578 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 10 - décembre 2010
Antiangiogéniques et cancer du rein
DOSSIER THÉMATIQUE
Antiangiogéniques
partielle selon les RECIST (Response Evaluation Criteria
in Solid Tumors) [17]. Les taux de réponse objective
exceptionnels (40 %) et les stabilités tumorales
(27 %) rapportés au cours de la phase II (20) ont été
confirmés par la suite par l’essai de phase III conduit
par R.J. Motzer et al., comparant le sunitinib à l’inter-
féron α (21). Le doublement de la médiane de survie
sans progression (11,4 versus 5 mois ; p < 0,0001) a
rapidement conduit à son enregistrement par la Food
and Drug Administration (FDA) et l’European Medi-
cines Agency (EMEA). L’actualisation des données met
en évidence une amélioration de la survie globale dans
le groupe sunitinib malgré le crossover (26,4 versus
21,8 mois ; RR = 0,81 ; p = 0,05) [22].
Un autre schéma d’administration en continu à la
posologie de 37,5 mg a été étudié lors d’un essai de
phase II mené par B. Escudier et al. (23) : le profil de
toxicité rapporté est proche de celui de la phase III
d’enregistrement, avec un taux de réponse objec-
tive de 20 %. Enfin, plusieurs travaux mettent en
évidence une activité antitumorale après échec d’un
traitement par bévacizumab, avec également un
taux de réponse d’environ 20 % (24).
◆◆Le◆sorafénib
Le sorafénib est également un inhibiteur de protéines
à activité tyrosine kinase. Initialement développé
comme inhibiteur de la voie RAF kinase, il cible
aussi les récepteurs des VEGF-1, VEGF-2, VEGF-3, le
PDGF-R, c-Kit et FLT-3. Son administration est orale,
avec une posologie recommandée de 400 mg × 2/j
sans interruption. Le pic d’absorption est observé
entre 2,5 et 6 heures après la prise de 400 mg. Sa
demi-vie est comprise entre 24 et 28 heures (25).
Le sorafénib est très lié aux protéines plasmatiques
(99,5 %), et notamment à l’albumine. Sa biodis-
ponibilité peut être diminuée de l’ordre de 30 %
lors de la prise d’aliments riches en lipides (selon
l'EMEA) [26]. La solubilité du sorafénib diminue
avec l’augmentation du pH. Ainsi, les anti-acides,
les antagonistes H2 et les inhibiteurs de la pompe à
protons pourraient en diminuer l’absorption. Néan-
moins, les données récentes de l’EMEA montrent
une absence de modification de l’exposition plasma-
tique au sorafénib sous oméprazole 40 mg/j. Dans
ce contexte, les inhibiteurs de la pompe à protons
doivent être privilégiés en cas de reflux acides ou
d’épigastralgies, à l’inverse des autres anti-acides
et antagonistes anti-H2.
Le métabolisme du sorafénib comporte un premier
passage hépatique, avec une étape de glucuronida-
tion par l’UGT1A9 et un cycle entéro-hépatique. Il
existe une voie métabolique mineure via le CYP3A4,
avec un risque théorique d’interactions faible. Les
inducteurs du CYP3A4 et de l’UGT1A9 sont suscep-
tibles d’augmenter le métabolisme du sorafénib et
de diminuer son exposition plasmatique. La mise à
jour des données de l’EMEA rapporte une diminution
de 37 % de l’exposition plasmatique au sorafénib
sous rifampicine. En revanche, C. Lathia et al. ont
montré l’absence d’effet du kétoconazole, qui est
un puissant inhibiteur du CYP3A4, sur l’exposition
plasmatique au sorafénib (27).
L’activité antitumorale du sorafénib dans le cancer
du rein a été décrite pour la première fois au cours
d’un essai de phase II conduit par M.J. Ratain
et al. (28). L’objectif de cette étude était de mettre
en évidence l’inhibition de la croissance tumorale
chez les patients classés stables selon les critères
de l'Organisation mondiale de la Santé. Ainsi, sur
202 patients initialement inclus, 65 présentaient
une maladie stabilisée après 12 semaines. Ils étaient
randomisés entre la poursuite du traitement ou l’ad-
ministration d’un placebo, alors que les patients
répondeurs d’emblée poursuivaient leur traitement.
Dans le sous-groupe de 65 patients stabilisés ayant
fait l’objet d’une randomisation, le temps médian
jusqu’à progression était de 24 semaines, versus
6 semaines dans le bras placebo (p = 0,0087) [28].
Par la suite, un large essai de phase III a été mené
chez 902 patients après échec d’un traitement de
première ligne comprenant une cytokine (29). Cette
étude a mis en évidence une augmentation significa-
tive de la médiane de survie sans progression dans le
groupe sorafénib de 24 semaines versus 12 semaines
pour le groupe traité par un placebo (p < 0,0001). Le
taux de réponses objectives évalué selon les RECIST
était faible (2 %), avec néanmoins une stabilisation
durable chez 74 % des patients, versus 53 % dans
le bras placebo. Ces résultats ont permis l’enregis-
trement du sorafénib après échec d’un traitement
par cytokine dans le cancer du rein métastatique.
L’actualisation des données n’a pas mis en évidence
de gain significatif en survie globale (médiane de
17,8 versus 15,2 mois) [30]. Plus récemment, l’étude
de phase II chez des patients en première ligne de
traitement comparant le sorafénib à l’interféron n’a
pas révélé d’amélioration de la survie sans progres-
sion (5,7 versus 5,6 mois). Néanmoins, 41 % des
patients ayant bénéficié d’une escalade de dose à
la posologie de 600 mg × 2/j ont présenté une réduc-
tion de la taille tumorale (31). De même, après un
traitement par sunitinib ou bévacizumab, des stabili-
sations ont été obtenues sous sorafénib (32), rendant
cet agent attractif pour une utilisation séquentielle
par rapport aux autres molécules disponibles.
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