Forum Médical de Rangueil - Octobre 2007 - Pr Louis BUSCAIL 3
- Ne s’agit-il pas plutôt d’une « dépendance » aux IPP ?
En fait il s’agit de patient(e)s qui, dès l’arrêt du traitement, constatent une récidive des
symptômes qu’ils attribuent à un échec du traitement. Il peut, en effet, s’installer une véritable
« dépendance » aux IPP : ces derniers sont en fait efficaces mais les symptômes de RGO ré-
apparaissent dès l’arrêt du traitement et ce en l’absence d’oesophagite. On parle parfois
d’œsophage « acido » sensible. La conduite à tenir dépendra du délai de récidive et/ou de
l’intensité des symptômes. Il y a là une place, en fonction de ce délai, pour un traitement par
IPP « à la carte ».
- Est-ce vraiment un RGO ?
En d’autres termes, les symptômes de se confondent-il pas avec des douleurs thoraciques
d’origine autre que digestives ? N’y a-t-il pas des troubles moteurs oesophagiens
surajoutés ou exclusifs? S’agit-il de symptômes extra digestifs (ORL ou pneumologiques)
attribué au RGO et qui relèveraient d’un traitement spécifique ?
Après cette phase au cours de laquelle on « reconsidère cliniquement» le RGO et le patient
qui en souffre, il faut aussi idéalement s’assurer de la réalité du RGO et de sa responsabilité
dans les symptômes présents : la pH-métrie oesophagienne sans traitement , et si possible
couplée à un impédancemétrie (qui mesure le volume et le contenu du reflux) est l’examen
clé à cette étape.
Deux possibilités se présentent alors :
- si cette pH-métrie montre un reflux acide (en relation avec les symptômes), il faut
optimiser le traitement anti-sécrétoire en augmentant la dose totale d’IPP, en associant
un prokinétique et en vérifiant encore et toujours le respect des règles hygiéno-
diététiques. Il faudra aussi se méfier d’un gastrinome dont la sécrétion tumorale de
gastrine (et donc d’acide gastrique) induit « résistance au traitement à posologie
courante » et « oesophagite sévère » (une diarrhée est parfois associée).
Indépendamment de cette affection qui reste rare, si l’adaptation posologique des IPP
est difficile (non contrôle des symptômes) on pourra s’aider de la PH-métrie effectuée
sous IPP. Si la résistance au traitement à forte posologie persiste, on pourra alors
discuter de la chirurgie anti-reflux.
- Si cette PH-métrie est normale, il faut discuter plusieurs éventualités :
o un reflux biliaire ou bilio-pancréatique. Dans ce cas là l’impédencemétrie
pourrait être utile en révélant un reflux liquidien abondant de PH > 7
contemporain des symptômes. Les prokinétiques seuls et alginates peuvent être
utiles au plan thérapeutique.
o les troubles moteurs oesophagiens. Dans ce cas la manométrie oesophagienne
pourra révéler des spasmes étagés ou diffus de l’oesophage. Il faudra aussi
rechercher d’autres troubles moteurs primaires comme ceux observés dans les
maladies de système. La plus fréquente est la sclérodermie donnant des
atteintes viscérales avec par ordre de fréquence décroissante : le tube digestif,
le poumon, le cœur et les reins. L’atteinte oesophagienne est fréquente dans 75
à 85% des cas et fait partie de la définition du CREST syndrome (calcinose
sous-cutanée, syndrome de Raynaud, sclérodactylie, télangiectasies des mains
et du visage). Les oesophagites difficiles à traiter y sont fréquentes.
o Un terrain psychologique favorable ou prédisposant à l’œsophage
« hypersensible ». Une prise en charge psychosomatique est alors souhaitable.