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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
principal était le taux de réponse histologique complète. L’essai
a été prématurément interrompu après l’inclusion de 42 patientes
en raison de résultats significatifs de l’analyse intermédiaire. En
effet, 65 % des patientes traitées par trastuzumab présentaient
une réponse histologique complète, versus 26 % dans le bras
contrôle (p = 0,016). Malgré ces résultats, cette attitude théra-
peutique n’est pas un standard, car non seulement aucun avan-
tage en survie globale n’a été démontré, mais, de plus, le taux de
conservation mammaire n’est pas augmenté de façon significa-
tive (56,5 % de tumorectomie dans le bras avec du trastuzumab,
contre 52,5 % dans le bras de référence).
En association avec la radiothérapie
Les essais précliniques de R.J. Pietras et al. ainsi que l’étude de
phase I/II de C.I. Sartor et al. sont en faveur d’un effet radiosen-
sibilisant du trastuzumab (20, 21). La tolérance de l’association
est correcte. Cependant, aucun essai randomisé n’ayant validé
cette attitude, il n’est pas recommandé actuellement d’associer
le trastuzumab à la radiothérapie en dehors d’essais cliniques.
Tolérance du trastuzumab
Les principales toxicités du trastuzumab sont la cardiotoxicité et les
réactions allergiques. Concernant la cardiotoxicité, l’essai pivotal de
D.J. Slamon et al. retrouve 27 % d’événements cardiaques dans le
bras associant le trastuzumab et une anthracycline versus 13 % dans
le bras en association avec un taxane. Les taux d’événements car-
diaques dans les bras contrôle respectifs étaient de 8 % avec l’anthra-
cycline et de 1 % avec le taxane (14). Les études en situation adju-
vante retrouvent aussi cette toxicité. Dans l’étude HERA, on note 1,6 %
d’insuffisance cardiaque symptomatique versus 0,06 % dans le bras
contrôle (15). L’étude NSABP-B31 retrouve 4,1 % d’insuffisance
cardiaque de stade III-IV versus 0,04 % dans le bras contrôle (16).
La physiopathologie de la cardiotoxicité du trastuzumab est mal
connue. Cependant, la voie de signalisation favorisant la survie
du myocyte cardiaque en cas de stress semble être mise en cause
(22-24)
[figure 7]
. En effet, cette voie implique l’hétérodimère
HER2-HER4, le récepteur gp130 et leurs ligands. Lors de l’admi-
nistration de trastuzumab, cette voie est bloquée et les agressions
du myocarde sont alors à l’origine d’une perte de myocytes. Cela
explique donc que, en cas d’antécédents cardiaques ou d’admi-
nistration d’anthracyclines, il y ait une majoration des événe-
ments cardiaques. En revanche, chez les patientes non exposées
à un stress (pas d’anthracyclines, myocarde sain), cette voie, bien
que bloquée, n’est pas sollicitée, et l’on observe peu de toxicité
cardiaque.
QUESTIONS EN SUSPENS
La stratégie thérapeutique
La séquence
Comme il a été vu précédemment, de multiples modalités d’admi-
nistration du trastuzumab ont été étudiées. L’essai NCCTG
N9831, qui compare une administration séquentielle et une admi-
nistration concomitante de trastuzumab et de taxane, est en faveur
d’une administration concomitante. En effet, dans le bras où le
trastuzumab est administré avec le taxane, on obtient une dimi-
nution significative, de 36 %, du risque de récidive (RR = 0,64,
2p = 0,0114), tandis qu’aucun bénéfice sur la survie sans mala-
die n’a été observé avec une administration séquentielle
(RR = 0,87, 2p = 0,29) [25].
Place des anthracyclines en situation adjuvante
Étant donné l’efficacité démontrée du trastuzumab en situation
métastatique, l’introduction du trastuzumab en situation adju-
vante, le plus précocement possible après le geste chirurgical, est
recherchée. La cardiotoxicité observée lors de l’administration
concomitante du trastuzumab avec des anthracyclines contre-
indique cette association. C’est la raison pour laquelle des pro-
tocoles de chimiothérapie sans anthracyclines ont été étudiés.
Dans l’étude du BCIRG 006, le bras associant sel de platine +
docétaxel + trastuzumab est supérieur au bras contrôle (4 AC,
puis 4 cycles de docétaxel) et diminue significativement le risque
de récidive, de 39 %. Les résultats de la comparaison des deux
bras contenant du trastuzumab ne sont pas encore disponibles.
Cependant, la courbe de survie sans récidive semble être moins
bonne avec l’association du sel de platine et du docétaxel (17).
L’étude du statut du gène de la topo-isomérase IIαest apparue
intéressante pour distinguer les patientes chez lesquelles l’admi-
nistration d’anthracyclines est bénéfique des patientes chez les-
quelles elle l’est moins. En effet, les patientes qui ont une ampli-
fication du gène de la topo-isomérase IIαrépondent mieux aux
anthracyclines que celles qui n’ont pas d’amplification (26).
Durée du traitement par trastuzumab en situation adjuvante
La durée optimale de traitement par trastuzumab en situation adju-
vante n’est pas encore clairement définie. En effet, l’étude Fin-
HER montre qu’une administration pendant 9 semaines diminue
de manière significative le risque de récidive (18). Les autres
études ont montré l’intérêt de 1 an de traitement (15-17). L’étude
HERA permettra de savoir si une administration prolongée pen-
dant 2 ans est plus efficace. Il serait intéressant de comparer de
façon prospective 9 semaines de trastuzumab à 1 an de traitement.