“ I Insuffi sance cardiaque :

publicité
ÉDITORIAL
Insuffisance cardiaque :
quoi de neuf à l’ESC ?
Heart failure: what’s new at the ESC congress?
“
I
ncontestablement, l’étude phare du congrès de l’ESC à Barcelone a été l’étude
PARADIGM-HF, en raison de ses résultats impressionnants mais aussi de
ses potentielles conséquences sur les futures recommandations pour le traitement
de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) altérée.
Une molécule au nom “futuriste” de LCZ 696 va probablement révolutionner
le traitement de l’insuffisance cardiaque à FEVG altérée, en détrônant probablement
les immuables inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ; ces IEC, qui avaient su
résister à l’assaut des inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II (ARA 2). Le LCZ
696, combinaison d’un ARA 2 (le valsartan) et d’un inhibiteur de la néprilysine (une
endopeptidase neutre qui dégrade les peptides vaso-actifs) a été comparée à l’énalapril.
Cet essai prospectif, en double aveugle, et randomisant les patients soit dans le groupe
énalapril 20 mg/j ou le LCZ 696 400 mg/j, a inclus plus de 8 000 patients insuffisants
cardiaques. Les patients étaient de vrais insuffisants cardiaques, avec une dysfonction
systolique du ventricule gauche (FEVG en moyenne à 30 %) en classe NYHA II-IV,
avec un traitement recommandé (IEC, bêtabloquants et anti-aldostérone) et un taux
de peptides natriurétiques élevé requis (et ce d’autant plus en l’absence d’hospitalisation
pour insuffisance cardiaque). Certains esprits chagrins pourront reprocher la phase
test dite de “run-in” afin de ne pas inclure les patients non tolérants aux drogues
utilisées... Douze pour cent des patients n’ont pas poursuivi l’étude. C’était le cas pour
les bêtabloquants, et pourtant... les bêtabloquants sont aujourd’hui incontournables.
Le critère principal était la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour
insuffisance cardiaque mais, point intéressant, la taille de la population était calculée
pour une réduction de la mortalité cardiovasculaire de 15 %.
Les résultats sont impressionnants : réduction du critère principal et de la mortalité
cardiovasculaire de 20 % en faveur du LCZ 696, et ce, non contre un placebo mais contre
un IEC !!!! Avec une réduction de la mortalité globale de 16 %, et des hospitalisations
pour insuffisance cardiaque de 21 % !!! Plus d’hypotension symptomatique avec
le LCZ 696, mais pas plus d’interruptions de traitement pour cette raison, moins
d’hyperkaliémie, d’insuffisance rénale et de toux, ainsi qu’une baisse des interruptions
de traitement pour effets indésirables !!!
L’étude PARADIGM-HF propose enfin dans l’insuffisance cardiaque chronique
un traitement de substitution plutôt qu’un traitement additif… une vraie révolution !
Deux questions restent en suspens : la première est la disponibilité de cette drogue
en pratique quotidienne ; deux facteurs vont alors être déterminants : l’implémentation
de cette drogue dans les recommandations européennes et… le prix. La seconde
question est celle de sa tolérance dans la vraie vie, chez des patients de la vraie vie,
dont les caractéristiques ne sont pas toujours, pour ne pas dire très souvent,
celles des patients inclus dans les études… mais restons optimistes, PARADIGM-HF
offre une jolie bouffée d’oxygène pour nos patients insuffisants cardiaques chroniques.
4 | La Lettre du Cardiologue • n° 478 - octobre 2014
ÉDITORIAL
L’étude CONFIRM-HF, évaluant l’intérêt du carboxymaltose ferrique chez les patients
insuffisants cardiaques avec FEVG altérée, a montré une amélioration significative du test
de marche de 6 minutes à 6 mois par rapport au placebo. Une analyse post hoc
de cette étude a montré une réduction significative des hospitalisations pour insuffisance
cardiaque de 30 %.
Au cours du congrès de l’ESC, deux études s’intéressant à la stimulation vagale
dans l’insuffisance cardiaque chronique ont apporté des résultats quelque peu décevants.
L’étude NECTAR-HF, prospective et randomisée, a évalué l’impact de la stimulation
vagale droite sur le remodelage ventriculaire (critère principal : le diamètre télésystolique
ventriculaire gauche à 6 mois). Aucune différence significative n’a été retrouvée entre
le groupe stimulation vagale et le groupe placebo pour le critère primaire, de même que
pour les volumes ventriculaires gauches. Étonnamment, il n’y avait pas de différence entre
les 2 groupes pour la fréquence cardiaque et les paramètres de variabilité sinusale.
Une autre étude non randomisée, l’étude ANTHEM-HF, aux limites méthodologiques
certaines, a comparé la stimulation vagale droite et gauche, mais sans groupe contrôle.
Aucune amélioration des volumes ventriculaires gauches n’était retrouvée ; seule une discrète
amélioration de la FEVG d’à peine 5 % a été observée avec la stimulation vagale, mais sans
comparaison à un groupe placebo.
Deux études s’intéressant à la resynchronisation cardiaque ont été également présentées.
L’étude BIOPACE évaluait l’intérêt de la stimulation biventriculaire par rapport à
la stimulation ventriculaire droite, chez des patients ayant une indication conventionnelle
de stimulation cardiaque. Avec un suivi de près de 5,6 ans, 1 800 patients ont été inclus avec
une FEVG moyenne de 55 %. Il y avait une tendance non significative de la réduction
du critère primaire, mortalité globale et hospitalisation pour insuffisance cardiaque,
en faveur de la stimulation biventriculaire. Il n’y avait pas de différence entre les patients
avec FEVG > ou < 50 %, avec cependant un nombre limité de patients avec FEVG < 50 %.
Enfin, l’étude SEPTAL-CRT, comparant les sites de stimulation ventriculaire droite
apicaux et septaux, a montré la non-infériorité de la position septale par rapport à la position
apicale pour le remodelage ventriculaire gauche.
Une étude réalisée chez les transplantés cardiaques a montré que l’analyse des micro-ARN
circulants permettait de prédire le rejet et, ainsi, d’éviter le recours aux biopsies
endomyocardiques chez 70 % des patients. Des données très intéressantes à confirmer.
Un congrès très riche pour l’insuffisance cardiaque chronique, mais également
dans d’autres domaines, ce qui confirme la place prépondérante du congrès de l’ESC
pour notre pratique quotidienne.
L’auteur n’a pas précisé
ses éventuels liens d’intérêts.
À l’année prochaine, à Londres…
”
Pr Christophe Leclercq
Département de cardiologie et maladies vasculaires, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes.
La Lettre du Cardiologue • n° 478 - octobre 2014 |
5
Téléchargement