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La démence chez le patient parkinsonien :
facteurs de risque, diagnostic et traitement
S. Bakay (1), S. Bechet (2), A. Barjona (2), V. Delvaux (3), E. Salmon (4), G. Garraux (5)
RESUME : A côté du tremblement, de la bradykinésie, de la
rigidité musculaire et des troubles de la marche, la maladie de
Parkinson se présente également par des troubles non-moteurs.
Parmi ceux-ci, des difficultés cognitives peuvent apparaître
précocement, voire précéder le diagnostic et ont un retentissement important sur la qualité de vie. La démence n’est pas
inéluctable mais affecterait plus de 80% des patients après 20
ans d’évolution. Les facteurs de risque d’une évolution vers la
démence et le diagnostic de celle-ci sont aisément déterminés
lors d’une consultation ou au chevet du malade à l’aide d’outils
cliniques simples disponibles depuis peu. Des progrès, en génétique et en imagerie, devraient nous permettre d’améliorer
encore le diagnostic et les stratégies thérapeutiques.
Mots-clés : Maladie de Parkinson - Démence - Diagnostic Traitement
I n t ro d u c t i o n
La maladie de Parkinson (MP) est classiquement connue pour affecter la motricité : lenteur et
pauvreté des gestes, tremblement, rigidité plastique
et troubles du maintien postural. Cependant, les
manifestations non-motrices, autrefois négligées et
méconnues, attirent un intérêt croissant de la communauté médicale en raison de leur apparition parfois très précoce dans l’évolution (même avant les
premiers troubles détectables de la motricité), leur
prévalence élevée et les répercussions fonctionnelles souvent redoutables de certaines d’entre elles.
Une atteinte des fonctions cognitives dans la MP
est clairement établie depuis plus d’une vingtaine
d’années (1). Une démence apparaît chez 80% des
patients après 20 ans d’évolution (2). Jusqu’en
2007, il n’existait aucun critère diagnostique propre
à la démence parkinsonienne. Aussi, le DSM-IV
classait la démence parkinsonienne dans la catégorie des «Démences dues à une autre pathologie».
En 2007, la «Movement Disorder Society» a défini
des critères cliniques précis permettant à la fois de
développer les études cliniques et thérapeutiques
et également de mieux comprendre l’histoire naturelle de la démence parkinsonienne (3).
D’un point de vue neuropathologique la MP
est caractérisée par une dégénérescence des
(1) Etudiante de 4ème master de Médecine, Université
de Liège.
(2) Neuropsychologue, (3) Professeur de Clinique, (4)
Chargé de cours, (5) Maître de Recherche FNRS, Groupe
MOVERE, Service de Neurologie, CHU de Liège.
Rev Med Liège 20xx; 6x : x : xx
Dementia in Parkinson’s disease :
risk factors, diagnosis and treatement
SUMMARY : Aside from limb tremor, bradykinesia, rigidity
and gait disturbances, Parkinson’s disease (PD) is also characterized by non-motor symptoms. A cognitive decline can
occur early in the disease course and undoubtedly impact of
the patient’s quality of life. Dementia affects 80% of patients
20 years after disease onset but a small subgroup of patients
remain free of dementia even after decades with PD. Risk factors and diagnosis of dementia can be easily assessed using
bed-side clinical instruments. Advances in genetics and imagery
will allow improving the diagnosis and therapeutic strategy of
dementia in Parkinson’s disease.
Keywords : Parkinson’s disease - Dementia - Diagnosis Treatment
neurones du locus niger et d’autres noyaux du
tronc cérébral. Les études neuropathologiques
de cohortes de patients parkinsoniens suivis longitudinalement indiquent que la démence peut
être déterminée par trois grands substrats neuropathologiques qui ne sont pas nécessairement
étanches (4) :
1) la progression des lésions neuropathologiques vers le cortex cérébral (corps de Lewy
corticaux);
2) une atteinte pathologique sévère de noyaux
profonds du cerveau (notamment cholinergiques) qui envoient des projections vers le cortex
cérébral produisant ainsi une «démence souscorticale»;
3) une maladie d’Alzheimer coexistant avec
la MP.
Une démence qui survient précocement sera
préférentiellement associée à un phénotype
neuropathologique de type cortical tandis que
la démence sous-corticale se rencontrera plus
volontiers chez les patients dont la maladie a
évolué longtemps avant le début de la démence.
Dans cet article, après une brève revue de l’aspect épidémiologique, nous détaillerons les facteurs de risque en cause dans le développement
de la démence ainsi que ses caractéristiques cliniques et les différents outils à notre disposition
pour établir son diagnostic et la traiter.
Aspects
é p i d é m i o l o g i qu e s
Alors que la prévalence de la démence parkinsonienne est estimée de 0,3 à 0,5% dans la
1
S. Bakay et coll.
population générale de plus de 65 ans, elle est de
3 à 4% dans la population de patients déments
et 22 à 48% parmi les patients parkinsoniens
(5). Chez les patients parkinsoniens, on estime
le risque de conversion vers une démence à 10%
par an. Dans une étude longitudinale, 83% des
patients parkinsoniens survivants après 20 ans
d’évolution avaient développé une démence (2).
L’intervalle moyen entre le début de la MP et le
développement d’une démence est approximativement de 10 ans (6). La MP est donc associée
à un risque accru de démence.
Bien qu’une évolution vers la démence soit
inéluctable chez la majorité des patients parkinsoniens, les études longitudinales ont également
identifié un sous-groupe de patients qui ne développent pas de démence malgré une évolution de
plusieurs décennies. Plusieurs facteurs de risque
ont été identifiés pour expliquer ces variations
interindividuelles.
F ac t e u r s
d e r i s qu e d ’ u n e d é m e n c e c h e z
l e pat i e n t at t e i n t pa r l a m a l a d i e d e
Parkinson
Nous en avons répertorié sept. La plupart peuvent être évalués en quelques minutes en consultation ou au chevet du malade.
Age
et durée d’évolution
L’âge (supérieur à 72 ans), l’âge du patient au
moment du diagnostic de MP et la durée d’évolution de la maladie sont tous trois étroitement
corrélés à un risque accru de démence (7). Bien
que l’importance relative de chacun de ces facteurs soit difficilement appréciable, les résultats
d’Aarsland et coll. (2007) montrent que l’âge du
patient est celui qui prédit le mieux l’apparition
d’une démence endéans les 5 ans (8).
Phénotype
moteur
Plusieurs phénotypes «moteurs» ont été identifiés dans la MP. Alors que le risque de démence
est considéré comme faible dans les formes trémulantes, il est nettement plus élevé chez les
patients faiblement répondeurs à la L-dopa qui
présentent des troubles axiaux prépondérants
(instabilité posturale par exemple) et une démarche festinante (9, 10).
En corollaire, le développement de la
démence est associé à un risque accru de chutes
et un déclin plus rapide des fonctions motrices.
Chez les patients parkinsoniens déments et non
déments, on observe respectivement une majoration annuelle de 9,7 et 5,1 points à l’échelle
l’UPDRS III (11), communément utilisée pour
2
quantifier la progression de l’atteinte des fonctions motrices.
Phénotype
cognitif global
Williams-Gray et coll (2009) distinguent deux
types d’atteinte cognitive dans la MP, - à polarité
antérieure et postérieure - qui diffèrent par leur
présentation clinique, leur physiopathologie et
leur pronostic (7).
L’atteinte à polarité antérieure est typiquement de type dysexécutif. Elle est évaluée, par
exemple, par le test de la tour de Londres (Tower
of London) qui met en jeu la mémoire de travail
et les capacités de planification. Cette atteinte
apparaît tôt dans la maladie et est modulée par le
traitement dopaminergique. Cependant, ce profil cognitif ne semble pas représenter un facteur
de risque de démence parkinsonienne.
Par contre, il semblerait que l’atteinte cognitive à polarité postérieure annonce, quant à elle,
le développement d’une démence. Ce profil
cognitif peut être identifié par un bilan neuropsychologique approfondi utilisant notamment
les tests de mémoire de reconnaissance visuelle
et spatiale.
Incapacité
à reproduire une figure pentagonale
Le dessin des deux pentagones entrecroisés, proposé dans le Mini-Mental State Exam
(MMSE), doit être réalisé en respectant le nombre d’angles et le croisement des 2 figures. Une
réalisation imparfaite de celui-ci est corrélée à un
risque de démence multiplié par 5.
Ralentissement
des fluences verbales sémantiques
Des déficits en fluence verbale ont été décrits
dans la MP en relation avec des troubles exécutifs et de récupération en mémoire sémantique. La diminution des performances dans les
fluences verbales en induction sémantique (par
exemple: moins de 20 noms d’animaux en 90
secondes) plutôt que phonémique est associée
à un risque relatif de démence multiplié par 9
(10).
Troubles
neuropsychiatriques
-
hallucinations
visuelles
Les hallucinations dans la démence parkinsonienne sont fréquentes mais non spécifiques.
Elles peuvent être visuelles, auditives ou même
olfactives. Cependant, tout comme pour la maladie à corps de Lewy, on associe les hallucinations visuelles à une augmentation du risque de
démence (12).
Rev Med Liège 20xx; 6x : x : xx
La démence chez le patient parkinsonien
Génotype
Selon plusieurs études, l’haplotype H1 du
gène codant pour la protéine Tau associée aux
microtubules (MAPT) confère un risque accru de
développer un déclin cognitif rapide dans la MP
(13-15). Tau est une protéine qui est principalement exprimée dans les neurones où elle favorise
l’assemblage et la stabilité des microtubules (des
protéines du cytosquelette). Des variations allèliques au niveau de ce gène conduisent in fine à
une perte de fonction dont une des conséquences
est l’accumulation excessive de protéines intracellulaires et la mort neuronale.
Selon une étude récente, un génotype «H1/
H1» chez un patient parkinsonien âgé de plus de
72 ans qui échoue à l’épreuve des pentagones et
qui présente une altération des fluences verbales en induction phonémique (moins de 20 mots
en 90 secondes) ont une valeur prédictive positive de 75% et une valeur prédictive négative de
87,5% de conversion vers une démence endéans
les 5 ans après le diagnostic de la MP (7).
I m ag e r i e
Figure 1. Images du métabolisme glucidique cérébral au repos par tomographie à émission de positons (PET scan) au 18FDG dans 4 situations
cliniques.
Coupes axiales transverses à hauteur des noyaux gris centraux;
de gauche à droite :
- Métabolisme glucidique cérébral chez un individu âgé normal.
- Diminution modérée de la captation du traceur au niveau des aires corticales
associatives postérieures chez un patient parkinsonien. Ce patient ne présentait pas de signes cliniques de démence ni au moment du PET scan, ni 10 ans
plus tard (score normal à l’échelle de Mattis) (19).
- Diminution légèrement plus marquée de la captation du traceur au niveau
des aires corticales associatives postérieures chez un patient parkinsonien à
un stade pré-démentiel au moment de l’examen (score normal à l’échelle
de Mattis). Ce patient a développé ultérieurement une démence confirmée
notamment par une détérioration significative du score à l’échelle de Mattis
à 116/144 lors du bilan neuropsychologique approfondi réalisé 10 ans après
le PET scan.
- Altération marquée de la captation du 18FDG au niveau des aires associatives postérieures et frontales chez un patient parkinsonien dément au moment
de l’examen.
cérébrale
En l’absence d’étude longitudinale, aucune
technique de neuroimagerie n’a permis jusqu’à
présent d’identifier une anomalie cérébrale fonctionnelle ou anatomique prédictive de manière
précoce de l’évolution vers une démence chez
le patient parkinsonien.
Nous retiendrons qu’une diminution du débit
sanguin cérébral et de la consommation de
glucose semble plus prononcée au niveau du
cortex pariétal médial, des régions temporoparieto-occipitales latérales et temporales inférieures chez les patients parkinsoniens à risque
de développer une démence (16) (Fig. 1). Ce
pattern métabolique s’apparente à celui habituellement observé dans la démence de type
Alzheimer. Cependant, ces anomalies seraient
présentes chez 30% des patients parkinsoniens
non-déments (17, 18).
Démarche
d iag n o s t i qu e
Diagnostic Positif
Dubois et coll. (2007) (11) ont proposé un outil
clinique simple qui peut être utilisé en consultation ou au chevet du patient (Tableau I).
1. Diagnostic de maladie Parkinson selon les
critères de «Queen Square Brain Bank Criteria»(20).
2. Le diagnostic de maladie de Parkinson précède celui de la démence.
Rev Med Liège 20xx; 6x : x : xx
Tableau I. Feuille de cotation pour établir un diagnostic de
démence parkinsonienne probable (11).
oui
non
1. Maladie de Parkinson 2. La maladie de Parkinson débute
avant la démence
3. Score au MMSE < 26
4. La démence a un impact sur la qualité
de vie (ex : anamnèse médicamenteuse)
5. Atteinte cognitive; les performances
du patient sont déficitaires dans min
2 des 4 domaines cognitifs :
- attention : épreuve de
soustraction de «7»
au MMSE ou énumération
des mois de l’année à l’envers
- fonctions exécutives :
fluences verbales phonémiques
ou test de l’horloge
- capacités visuo-spatiales :
épreuve des pentagones du
MMSE
- mémorisation : rappel libre
différé à l’épreuve de
mémorisation des 3 mots du `
MMSE.
6. Pas de dépression majeure
7. Pas de troubles délirants
8. Pas d’autres anomalies
obscurcissant le diagnostic (infection, ...)
Diagnostic de démence parkinsonienne si une réponse
«oui» est apportée à chacun des 8 items
3
S. Bakay et coll.
3. La maladie de parkinson est associée à un
déficit global des capacités cognitives.
L’échelle de Mattis (19) est un instrument
pertinent pour évaluer les capacités cognitives
globales dans la MP (21) mais le MMSE (22)
est proposé ici pour sa rapidité et sa simplicité
d’utilisation. Le MMSE sous-estime l’atteinte
cognitive dans la MP et souffre d’un manque de
spécificité (50%). Une des explications possibles
est que seul un item (la copie de deux pentagones entrecroisés) reflète une éventuelle atteinte
des fonctions visuo-spatiales (prévalentes chez
les sujets parkinsoniens). Le cut-off est placé à
26/30 et, compte tenu des variations dues à l’âge
et au niveau d’études, la validité de ce test se
limite à des sujets de moins de 80 ans et dont le
nombre d’années d’études est supérieur à 10.
Tableau II. «Pill questionnaire» ou anamnèse médicamenteuse du
traitement anti-parkinsonien servant à évaluer l’impact des
troubles cognitifs sur la qualité de vie
Pas d’impact Le patient est capable de décrire clairement et spontanément le traitement médicamenteux anti
parkinsonien en précisant le nom, les doses (ou la couleur des pilules) et l’horaire des prises des médicaments
Impact possible L’anamnèse médicamenteuse est orientée par l’examinateur (quand ? à quelle dose ?...) mais le patient ne commet pas d’erreur; si l’aidant ou le conjoint certifie que le patient est habituelle
ment capable de gérer son traitement médica
menteux sans supervision, il faut considérer qu’il n’y a pas d’impact. Dans le cas contraire, il faut considérer que les troubles cognitifs ont un impact sur la qualité de vie.
Impact certain
Le patient est incapable de décrire la composition, les doses et l’horaire de son traitement médica
menteux même avec l’aide de l’examinateur.
4. Le déficit cognitif altère la qualité de vie
La difficulté ici réside à déterminer l’impact
des troubles cognitifs sur la qualité de vie par
rapport aux effets d’autres manifestations cliniques tels les troubles moteurs, la dépression
ou une dysautonomie. L’examinateur doit donc
évaluer la capacité du sujet parkinsonien à gérer
ses finances, utiliser le matériel à sa disposition,
gérer ses médicaments et conserver des relations
sociales stables. L’anamnèse médicamenteuse
du traitement antiparkinsonien (Tableau II) a été
proposée comme un instrument pertinent mais
doit encore être validé.
5. Déficits cognitifs dans plus d’un domaine
a.Attention
Deux tests sont proposés :
- la série de soustraction par 7 à partir de 100
présente dans le MMSE (échec si le nombre de
mauvaises réponses > 2);
- citer les mois à l’envers depuis « décembre
» (échec si nombre d’erreurs >2 ou temps d’exécution > à 90 sec).
b.Fonctions exécutives
Deux tests sont proposés :
- Fluences verbales : il s’agit d’un test qui
évalue la capacité du sujet à mettre en place une
stratégie afin de retrouver une information. Ici,
on demande au sujet de citer un maximum de
mots appartenant à une catégorie phonologique
(commençant par une même lettre) en un minimum de temps (1 min). Echec si le nombre de
mots < 9.
- Test de l’horloge : il est demandé de dessiner une horloge indiquant 2h10. On évalue la
capacité du patient à inscrire les bons chiffres
au bon endroit ainsi que d’orienter les aiguilles
4
convenablement. Il s’agit également d’un test de
planification.
c.Les capacités visuo-constructives
- Le double pentagone du MMSE. Le nombre d’angles doit être respecté et les 2 pentagones doivent s’entrecroiser.
d.Troubles mnésiques
- Rappel différé du MMSE. On utilise les 3
mots du MMSE (Citron-Clé-Ballon) en rappel
libre. Un seul mot erroné ou manquant suffit à
suggérer un trouble de la mémoire.
D’autres critères sont souvent associés mais
non-spécifiques du diagnostic de démence associée à la MP : apathie, dépression, anxiété, hallucinations, délire,…
Exclusion d’autres
causes
- Examens complémentaires à programmer
éventuellement en fonction de l’examen clinique et de l’hétéroanamnèse : biologie (vitamine
B12, TSH, ...), scanner cérébral ou IRM cérébrale (lésions vasculaires, hydrocéphalie normotensive de l’adulte, atrophie cérébrale,…)
- Diagnostic différentiel entre la démence
associée à la MP et la démence à corps de Lewy
en se référant à la chronologie de l’apparition
des troubles cognitifs par rapport aux symptômes moteurs. Par définition, ceux-ci précèdent
les troubles cognitifs de plus d’un an dans la
démence parkinsonienne au contraire de la
démence à corps de Lewy. De plus, la démence
à corps de Léwy se caractérise par la présence
de fluctuations cognitives avec des variations de
la vigilance et de l’attention, des hallucinations
visuelles récurrentes typiquement élaborées et
Rev Med Liège 20xx; 6x : x : xx
La démence chez le patient parkinsonien
détaillées, des chutes fréquentes et des syncopes,
une perte de conscience transitoire inexpliquée,
des signes extra pyramidaux et une hypersensibilité aux neuroleptiques (dans 50% des cas).
D’autres symptômes peuvent être rencontrés, de
type dysautonomique, comme une hypotension
orthostatique ou une incontinence urinaire.
- Exclure les troubles psychotiques iatrogènes : delirium et effets iatrogènes des médicaments aux propriétés anti-cholinergiques (ex :
Anafranil® et autres tricycliques, Oxybutinine®
et autres anti-spastiques vésicaux,...) du traitement par agonistes dopaminergiques (Réquip®,
Mirapexin®, Permax®, Parldodel®), des benzodiazépines et autres psychotropes.
- Exclure toute autre cause de confusion du
sujet âgé : infection, déshydratation, fécalome,
globe vésical, désordre endocrinien,.... En général, le diagnostic de démence n’est pas posé en
cas de dépression. Cependant, ce symptôme est
inhérent à la démence parkinsonienne. Il est
donc recommandé de tenir compte d’une éventuelle altération des tests neuropsychologiques
et, au besoin, débuter une thérapie antidépressive avant de diagnostiquer la démence.
T r ai t e m e n t s
Le traitement de la démence parkinsonienne
se décline en 3 axes principaux :
1) Minimiser voir supprimer les causes iatrogènes et les facteurs intercurrents (vide supra);
2) Traitement pharmacologique;
3) Traitement non pharmacologique.
Traitement
pharmacologique
Deux classes médicamenteuses sont souvent
utilisées soit isolément ou en association : les
anticholinestérasiques (comme ceux utilisés
dans la maladie de type Alzheimer) et les neuroleptiques atypiques.
Anticholinestérasiques : la rivastigmine (Exelon )
®
Une large étude randomisée en double aveugle contre placébo a démontré l’efficacité de
cette substance dans la démence associée à la
MP (23). Cependant, on doit tenir compte des
effets indésirables, principalement digestifs
(nausées, vomissements), cardiologiques (risque
de syncope par bradyarythmie favorisée par l’effet vagotonique), et neurologiques (accentuation
des tremblements).
Rev Med Liège 20xx; 6x : x : xx
Neuroleptiques atypiques : Clozapine (Léponex®)
ou Quiétapine (Séroquel®)
La psychose due ou non au traitement dopamimétique est l’un des problèmes soulevés chez
les patients Parkinsoniens traités. La clozapine
a montré un effet favorable dans l’évolution de
ces symptômes (24). La quiétapine, quant à elle,
est un nouveau traitement antipsychotique atypique dont les effets indésirables extrapyramidaux
sont minimes, mais, dont les bénéfices demeurent incertains chez les patients parkinsoniens
déments (25).
Traitement
non pharmacologique
Les options non-médicamenteuses apparaissent primordiales. Elles comportent des explications (au patient et à ses proches) concernant
les différentes facettes du syndrome démentiel,
une bonne compréhension de la personnalité et
des modes de fonctionnement du patient, des
adaptations de l’environnement, et des adaptations des activités quotidiennes (26). Lorsque le
patient est institutionnalisé, ces explications doivent être transmises au personnel soignant afin
d’améliorer la qualité des soins par exemple en
réduisant la sévérité des épisodes d’agitation
(27).
Les patients parkinsoniens déments présentent un risque accru de chutes par rapport aux
patients non-déments et les troubles attentionnels sont un facteur prédictif des chutes. On
conseillera dès lors d’éviter toutes les situations
divisant l’attention durant la marche (ex : double
tâche). Dans certains cas on peut proposer des
exercices de correction de troubles de la marche
et de la posture sous la supervision directe d’un
kinésithérapeute familier avec ce type de pathologie. Au-delà de cette indication, des études
non-randomisées conduites chez un petit nombre de patients suggèrent que la pratique régulière d’exercices physiques pourrait diminuer le
risque d’aggravation des troubles cognitifs (principalement les fonctions exécutives) des patients
parkinsoniens (28).
La constatation qu’un patient parkinsonien
dément éprouve des difficultés à retrouver spontanément une information doit amener les proches à suggérer des indices de récupération en
mémoire ou à proposer des choix multiples (pour
utiliser un mode de reconnaissance en mémoire
plutôt qu’un rappel stratégique coûteux en ressources attentionnelles). Il est important d’adapter le débit (verbal) des informations en fonction
du degré de ralentissement du patient.
Une horloge digitale est parfois plus facile
à lire pour rythmer par exemple la prise des
5
S. Bakay et coll.
médicaments, mais souvent les accompagnants
devront intervenir pour pallier d’éventuels troubles d’orientation dans le temps.
Des indices visuels (comme des couleurs qui
permettent d’attirer l’attention sur un objet parmi
d’autres) sont intéressants pour pallier les déficits de perception et d’attention des patients.
L’utilisation d’un support écrit comme aidemémoire est rassurant, et permet de pallier les
difficultés d’organisation du discours, de la pensée et de l’action. Par exemple, la mise par écrit
des différentes étapes d’une tâche (comme la
vérification du courrier électronique) permet de
diminuer le risque d’erreurs liées au ralentissement et aux difficultés exécutives. Si l’écriture
manuelle est difficile, on peut essayer de recourir à un programme de traitement de texte.
Les principes de réhabilitation cognitive
consistent à observer une activité quotidienne
pour en reconnaître les étapes difficiles, puis à
essayer de pallier les difficultés en adaptant la
tâche, recourant pour ce faire à un apprentissage
automatisé, adapté aux capacités du patient (26).
Il faut parfois que le thérapeute dicte des limites
dans les activités potentiellement dangereuses,
essentiellement pour les patients qui présentent
une certaine anosognosie, un trouble attentionnel important ou une désinhibition comportementale.
Les fluctuations de vigilance sont très difficiles à éviter, mais une hygiène du rythme veille
(luminosité)/sommeil est importante.
Les hallucinations visuelles sont assez fréquemment critiquées par les patients. On peut en
diminuer le caractère perturbant en expliquant
qu’il s’agit d’une «production de l’esprit», en
suscitant une approche raisonnée des hallucinations et en encouragent le patient, lorsque c’est
possible, à vérifier par le geste l’absence de
l’hallucination visuelle.
Enfin, comme dans tout syndrome démentiel,
il est essentiel de s’inquiéter de l’état de santé de
l’accompagnant proche, qui conditionne souvent
la bonne évolution du patient (29). Ces accompagnants sont demandeurs d’explications et de
conseils pour mieux réagir face à la maladie.
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Les demandes de tirés à part sont à adresser au
Dr Gaëtan Garraux, Service de Neurologie CHU de
Liège et Centre de Recherche du Cyclotron, Sart Tilman B35, 4000, Liège, Belgique.
Email : [email protected]
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