Indications thérapeutiques dans le cancer du pancréas localement avancé non

120 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVII - n° 3 - mai-juin 2014
DOSSIER
FFCD-PRODIGE 2014
Indications thérapeutiques
dans le cancer du pancréas
localement avancé non
résécable et non métastatique
Preoperative therapy in locally advanced pancreatic cancer
L. Dahan*
* Service d’oncologie digestive et
d’hépato-gastroentérologie, hôpital
de la Timone, Marseille.
L
e cancer du pancréas est désormais au deuxième
rang des cancers digestifs. Son incidence a doublé
en 20 ans, et on compte plus de 11 600 nouveaux
cas par an en France. Son pronostic est mauvais,
même en cas de résection chirurgicale (seul traite-
ment à visée curative), avec une survie à 5 ans allant
de 5 à 30 % selon les séries. Chez les patients opérés,
le traitement adjuvant par 5-FU ou par gemcita-
bine est un standard depuis 2005. Au moment du
diagnostic, 10 à 20 % des patients ont une maladie
localisée et résécable, et 80 % des patients ont une
maladie métastatique ou localement avancée.
Pour réaliser le bilan de résécabilité, 2 examens sont
essentiels : la tomodensitométrie (TDM) spiralée et
l’échoendoscopie. Le PET scan n’est pas validé dans
cette indication, et une preuve histologique n’est
pas indispensable si une résection chirurgicale est
envisagée. Des critères de résécabilité ont été défi nis
par le National Comprehensive Cancer Network
(NCCN), et les tumeurs pancréatiques sont classées
en 3 catégories.
Les tumeurs résécables : pas de métastase à
distance, persistance d’un liseré graisseux autour
du tronc cœliaque et de l’artère mésentérique supé-
rieure, la veine mésentérique et la veine porte sont
libres. Lextension ganglionnaire régionale ou péri-
pancréatique nest pas un critère de non-résécabilité.
Les tumeurs strictement non résécables : méta-
stases à distance, atteinte de l’artère mésentérique
supérieure sur plus de 180° et/ou du tronc cœliaque
ou de l’aorte, thrombose de la veine mésentérique
supérieure ou de la veine porte non réparable. Lenva-
hissement ganglionnaire à distance documenté (hile
hépatique, rétropéritonéal, inter-aortico-cave) est
aussi une contre-indication.
Les tumeurs “borderline” (envahissement
vasculaire limité et réparable) : pas de métastase
à distance, atteinte de l’artère mésentérique supé-
rieure de moins de 180°, atteinte réparable de
l’artère hépatique, atteinte unilatérale ou bilatérale
de la veine mésentérique supérieure ou de la veine
porte sur plus de 180° et thrombose de la veine
mésentérique supérieure courte et réparable.
La place des traitements néo-adjuvants a d’abord
été évaluée dans les cancers résécables en raison du
taux élevé de résections R1 et du fait que seuls 70 à
80 % des patients bénéfi cient de la chimiothérapie
adjuvante. Une méta-analyse a récemment fait le
point sur ces traitements préopératoires (1). Elle a
recensé 111 études rétrospectives et prospectives,
dont 56 études de phase I-II de radiochimiothérapie,
radiothérapie ou chimiothérapie.
Dans le sous-groupe des cancers résécables, le
taux de réponses objectives après traitement néo-
adjuvant était de 34,2 %, avec 42,1 % de stabilisa-
tions de la maladie et 20,9 % de progressions. Le taux
de résection dans cette population était de 73,6 %,
dont 82,1 % de résections R0, ce qui est similaire
aux taux de résection décrits dans la littérature,
qui varient de 78 à 96 %. La toxicité de grade 3-4
était de 26,3 %, ce qui est supérieur à ce qui est
retrouvé dans les essais de chimiothérapie post-
opératoire. Enfi n, la survie globale (SG) médiane était
de 23,3 mois, chiffre comparable à ceux des 2 bras
de chimiothérapie adjuvante de l’essai ESPAC 3 (2).
Il n’y a donc pas d’indication pour un traitement
néo-adjuvant en cas de cancer résécable, puisque
le taux de résection et les survies sont similaires.
Le traitement néo-adjuvant des cancers localement
avancés est en réalité un traitement “d’induction,
dans l’espoir de rendre résécable la tumeur. Il y a
© La Lettre du Cancérologue
2014;5(XXIII):156-7.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XVII - n° 3 - mai-juin 2014 | 121
Point fort
»
Les traitements néo-adjuvants n’ont pas d’efficacité prouvée sur les tumeurs résécables. La stratégie
thérapeutique des formes localement avancées reste la chimiothérapie, qui peut être intensifiée.
Laradiothérapie n’a pas d’indication hors essai. Une résection secondaire est possible après un traitement
d’induction.
Mots-clés
Cancer du pancréas
Chimiothérapie
Radiothérapie
Summary
Neoadjuvant treatments have
no proved effi ciency for resect-
able tumors. Chemotherapy
is the standard for locally
advanced tumors. There is no
indication for radiotherapy.
Secondary resection is feasible
after induction treatment.
Keywords
Pancreatic cancer
Chemotherapy
Radiotherapy
peu d’essais spécifi ques dans cette situation, car
les essais de chimiothérapie mélangent les formes
métastatiques et les formes localement avancées. La
méta-analyse de S. Gillen et al. a montré dans cette
situation qu’il y a, après traitement préopératoire,
35 % de réponses objectives, 41,6 % de stabilisations
de la maladie et 20,8 % de progressions comme
dans les tumeurs résécables. En revanche, le taux
de résection est de 33,2 %, avec 79,2 % de résec-
tions R0. La morbidité de la chirurgie est supérieure
(39,1 versus 26,7 % pour les tumeurs résécables
d’emblée), probablement en raison de la nécessité
d’une reconstruction vasculaire. La SG médiane de
ces patients dont la tumeur a été réséquée secon-
dairement est de 20,5 mois, versus 23,3 mois dans
les cas résécables d’emblée et 10,2 mois lorsque la
tumeur n’avait jamais été réséquée. La réévalua-
tion après traitement d’induction permet parfois
une résection secondaire des tumeurs localement
avancées, avec une survie médiane proche de
celle observée chez les patients dont les tumeurs
étaient résécables d’emblée.
Deux essais prospectifs dont les résultats sont
contradictoires ont évalué la radiochimio thérapie
néo-adjuvante dans les cancers localement avancés.
La première étude (3) a inclus 119 patients atteints
d’adénocarcinomes pancréatiques localement
avancés, randomisés entre une radiochimio thérapie
par 5-FU + cisplatine et une chimiothérapie par
gemcitabine. La SG et la survie sans progression
(SSP) étaient signifi cativement moins bonnes dans
le bras radiochimiothérapie (SG médiane : 8,6 versus
13 mois ; p = 0,03). Le deuxième essai (4) a inclus
74 patients randomisés entre une prise en charge
par radiochimiothérapie avec de la gemcitabine et
un traitement par gemcitabine seule. La SG était
significativement meilleure dans le bras radio-
chimiothérapie (11,1 versus 9,2 mois ; p = 0,017).
Devant ces résultats contradictoires, certains auteurs
ont suggéré qu’il fallait réaliser une chimiothérapie
première et réserver la radiochimiothérapie aux
patients dont la maladie était sous contrôle grâce
à la chimiothérapie. Une analyse rétrospective de
2 études prospectives (5) a recensé 181 tumeurs
localement avancées traitées par chimiothérapie
pendant 3 mois ; en cas de maladie contrôlée
(n = 128), les patients pouvaient être traités par
radiochimiothérapie ou poursuivre la chimiothérapie
initiale, décision laissée au libre choix de l’investi-
gateur. Dans cette étude, il y avait une amélioration
signifi cative de la SSP et de la SG avec une radio-
chimiothérapie de clôture après une chimiothérapie
d’induction chez les patients dont la maladie était
sous contrôle (15 versus 11,7 mois ; p = 0,0009).
Une grande étude internationale de phase III, rando-
misée, a tenté de répondre défi nitivement à la ques-
tion : l’essai LAP 07 (6). Au total, 449 patients ont été
inclus et randomisés entre gemcitabine et gemcita-
bine + erlotinib. Chez les 269 patients contrôlés après
3 mois, une deuxième randomisation était réalisée
entre poursuite de la chimiothérapie initiale et radio-
chimiothérapie. Dans cet essai, il n’y a pas eu d’amé-
lioration signifi cative de la SSP, ni de la SG (médiane :
16,4 versus 15,2 mois ; HR = 1,03). Cet essai complète-
ment négatif nous incite à ne réaliser une radiochimio-
thérapie que dans le cadre d’un essai thérapeutique ;
hors essai, c’est la chimiothérapie qui doit être préférée.
La chimiothérapie intensifi ée est sans doute une piste
intéressante, qui est en cours d’évaluation. Les résul-
tats préliminaires d’une étude de cohorte prospective
conduite entre février 2010 et février 2012 et ayant
inclus 77 patients atteints d’un adénocarcinome locale-
ment avancé ont retrouvé 28 % de réponses complètes,
et une médiane de SG de 22 mois. Parmi ces patients,
36 % ont pu avoir une résection secondaire.
L’auteur déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
1. Gillen S, Schuster T, Meyer Zum Büschenfelde C, Friess
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locally advanced pancreatic adenocarcinoma in GERCOR
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of chemoradiotherapy and chemotherapy in patients with
a locally advanced pancreatic cancer controlled after 4
months of gemcitabine with or without erlotinib: nal results
of the international phase III LAP 07 study. ASCO® 2013:
abstr. LBA4003.
Références bibliographiques
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