La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 23
EVIDENCE-BASED MEDICINE
Tube digestif
administrée per os à la dose de 250 mg/j pendant
3 jours réduit le nombre de refl ux acides et diminue
l’exposition acide postprandiale chez des patients
refl ueurs par rapport au placebo. Le nombre total
d’épisodes de refl ux nest pas modifi é, mais la poche
acide est déplacée dans une position plus distale (2).
En pratique, le plus intéressant est l’effet des prépa-
rations à base d’alginates. On sait que les alginates
précipitent au contact de l’acide gastrique et ottent
à la manière d’un radeau à la surface du contenu
de l’estomac, du fait de leur teneur en gaz carbo-
nique. Une diminution du refl ux acide a été prouvée
chez l’adulte et chez l’enfant. Le Gaviscon® a fait
l’objet de plusieurs études. En utilisant l’IRM et la
pH-impédancemétrie chez des sujets sains et chez
des patients, il a été montré en IRM que le Gaviscon®
formait une masse à la jonction œsogastrique après
un repas, alors qu’un antiacide pur coulait au fond
de l’estomac ; mais il n’y avait pas de différence
entre les 2 traitements concernant l’exposition
acide de l’œsophage distal (3). Une étude par retrait
progressif d’une sonde de pH-métrie a montré que le
Gaviscon® double action (association d'alginates et
d'antiacides) pouvait éliminer ou déplacer la poche
acide chez des patients souffrant de refl ux. Comme
la longueur de la jonction œso gastrique ne chan-
geait pas, cet effet était attribuable au radeau d’algi-
nates qui éloignait le contenu gastrique de cette
jonction (4). Chez 16 patients souffrant de RGO et
présentant une grosse hernie hiatale, il a été admi-
nistré du Gaviscon® double action ou un antiacide
pur marqué à l’indium après un repas standardisé.
Les sujets étaient étudiés pendant 2 heures par scin-
tigraphie gastrique, manométrie haute résolution
et pH-impédancemétrie. Le Gaviscon® apparaissait
supérieur à l’antiacide pour les critères pH-métriques
et déplaçait la poche acide sous le diaphragme chez
71 % des patients, contre 21 % pour l’antiacide (5).
Les préparations à base d’alginates pourraient donc
être intéressantes chez certains patients souffrant
de RGO et insuffi samment soulagés par les IPP en
raison du rôle délétère possible d’une poche acide
persistante, mais ceci reste à confi rmer par des essais
randomisés.
Références bibliographiques
1. Fletcher J, Wirz A, Young J et al. Unbuffered highly acid juice
exists at the gastroesophageal junction after a meal. Gastroen-
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ment in refl ux disease? Am J Gastroenterol 2013;108(7):1058-64.
3. Sweis R, Kaufman E, Anggiansah A et al. Post-prandial refl ux
suppression by a raft-forming alginate (Gaviscon Advance)
compared to a simple antacid documented by magnetic resonance
imaging and pH-impedance monitoring: mechanistic assessment in
healthy volunteers and randomised, controlled, double-blind study
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An alginate-antacid formulation (Gaviscon Double Action Liquid)
can eliminate or displace the postprandial ‘acid pocket’ in sympto-
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5. Rohof WO, Bennink RJ, Smout AJ et al. An alginate-antacid
formulation localizes to the acid pocket to reduce acid refl ux in
patients with gastroesophageal refl ux disease. Clin Gastroenterol
Hepatol 2013;11(12):1585-91.
Questions
non résolues
» Quel rôle joue cette
poche chez les patients
souffrant de refl ux et
insuffi samment soulagés
par les IPP ?
» Les alginates ont-ils
un intérêt dans certains
cas de cette situation
clinique fréquente ?
L
e reflux gastro-œsophagien (RGO) est une
pathologie fréquente en Occident, avec près
de 20 % des patients présentant des symptômes
de régurgitations, de refl ux ou les deux. Les bénéfi ces
cliniques et médicoéconomiques de la chirurgie,
maintenant réalisée par approche mini-invasive
laparoscopique (fi gure, p. 24), comparativement
au traitement médical par inhibiteurs de la pompe
à protons (IPP), sont discutés.
Patients soulagés par les IPP
Les essais randomisés comparant le traitement
médical par IPP au traitement chirurgical par
fundoplicature ne se sont intéressés qu’aux patients
porteurs d’un RGO soulagés par les IPP. La plupart
des essais randomisés ont été publiés plusieurs fois
afi n de faire état de résultats à long terme ; ne sont
rapportées ici que les publications les plus récentes.
Re ux gastro-œsophagien :
y a-t-il encore une place pour la
chirurgie en 2014 ?
Christophe Mariette, Lille.
niveau
de preuve
1
24 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014
EVIDENCE-BASED MEDICINE Tube digestif
Figure. Schéma de fundoplicature postérieure laparo-
scopique à 270° selon Toupet pour refl ux gastro-
œsophagien.
Deux essais randomisés ont comparé le traitement
par IPP à la chirurgie valvulaire par voie ouverte pour
traitement du RGO (1, 2). La chirurgie apparaissait
supérieure au traitement par IPP sur le contrôle
des symptômes ; la proportion de patients sans
échec du traitement avec un recul de 7 ans était
de 66,7 % après chirurgie et de 46,7 % après IPP
(p = 0,002), cette différence restant signifi cative
mais moins marquée après ajustement de la dose
d’IPP (p = 0,045). Cependant, il y avait dans le
groupe chirurgie plus de patients présentant des
symptômes de type dysphagie, diffi cultés d’éructa-
tion ou de vomissement ou de fl atulences.
Quatre essais randomisés ont comparé le trai-
tement par IPP à la chirurgie valvulaire par voie
laparoscopique (3-6), avec une méta-analyse
Cochrane de ces essais (7). Avec un total de
1 232 patients randomisés, la qualité de vie évaluée
par le questionnaire SF36 était significative-
ment supérieure à 3 mois et 1 an après chirurgie,
avec une différence moyenne de – 5,23 (IC
95
:
– 6,83- – 3,62 ; p < 0,0001). Un essai retrouvait
ces mêmes résultats après 3 ans (4). De même,
la qualité de vie reliée au RGO était également
significativement améliorée après chirurgie. En
revanche, il y avait plus de patients dans le groupe
chirurgie présentant des problèmes d’éructation ou
de vomissement ou des problèmes de flatulence,
avec une faible proportion de patients gardant une
dysphagie à moyen terme. Les taux de complica-
tions postopératoires étaient faibles, de 1 à 14 %
(7). Les coûts de la chirurgie étaient supérieurs
à ceux du traitement par IPP, mais seule l’ana-
lyse des coûts à 1 an a été prise en compte, sans
données sur le long terme.
Au nal, la chirurgie apparaît supérieure au trai-
tement par IPP dans la prise en charge du refl ux
chez les patients soulagés par les IPP. Du fait des
risques non nuls de la chirurgie, il est nécessaire de
discuter la balance bénéfi ces/risques avec le patient
(grade A).
Patients soulagés du pyrosis par
les IPP, mais régurgiteurs
C’est la meilleure indication à la réalisation d’une
fundoplicature laparoscopique, sous réserve de
l’état général du patient et de l’authentifi cation
préalable d’un RGO pathologique. La chirurgie
est donc recommandée dans cette situation par
l’American Gastroenterological Association Institute
(grade B) [8].
Patients restant
symptomatiques malgré un
traitement médical optimisé
Ces patients, résistants ou réfractaires au traite-
ment médical, ont souvent une histoire longue et
complexe de refl ux, avec parfois des examens non
disponibles et un terrain anxiodépressif. Seuls les
patients présentant un œsophage acido-sensible
(pHmétrie normale, présence d’une corrélation
symptômes/refl ux) ou un refl ux non érosif (pHmé-
trie anormale) sont potentiellement éligibles à la
chirurgie, à l’inverse des patients présentant un
pyrosis fonctionnel (pHmétrie normale et absence
de corrélation entres les symptômes et les épisodes
de refl ux) [9]. L’impédancemétrie est indiquée pour
optimiser la sélection des candidats potentiels,
Chez les patients soulagés par les IPP, même si la chirurgie par fundo-
plicature par laparoscopie donne de meilleurs résultats sur la qualité de
vie et le contrôle du RGO, une discussion concernant les bénéfi ces et
les risques de cette procédure doit avoir lieu avec le patient (grade A).
Chez les patients soulagés du pyrosis par les IPP mais régurgiteurs, la
chirurgie doit être proposée si le patient est opérable (grade B).
Chez les patients restant symptomatiques malgré un traitement médical
optimisé, la chirurgie peut être discutée au cas par cas, avec des investi-
gations complètes comprenant l’impédancemétrie, après avoir prévenu
le patient du risque élevé d’échec (grade C).
Ce qu’il faut retenir
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 25
EVIDENCE-BASED MEDICINE
Tube digestif
même si les résultats de la chirurgie sont moins
bons, et son intérêt non clairement démontré
(grade C) [10].
Références bibliographiques
1. Spechler SJ, Lee E, Ahnen D et al. Long-term outcome of medical
and surgical therapies for gastroesophageal refl ux disease: follow-
up of a randomized controlled trial. JAMA 2001;285(18):2331-8.
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3. Anvari M, Allen C, Marshall J et al. A randomized controlled
trial of laparoscopic Nissen fundoplication versus proton pump
inhibitors for the treatment of patients with chronic gastroeso-
phageal refl ux disease (GERD): 3-year outcomes. Surg Endosc
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refl ux surgery vs esomeprazole treatment for chronic GERD: the
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5. Cookson R, Flood C, Koo B et al. Short-term cost effectiveness
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8. Kahrilas PJ, Shaheen NJ, Vaezi MF; American Gastroente-
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9. Perniceni T. Traitement du RGO : indications de la chirurgie.
Post’U FMC SFNGE 2013;63-76.
10. Sifrim D, Zerbib F. Diagnosis and management of patients
with refl ux symptoms refractory to proton pump inhibitors. Gut
2012;61:1340-54.
Questions
non résolues
» Quel sous-groupe
de patients bien
contrôlés par les IPP ne
bénéfi ciera pas de la
chirurgie ?
» Quels patients non
contrôlés par les IPP
peuvent tirer un bénéfi ce
de la chirurgie ?
L
e reflux gastro-œsophagien fait partie des
comorbidités digestives les plus fréquentes de
l’obésité et du surpoids. On a ainsi rapporté,
en cas de surpoids et d’obésité, l’augmentation des
symptômes de refl ux de respectivement 1,43 et 1,94,
de la prévalence de l’œsophagite érosive (1,76), de
l’endobrachyœsophage (EBO), et de l’adénocarci-
nome du cardia (respectivement 1,52 et 2,78) [1].
Le mécanisme principal de l’association morbide
paraît être l’augmentation de la pression intra-abdo-
minale liée à l’augmentation de la masse grasse
périviscérale, elle-même à l’origine d’une diminu-
tion de la pression de repos du sphincter inférieur
de l’œsophage. Le rôle des adipokines et celui d’un
ralentissement de la vidange gastrique ont égale-
ment été évoqués, ainsi que celui de déterminants
non mécaniques.
L’amélioration des signes et des complications du
refl ux gastro-œsophagien peut légitimement être
attendue en cas de perte de poids et fi gure d’ailleurs
parmi les très anciennes recommandations diété-
tiques et de style de vie. Pour autant, la qualité des
études (absence fréquente de prise en compte de
l’alimentation et de la prise d’IPP par exemple) a
pendant longtemps empêché de tirer des conclu-
sions solides.
Trois types d’études sont
disponibles
Les études de cohorte donnent des résultats globa-
lement positifs : la Nurses’ Health Study rapporte une
Perte de poids
et refl ux gastro-œsophagien
Stéphane Schneider, Nice.
Surpoids et obésité favorisent le refl ux gastro-œsophagien (symptômes
et complications).
Une perte de poids même modeste permet d’améliorer les symptômes,
mais cette amélioration est dépendante de la perte de poids.
Une perte de poids permet d’améliorer l’effi cacité symptomatique du
traitement antisécrétoire.
La chirurgie bariatrique (surtout le bypass gastrique) paraît plus effi cace
pour perdre du poids que la prise en charge diététique et du style de vie.
Ce qu’il faut retenir
niveau
de preuve
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