L Congrès 2009 de la Multinational Association for Supportive

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SOINS DE SUPPORT
EN ONCOLOGIE
Congrès 2009
de la Multinational
Association for Supportive
Care in Cancer (Rome)
F. Scotté 1, V. Launay-Vacher 2, D. Kamioner 3, D. Mayeur 4, F. Barruel 5, I. Krakowski 6
L
a Multinational Association for Supportive Care
in Cancer (MASCC) regroupe chaque année,
lors de son congrès, des soignants du monde
entier engagés dans les soins de support, et cela
depuis 1992.
Ce congrès offre l’occasion d’échanger sur les
pratiques diverses, à travers le monde, d’accompagnement du malade et des proches, mais également
de s’approprier des référentiels de prise en charge
dans différents domaines tels que les neutropénies ou
les nausées et vomissements chimio-induits (NVIC).
Le site du congrès alterne entre l’Europe et le continent américain. Cette année, Rome accueillait le
monde du soin de support, présidé par J. Herrstedt
(Danemark). Ce dernier a mis en avant une importante participation de soignants venus d’Asie et
d’Europe de l’Est, mais également de Canadiens,
lesquels préparent déjà le prochain congrès 2010,
qui se déroulera à Vancouver.
Plusieurs sessions ont abordé des thèmes aussi divers
que l’oncogériatrie (session modérée par M. Aapro),
les toxicités hématologiques (M. Dicato). Ces deux
modérateurs francophones, grands représentants
internationaux des soins de support, sont également
membres du conseil d’administration et du conseil
scientifique de l’Association francophone pour les
soins oncologiques de support (AFSOS), qui avait
une session spéciale lors de ce congrès.
Symposium AFSOS
C’est la première fois dans l’histoire de la MASCC
qu’une association non anglophone tenait une
session. L’AFSOS, créée en 2008 et présidée par
I. Krakowski (Nancy), a des liens privilégiés avec la
MASCC et elle est animée par la volonté de motiver
les francophones vers l’échange, le développement
et la création de référentiels en soins de support.
Les congrès en langue anglaise pouvant présenter
un frein à la participation d’équipes francophones,
ce symposium a été proposé en français au cours
des rencontres MASCC. Une autre session aura lieu
à Vancouver en juin 2010.
Au cours de cette session, modérée par I. Krakowski,
divers thèmes ont été présentés, depuis l’annonce
jusqu’à la prise en charge de l’insuffisance rénale,
avec un point sur l’activité physique et l’utilisation
des dispositifs implantables.
F. Barruel, psychologue à l’hôpital de Montfermeil,
est intervenue sur la question de l’annonce. Ce thème
fort du Plan cancer I de 2004 donne lieu à un travail
peu connu des étrangers. Il semblait important de
mettre en avant l’expérience française au cours de ce
premier symposium. Il a d’abord été rappelé qu’annoncer correspond à plusieurs actions : donner une
information médicale, répondre à un devoir légal,
organiser les soins, et prendre en compte les réalités
et difficultés humaines. Cette phase initiale, essentielle dans le déroulement de la maladie, a été cadrée
par la circulaire du 22 février 2005 de la Direction
de l’hospitalisation et de l’organisation des soins
(DHOS). Il s’agit de répondre aux besoins exprimés
par les patients, en prenant notamment en compte
le temps particulier de l’annonce et son impact, et
de reconnaître le droit à l’information du malade.
L’accent a été mis sur le risque de confusion entre
devoir d’information et obligation d’information,
mais également sur l’importance du caractère
continu du processus d’annonce, qui va au-delà du
simple énoncé inaugural. L’information délivrée doit
être adaptée aux besoins de chacun et respecter les
différents mécanismes de défense afin de permettre
aux acteurs de ce temps spécifique (annonceur et
annoncé) de comprendre et de se faire comprendre.
Ce processus doit tenir compte du fait que, pour
les professionnels, chaque détail correspond à une
1 Service d’oncologie médicale, hôpital
européen Georges-Pompidou, Paris.
Service d’oncologie médicale,
hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
2
Service d’oncologie médicale,
hôpital privé de Trappes.
3
Service d’oncologie médicale,
hôpital Mignot, Versailles.
4
Service de psychologie, hôpital de
Montfermeil.
5
6 Service d’oncologie médicale, Centre
Alexis-Vautrin, Nancy.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 | 501
SOINS DE SUPPORT
EN ONCOLOGIE
IRMA-1
GFR < 90 : 52,9 %
GFR < 60 : 12,0 %
p = 0,04
p = 0,01
50
Patients (%)
40
37,7
40,9
40,9
IRMA-2
GFR < 90 : 50,2 %
GFR < 60 : 11,8 %
38,4
30
p > 0,05
p > 0,05
20
p > 0,05
11,1 11,1
9,4
10
0
0,9
≥ 90
90-60
60-30
Années
8,9
0,7
< 30
Inconnu
DFG estimée avec aMDRD (ml/mn/1,73 m2)
Figure 1. Prévalence de l’insuffisance rénale aMDRD.
Comment
nous contacter
T éléphone :
01 42 17 72 30
▸ Télécopie :
01 42 17 72 12
▸ E-mail :
[email protected]
▸ Formulaires sur le site de
la Société de néphrologie :
www.soc-nephrologie.
org/ICAR/
▸
Encadré. Service ICAR :
service de conseil sur le
thème médicaments et
rein.
annonce pour les patients et que chaque étape ou
passage au cours de la maladie doit faire l’objet d’un
temps particulier, y compris la sortie et la fin du traitement. Il faut ainsi organiser cette annonce, afin de
généraliser et respecter la législation tout en prenant
en compte la dimension psychologique des patients
et des proches. Le Plan cancer I a permis d’organiser et de structurer ce dispositif. De nombreuses
améliorations ont été apportées à ce processus
dans le domaine de la communication, de l’importance du relationnel et de la création d’espaces de
réflexion, mais il est essentiel de poursuivre ce travail
afin de traduire la “maladie médicale” en “maladie
du malade”. La symbolique des patients, de même
que leur vécu, doivent impérativement être pris en
compte, au risque sinon de nuire à la relation avec
les professionnels. F. Barruel a conclu en insistant
sur la nécessité pour le professionnel de savoir faire
confiance au patient et aux compétences du patient
au cours de ce processus continu d’annonce.
V. Launay-Vacher a ensuite présenté les travaux du
groupe ICAR (Information Conseil Adaptation rénale).
Il a une nouvelle fois insisté sur la nécessité de suivre
la fonction rénale, non pas en se fondant sur le taux
de créatininémie mais sur la mesure de la clairance de
la créatinine et en recourant aux formules de Gault
et Cockroft ou de l’aMDRD. Le poids et la masse
musculaire, directement impliqués dans la créatininémie, font que des valeurs de la fonction rénale
peuvent être totalement différentes pour une même
valeur de créatininémie. L’étude IRMA 1, qui a permis
de mettre en évidence l’importance du suivi de la
fonction rénale par les formules prédéfinies, avait
pour objectif de déterminer la prévalence de l’insuffi-
502 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009
sance rénale (IR) en France chez les patients atteints
de cancer et d’étudier le profil des interactions des
médicaments anticancéreux prescrits pour le rein.
L’étude IRMA 2, présentée lors du congrès 2009
de l’ASCO, avait les mêmes objectifs qu’IRMA 1 :
évaluer la prévalence de l’IR et les interactions des
médicaments prescrits, mais également suivre sur
2 ans les patients de l’étude en termes de fonction
rénale et de mortalité. Ces deux études observationnelles ont inclus une large cohorte de patients (4 684
pour IRMA 1 et 4 945 pour IRMA 2), avec des valeurs
comparables en termes de sex-ratio, d’âge moyen
et de localisations tumorales. La prévalence d’une
créatininémie normale (inférieure à 110 µM) était
respectivement de 83,3 % et 83,8 % pour IRMA 1 et
IRMA 2. En ayant recours à la formule aMDRD, les
chiffres d’IR (débit de filtration glomérulaire [DFG])
ont été nettement plus importants (figure 1). La
survie, évaluée au cours de l’étude IRMA 2, est significativement inférieure chez les patients souffrant d’IR,
tous types de tumeurs confondus, que les maladies
soient métastatiques ou non (p < 0,0001). De plus,
hors cancérologie, l’insuffisance rénale est un facteur
de mortalité cardio-vasculaire. Il est donc fondamental d’adapter les posologies des traitements
anticancéreux à la fonction rénale : plus de 70 % des
patients reçoivent en effet un traitement anticancéreux potentiellement néphrotoxique. C’est pourquoi
le groupe ICAR a été créé, en vue de conseiller les
services et les prescripteurs de traitements néphrotoxiques. Initialement tourné vers les néphrologues
en 1999, le service de conseil est ouvert aux équipes
de cancérologie depuis 2006. Après un premier
contact (encadré), une réponse est rédigée dans
les 24 heures suivant une base de données de référence et elle est adressée au prescripteur. Ce groupe
a permis de modifier les pratiques, en fournissant
notamment 48 % d’aide pour le choix de la dose et
32 % d’aide pour commencer un traitement, selon
une enquête de terrain réalisée en 2009.
Le sujet des abords veineux ou dispositifs veineux
implantables (DVI) a été développé par D. Kamioner,
selon le travail réalisé pour les recommandations
de Saint-Paul-de-Vence dans le cancer du sein. Un
carnet de surveillance et une carte d’identification
doivent être systématiquement remis au patient
afin d’assurer la matériovigilance. Avant la pose, le
patient doit avoir reçu une information orale et écrite,
intégrée au dispositif d’annonce. Un bilan biologique
­d’hémostase est pratiqué afin d’éviter les poses en cas
de thrombopénie inférieure à 50 000 ou en cas d’INR
supérieur à 1,5. Sous aspirine, la pose peut être prati-
SOINS DE SUPPORT
EN ONCOLOGIE
quée sous échographie par un opérateur entraîné. Cet
écho-doppler sera systématique en cas de nouvelle
pose, et notamment en cas d’antécédents de thrombose. Le choix du côté se fait en concertation avec
le patient, l’opérateur et l’équipe cancérologique, en
évitant les territoires irradiés, métastatiques cutanés
ou infectés ; on préférera une pose du côté opposé à
la tumeur. L’opérateur doit être entraîné et évalué, et
un échoguidage de la veine est recommandé si son
expérience le permet. La pose nécessite des conditions d’asepsie chirurgicales rigoureuses. Le reflux
sanguin doit être vérifié après la pose, et la première
injection doit être effectuée par l’opérateur. Par la
suite, le DVI peut être utilisé immédiatement. Un
cliché du thorax est systématique après la pose afin
de déterminer la bonne position de l’extrémité distale
du cathéter à la jonction oreillette droite/veine cave
supérieure. L’utilisation quotidienne est également
protocolisée, avec aiguilles sécurisées, hygiène et
asepsie rigoureuse lors de la manipulation (notamment port de masque et de gants par le personnel,
avec surblouse et charlotte en cas de neutropénie).
Le changement d’aiguille se fait tous les 8 jours, avec
un retrait en pression positive après rinçage en trois
poussées. Il n’a pas été retrouvé de niveau de preuve
de recommandation pour l’utilisation de l’héparine.
Les complications peuvent être :
➤➤ mécaniques :
– douleur ;
– absence de reflux :
• en cas de bon débit de perfusion, éliminer thrombose, manchon de fibrine ou malposition avant
l’utilisation ;
• en cas d’absence de flux et reflux et de bonne
position du cathéter, protocole de désobstruction
à l’urokinase ;
– extériorisation : demander un avis chirurgical ;
➤➤ infectieuses :
– traitement sans délai ;
– hémocultures centrales et périphériques ;
– retrait du DVI en cas :
• de choc septique ;
• d’infection locale profonde ;
• de thrombophlébite ;
– réévaluation systématique à 48 h selon l’état
clinique, le type de germe, le différentiel de pousse
des hémocultures et l’existence d’un autre foyer
infectieux ;
➤➤ mécaniques :
– incidence des thromboses : 4 % ;
– pas de prévention primaire par anticoagulant
recommandée à ce jour ;
– traitement curatif par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) :
• toute la durée de vie du cathéter en l’absence de
complications ultérieures ;
• de 6 semaines à 6 mois après le retrait selon
l’évolution cancéreuse ;
• fibrinolyse en cas de mauvaise tolérance clinique,
exclusivement en milieu spécialisé ;
– extravasation.
L’extravasation est une complication souvent grave
et lourde de conséquences cliniques (ulcération,
nécrose tissulaire, séquelles douloureuses majeures,
conséquences esthétiques, etc.) mais également
juridiques. Un protocole et une organisation doivent
être définis avant tout traitement. Une formation
spécifique est indispensable pour les équipes.
Les molécules sont classées selon 3 niveaux de risque :
– vésicant : évolution vers une nécrose cutanée
(anthracyclines, vinorelbine, parfois cisplatine) ;
– irritant : réaction inflammatoire locale sans nécrose
(cyclophosphamide, gemcitabine, doxorubicine liposomale) ;
– non irritant, non vésicant : aucune réaction sévère.
Il existe peu de données sur les thérapies ciblées,
qui ne semblent pas engendrer de réactions sévères
pour le moment.
En cas d’accident, la réaction doit être immédiate :
approche chirurgicale de lavage-drainage et/ou lipoaspiration au sérum physiologique ; ce traitement
doit être effectué dans les 6 heures. L’utilisation
d’agents pharmacologiques n’a pas été recommandée par ce groupe d’experts en raison du faible
nombre d’études et de patients inclus dans le cadre
de l’utilisation du diméthylsulfoxyde (DMSO.) Le
dextrazoxane est commercialisé avec un enregistrement pour l’extravasation d’anthracyclines. Le
produit est cher, non remboursé, et comporte un
mécanisme d’action méconnu dans cet usage. Son
utilisation relève donc du choix du prescripteur.
D. Kamioner a conclu en insistant sur la nécessité
d’être vigilant et de s’assurer de la bonne formation
de l’ensemble du personnel soignant au contact des
molécules antinéoplasiques.
Pour terminer cette première session francophone
de l’AFSOS, D. Mayeur a remplacé T. Bouillet, qui
anime le Groupe de travail spécifique (GTS) “Activité
physique et cancer du sein” de l’association, pour
présenter son exposé “Sport et cancer”. L’impact de
l’exercice sur la maladie cancéreuse est démontré
depuis plusieurs années, de telle sorte que le milieu
cancérologique ne prône plus le repos en cours de
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 | 503
SOINS DE SUPPORT
EN ONCOLOGIE
traitement mais plutôt le maintien d’une activité
physique. Cette dernière présente un intérêt, que
ce soit sur la survie ou sur la prévention primaire,
secondaire ou tertiaire du cancer. Quatre importantes publications sur le cancer du sein ont montré
un bénéfice de survie de 4 et 6 % respectivement
à 5 et 10 ans, quel que soit le niveau de l’activité
physique, dans le cadre de cancers du sein non
métastatiques. La dépense énergétique est mesurée
en MET-heure (MET-h). Une marche normale correspond à 3 MET-h ; une activité sportive telle que
la natation correspond à une activité supérieure
à 6 MET-h. La population incluse dans les études
avait une activité inférieure à 3 MET-h. Le bénéfice
de l’exercice physique sur le cancer du sein porte
également sur la fatigue, la qualité de vie et les
capacités physiques des patientes, mais aussi sur
l’acceptation des traitements. Les effets indésirables
et l’ostéoporose seraient également limités par l’activité physique. Un bénéfice sur la survie dans le cadre
du cancer colorectal a également été rapporté dans
deux publications. Selon une méta-analyse présentée
lors de la session, le sport diminuerait le risque de
25 % en prévention primaire du cancer colorectal.
Cet impact est également retrouvé avec la même
valeur sur le risque de survenue d’un cancer du sein,
avec une barrière à 39 MET-h/sem., sans qu’il y ait
d’impact, en revanche, sur l’index de masse corporelle (IMC). On notera que les activités ménagères
entrent dans le cadre de l’exercice physique. Aucune
incidence particulière n’a été retrouvée en termes
d’événements indésirables liés à l’activité physique,
Correction des causes de l’anémie
Niveau normal
d’Hb
Symptomatique
Hb 9-11 g/dl
Asymptomatique
Hb ≤ 11,9 g/dl
Hb < 9 g/dl
Pas de traitement
prophylactique
Instauration
du traitement
par EPO
Évaluation EPO
en fonction
des facteurs
individuels
Évaluation,
transfusion,
puis EPO en fonction
des facteurs individuels
Traitement avec cible autour de 12 g/dl
Traitement individualisé pour maintenir la cible d’Hb avec le minimum de traitement
Hb : hémoglobine.
Figure 2. Arbre décisionnel EPO (recommandations EORTC).
504 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009
notamment sur le lymphœdème. Plusieurs explications physiopathologiques peuvent être avancées
pour expliquer ces résultats :
➤➤ la diminution des estrogènes libres en postménopause (peu d’effets en préménopause, sauf avec
des exercices physiques très intenses entraînant
une aménorrhée) ;
➤➤ la diminution de l’insulinémie et de l’insulino­
résistance ; on retrouve également une action sur les
récepteurs à l’insuline impliqués dans la croissance
tumorale ;
➤➤ la modification des adipokines :
– leptine, mitogène dans le cancer du sein et associé
au syndrome métabolique, réduit par l’exercice,
– adiponectine, proapoptotique, augmentée par
l’activité physique.
Il est donc recommandé d’avoir une pratique
régulière d’exercice physique, depuis l’annonce
de la maladie jusqu’à la période de surveillance et
également pendant la période de soins et de traitement. L’exercice doit être régulier, 2 à 3 fois par
semaine, parfois simplement sous forme de marche,
avec travail isométrique des quatre membres. Un
programme personnalisé peut être proposé aux
patients : c’est l’objet du travail mené depuis un an
au karaté club de Neuilly (Cancer Arts Martiaux et
Informations [CAMI]).
Myélotoxicité
De nombreuses sessions parallèles se sont déroulées, portant sur l’ensemble des thèmes de soins de
support. L’une d’elles, présidée par M. Dicato (Luxembourg) a eu pour sujet la gestion des myélotoxicités.
H. Raftopoulos a traité dans le premier exposé
de l’anémie et des érythropoïétines (EPO), puis
P. Marchetti a présenté les référentiels de traitement
de l’anémie chez les patients atteints de cancer. Le
débat de la grande question de l’effet des EPO sur
le taux de réponse et la survie des patients a ainsi
été relancé. L’orateur a rappelé différents résultats
de méta-analyses sur le sujet ainsi que les recommandations de sociétés savantes, notamment celles
de l’EORTC (European Organisation for Research
and Treatment of Cancer), déjà plusieurs fois documentées dans La Lettre du Cancérologue (correction
première des autres causes d’anémie, absence de
traitement prophylactique, indication à l’EPO pour
une hémoglobine entre 9 et 11 g/dl avec une cible
à 12 g/dl) [figure 2] et celles de la Food and Drug
Administration (FDA) qui préconise, en l’absence
de données actuelles suffisantes sur les risques de
SOINS DE SUPPORT
EN ONCOLOGIE
l’usage des EPO, de ne les prescrire qu’en suivant les
stricts libellés d’autorisation de mise sur le marché
(anémie en cours de traitement par chimiothérapie)
et en évaluant la balance bénéfices/risques pour
chaque patient candidat à ce traitement. Cette régulation des prescriptions d’EPO a amené une chute de
l’utilisation dans certains centres, sans impact sur
le taux de transfusions. La question peut alors être
posée de la prise en charge des patients anémiés
(étude ECAS 2001 [European Cancer Anaemia
Survey]) ou de prescriptions très abusives aux ÉtatsUnis. Le risque lié aux transfusions dans le cadre
d’une anémie chronique a également été abordé
et des recommandations avec seuils de prescription
ont été proposées :
➤➤ correction première des causes de l’anémie
(carence martiale…) ;
➤➤ en l’absence de symptômes d’anémie :
– présence de facteurs de risque (cardio-vasculaires,
pulmonaires, cérébro-vasculaires) : transfusion pour
majorer l’hémoglobine au-dessus de 7 g/dl,
– pas de facteurs de risque importants : taux d’hémoglobine à 6-7 g/dl suffisant ;
➤➤ individualisation des traitements pour chaque
patient.
L’orateur a conclu en proposant, devant l’apparition
de nombreux référentiels pour l’utilisation des EPO,
la publication d’un “méta-guidelines” en référence
aux multiples méta-analyses sur le sujet.
La discussion s’est engagée, notamment avec
M. Aapro, sur l’importance qu’il y a à rappeler
qu’aucun impact sur la survie n’a été démontré dans
le cadre d’une utilisation des EPO en suivant strictement le cadre des recommandations de l’EORTC
et que plusieurs études publiées vont dans ce sens.
B. Rapoport a ensuite présenté son approche sur
l’utilisation des facteurs de croissance de la lignée
blanche (GCSF). La découverte des GCSF en sciences
fondamentales remonte à 1983, et les premiers essais
cliniques datent de 1990. La MASCC a publié une grille
permettant d’obtenir un score du risque de neutropénie fébrile, lui-même permettant d’adapter le traitement à chaque patient. Cette grille d’évaluation est
disponible sur le site Internet de la MASCC. L’orateur
a rappelé les facteurs prédictifs à haut risque :
➤➤ neutropénie prolongée (> 10 jours) et profonde
(< 100/mm3 polynucléaires neutrophiles) ;
➤➤ âge supérieur à 65 ans ;
➤➤ cancer primitif non contrôlé ;
➤➤ pneumopathie ;
➤➤ hypotension ;
➤➤ syndrome de défaillance multiviscérale ;
➤➤ infection fungique invasive ;
➤➤ fièvre en cours d’hospitalisation ;
➤➤ score faible sur la grille MASCC.
Les différentes situations pouvant mener à une
utilisation des GCSF ont été évoquées. Les GCSF
ne doivent pas être utilisés en situation curative
chez les patients apyrétiques, ni en adjuvant chez les
patients en neutropénie fébrile sous antibiotique. En
prophylaxie primaire, ils ont montré une réduction
du risque de neutropénie fébrile de 50 à 90 %, avec
une réduction significative des infections. Cependant, aucune étude n’a témoigné d’un effet sur la
réduction de la mortalité au cours des neutropénies fébriles, ni sur une prolongation de survie des
patients cancéreux. Cette attitude mérite également
une évaluation médico-économique approfondie.
Les alternatives à la prophylaxie primaire sont :
➤➤ la prophylaxie secondaire ;
➤➤ la réduction des doses ;
➤➤ le report des traitements ;
➤➤ l’utilisation thérapeutique des GCSF…
L’utilisation secondaire prophylactique présente un
intérêt pour les patients ayant eu une complication
de leur neutropénie lors des cycles précédents, pour
ceux n’ayant pas eu de prophylaxie primaire, et en
cas d’impact péjoratif d’une réduction de dose des
chimiothérapies. B. Rapoport a malgré tout prôné la
réduction des doses dans la majorité des situations.
En cas de recherche de dose-intensité, les études
sont controversées et l’utilisation des GCSF ne doit
être menée que dans le cadre d’essais thérapeutiques ; elle n’est pas non plus recommandée dans
les syndromes myélodysplasiques, en cours de radiothérapie, ou en cas de leucémie aiguë. En revanche,
elle n’a pas été remise en cause lors des mobilisations
de cellules souches avant autogreffe. Pour l’orateur,
les données sont également insuffisantes dans le
domaine de l’oncogériatrie pour proposer un recours
en routine aux GCSF. Ainsi, selon les conclusions
de cette session, les coûts des traitements utilisés
devraient être notablement réduits pour les traitements de support des lignées hématologiques.
Plusieurs autres sessions ont traité de l’ensemble
des domaines des soins de support. La session d’abstract (disponible dans le numéro spécial de la revue
Supportive Care in Cancer de juillet 2009, vol. 17, n° 7)
a été riche en présentation d’expériences organisationnelles et de résultats d’études.
Cette année, la véritable avancée relevait toutefois
de l’intervention de B. Rapoport dans le cadre des
nausées et vomissements chimio-induits (NVIC).
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 | 507
SOINS DE SUPPORT
EN ONCOLOGIE
Les résultats de l’étude PN130 ont confirmé le rôle
de l’aprépitant en prévention des NVIC dans les
chimiothérapies modérément émétisantes à base
d’une association anthracycline + cyclophosphamide (AC). La nouveauté est la démonstration de
l’intérêt de l’aprépitant, également dans le cadre
des chimiothérapies moyennement émétisantes
et ne relevant pas de l’association AC. Cet essai
multicentrique de phase III, randomisé en double
aveugle, a été mené auprès de 58 centres à travers
15 pays. L’étude a comparé un bras contrôle utilisant le doublet classique sétron et corticoïdes et
un bras testé dans lequel l’aprépitant était ajouté
à ce doublet. L’essai a inclus 848 patients naïfs de
chimiothérapie. Les chimiothérapies utilisées, en
plus des anthracyclines et du cyclophosphamide,
comprenaient des sels de platine (carboplatine, oxaliplatine) et de l’irinotécan. L’objectif principal visait
à évaluer la proportion de patients n’ayant pas de
vomissements durant les 120 heures qui suivaient
chaque chimiothérapie. L’objectif secondaire était
Tableau. Schéma de traitement de l’étude PN130.
Traitements
Aprépitant
avec traitement
standard
Aprépitant
125 mg p.o.
Aprépitant
80 mg p.o.
Aprépitant
80 mg p.o.
Ondansétron
16 mg p.o.*
Ondansétron
16 mg p.o.*
Jour 2
Jour 3
Ondansétron
16 mg p.o.*
Dexaméthasone
12 mg p.o.
Traitement contrôle
standard
Ondansétron
16 mg p.o.*
Dexaméthasone
20 mg p.o.
Jour 1
* 8 mg p.o. × 2/j.
14 % d’amélioration
(p < 0,01)
100
84 %
11 % d’amélioration
(p < 0,01)
92 %
78 %
76 %
80
Patients (%)
8 % d’amélioration
(p < 0,01)
67 %
62 %
60
40
20
0
J1 à J5
Bras contrôle (n = 406)
Aigu (J1)
Retardé (J2-J5)
Bras avec aprépitant (n = 425)
Figure 3. Objectif principal : absence de vomissements au cycle 1.
508 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009
de déterminer le taux de réponse complète (pas
d’épisode émétique et pas de recours à un traitement
de secours) durant les 120 heures qui suivaient la
chimiothérapie. Enfin, l’étude analysait la tolérance
au traitement. Les deux bras de traitement sont
présentés dans le tableau. Les patients avaient
des caractéristiques semblables dans les deux bras
(âge, sexe, protocole de chimiothérapie avec ou sans
AC). Les sels de platine ont représenté la proportion la plus importante des schémas non-AC (83 %
avec carboplatine 47 % et oxaliplatine 36 %). Les
pathologies étaient réparties comme suit : 53 %
des participants avaient un cancer du sein, 20 %
avaient un cancer digestif, 13 % avaient un cancer
du poumon, 6 % avaient un cancer gynécologique,
et les autres cancers représentaient 8 % des patients
inclus. Les résultats ont montré un impact significatif
de l’aprépitant en évaluation de l’objectif principal
(figure 3). Une amélioration de 14 % a été apportée
par l’aprépitant sur l’absence de vomissements dans
les 120 heures qui suivaient chaque administration
de chimiothérapie, dont 8 % d’amélioration en phase
aiguë et 11 % d’amélioration en phase retardée.
L’absence de vomissements a été retrouvée chez
92 % des patients traités par aprépitant en phase
aiguë (contre 84 % dans le bras contrôle) et chez
78 % des patients en phase retardée (contre 67 %
dans le bras contrôle). Ces résultats ont été significatifs (p < 0,01). L’objectif secondaire de réponse
complète a également été significatif, en faveur
du bras avec aprépitant : 89 % des patients sous
aprépitant ont eu une réponse complète en phase
aiguë (versus 80 % dans le bras contrôle) et 71 %
des patients ont eu une réponse complète en phase
retardée (versus 61 % dans le bras contrôle), pour
une réponse globale (120 heures après la chimiothérapie) de 69 % dans le bras aprépitant contre
56 % dans le bras contrôle. Là encore, les résultats
ont été significatifs (p < 0,01), avec une amélioration en faveur de l’aprépitant de 9 %, 10 % et 13 %
respectivement pour les phases aiguë, retardée et
globale. Une amélioration de 8 % de la sensation de
nausée a également été retrouvée en faveur du bras
traité par aprépitant sur la période 0-120 heures. Si
l’amélioration a été mise en évidence dans le cadre
des protocoles à base d’AC en faveur de l’aprépitant
(15 % d’amélioration en l’absence de vomissements
et 16 % d’amélioration en réponse complète), il est
intéressant d’analyser le sous-groupe des traitements non AC : un bénéfice significatif (p < 0,01)
a également été retrouvé en faveur de l’aprépitant
dans ces régimes de chimiothérapie non AC. Sur la
période globale (0-120 heures), 83 % des patients
32nd
ont eu une absence de vomissements (versus 71 %
dans le bras contrôle) et 74 % ont eu une réponse
complète (versus 66 % dans le bras contrôle), avec
une amélioration de 12 % et 8 % respectivement. Ce
résultat est impressionnant en phase aiguë lors du
premier cycle, puisque 97 % des patients sont sans
vomissements (versus 92 % dans le bras contrôle)
et que 93 % des patients sont en réponse complète
(versus 88 % dans le bras contrôle). Si l’amélioration est plus étroite (5 % sur les deux objectifs en
faveur du bras aprépitant [p < 0,05]), le pourcentage
voisin des 100 % laisse espérer un parfait contrôle
des vomissements en utilisant ce schéma du triplet
avec aprépitant. En phase retardée, les résultats
sont également importants, avec une absence de
vomissements dans 85 % des cas avec aprépitant
(contre 74 % dans le bras contrôle) et une réponse
complète pour 76 % des malades avec aprépitant
(contre 69 % dans le bras contrôle). Ces résultats
restent en faveur de l’aprépitant quels que soient
les types de tumeurs traitées. Pour ce qui est de la
tolérance, les résultats ont été similaires dans les
deux bras de traitement, en dehors de la constipation et des céphalées, moins importantes dans le
bras avec aprépitant. L’auteur a conclu à une efficacité supérieure et à une bonne tolérance du triplet
aprépitant-sétron-corticoïdes dans les chimiothérapies modérément émétisantes. Les référentiels
devraient suivre rapidement ces résultats, qui, par
la suite, entraîneront une évolution (révolution) des
pratiques, pour le bien-être de nos patients. Cette
étude a été publiée à la suite du congrès dans le
journal Supportive Care in Cancer (1).
■
Référence bibliographique
Annual San Antonio
Breast Cancer Symposium
SABCS
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1.◆Rapoport BL, Jordan K, Boice JA et al. Aprepitant for the
prevention of chemotherapy-induced nausea and vomiting
with a broad range of moderately emetogenic chemotherapies
and tumor types: a randomized, double-blind study. Supp Care
Cancer 2009;vol 7, July 1, online publication.
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cancer colorectal”.
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La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 |
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