Forum Médical de Rangueil - Octobre 2007 - Pr Louis BUSCAIL 1 RGO RESISTANT AUX IPP : QUAND ET COMMENT ? Pr Louis BUSCAIL Service de Gastroentérologie et Nutrition – CHU Rangueil TSA 50032 – 31059 Toulouse cedex 9 [email protected] INTRODUCTION ET POSITION DU PROBLEME: Le reflux gastro-œsophagien (R.G.O.) est défini par le passage intermittent ou permanent d’une partie du contenu gastrique dans l’œsophage. Il peut s’agir le plus souvent de sécrétions acides, plus rarement de sécrétions bilio-pancréatiques. La prévalence du R.G.O. dans la population générale est élevée mais difficile à apprécier avec exactitude en raison du caractère asymptomatique ou atypique possible du reflux. Elle est de 15 à 20% si les symptômes de RGO apparaissent au moins une fois par semaine et de 4 à 7 % s’ils sont présents de façon quotidienne. Le RGO a un impact médical et économique considérable. C’est une des pathologies digestives la plus fréquemment rencontrée (prés de 3 millions de personnes en France, 40% de la population Européenne). Le traitement médical pharmacologique chronique par Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP) représente un coût total en Europe de 8 à 10 Billion d’euros. PRINCIPE DE TRAITEMENT DU RGO Mesures hygiéno-diététiques sont logiques, indispensables et toujours de mise : Ce sont les règles posturales : éviter de se pencher en avant, de se coucher immédiatement après le repas et surtout surélever les pieds de la tête du lit en plaçant des cales de 10 à 15 cm de hauteur. Le port de vêtements trop serrés (corset, ceintures) est également déconseillé. Les mesures diététiques élémentaires consistent à éviter l’utilisation des eaux minérales gazeuses et les repas trop abondants générant une inconfortable hyperpression gastrique. Il faudrait aussi interdire chocolat, café, alcool, graisse et tabac, qui diminuent la pression de repos du sphincter inférieur de l’œsophage. Certains médicaments doivent également être évités dans la mesure du possible: anticholinergiques, progestérone, inhibiteurs calciques, diazépam, théophylline, etc… Le traitement médical fait appel à la réduction des sécrétions acide, il est indispensable : - Les antiacides, pansements gastriques et alginates (Gaviscon® qui surnage sur le liquide de stase gastrique et réalise ainsi une barrière entre les ions H+ et la muqueuse œsophagienne en cas de reflux) sont utilisés pour leur pouvoir neutralisant les sécrétions acides ou de protection de la muqueuse. Ils peuvent être utilisés en première intention (idéalement 1 à 2 heures après le repas). Ils sont supplantés en pratique par les antisecrétoires. - Les antisecrétoires (essentiellement les inhibiteurs de la pompe à proton ou IPP) ont pour but d’inhiber la sécrétion gastrique acide. Le but d'un traitement antisécrétoire au cours du RGO est donc de diminuer l'acidité du contenu gastrique et par là l'activation de la pepsine, et de réduire le volume du liquide refluant vers l'œsophage. Ceci est particulièrement important au cours de la nuit, lorsque l'acidité gastrique n'est pas tamponnée par les aliments Forum Médical de Rangueil - Octobre 2007 - Pr Louis BUSCAIL 2 et que le malade est allongé. La longue durée d'action des IPP permet l’inhibition nocturne de la sécrétion. - Les prokinétiques (métoclopramide, dompéridone) servent théoriquement à restaurer la fonctionnalité du SOI. Leur efficacité est cependant moins spectaculaire que celle des IPP. La chirurgie du reflux consiste à repositionner le cardia en abaissant le segment oesophagien et en le fixant dans l’abdomen (réduire en même temps une hernie hiatale), puis recréer un dispositif anti-reflux en confectionnant une valve (fundoplicature) pour redonner une pression élevée au sphincter œsophagien inférieur. La conduite à tenir thérapeutique courante est la suivante : En cas de symptômes de reflux typiques chez un sujet jeune sans signes d’alarme (c'està-dire sans amaigrissement, sans dysphagie) un traitement médical peut être institué d’emblée pendant 6 semaines, (le plus simple étant la prise d’IPP à simple dose – exemple oméprazole 10 mg/j) : la disparition des symptômes confirmera à posteriori le diagnostic de RGO. Dans le cas contraire une endoscopie s’imposera pour rechercher des lésions muqueuses oesophagienne de type oesophagite ou endobrachyoesophage (et une éventuelle cause au RGO : hernie hiatale, béance cardiale) et donc adapter le traitement. Ce traitement comprendra un IPP pleine dose au moins deux mois (exemple oméprazole 20 mg/j). Si l’endoscopie est normale, une pH-métrie (couplée si possible à un impédancemétrie) pourra être proposée pour authentifier ou infirmer le RGO après arrêt pendant au moins une semaine du traitement par les IPP. Une endoscopie est nécessaire d’emblée en cas de symptômes atypiques ou de symptômes d’alarme (amaigrissement, dysphagie) ou chez un patient tabagique aux antécédents d’oesophagite, pour rechercher une cause au RGO, une oesophagite peptique et ses complications. En cas de RGO documenté, d’évolution chronique, le traitement doit être adapté au patient dont l’information est essentielle. La prescription est faite « à la carte », les patients prenant leur traitement pendant quelques jours ou quelques semaines et attendant la récidive des symptômes pour se traiter à nouveau. La facilité d’emploi des IPP, leur excellent tolérance et leur rapide efficacité facilité leur utilisation « sporadique ». RGO RESISTANT AUX IPP : RECONNAITRE ET TRAITER Il est des cas où le RGO est résistant aux IPP. S’engage alors une enquête à la fois clinique et para-clinique. - Y-a-t-il des facteurs prédictifs de « non réponse » aux traitements anti-secrétoires ? Certains facteurs prédictifs de « non réponse aux traitements anti-secrétoires» (y compris les IPP) on été reconnues comme « la sévérité de l’oesophagite initiale », « la présence d’une hernie hiatale », « la présence de régurgitations ou de manifestations extra-digestives ». Il faut tout d’abord les analyser avant d’évoquer le diagnostic de RGO résistant aux IPP. - Le traitement a-t-il bien été pris ? Un interrogatoire simple explorera la « compliance » du pateint(e) à la prise d’IPP. Forum Médical de Rangueil - Octobre 2007 - Pr Louis BUSCAIL 3 - Ne s’agit-il pas plutôt d’une « dépendance » aux IPP ? En fait il s’agit de patient(e)s qui, dès l’arrêt du traitement, constatent une récidive des symptômes qu’ils attribuent à un échec du traitement. Il peut, en effet, s’installer une véritable « dépendance » aux IPP : ces derniers sont en fait efficaces mais les symptômes de RGO réapparaissent dès l’arrêt du traitement et ce en l’absence d’oesophagite. On parle parfois d’œsophage « acido » sensible. La conduite à tenir dépendra du délai de récidive et/ou de l’intensité des symptômes. Il y a là une place, en fonction de ce délai, pour un traitement par IPP « à la carte ». - Est-ce vraiment un RGO ? En d’autres termes, les symptômes de se confondent-il pas avec des douleurs thoraciques d’origine autre que digestives ? N’y a-t-il pas des troubles moteurs oesophagiens surajoutés ou exclusifs? S’agit-il de symptômes extra digestifs (ORL ou pneumologiques) attribué au RGO et qui relèveraient d’un traitement spécifique ? Après cette phase au cours de laquelle on « reconsidère cliniquement» le RGO et le patient qui en souffre, il faut aussi idéalement s’assurer de la réalité du RGO et de sa responsabilité dans les symptômes présents : la pH-métrie oesophagienne sans traitement , et si possible couplée à un impédancemétrie (qui mesure le volume et le contenu du reflux) est l’examen clé à cette étape. Deux possibilités se présentent alors : - si cette pH-métrie montre un reflux acide (en relation avec les symptômes), il faut optimiser le traitement anti-sécrétoire en augmentant la dose totale d’IPP, en associant un prokinétique et en vérifiant encore et toujours le respect des règles hygiénodiététiques. Il faudra aussi se méfier d’un gastrinome dont la sécrétion tumorale de gastrine (et donc d’acide gastrique) induit « résistance au traitement à posologie courante » et « oesophagite sévère » (une diarrhée est parfois associée). Indépendamment de cette affection qui reste rare, si l’adaptation posologique des IPP est difficile (non contrôle des symptômes) on pourra s’aider de la PH-métrie effectuée sous IPP. Si la résistance au traitement à forte posologie persiste, on pourra alors discuter de la chirurgie anti-reflux. - Si cette PH-métrie est normale, il faut discuter plusieurs éventualités : o un reflux biliaire ou bilio-pancréatique. Dans ce cas là l’impédencemétrie pourrait être utile en révélant un reflux liquidien abondant de PH > 7 contemporain des symptômes. Les prokinétiques seuls et alginates peuvent être utiles au plan thérapeutique. o les troubles moteurs oesophagiens. Dans ce cas la manométrie oesophagienne pourra révéler des spasmes étagés ou diffus de l’oesophage. Il faudra aussi rechercher d’autres troubles moteurs primaires comme ceux observés dans les maladies de système. La plus fréquente est la sclérodermie donnant des atteintes viscérales avec par ordre de fréquence décroissante : le tube digestif, le poumon, le cœur et les reins. L’atteinte oesophagienne est fréquente dans 75 à 85% des cas et fait partie de la définition du CREST syndrome (calcinose sous-cutanée, syndrome de Raynaud, sclérodactylie, télangiectasies des mains et du visage). Les oesophagites difficiles à traiter y sont fréquentes. o Un terrain psychologique favorable ou prédisposant à l’œsophage « hypersensible ». Une prise en charge psychosomatique est alors souhaitable. Forum Médical de Rangueil - Octobre 2007 - Pr Louis BUSCAIL 4 SYNTHESE RGO RÉSISTANT AUX IPP Quels types de symptômes ? RGO typique ? Troubles moteurs? Manifestations extra-digestives ? pH-métrie oesophagienne Acidité Pas d’acidité RGO non acide Doubler dose d’IPP et associer des prokinétiques Echec PHmétrie sous IPP discuter ensuite la chirurgie Bilan cardiaque RGO non confirmé Troubles moteurs ? Manométrie Terrain psy… ?