Tube digestif administrée per os à la dose de 250 mg/j pendant 3 jours réduit le nombre de reflux acides et diminue l’exposition acide postprandiale chez des patients reflueurs par rapport au placebo. Le nombre total d’épisodes de reflux n’est pas modifié, mais la poche acide est déplacée dans une position plus distale (2). En pratique, le plus intéressant est l’effet des préparations à base d’alginates. On sait que les alginates précipitent au contact de l’acide gastrique et flottent à la manière d’un radeau à la surface du contenu de l’estomac, du fait de leur teneur en gaz carbonique. Une diminution du reflux acide a été prouvée chez l’adulte et chez l’enfant. Le Gaviscon® a fait l’objet de plusieurs études. En utilisant l’IRM et la pH-impédancemétrie chez des sujets sains et chez des patients, il a été montré en IRM que le Gaviscon® formait une masse à la jonction œsogastrique après un repas, alors qu’un antiacide pur coulait au fond de l’estomac ; mais il n’y avait pas de différence entre les 2 traitements concernant l’exposition acide de l’œsophage distal (3). Une étude par retrait progressif d’une sonde de pH-métrie a montré que le Gaviscon® double action (association d'alginates et d'antiacides) pouvait éliminer ou déplacer la poche acide chez des patients souffrant de reflux. Comme la longueur de la jonction œsogastrique ne changeait pas, cet effet était attribuable au radeau d’alginates qui éloignait le contenu gastrique de cette jonction (4). Chez 16 patients souffrant de RGO et présentant une grosse hernie hiatale, il a été administré du Gaviscon® double action ou un antiacide EVIDENCE-BASED MEDICINE pur marqué à l’indium après un repas standardisé. Les sujets étaient étudiés pendant 2 heures par scintigraphie gastrique, manométrie haute résolution et pH-impédancemétrie. Le Gaviscon® apparaissait supérieur à l’antiacide pour les critères pH-métriques et déplaçait la poche acide sous le diaphragme chez 71 % des patients, contre 21 % pour l’antiacide (5). Les préparations à base d’alginates pourraient donc être intéressantes chez certains patients souffrant de RGO et insuffisamment soulagés par les IPP en raison du rôle délétère possible d’une poche acide persistante, mais ceci reste à confirmer par des essais randomisés. ■ Questions non résolues » Quel rôle joue cette poche chez les patients souffrant de reflux et insuffisamment soulagés par les IPP ? » Les alginates ont-ils un intérêt dans certains cas de cette situation clinique fréquente ? Références bibliographiques 1. Fletcher J, Wirz A, Young J et al. Unbuffered highly acid juice exists at the gastroesophageal junction after a meal. Gastroenterology 2001;121(4):775-83. 2. Kahrilas PJ, McColl K, Fox M et al. The acid pocket: a target for treatment in reflux disease? Am J Gastroenterol 2013;108(7):1058-64. 3. Sweis R, Kaufman E, Anggiansah A et al. Post-prandial reflux suppression by a raft-forming alginate (Gaviscon Advance) compared to a simple antacid documented by magnetic resonance imaging and pH-impedance monitoring: mechanistic assessment in healthy volunteers and randomised, controlled, double-blind study in reflux patients. Aliment Pharmacol Ther 2013;37(11):1093-102. 4. Kwiatek MA, Roman S, Fareeduddin A, Pandolfino JE, Kahrilas PJ. An alginate-antacid formulation (Gaviscon Double Action Liquid) can eliminate or displace the postprandial ‘acid pocket’ in symptomatic GERD patients. Aliment Pharmacol Ther 2011;34(1):59-66. 5. Rohof WO, Bennink RJ, Smout AJ et al. An alginate-antacid formulation localizes to the acid pocket to reduce acid reflux in patients with gastroesophageal reflux disease. Clin Gastroenterol Hepatol 2013;11(12):1585-91. Reflux gastro-œsophagien : y a-t-il encore une place pour la chirurgie en 2014 ? Christophe Mariette, Lille. Patients soulagés par les IPP Les essais randomisés comparant le traitement médical par IPP au traitement chirurgical par fundoplicature ne se sont intéressés qu’aux patients porteurs d’un RGO soulagés par les IPP. La plupart des essais randomisés ont été publiés plusieurs fois afin de faire état de résultats à long terme ; ne sont rapportées ici que les publications les plus récentes. niveau de preuve L e reflux gastro-œsophagien (RGO) est une pathologie fréquente en Occident, avec près de 20 % des patients présentant des symptômes de régurgitations, de reflux ou les deux. Les bénéfices cliniques et médicoéconomiques de la chirurgie, maintenant réalisée par approche mini-invasive laparoscopique (figure, p. 24), comparativement au traitement médical par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), sont discutés. 1 La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 23 EVIDENCE-BASED MEDICINE Tube digestif Ce qu’il faut retenir Chez les patients soulagés par les IPP, même si la chirurgie par fundoplicature par laparoscopie donne de meilleurs résultats sur la qualité de vie et le contrôle du RGO, une discussion concernant les bénéfices et les risques de cette procédure doit avoir lieu avec le patient (grade A). Chez les patients soulagés du pyrosis par les IPP mais régurgiteurs, la chirurgie doit être proposée si le patient est opérable (grade B). Chez les patients restant symptomatiques malgré un traitement médical optimisé, la chirurgie peut être discutée au cas par cas, avec des investigations complètes comprenant l’impédancemétrie, après avoir prévenu le patient du risque élevé d’échec (grade C). Figure. Schéma de fundoplicature postérieure laparoscopique à 270° selon Toupet pour reflux gastroœsophagien. Deux essais randomisés ont comparé le traitement par IPP à la chirurgie valvulaire par voie ouverte pour traitement du RGO (1, 2). La chirurgie apparaissait supérieure au traitement par IPP sur le contrôle des symptômes ; la proportion de patients sans échec du traitement avec un recul de 7 ans était de 66,7 % après chirurgie et de 46,7 % après IPP (p = 0,002), cette différence restant significative mais moins marquée après ajustement de la dose d’IPP (p = 0,045). Cependant, il y avait dans le groupe chirurgie plus de patients présentant des symptômes de type dysphagie, difficultés d’éructation ou de vomissement ou de flatulences. Quatre essais randomisés ont comparé le traitement par IPP à la chirurgie valvulaire par voie laparoscopique (3-6), avec une méta-analyse Cochrane de ces essais (7). Avec un total de 1 232 patients randomisés, la qualité de vie évaluée par le questionnaire SF36 était significativement supérieure à 3 mois et 1 an après chirurgie, avec une différence moyenne de – 5,23 (IC 95 : – 6,83- – 3,62 ; p < 0,0001). Un essai retrouvait ces mêmes résultats après 3 ans (4). De même, la qualité de vie reliée au RGO était également significativement améliorée après chirurgie. En revanche, il y avait plus de patients dans le groupe chirurgie présentant des problèmes d’éructation ou de vomissement ou des problèmes de flatulence, avec une faible proportion de patients gardant une dysphagie à moyen terme. Les taux de complications postopératoires étaient faibles, de 1 à 14 % (7). Les coûts de la chirurgie étaient supérieurs à ceux du traitement par IPP, mais seule l’analyse des coûts à 1 an a été prise en compte, sans données sur le long terme. Au final, la chirurgie apparaît supérieure au traitement par IPP dans la prise en charge du reflux 24 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 chez les patients soulagés par les IPP. Du fait des risques non nuls de la chirurgie, il est nécessaire de discuter la balance bénéfices/risques avec le patient (grade A). Patients soulagés du pyrosis par les IPP, mais régurgiteurs C’est la meilleure indication à la réalisation d’une fundoplicature laparoscopique, sous réserve de l’état général du patient et de l’authentification préalable d’un RGO pathologique. La chirurgie est donc recommandée dans cette situation par l’American Gastroenterological Association Institute (grade B) [8]. Patients restant symptomatiques malgré un traitement médical optimisé Ces patients, résistants ou réfractaires au traitement médical, ont souvent une histoire longue et complexe de reflux, avec parfois des examens non disponibles et un terrain anxiodépressif. Seuls les patients présentant un œsophage acido-sensible (pHmétrie normale, présence d’une corrélation symptômes/reflux) ou un reflux non érosif (pHmétrie anormale) sont potentiellement éligibles à la chirurgie, à l’inverse des patients présentant un pyrosis fonctionnel (pHmétrie normale et absence de corrélation entres les symptômes et les épisodes de reflux) [9]. L’impédancemétrie est indiquée pour optimiser la sélection des candidats potentiels, Tube digestif même si les résultats de la chirurgie sont moins bons, et son intérêt non clairement démontré (grade C) [10]. ■ Références bibliographiques 1. Spechler SJ, Lee E, Ahnen D et al. Long-term outcome of medical and surgical therapies for gastroesophageal reflux disease: followup of a randomized controlled trial. JAMA 2001;285(18):2331-8. 2. Lundell L, Miettinen P, Myrvold HE et al. Comparison of outcomes twelve years after antireflux surgery or omeprazole maintenance therapy for reflux esophagitis. Clin Gastroenterol Hepatol 2009;7(12):1292-8. 3. Anvari M, Allen C, Marshall J et al. A randomized controlled trial of laparoscopic Nissen fundoplication versus proton pump inhibitors for the treatment of patients with chronic gastroesophageal reflux disease (GERD): 3-year outcomes. Surg Endosc 2011;25(8):2547-54. 4. Galmiche JP, Hatlebakk J, Attwood S et al. Laparoscopic antireflux surgery vs esomeprazole treatment for chronic GERD: the EVIDENCE-BASED MEDICINE LOTUS randomized clinical trial. JAMA 2011;305(19):1969-77. 5. Cookson R, Flood C, Koo B et al. Short-term cost effectiveness and long-term cost analysis comparing laparoscopic Nissen fundoplication with proton-pump inhibitor maintenance for gastrooesophageal reflux disease. Br J Surg 2005;92(6):700-6. 6. Grant AM, Cotton SC, Boachie C et al. Minimal access surgery compared with medical management for gastro-oesophageal reflux disease: five year follow-up of a randomised controlled trial (REFLUX). BMJ 2013;346:f1908. 7. Wileman SM, McCann S, Grant AM et al. Medical versus surgical management for gastro-oesophageal reflux disease (GORD) in adults. Cochrane Database Syst Rev 2010;(3):CD003243. 8. Kahrilas PJ, Shaheen NJ, Vaezi MF; American Gastroenterological Association Institute technical review on the management of gastroesophageal reflux disease. Gastroenterology 2008;135(4):1392-413. 9. Perniceni T. Traitement du RGO : indications de la chirurgie. Post’U FMC SFNGE 2013;63-76. 10. Sifrim D, Zerbib F. Diagnosis and management of patients with reflux symptoms refractory to proton pump inhibitors. Gut 2012;61:1340-54. Questions non résolues » Quel sous-groupe de patients bien contrôlés par les IPP ne bénéficiera pas de la chirurgie ? » Quels patients non contrôlés par les IPP peuvent tirer un bénéfice de la chirurgie ? Perte de poids et reflux gastro-œsophagien Stéphane Schneider, Nice. L Ce qu’il faut retenir Surpoids et obésité favorisent le reflux gastro-œsophagien (symptômes et complications). Une perte de poids même modeste permet d’améliorer les symptômes, mais cette amélioration est dépendante de la perte de poids. Une perte de poids permet d’améliorer l’efficacité symptomatique du traitement antisécrétoire. La chirurgie bariatrique (surtout le bypass gastrique) paraît plus efficace pour perdre du poids que la prise en charge diététique et du style de vie. pendant longtemps empêché de tirer des conclusions solides. Trois types d’études sont disponibles Les études de cohorte donnent des résultats globalement positifs : la Nurses’ Health Study rapporte une niveau de preuve e reflux gastro-œsophagien fait partie des comorbidités digestives les plus fréquentes de l’obésité et du surpoids. On a ainsi rapporté, en cas de surpoids et d’obésité, l’augmentation des symptômes de reflux de respectivement 1,43 et 1,94, de la prévalence de l’œsophagite érosive (1,76), de l’endobrachyœsophage (EBO), et de l’adénocarcinome du cardia (respectivement 1,52 et 2,78) [1]. Le mécanisme principal de l’association morbide paraît être l’augmentation de la pression intra-abdominale liée à l’augmentation de la masse grasse périviscérale, elle-même à l’origine d’une diminution de la pression de repos du sphincter inférieur de l’œsophage. Le rôle des adipokines et celui d’un ralentissement de la vidange gastrique ont également été évoqués, ainsi que celui de déterminants non mécaniques. L’amélioration des signes et des complications du reflux gastro-œsophagien peut légitimement être attendue en cas de perte de poids et figure d’ailleurs parmi les très anciennes recommandations diététiques et de style de vie. Pour autant, la qualité des études (absence fréquente de prise en compte de l’alimentation et de la prise d’IPP par exemple) a 2 La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 25