L Antiangiogéniques et cancer du rein DOSSIER THÉMATIQUE

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DOSSIER THÉMATIQUE
Antiangiogéniques
Antiangiogéniques
et cancer du rein
Angiogenesis inhibitors and renal cell carcinoma
B. Billemont*, B. Blanchet**, S. Faivre***
L
e cancer du rein est une tumeur rare comparativement aux cancers du poumon, de la prostate,
du sein ou aux cancers colorectaux. Chaque
année en France, 10 000 nouveaux patients sont
concernés (1). Le traitement médical des formes
métastatiques a longtemps été limité à l’immuno­
thérapie (interféron, interleukine 2) et aux soins
de support. Grâce à un solide rationnel clinique
et biologique, les inhibiteurs de l’angiogenèse ont
bénéficié d’un développement précoce et rapide en
cancérologie. Après avoir bouleversé le pronostic et
la prise en charge des patients atteints de cancer du
rein métastatique, ils sont aujourd’hui considérés
comme la classe thérapeutique de référence dans
cette indication.
Dans ce chapitre, nous retracerons l’historique ayant
conduit à l’application de cette famille de composés
dans le cancer du rein, en résumant les principaux
résultats des inhibiteurs de VEGF/VEGFR disponibles
à la prescription ou en cours de développement.
Néoangiogenèse tumorale
et cancer du rein :
2 processus intimement liés
* Département d’oncologie médicale, Institut Jean-Godinot, Reims ;
service de cancérologie, hôpital
Beaujon, Clichy.
** Laboratoire de pharmacologietoxi­co­logie, groupe hospitalier
­Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, Paris.
*** Service de cancérologie, hôpital
Beaujon, Clichy.
Sans aucun élément de biologie moléculaire, en
se fondant uniquement sur leurs observations
cliniques, les chirurgiens et les anatomo-pathologistes ont décrit, dès la fin du XIXe siècle, les liens
étroits entre les écosystèmes tumoral et capillaire
dans le cancer du rein (2). Le concept de traitement angiogénique porté par J. Folkman dans les
années 1970, confronté à l’aspect très hémorragique et vascularisé des pièces de néphrectomie
ou de métastases de cancer du rein, nous semble
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rétrospectivement logique (3). Pourtant, 30 années
de recherches ont été nécessaires pour prouver
l’impor­tance du recrutement de nouveaux vaisseaux
par les cellules tumorales (néoangiogenèse), pour
découvrir les principaux médiateurs et inhibiteurs
de l’angiogenèse.
Le rôle du micro-environnement tumoral, notamment de l’hypoxie induite par l’absence de diffusion
de l’oxygène au-delà de 200 µm, est fondamental
dans le développement tumoral (4). Pendant la
phase de croissance avasculaire, la prolifération
tumorale est rapidement limitée (1 à 2 mm ou
106 cellules) [5] et induit l’expression de facteurs
pro-angiogéniques par les cellules tumorales (4).
Le détournement du processus physiologique de
formation du réseau vasculaire (angiogenèse)
aboutit au recrutement d’un réseau vasculaire péritumoral. Cette étape de néoangiogenèse tumorale
correspond au “switch” angiogénique (6), qui est une
condition sine qua non du développement tumoral,
donc retenu comme l’un des événements princeps
de l’oncogenèse (7).
Les travaux de J. Plouet et N. Ferrara ont permis
la découverte, en 1989, du principal médiateur
de l’angiogenèse : le VEGF (Vascular Endothelial
Growth Factor), ou VEGF-A (8, 9). Il appartient
à la super­famille VEGF-PDGF (Platelet-Derived
Growth Factor), qui regroupe le PDGF ainsi que les
VEGF-B, VEGF-C et VEGF-D (9). Le VEGF-A se lie
à 2 récepteurs transmembranaires ayant une activité tyrosine kinase, le VEGFR-1 et le VEGFR-2 [10].
Lors de l’angio­genèse, le VEGF-A se lie au domaine
extracellulaire du récepteur VEGFR-2, présent à
la surface des cellules endothéliales, et entraîne
sa dimérisation et l’autophosphorylation de ses
protéines à activité tyrosine kinase. La cascade
de phosphorylations induites conduit à inhiber
Résumé
Les inhibiteurs de l’angiogenèses ou anti-angiogéniques ont bouleversé en quelques années le pronostic
et la prise en charge des patients atteints de cancer du rein métastatique. Cette nouvelle classe médicamenteuse cible le principal médiateur de l’angiogenèse (Vascular endothelial Growth Factor ou VEGF) et
son récepteur le VEGF-R. Le bevacizumab est un anticorps monoclonal dirigé contre le VEGF. Le sunitinib et
le sorafenib sont des pan-inhibiteurs de protéines à activité protéine kinase qui ciblent de VEGF-R. Sur la
base des taux de réponses observées et du gain en survie sans progression constatés au cours des essais
thérapeutiques de phase III, le sunitinib, le sorafenib et le bevacizumab en association avec l’interferon
sont enregistrés par l’EMEA dans le traitement du cancer du rein métastatique. D’autres inhibiteurs du
VEGF-R comme le pazopanib et l’axitinib sont actuellement en développement avancé et vont renforcer
très prochainement les classes thérapeutiques des anti-angiogéniques.
l’apoptose des cellules endothéliales et à activer
leur division cellulaire.
Lors de l’angiogenèse, le VEGF-A provoque une
déstabilisation du réseau vasculaire, avec une dilatation des vaisseaux et une perméabilisation de la
membrane basale. La prolifération puis la migration
des cellules endothéliales aboutissent à la formation
de lumens et de boucles capillaires (9). Le VEGF-A
permet également le recrutement de progéniteurs
de cellules endothéliales circulantes présentant à
leur surface le CD34 et des marqueurs endothéliaux (11).
Le PDGF-β et son récepteur (PDGFR-β) jouent un
rôle clé dans le développement et la différenciation
des vaisseaux. Ils sont présents à la surface des
cellules musculaires lisses des vaisseaux et sur les
péricytes qui assurent la maturation des microvaisseaux (12). L’implication du PDGF-R dans le
“switch” angiogénique tumoral est particulièrement importante, puisqu’il agit en synergie avec
le VEGF-R (13). D’ailleurs, l’inhibition du PDGF-R
et du VEGF-R induit une importante apoptose des
cellules endothéliales et une régression de la vascularisation (13).
La concentration sérique du VEGF-A est augmentée
chez les patients atteints de cancer du rein métastatique (9). Son expression est régulée par différents
facteurs, dont l’hypoxie, par l’intermédiaire de la
protéine HIF (Hypoxia-Inducible Factor). En situation
d’hypoxie, HIF se fixe sur le promoteur du gène du
VEGF et déclenche sa transcription (14). À l’inverse,
en présence d’oxygène, la sous-unité HIF-1α est
hydroxylée et subit une ubiquitinylation conduisant à sa dégradation par le protéasome (14). Le
produit du gène VHL (Von Hippel-Lindau) est l’un
des composants du complexe E3 ligase impliqué
dans ce mécanisme. Dans la maladie de Von HippelLindau (principale forme familiale de cancer du rein),
mais aussi dans une majorité de cancers du rein
sporadiques, il existe une mutation du gène VHL
qui diminue la dégradation de HIF (15). L’expression
des gènes du VEGF-A est constamment stimulée et
constitue une étape importante dans le processus
de néoangiogenèse (16). L’importance des mutations et des altérations génétiques du gène VHL
dans le cancer du rein en renforce l’image de modèle
idéal de la néoangiogenèse tumorale.
Les principaux inhibiteurs
de l’angiogenèse inhibant
le VEGF et le VEGFR
Inhibiteurs du VEGF-R
◆◆ Le sunitinib
Le sunitinib est un inhibiteur de protéines à activité
tyrosine kinase qui cible les récepteurs du VEGF-1,
du VEGF-2 et du VEGF-3, le PDGF-R, c-Kit et FLT-3.
Son administration est orale, avec une posologie de
départ de 50 mg × 1/j pendant 4 semaines, suivies
de 2 semaines de repos. Son absorption est rapide et
n’est pas modifiée lors de la prise d’aliments (notamment d’aliments riches en lipides). La concentration plasmatique maximale est observée entre 6 et
12 heures après l’absorption. Le sunitinib est très lié
aux protéines plasmatiques (95 %) et sa demi-vie
est comprise entre 40 et 60 heures.
Le sunitinib est métabolisé au niveau hépatique avec
une faible élimination rénale. Le premier passage
hépatique, via le cytochrome P450 CYP3A4, est à
l’origine de la formation d’un métabolite actif, le
SU 12662, qui a une demi-vie de 80 à 110 heures (17).
Le risque d’interactions médicamenteuses est important avec les substrats, les inducteurs et les inhibiteurs du CYP3A4. Les inducteurs enzymatiques sont
susceptibles d’augmenter le métabolisme du sunitinib
et de diminuer son exposition plasmatique. Ainsi,
W. Fiedler et al. ont montré une diminution de 76 %
de l’exposition plasmatique au sunitinib chez des
patients traités également par de la rifampicine (18).
Les principaux inducteurs répertoriés sont la rifampicine, le millepertuis, la phénytoïne, la carbamazépine,
le phénobarbital et la dexaméthasone. À l’inverse,
les inhibiteurs du CYP3A4 sont susceptibles d’augmenter l’exposition plasmatique au sunitinib. Ainsi,
C. Washington et al. ont montré une augmentation
de 80 % de l’exposition plasmatique au sunitinib
chez des patients traités également par kétoconazole (19). Les principaux inhibiteurs du CYP3A4 sont
les azolés, les inhibiteurs de protéase, l’érythromycine,
la clarithromycine et le jus de pamplemousse.
L’activité antitumorale du sunitinib dans le cancer du
rein a été observée dès l’essai de phase I conduit par
S. Faivre et al., avec 3 patients multitraités en réponse
Mots-clés
Cancer du rein
Antiangiogéniques
Sunitinib
Sorafénib
Bévacizumab
Highlights
Angiogenesis inhibitors or
anti-angiogenic agents have
changed the prognosis and
the management of metastatic
renal cell carcinoma disease.
Theses new drugs target the
key mediator of angiogenesis
(Vascular Endothelial Growth
Factor or VEGF) and its receptor
VEGF-R. Bevacizumab is a
monoclonal antibody which
targets VEGF. Sunitinib and
sorafenib are pan-inhibitors of
protein kinase activity protein
targeting VEGF-R. Based on the
response rate and the gain in
progression-free survival
observed in phase III clinical
trials, sunitinib, sorafenib and
bevacizumab in combination
with interferon are recorded by
the EMEA for the treatment of
cancer metastatic renal cell
carcinoma. Other inhibitors
of VEGF-R such as pazopanib
and axitinib are currently in
advanced clinical development and should enrich the
therapeutic classes of antiangiogenic.
Keywords
Renal cell carcinoma
Antiangiogenic agents
Sunitinib
Sorafenib
Bevacizumab
La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 10 - décembre 2010 | 577
DOSSIER THÉMATIQUE
Antiangiogéniques
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Antiangiogéniques et cancer du rein
partielle selon les RECIST (Response Evaluation Criteria
in Solid Tumors) [17]. Les taux de réponse objective
exceptionnels (40 %) et les stabilités tumorales
(27 %) rapportés au cours de la phase II (20) ont été
confirmés par la suite par l’essai de phase III conduit
par R.J. Motzer et al., comparant le sunitinib à l’interféron α (21). Le doublement de la médiane de survie
sans progression (11,4 versus 5 mois ; p < 0,0001) a
rapidement conduit à son enregistrement par la Food
and Drug Administration (FDA) et l’European Medicines Agency (EMEA). L’actualisation des données met
en évidence une amélioration de la survie globale dans
le groupe sunitinib malgré le crossover (26,4 versus
21,8 mois ; RR = 0,81 ; p = 0,05) [22].
Un autre schéma d’administration en continu à la
posologie de 37,5 mg a été étudié lors d’un essai de
phase II mené par B. Escudier et al. (23) : le profil de
toxicité rapporté est proche de celui de la phase III
d’enregistrement, avec un taux de réponse objective de 20 %. Enfin, plusieurs travaux mettent en
évidence une activité antitumorale après échec d’un
traitement par bévacizumab, avec également un
taux de réponse d’environ 20 % (24).
◆◆ Le sorafénib
Le sorafénib est également un inhibiteur de protéines
à activité tyrosine kinase. Initialement développé
comme inhibiteur de la voie RAF kinase, il cible
aussi les récepteurs des VEGF-1, VEGF-2, VEGF-3, le
PDGF-R, c-Kit et FLT-3. Son administration est orale,
avec une posologie recommandée de 400 mg × 2/j
sans interruption. Le pic d’absorption est observé
entre 2,5 et 6 heures après la prise de 400 mg. Sa
demi-vie est comprise entre 24 et 28 heures (25).
Le sorafénib est très lié aux protéines plasmatiques
(99,5 %), et notamment à l’albumine. Sa biodisponibilité peut être diminuée de l’ordre de 30 %
lors de la prise d’aliments riches en lipides (selon
l'EMEA) [26]. La solubilité du sorafénib diminue
avec l’augmentation du pH. Ainsi, les anti-acides,
les antagonistes H2 et les inhibiteurs de la pompe à
protons pourraient en diminuer l’absorption. Néanmoins, les données récentes de l’EMEA montrent
une absence de modification de l’exposition plasmatique au sorafénib sous oméprazole 40 mg/j. Dans
ce contexte, les inhibiteurs de la pompe à protons
doivent être privilégiés en cas de reflux acides ou
d’épigastralgies, à l’inverse des autres anti-acides
et antagonistes anti-H2.
Le métabolisme du sorafénib comporte un premier
passage hépatique, avec une étape de glucuronidation par l’UGT1A9 et un cycle entéro-hépatique. Il
existe une voie métabolique mineure via le CYP3A4,
578 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 10 - décembre 2010
avec un risque théorique d’interactions faible. Les
inducteurs du CYP3A4 et de l’UGT1A9 sont susceptibles d’augmenter le métabolisme du sorafénib et
de diminuer son exposition plasmatique. La mise à
jour des données de l’EMEA rapporte une diminution
de 37 % de l’exposition plasmatique au sorafénib
sous rifampicine. En revanche, C. Lathia et al. ont
montré l’absence d’effet du kétoconazole, qui est
un puissant inhibiteur du CYP3A4, sur l’exposition
plasmatique au sorafénib (27).
L’activité antitumorale du sorafénib dans le cancer
du rein a été décrite pour la première fois au cours
d’un essai de phase II conduit par M.J. Ratain
et al. (28). L’objectif de cette étude était de mettre
en évidence l’inhibition de la croissance tumorale
chez les patients classés stables selon les critères
de l'Organisation mondiale de la Santé. Ainsi, sur
202 patients initialement inclus, 65 présentaient
une maladie stabilisée après 12 semaines. Ils étaient
randomisés entre la poursuite du traitement ou l’administration d’un placebo, alors que les patients
répondeurs d’emblée poursuivaient leur traitement.
Dans le sous-groupe de 65 patients stabilisés ayant
fait l’objet d’une randomisation, le temps médian
jusqu’à progression était de 24 semaines, versus
6 semaines dans le bras placebo (p = 0,0087) [28].
Par la suite, un large essai de phase III a été mené
chez 902 patients après échec d’un traitement de
première ligne comprenant une cytokine (29). Cette
étude a mis en évidence une augmentation significative de la médiane de survie sans progression dans le
groupe sorafénib de 24 semaines versus 12 semaines
pour le groupe traité par un placebo (p < 0,0001). Le
taux de réponses objectives évalué selon les RECIST
était faible (2 %), avec néanmoins une stabilisation
durable chez 74 % des patients, versus 53 % dans
le bras placebo. Ces résultats ont permis l’enregistrement du sorafénib après échec d’un traitement
par cytokine dans le cancer du rein métastatique.
L’actualisation des données n’a pas mis en évidence
de gain significatif en survie globale (médiane de
17,8 versus 15,2 mois) [30]. Plus récemment, l’étude
de phase II chez des patients en première ligne de
traitement comparant le sorafénib à l’interféron n’a
pas révélé d’amélioration de la survie sans progression (5,7 versus 5,6 mois). Néanmoins, 41 % des
patients ayant bénéficié d’une escalade de dose à
la posologie de 600 mg × 2/j ont présenté une réduction de la taille tumorale (31). De même, après un
traitement par sunitinib ou bévacizumab, des stabilisations ont été obtenues sous sorafénib (32), rendant
cet agent attractif pour une utilisation séquentielle
par rapport aux autres molécules disponibles.
Sous l’égide de
Inhibiteur du VEGF : le bévacizumab
Le bévacizumab est historiquement le premier
médicament antiangiogénique a avoir été développé
en cancérologie. Cet anticorps monoclonal murin
humanisé est capable de lier toutes les isoformes
du VEGF-A. Son administration se fait par voie
intraveineuse à la posologie de 10 mg/kg toutes
les 2 semaines, avec une demi-vie de 21 jours (33).
La preuve de l’efficacité d’un traitement antiangiogénique par le bévacizumab dans le cancer du rein
a été apportée par l’essai de phase II de J.C. Yang
et al. (34). Cette étude a été menée chez 116 patients
atteints d’un cancer du rein métastatique, après
échec d’une immunothérapie (ou inéligibilité pour
ce traitement). Elle comparait un placebo au bévacizumab, utilisé à la posologie de 3 mg/kg ou 10 mg/kg,
administrés toutes les 2 semaines (34). Le temps
médian jusqu’à progression était significativement
augmenté dans le groupe bévacizumab 10 mg/kg
versus placebo (4,8 versus 2,5 mois ; p < 0,001).
Le taux de réponse objective était de 10 %, avec
4 réponses partielles. À partir de ces résultats,
plusieurs essais de phase III ont comparé l'interféron α en association avec le bévacizumab et en
monothérapie (9 millions d’unités × 3/sem.).
Dans l’essai AVOREN, B. Escudier et al. ont rapporté
un taux de réponse objective de 31 % pour l’association bévacizumab + interféron α et une augmentation significative de la médiane de survie sans
progression (10,2 versus 4,2 mois ; RR = 0,63 ;
p = 0,0001) [35].
De manière similaire, l’étude GALB menée par B. Rini
et al. retrouvait, dans le bras bévacizumab + interféron, un taux de réponse objective plus élevé (25 %)
et une amélioration de la survie sans progression
(8,5 versus 5,2 mois ; p < 0,0001) [36]. Les causes
les plus fréquentes d’arrêt pour toxicité (de grade 3
ou 4) dans ces 2 essais étaient l’hypertension artérielle, l’asthénie, l’anorexie et, plus rarement, certains
épisodes de perforations digestives, d’événements
thrombo-emboliques et de protéinuries. Ces résultats ont conduit à l’enregistrement du bévacizumab
associé à l’interféron α dans le cancer du rein métastatique en première ligne de traitement.
Inhibiteurs du VEGFR en développement
avancé
◆◆ Le◆pazopanib
Le pazopanib est un pan-inhibiteur des récepteurs
du VEGF-1, du VEGF-2, du VEGF-3 et du PDGF-R,
approuvé dans le cancer du rein métastatique.
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DOSSIER THÉMATIQUE
Antiangiogéniques
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les références
bibliographiques
complètes sur notre
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Antiangiogéniques et cancer du rein
Son administration est orale, à la posologie quotidienne de 800 mg/j. L’absorption digestive est
rapide, avec une concentration maximale observée
à 3 heures. Le métabolisme est hépatique par
l’intermédiaire du CYP3A4, et la demi-vie est de
36 heures (37). Les risques d’interactions médicamenteuses sont possibles avec les inhibiteurs et les
inducteurs du CYP3A4.
Au cours des essais de phase II (38) et III (39), le
taux de réponses objectives était de 34 à 32 %, sans
différence entre les patients non prétraités et ceux
ayant déjà reçu une immunothérapie. Dans l’essai de
phase III, la médiane de survie sans progression des
patients dans le groupe pazopanib était de 9,2 mois,
versus 4,2 mois dans le groupe placebo (RR = 0,46 ;
IC95 : 0,34-0,62 ; p < 0,0001). Les principales causes
d’interruption ou d’arrêt du traitement pour toxicités
dans les essais de phases II et III étaient l’hypertension artérielle, les diarrhées, les nausées et vomissements ainsi que l’élévation des transaminases.
L’incidence des toxicités hématologiques était très
faible (possiblement liée à l’absence d’inhibition
de FLT-3, contrairement au sunitinib et au sorafénib). Ces résultats ont permis l’enregistrement
du pazopanib par la FDA dans le cancer du rein en
première ligne métastatique ou après échec des
cytokines (interféron α ou interleukine 2).
◆◆ L’axitinib
L’axitinib présente un spectre d’inhibition de protéines
à activité tyrosine kinase proche de celui du pazopanib
(VEGFR-1, VEGFR-2, VEGFR-3, PDGFR). Son administration est orale à la posologie de 5 mg × 2/j. La
concentration maximale est observée 1,9 heure après
la prise. Le métabolisme est hépatique via les cytochromes CYP3A4 et CYP1A2, avec une demi-vie de
3 heures. Dès l’essai de phase I, une activité anti-
tumorale a été mise en évidence avec 2 réponses
partielles sur 6 patients atteints de cancer du rein
métastatique (40). L’essai de phase II, conduit par
O. Rixe et al. (41) chez des patients atteints de cancer
du rein métastatique en rechute après un traitement
par cytokine, a mis en évidence un taux de réponse
objective de 44 %. Les toxicités de grade 3 ou 4 à
l'origine des interruptions de traitement incluaient le
syndrome main-pied, l’asthénie, l'hypertension artérielle, les diarrhées et les épisodes de déshydratation
avec hypotension artérielle. L’absence de toxicités
hématologiques sévères semble, tout comme pour le
pazopanib, reliée à l’absence d’inhibition de FLT-3. Plus
récemment, B. Rini et al. (42) ont rapporté un taux de
réponse de 25 % chez des patients ayant déjà reçu du
sorafénib. L’axitinib semble donc avoir un spectre d’activité très intéressant, et offrir une alternative après
l’échec d’un premier traitement antiangiogénique par
sorafénib. Ces données encourageantes ont ouvert
la voie vers des essais de phase III, qui sont en cours.
Conclusion
Plusieurs molécules ciblant le VEGF et le VEGFR
ont émergé ces dernières années, avec des résultats
intéressants, notamment en raison de l’absence de
résistance croisée entre différents composés. Dans
tous les cas, la prévention et la gestion précoce des
toxicités ainsi que les interactions médicamenteuses
éventuelles sont importantes à prendre en compte
pour l’obtention d’une exposition optimale au traitement et afin de bénéficier de la meilleure activité
antitumorale. Des essais stratégiques sont en cours
pour l’utilisation séquentielle de ces molécules, et
afin de les intégrer à des stades plus précoces du
cancer du rein, tels que les situations adjuvantes
ou néo-adjuvantes.
■
Bloc-notes
Association Cross Worlds HealthCare Professionals
Créée en 2010, l’association Cross
Worlds HealthCare Professionals
(www.cwhcp.org) est une association
professionnelle européenne sans but
lucratif regroupant des professionnels
de toutes disciplines dans les secteurs
de la santé et des sciences de la vie
au niveau européen. Son objectif est
de favoriser les échanges entre ces
professionnels, de faciliter le développement de leurs connaissances, de
580 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 10 - décembre 2010
partager des bonnes pratiques et
de définir une vision commune des
transformations du système de santé
pour une meilleure prise en charge du
patient. Le bureau de l’étude a donc
initié une étude portant sur l’optimisation des collaborations entre les
institutions de recherche et de soins et
les industriels de santé. Elle s’appuie
sur plus d’une centaine d’entretiens
face-à-face au niveau européen
auprès d’experts hospitaliers, de
régulateurs, de payeurs, d’associations de patients et de décideurs au
sein des industries de santé au niveau
international. Une table ronde de
restitution des résultats de l’étude
se déroulera le 17 janvier 2011, de
12 h 00 à 15 h 00, à Neuilly-surSeine, au centre de conférences de
l’hôpital américain de Paris, pavillon
Florence-Gould.
AP CLASTOBAN 21x29,7 cm_10-2010_Mise en page 1 21/10/10 10:18 Page1
TRAITEMENT PALLIATIF DES OSTÉOLYSES D’ORIGINE
MALIGNE SANS HYPERCALCÉMIE, EN COMPLÉMENT
DU TRAITEMENT SPÉCIFIQUE DE LA TUMEUR
1600 mg/jour en 1 seule prise
CLASTOBAN 800 mg, comprimé pelliculé. COMPOSITION* : Clodronate disodique : 800,00 mg. FORME PHARMACEUTIQUE* : Comprimé pelliculé. DONNEES CLINIQUES : Indications thérapeutiques : Traitement des hypercalcémies
malignes en relais de la forme injectable. Traitement palliatif des ostéolyses d’origine maligne avec ou sans hypercalcémie, en complément du traitement spécifique de la tumeur (cf. Mises en garde spéciales et précautions d’emploi). Dans
les cas d’hypercalcémie, le traitement doit être associé à une réhydratation optimale. Posologie et mode d’administration* : Les comprimés doivent être pris en dehors des repas . Selon l’indication et la dose utilisée, le traitement sera pris
en une ou deux prises. Il faut de préférence prendre la dose journalière unique ou la première des deux doses de la journée le matin à jeun, avec un verre d’eau. Pendant l’heure suivant la prise, le patient ne doit ni manger, ni boire (sauf de
l’eau plate), ni prendre aucun autre médicament par voie orale. Traitement palliatif des ostéolyses sans hypercalcémie : La dose journalière recommandée est de 1600 mg en une seule prise. Si la dose prescrite est plus importante, il est
recommandé de répartir la dose en deux prises. CTJ : 7,46 €. Traitement des hypercalcémies malignes en relais de la forme injectable et traitement palliatif des ostéolyses d’origine maligne avec hypercalcémie : des doses de départ plus
élevées devront être instaurées : de 2400 à 3200 mg/jour, réparties en plusieurs prises (CTJ : 11,18 € à 14,91 €). En fonction de la réponse thérapeutique, ces doses seront progressivement diminuées. Enfants : l’efficacité et la tolérance
de ce médicament n’ont pas été établies chez l’enfant. Sujets âgés : aucun ajustement posologique particulier n’est nécessaire. Insuffisants rénaux : utiliser le clodronate avec prudence en cas d’insuffisance rénale. Les doses supérieures à
1600 mg ne doivent pas être prises en continu. Il est recommandé de diminuer les doses selon selon le degré d’insuffisance rénale (IR) : - IR Légère : Cl Creat 50-80 ml/min : 1600 mg/j (pas de diminution de dose) - IR Modérée : Cl Creat
30-50 ml/min : 1200 mg/j - IR Sévère : Cl Creat < 30ml/min : 800 mg/j. Contre-indications : Allaitement. Ce médicament ne doit généralement pas être utilisé pendant la grossesse. Hypersensibilité connue aux bisphosphonates ou à l’un
des excipients. Mises en garde spéciales et précautions particulières d’emploi* : Hyperostéolyse d’origine maligne : le traitement par CLASTOBAN ne doit pas remettre en cause l’instauration du traitement spécifique. Chez les patients
présentant une insuffisance rénale sévère, CLASTOBAN doit être administré avec précaution, et une diminution de la dose peut être nécessaire. Les patients doivent être correctement hydratés avant et pendant le traitement. Une ostéonécrose
de la mâchoire généralement associée à une extraction dentaire et/ou une infection locale (y compris une ostéomyélite) a été rapportée chez des patients cancéreux recevant un traitement par des bisphosphonates principalement administrés
par voie intraveineuse. Un grand nombre de ces patients recevait aussi une chimiothérapie et des corticoïdes. Un examen dentaire avec des soins dentaires préventifs appropriés doit être envisagé avant un traitement par biphosphonates
chez les patients ayant des facteurs de risques concomitants (ex : cancer, chimiothérapie, radiothérapie, corticoïdes, mauvaise hygiène buccodentaire). Pendant le traitement, ces patients doivent éviter, si possible, les interventions dentaires
invasives. La chirurgie dentaire peut aggraver l’état des patients développant une ostéonécrose de la mâchoire pendant un traitement par bisphosphonate. Pour les patients nécessitant une intervention dentaire, il n’y a pas de données
disponibles suggérant qu’une interruption du traitement par bisphosphonate réduise le risque d’ostéonécrose de la mâchoire. Interactions avec d’autres médicaments et autres formes d’interaction* : Médicaments néphrotoxiques :
l’utilisation conjointe de médicaments ayant une toxicité rénale propre augmente le risque de néphrotoxicité (renforcer la surveillance biologique rénale). Association nécessitant une précaution d’emploi : AINS (surveiller la fonction rénale en
début de traitement), estramustine (surveillance clinique), calcium, fer, topiques gastro-intestinaux, antiacides et charbon (prendre les sels de calcium, de fer, les topiques gastro intestinaux et les antiacides à distance des bisphosphonates
(de 30 minutes au minimum à plus de 2 heures selon le bisphosphonate)), aminosides (risque d’addition des effets hypocalcémiants). Grossesse et allaitement* : l’utilisation du clodronate est déconseillée pendant la grossesse. Cet élément
ne constitue pas l’argument pour conseiller une interruption de grossesse mais conduit à une attitude de prudence et à une surveillance prénatale orientée. Allaitement contre-indiqué. Effets indésirables* : les plus fréquents sont : nausées,
vomissements et diarrhées. Intensité généralement légère et plus fréquents lors d’un traitement par Clastoban à fortes doses. EI Fréquents : hypocalcémie asymptomatique, diarrhée, nausées, vomissements, augmentation des taux de
transaminases (habituellement dans les limites de la normale). EI rares : Hypocalcémie symptomatique. Augmentation des taux sériques de parathormone, associée à la baisse de la calcémie. Augmentation des taux sériques des phosphatases
alcalines. Augmentation des taux de transaminases au-delà de deux fois les valeurs normales non associée à une anomalie de la fonction hépatique. Réactions d’hypersensibilité cutanée. Surdosage*. PROPRIETES PHARMACOLOGIQUES* :
Diphosphonates. DONNEES PHARMACEUTIQUES* : Durée de conservation : 3 ans. Précautions particulières de conservation : A conserver à une température ne dépassant
pas + 30°C. TITULAIRE AMM : Bayer Santé, 220 avenue de la recherche - 59120 LOOS. Standard 03.28.16.34.00. Pharmacovigilance (N° vert : 0 800 87 54 54). PRESENTATION
ET NUMERO D’IDENTIFICATION ADMINISTRATIVE : CIP 362 066.0 : 60 comprimés sous plaquettes thermoformées (PVC/Aluminum). Liste I. Prix : 223,68 €. Remb. Séc. Soc. 65 %.
Agréé Coll. Date de première autorisation : juillet 2003. Date de mise à jour du texte : 18/02/2010. *Pour une information plus complète, consulter le RCP disponible sur le site
de l’Afssaps ou sur demande auprès de notre laboratoire. V01/10.
20063-11/10 - Bayer Santé - SAS au capital de 47.857.291,14€ - 706 580 149 RCS Lille
Chaque jour.
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