de progression en moins que les sujets H. pylori négatif (p = 0,001). L’inflammation chronique antrale (effet moins marqué au niveau du corps gastrique) diminue significativement au cours du L temps chez les personnes traitées avec succès. Cette étude permet donc de confirmer la régression de l’atrophie et de la métaplasie intestinale après éradication de H. pylori. Les lésions histologiques gastriques ont d’autant plus de chances de guérir que le patient reste longtemps non infecté par cette bactérie. Une éradication, si elle est envisagée, doit donc être efficace à long terme. Cependant, les auteurs ne retrouvent pas de relation statistiquement significative entre éradication et diminution du risque de dysplasie. De plus, seuls 9 cas de cancer gastrique (5 cas dans le groupe ayant bénéficié d’un traitement d’éradication contre 4 cas dans le groupe traité par antioxydants) sont survenus au cours du suivi, qui a duré 12 ans. La trop faible incidence de cancers gastriques dans cette étude ne permet donc pas de conclure sur l’intérêt éventuel d’un dépistage de masse de cette infection bactérienne. En conclusion, seul un suivi supérieur à 12 ans d’une plus large cohorte permettra ou non de montrer une réduction du risque de néoplasies gastriques (dysplasie, cancers) après éradication de H. pylori. > Mera et al. Gut 2005;54:1536-40. > La prescription d’antisécrétoires avant l’endoscopie n’augmente pas le risque de méconnaître un cancer gastrique ou œsophagien uelques études ont montré que la prescription d’antisécrétoires pouvait “guérir” des cancers gastriques à un stade précoce et donc retarder le diagnostic d’une lésion maligne du tractus digestif supérieur. Cependant, le risque de ne pas détecter un tel cancer en raison de la prescription d’un antisécrétoire n’est pas connu. Une étude danoise a repris les données Q Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. IX - janvier-février 2006 5 > ACTUALITÉS recherche > Gut > Gastroenterology > Gastroentérologie clinique et biologique > Endoscopy > Hepatology > Gastrointestinal Endoscopy > Journal of Chirurgy > Current Treatment Options in Gastroenterology issues de 27 829 patients qui ont subi pour la première fois de leur vie une fibroscopie œsogastroduodénale (FOGD) entre 1993 et 2002. Durant cette période, 461 cas de cancer gastrique ou œsophagien ont été enregistrés lors de l’endoscopie initiale, puis 52 cas ont été diagnostiqués lors du suivi. Lorsque l’on comparait le groupe des malades qui étaient sous traitement antisécrétoire avant la première endoscopie à ceux qui ne l’étaient pas, l’incidence de cancers gastro-œsophagiens était identique (46/100 000 versus 44/100 000 respectivement) dans les deux groupes. Le type d’antisécrétoire prescrit (antiH2 ou IPP) ne modifiait pas significativement ces résultats. La survie liée au cancer était, quant à elle, similaire dans les deux groupes. Plusieurs biais de sélection, largement discutés par les auteurs, pourraient expliquer les résultats alarmistes provenant d’études précédentes. Les personnes traitées par antisécrétoire, par exemple, bénéficient d’une FOGD plus souvent que le reste de la population générale, et ont donc plus de chances d’avoir eu une endoscopie normale par le passé. Grâce à une méthodologie rigoureuse bénéficiant des données issues de larges registres mis en place dans les pays scandinaves, les auteurs de cette étude concluent que la prescription d’antisécrétoires avant l’endoscopie est associée à un risque très faible, voire nul, de méconnaître un cancer gastrique ou œsophagien. En l’absence de signes d’alarme (âge > 45 ans, amaigrissement, etc.), une FOGD ne paraît donc pas être indiquée en première intention à la recherche d’une néoplasie avant de débuter un traitement par IPP pour des symptômes digestifs hauts. > Lassen et al. Gastroenterology 2005;129:1179-86. 6 > L’obésité et la sédentarité pourraient être des facteurs de mauvais pronostic dans le cancer colorectal lus de 50 études épidémiologiques ont montré que l’obésité et la sédentarité étaient associées à une augmentation du risque de cancer colorectal (CCR). Peu de données concernant l’impact de tels facteurs sur le pronostic du CCR sont disponibles dans la littérature. Une cohorte australienne de 41 528 patients a été mise en place entre 1990 et 1994. Lors de l’inclusion, trois questions évaluant l’activité physique étaient posées (par exemple, combien de fois par semaine avez-vous une activité physique intense durant au minimum 20 mn ?), en même temps qu’étaient analysés différents paramètres anthropométriques. Au cours du suivi, qui s’est terminé en août 2002, 526 cas incidents de CCR ont été observés. Après ajustement sur le sexe, l’âge et le stade tumoral, les sujets ayant une activité physique régulière ont tendance à avoir une meilleure survie spécifique (p = 0,05) et globale (p = 0,08) à 5 ans que les patients sédentaires. Les patients avec une tumeur de stade II ou III sont ceux qui bénéficient le plus d’un exercice physique régulier en termes de survie spécifique (hazard-ratio = 0,49 ; IC95 = 0,30-0,79). Cependant, en termes de survie globale, l’association est non significative (hazard-ratio = 0,61 ; IC95 = 0,41-0,92). Dans cette étude, le poids, le pourcentage de masse graisseuse et la circonférence mesurée aux hanches sont inversement corrélés à la survie spécifique (p = 0,02 ; p = 0,02 ; p = 0,08 respectivement). Là encore, les résultats n’atteignent pas la significativité pour le poids et le pourcentage de masse graisseuse en termes de survie globale. L’index de masse corporelle (IMC), la taille, le pourcentage de masse maigre et la marche n’influencent pas le pronostic du P CCR. L’IMC étant également influencé par le volume musculaire, seule la mesure de la masse graisseuse pourrait représenter un facteur de mauvais pronostic du CCR pour les auteurs. Cependant, plusieurs critiques peuvent être émises à l’encontre de ce travail. L’objectif principal du suivi de cette cohorte australienne n’est pas de déterminer les survies globale et spécifique liées au cancer. De plus, les résultats sont souvent à la limite de la significativité, voire discordants, notamment en ce qui concerne la survie spécifique comparée à la survie globale. Enfin, les mécanismes physiopathologiques qui pourraient expliquer ces résultats ne sont pas connus ; il n’existait pas, par exemple, de différence significative selon la localisation de la tumeur primitive colique, alors qu’il est à présent clairement établi que les mécanismes moléculaires impliqués dans la cancérogenèse colorectale chez l’homme diffèrent en fonction de la localisation au côlon droit ou au côlon gauche. En conclusion, tout le mérite de cette étude pionnière dans le domaine est d’ouvrir de nouvelles perspectives dans la prise en charge du CCR. Ces résultats doivent néanmoins être confirmés dans des études prospectives dont le but principal sera de déterminer l’impact de ces différents facteurs sur le pronostic de ces tumeurs. > Haydon et al. Gut 2006;55:62-7. > Corrélation entre symptômes digestifs hauts, index de masse corporelle et lésions endoscopiques e reflux gastro-œsophagien (RGO) est plus fréquent dans les pays occidentaux riches et dans la population obèse. La relation entre RGO et lésions endoscopiques dans cette population n’est cependant pas connue. Une FOGD L Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. IX - janvier-février 2006 a été réalisée chez 1 001 sujets tirés au sort. En appliquant l’IMC à cet échantillon de la population suédoise qui présentait des caractéristiques similaires à celles du reste de la population, la prévalence de l’obésité était de 16 %, et 46 % présentaient un surpoids. Près de deux tiers des patients inclus se plaignaient de symptômes digestifs hauts à l’inclusion. Une œsophagite (majoritairement de stade A dans la classification de Los Angeles) a été retrouvée à l’endoscopie chez 155 personnes. La prévalence des lésions endoscopiques (ulcères gastriques et œsophagite) était significativement plus élevée chez les sujets avec un surpoids que chez ceux avec un poids normal : 26,5 % contre 9,3 % pour l’œsophagite, et 5,6 % contre 1,4 % pour l’ulcère gastrique. L’obésité était associée de manière significative à la présence d’un RGO, d’épigastralgies, d’un syndrome de l’intestin irritable, de douleurs abdominales, de vomissements, de “retching”, de diarrhées, de besoins impérieux d’aller à la selle, d’envies nocturnes d’aller à la selle, ainsi qu’à des sensations d’évacuation incomplète de l’ampoule rectale. L’association entre obésité et RGO restait significative après ajustement sur la prise de médicaments. La plus grande prévalence du RGO chez les obèses pourrait donc s’expliquer au moins en partie par une prévalence plus élevée d’œsophagites. Les règles hygiénodiététiques, souvent oubliées par les médecins depuis l’avènement des IPP dans cette indication, doivent donc toujours faire partie de la prise en charge du RGO. À l’issue de cette étude, plusieurs questions restent néanmoins en suspens. Une perte de poids permet-elle une amélioration des lésions endoscopiques ? Quel est l’impact de ces signes cliniques et endoscopiques en termes de qualité de vie (paramètre non pris en compte dans cette étude) ? Quels sont les méca- nismes physiopathologiques expliquant la prévalence particulièrement élevée du RGO et de l’œsophagite chez les obèses ? > Aro et al. Gut 2005;54:1377-83. > Les AINS pourraient prévenir la progression de l’œsophage de Barrett ’incidence de l’adénocarcinome œsophagien développé sur endobrachyœsophage (EBO), aussi appelé œsophage de Barrett dans les pays anglosaxons, a très nettement augmenté ces 30 dernières années dans les pays développés, probablement en partie du fait de “l’épidémie” d’obésité qui touche ces régions du globe. Des études chez l’homme et l’animal ont suggéré que l’aspirine et les AINS pouvaient prévenir le développement de tumeurs colorectales. Les données concernant l’intérêt de ces molécules dans la prévention du cancer œsophagien sont, en revanche, peu nombreuses et aucun essai randomisé n’est disponible dans la littérature à ce sujet. Une endoscopie avec biopsies étagées et une analyse par cytométrie de flux ont été réalisées chez 350 patients avec un EBO ; 37 cas d’adénocarcinome œsophagien ont été rapportés dans cette population. La prise régulière d’aspirine ou d’AINS était associée à une plus faible incidence d’adénocarcinomes œsophagiens et d’anomalies cytologiques, celles-ci étant connues pour prédire le risque de développer un tel cancer (aneuploïdie et tétraploïdie mesurées par cytométrie de flux). Ces résultats restaient significatifs après ajustement sur les principaux facteurs de risque de l’adénocarcinome œsophagien (sexe, âge, index de masse corporelle, tabac, etc.). Il faut noter que cet effet bénéfique n’était pas observé chez L les personnes ayant pris des AINS par le passé mais n’en prenant plus au moment de l’étude. Il n’existait pas non plus d’association entre la durée ou la fréquence de la prise d’AINS et le risque de cancer œsophagien. Les AINS posséderaient donc un effet protecteur à court terme qui disparaîtrait rapidement après leur arrêt ; les mêmes constatations ont déjà été faites concernant la prévention des tumeurs coliques par les AINS. Une faible posologie des AINS paraît également suffisante. Cependant, il s’agissait principalement d’une étude longitudinale, puisque peu de malades ont été suivis prospectivement. De plus, la présence d’un RGO, qui est plus fréquente en cas d’EBO, a pu pousser certains patients à interrompre leur traitement par AINS, même si un traitement par IPP était probablement souvent associé. Au total, il faut retenir que, par analogie avec le cancer colique, les AINS sont probablement capables de prévenir la progression de l’EBO. Avant de recommander l’emploi systématique d’AINS en cas d’EBO, de larges essais randomisés contre placebo doivent être menés. S’ils venaient à confirmer les résultats de cette étude, les AINS devraient être prescrits tard dans l’évolution de l’EBO, probablement au stade de dysplasie de haut grade, et non pas au long cours dès le diagnostic d’EBO. > Vaughan et al. Lancet Oncol 2005;6:945-52. > Les bêtabloquants ne préviennent pas la formation de varices œsogastriques. Résultats d’un large essai randomisé contre placebo epuis l’étude princeps de Lebrec et al., publiée dans le New England Journal of Medecine en 1981, et montrant l’efficacité des bêtabloquants non sélectifs pour prévenir la rupture de D Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. IX - janvier-février 2006 7 > ACTUALITÉS recherche > Gut > Gastroenterology > Gastroentérologie clinique et biologique > Endoscopy > Hepatology > Gastrointestinal Endoscopy > Journal of Chirurgy > Current Treatment Options in Gastroenterology varices œsophagiennes, cette recommandation fait l’objet d’un consensus international. Ce d’autant que les résultats de cette étude française ont été largement confirmés par la suite. Groszmann et al. ont essayé de déterminer si les bêtabloquants non sélectifs pouvaient également être utiles en prévention primaire, pour prévenir la formation de varices œsogastriques. Dans cette étude multicentrique, 213 patients avec une cirrhose prouvée histologiquement ou par un gradient de pression intrahépatique (GPIH) supérieur ou égal à 10 mmHg, sans varice œsogastrique à l’endoscopie, ont reçu en double aveugle soit un bêtabloquant non sélectif (timolol) soit un placebo. La dose de timolol était adaptée à chaque patient et était celle permettant d’obtenir une réduction de 25 % de la fréquence cardiaque basale, une fréquence cardiaque inférieure à 55 bpm, une dose maximale de 80 mg par jour, ou des signes d’intolérance. Après randomisation, 108 patients ont été traités par timolol et 105 par placebo. Le critère principal était le développement de varices œsogastriques ou la survenue d’une hémorragie digestive par rupture de varices. Une évaluation annuelle par fibroscopie 8 Coordinateurs : Pr P. Desreumaux (Lille), Dr L. Peyrin-Biroulet œsogastro-duodénale et mesure du GPIH était réalisée pour tous les malades inclus. Durant le suivi médian, qui était de 54,9 mois, il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes concernant le critère principal (p = 0,89). Il n’existait pas non plus de différence pour les paramètres suivants : ascite, encéphalopathie hépatique, nécessité de recourir à une transplantation hépatique et décès. La survenue d’effets secondaires sévères (bradycardie < 50 bpm, asthénie, dyspnée, syncope, claudication intermittente) était, en revanche, significativement plus fréquente dans le groupe traité par bêtabloquants que dans le groupe placebo (p = 0,0006). Les varices se développaient plus souvent chez les patients avec un GPIH < 10 mmHg ou avec une diminution de ce gradient de plus de 10 mmHg d’une année sur l’autre, indépendamment de la prise de timolol. Quelles sont les critiques et les conclusions que l’on peut tirer de cet essai ? Tout d’abord, la médiane du GIPH était de seulement 11,7 mmHg dans les deux groupes, alors que l’on sait qu’un GPIH supérieur à 12 mmHg est généralement nécessaire pour voir se développer des varices. De plus, 14 patients (27 %) étaient abstinents depuis moins d’un mois (risque de diminution du GPIH en cours d’étude) et 5 malades présentaient une hépatite alcoolique aiguë (risque d’augmentation du GPIH en cours d’étude). Enfin, le choix du timolol comme bêtabloquant non sélectif paraît surprenant, car ce sont le nadolol et le propranolol qui avaient été évalués jusque-là chez le cirrhotique. Ce choix pourrait expliquer la mauvaise tolérance de ce bêtabloquant dans cette étude, qui n’est pas celle observée habituellement chez nos malades et dans les essais cliniques. En conclusion, cette étude ne doit pas modifier les recommandations actuelles concernant l’emploi des bêtabloquants chez le cirrhotique, puisque ces molécules sont indiquées non pas pour diminuer le risque de développer des varices œsogastriques mais pour prévenir la rupture de varices. Par ailleurs, cette étude permet d’insister sur l’intérêt de la mesure du GPIH en pratique clinique, celle-ci étant actuellement rarement réalisée au cours du suivi des patients cirrhotiques. > Groszmann et al. N Engl J Med 2005;353:2254-61. Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. IX - janvier-février 2006