À Kathlyn Marsot-Dupuch
N
otre spécialité a bénéficié, comme tant d’autres,
des progrès considérables de l’imagerie médicale
diagnostique ces vingt dernières années.
La tomodensitométrie (TDM), imagerie morphologique, puis
l’imagerie par résonance magnétique (IRM), imagerie morpho-
logique et fonctionnelle, ont rapidement permis de voir les tumeurs
en situation anatomique, d’étudier leur rapport avec les tissus avoi-
sinants et, pour nous chirurgiens, d’élaborer une stratégie chirur-
gicale en précisant les conditions d’exérèse de la lésion et de par-
venir à la notion actuelle de “chirurgie minimale invasive”.
Pour les oncologues et les radiothérapeutes, la détermination de
la réponse à la chimiothérapie, l’établissement du volume cible
et le calcul de la dosimétrie ont permis d’augmenter l’efficacité
du traitement sans toutefois diminuer les “dégâts collatéraux”
souvent impressionnants, même de nombreuses années après la
fin du traitement.
L’absence de caractérisation de la nature des tumeurs (bénigne
ou maligne ? Là est la question !) visualisées par la TDM et l’IRM
a hanté l’esprit inventif des chercheurs, permettant, à la fin des
années 1990, la mise au point d’une technique d’imagerie
nucléaire : la tomographie par émission de positons (TEP).
Cette imagerie alternative a pour but la reconnaissance des carac-
tères biochimiques ou moléculaires des cellules composant les
tumeurs par l’utilisation de radioéléments émetteurs de positons
à période courte minimisant l’exposition des patients. Ainsi, 11C,
15O, 13N et surtout, pour nous, le 18F marquent certaines molécules
de l’organisme, sans altérer les propriétés biochimiques des vec-
teurs moléculaires.
La molécule de glucose, ubiquitaire dans notre organisme, mar-
quée par le fluor 18 constitue le 18F-fluorodésoxyglucose, qui ne
peut subir les étapes ultimes de la glycolyse et s’accumule dans
les cellules, notamment dans les cellules malignes, où la glyco-
lyse est considérablement augmentée, mais aussi dans les cel-
lules inflammatoires. La différence entre les deux types de tissus
peut se faire sur le niveau de fixation, beaucoup plus élevé pour
les cellules cancéreuses que pour les cellules inflammatoires, et
sur l’évolution dans le temps de cette fixation.
En se désintégrant, le 18F émet des positons qui s’annihilent avec
un électron du milieu. Lors de cette réaction, deux photons sont
émis à 180° l’un de l’autre et sont détectés en coïncidence par
des caméras à usage clinique dont la technologie s’est rapide-
ment perfectionnée.
Il y eut d’abord les caméras à scintillation ou à coïncidence, appa-
reils polyvalents utilisés également avec des traceurs usuels de
médecine nucléaire, d’un prix abordable mais d’une sensibilité
de détection bien moindre que les caméras de dernière généra-
tion dites “dédiées”, faites pour la détection des photons émis par
les positons. Beaucoup plus chères, elles donnent des images de
grande qualité.
Malgré la qualité des images fournies, il ne s’agissait pas d’une
imagerie morphologique. Cette carence n’est plus vraie mainte-
nant que la TEP est couplée à un scanner, réalisant le TEP-scan-
ner, qui livre au clinicien une imagerie performante par corréla-
tion des données des deux techniques.
Après la pneumologie, la gastro-entérologie et l’hématologie, la
cancérologie ORL a particulièrement bénéficié de cet apport à
différents stades de la maladie cancéreuse.
Au stade initial, la TEP seule obtient des résultats comparables
à ceux des autres techniques d’imagerie (TDM et IRM). Le
reproche du manque de précision anatomique et morphologique
n’est plus tout à fait recevable avec l’utilisation du TEP-scanner,
qui permet d’obtenir les deux types de renseignements. Il est par-
ticulièrement indiqué dans les cancers à haut risque de métastases,
dans les cancers métachrones ou lorsqu’un traitement lourd et
mutilant est indiqué, la découverte d’autres localisations ou de
métastases à distance pouvant remettre en cause l’indication chi-
rurgicale sur la tumeur primitive.
Dans le suivi post-thérapeutique, la TEP trouve ses indica-
tions de choix pour surveiller les tissus modifiés par la chirur-
gie ou la radiothérapie avec ou sans chimiothérapie préalable
ou concomitante. Après extinction des phénomènes inflam-
matoires, pour nous, trois mois après la fin du traitement, un
examen par TEP-scanner est effectué systématiquement, sauf
chez les patients dont la région à traiter est facile d’accès à
l’examen clinique et de texture peu ou non modifiée par le trai-
tement. Dans les autres cas, la mise en évidence d’une activité
cellulaire anormale permet de diriger les biopsies sur le site de
fixation.
ÉDITORIAL
TDM, IRM, TEP, TEP-scanner…
CT scan, MRI, PET, PET scan...
J.L. Poncet*
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no300 - septembre-octobre 2005
*ORL, hôpital du Val-de-Grâce, Paris.
L’obtention d’un résultat positif impose de rechercher une non-
stérilisation tumorale ou une reprise évolutive par des biopsies
dirigées, aidées par l’examen clinique, une imagerie morpholo-
gique ciblée et une endoscopie sous anesthésie générale.
L’absence de confirmation par les examens cliniques, radiolo-
giques et histopathologiques rend nécessaire une surveillance
rapprochée, environ tous les mois, et un nouvel examen par TEP-
scanner quatre mois après le précédent ; la diminution de la fixa-
tion étant hautement rassurante, l’inverse permet d’affirmer à
coup sûr la présence de tissu tumoral.
Ces faux positifs sont malheureusement fréquents et représen-
tent un facteur limitant de cet examen. Ce nombre trop impor-
tant de faux positifs sera certainement diminué considérablement
par l’utilisation de traceurs plus spécifiques des cellules tumo-
rales comme la fluorocholine ou la fluorothymidine.
L’obtention d’un résultat négatif correspond à l’absence de
fixation sur le site tumoral et sur le corps entier. Ce résultat néga-
tif précoce permet de s’affranchir, chez un sujet traité par radio-
thérapie dont les tissus sont très modifiés, d’un examen endo-
scopique sous anesthésie générale avec biopsies dans l’année qui
suit la réalisation de la TEP initiale.
Mais, en aucun cas, et cela est important, il ne faut s’affranchir
de la surveillance régulière, tous les deux ou trois mois pendant
deux ans, du fait du risque d’apparition de métastases cervicales,
générales, ou de cancer métachrone. En effet, sur ces différentes
régions, un résultat négatif à l’examen par TEP n’a pas la même
valeur qu’un examen négatif sur le site tumoral initial.
Dans les adénopathies métastatiques prévalentes, qui repré-
sentent moins de 1 % de tous les patients ayant un cancer des
voies aérodigestives supérieures, la recherche du site initial est
difficile et reste le véritable enjeu du bilan d’extension. Malgré
les biopsies systématiques sous anesthésie générale et l’utilisa-
tion de l’imagerie morphologique, le site primitif n’est mis en
évidence que dans 20 % des cas environ. La TEP trouve ici tout
son intérêt, mais son rendement diagnostique reste quand même
variable selon les séries, la fourchette allant de 8 à 40 %, avec
moins de 20 % de détection par la TEP.
Une place doit être réservée à l’utilisation de la TEP dans les
cancers thyroïdiens différenciés “agressifs”.
Cet examen est utile pour dépister l’évolution vers une dédiffé-
renciation de certains cancers thyroïdiens différenciés, chez des
sujets gardant une thyroglobuline élevée sous Thyrogen®à dis-
tance d’un traitement chirurgical complet suivi d’une irradiation
métabolique par I-131 éventuellement répétée.
La TEP peut mettre en évidence des foyers de cancers dédiffé-
renciés locorégionaux ou à distance, risquant d’être inapparents
à la scintigraphie à I-131 en raison de l’évolution histopatholo-
gique du cancer.
Ces progrès diagnostiques si enthousiasmants ne doivent pas nous
masquer les problèmes liés à cet examen d’imagerie nucléaire.
Il est notablement irradiant. La Société française de radiologie
et la Société française de médecine nucléaire ont publié un guide
des usages des examens d’imagerie médicale en 2005, transpo-
sant en droit français la directive n° 97-43 Euratom. Le décret
d’application de mars 2003 des ordonnances datant de 2001 a
modifié le code de santé, rendant obligatoire, pour les médecins
qui demandent ou qui réalisent des examens d’imagerie utilisant
des rayonnements ionisants, l’application des principes fonda-
mentaux de justification des actes et de l’optimisation des pra-
tiques. Ainsi, les TEP-scanners sont classés en catégorie 4 (exa-
mens les plus irradiants), c’est-à-dire délivrant au patient plus de
10 mSv par examen. Ce fait doit être connu et impose le discer-
nement dans l’indication et, évidemment, dans la répétition de
cet examen.
Cet examen est cher : il coûte 1 100 euros.
Il n’est pas facile d’accès en France, car il existe seulement un
peu moins de 40 appareils TEP et huit cyclotrons, qui monopo-
lisent la fabrication du 18FDG, dont la demi-vie courte impose la
présence des centres cliniques à moins de deux heures de route
de ces centres de fabrication.
Rapportés à leur population respective, la Belgique, l’Allemagne
et, évidemment, les États-Unis ont un nombre de centres d’exa-
men TEP beaucoup plus important qu’en France.
In cauda venenum. Ne rêvons pas éveillés. Dans notre pays, où
la dette publique totale était de 1 000 milliards d’euros au 31 août
2005, soit environ 66 % du PIB, peut-on espérer un comblement
du retard sur les autres pays dans ce domaine et la poursuite de
cette belle aventure de la clinique et de l’imagerie, alors que tous
les moyens sont mis en œuvre dans les structures de santé pour
réduire coûte que coûte les dépenses ?
Vivant à crédit dans le domaine des dépenses de la santé comme
dans les autres domaines, avons-nous encore les moyens de nos
ambitions et de nos désirs légitimes d’amélioration constante de
la prise en charge des patients qui se confient à nous ?
ÉDITORIAL
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no300 - septembre-octobre 2005
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