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Exérèse transanale par microchirurgie endoscopique
des volumineuses lésions villeuses du rectum
● S. Benoist, Y. Panis*
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i les petites lésions sessiles ou pédiculées du rectum
sont facilement réséquées par voie endoscopique, les
plus volumineuses, quant à elles, nécessitent une exérèse chirurgicale et constituent un challenge thérapeutique. L’exérèse transanale conventionnelle est actuellement une technique
reconnue pour de telles lésions situées dans le bas rectum, qu’il
s’agisse de lésions bénignes ou même, dans certains cas très sélectionnés, de tumeurs malignes peu invasives (1-3). Pour les tumeurs
villeuses du moyen et du haut rectum, l’exérèse transanale
conventionnelle n’est pas appropriée, et la résection postérieure
par voie transsacrée de Kraske ou la résection transsphinctérienne
décrite par Masson ont été abandonnées au profit de la résection
rectale par voie abdominale, en raison d’un taux élevé de fistules
rectales et d’incontinence anale. Cependant, la morbidité et les
conséquences fonctionnelles d’une résection rectale ne sont pas
négligeables et peuvent paraître disproportionnées pour l’exérèse
d’une lésion supposée bénigne (4, 5). L’exérèse transanale par
microchirurgie endoscopique (TEM), décrite par Buess et al. en
1984, permet l’excision complète des tumeurs du moyen et du
haut rectum par un rectoscope opérateur avec une morbidité opératoire faible et sans conséquence fonctionnelle à long terme (6).
En dépit de premiers résultats encourageants, la TEM n’est encore
réalisée que dans très peu de centres ; en particulier en France,
où elle est peu connue et absolument pas développée.
Une préparation colique doit être réalisée la veille de l’intervention. L’installation du malade sur la table opératoire est
variable en fonction de la localisation de la tumeur. En cas de
lésion postérieure, le malade est installé en décubitus dorsal ;
en cas de lésion antérieure, en procubitus ventral ; et en cas de
lésion latérale, en décubitus latéral (figure 1). Sous anesthésie
générale ou locorégionale, une dilatation anale progressive est
réalisée à l’aide de bougie avant l’introduction d’un rectoscope
opérateur de 4 cm de diamètre et de 12 ou 20 cm de longueur
selon la localisation de la tumeur (figure 1A). Le rectoscope est
ensuite maintenu en place par un bras articulé fixé à la table.
Ce rectoscope est fenêtré à sa base, laissant le passage simultané à quatre instruments et à un système optique binoculaire
grossissant six fois. L’ensemble du système est relié à un insufflateur-exsufflateur de C02 permettant une distension continue
du rectum, à la pression constante 10 mmHg. Le système binoculaire est relié à une caméra de retransmission sur télévision
(figure 1B). Les instruments à disposition sont : un bistouri
* Service de chirurgie générale et digestive, hôpital Lariboisière, Paris.
électrique à haute fréquence, une pince à préhension, un aspirateur-coagulateur, un porte-aiguille, des ciseaux et une pince à
clips. Après repérage endoscopique de la lésion (figure 2A), la
zone de résection est délimitée, puis l’excision de la lésion réalisée à l’aide du bistouri électrique et de la pince à préhension,
avec une marge de sécurité d’au moins 5 mm (figure 2B). En
profondeur, la résection est menée jusqu’à la graisse périrectale,
y compris en cas de lésion supposée bénigne (figure 2C). Le
défect pariétal est fermé par un surjet de fil monobrin résorbable, arrêté à ses deux extrémités par un clip métallique (figure
2D). En postopératoire, une alimentation liquide est autorisée le soir même de l’intervention. Pour l’analyse histologique, la lésion réséquée est étendue et épinglée à ses extrémités sur un morceau de liège par de multiples aiguilles,
puis fixée dans une solution de formaldéhyde afin d’étudier
au mieux les marges de résection.
Techniquement, la TEM présente de nombreux avantages par
rapport aux autres techniques d’exérèse chirurgicale de tumeur
rectale. Tout d’abord, le taux de mortalité est inférieur à 0,5 %,
et le taux de morbidité, incluant des complications mineures,
inférieur à 20 %, y compris chez des patients à haut risque chirurgical et anesthésique (7-9). Ce taux de morbidité est comparable aux taux habituellement rapportés après exérèse transanale
conventionnelle, variant de 6 à 15 % (1, 10). En revanche,
comme cela est démontré dans un essai contrôlé, le taux de
morbidité après TEM est significativement inférieur à celui
observé après résection rectale par voie abdominale (11). Les
complications les plus fréquemment rapportées après TEM sont
les brèches péritonéales peropératoires, les hémorragies tardives
et les complications urinaires (7, 12-14). Quelques cas de sténose rectale et de fistule recto-vaginale ont également été rapportés (13, 14).
La TEM a pour deuxième avantage de n’avoir aucune conséquence à long terme sur la fonction ano-rectale. En effet, si les études
manométriques attestent qu’il existe, à court terme, un traumatisme du sphincter interne lié à l’introduction du rectoscope opérateur et une diminution de la compliance rectale liée à la fibrose
cicatricielle, ces troubles sont réversibles au-delà de 6 mois, et le
taux d’incontinence anale reste inférieur à 0,5 % (15).
De plus, grâce à la distension continue du rectum par insufflation de CO2, la TEM offre une parfaite exposition du site opératoire, quelle que soit la localisation de la tumeur, et permet
ainsi une excision monobloc complète de la lésion sans fragmentation tumorale. Cela a pour principaux avantages, par rapport aux autres techniques d’exérèse locale, comme la résection
endoscopique utilisant un résecteur urologique, la destruction
au laser, l’électrocoagulation ou la cryochirurgie, d’autoriser
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Figure 1. Équipement utilisé pour l’exérèse transanale par microchirurgie endoscopique.
(A) Introduction du rectoscope opérateur.
(B) Équipement installé en totalité.
Figure 2. Excision complète d’une lésion villeuse du moyen rectum.
(A) Lésion villeuse non réséquable sous coloscopie.
(C) Cavité résiduelle après excision complète.
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(B) Excision complète jusqu’à la graisse périrectale.
(D) Aspect de la cavité rectale en fin d’intervention.
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une étude histologique précise des marges de sécurité et de
garantir ainsi le caractère complet de l’excision, qui est confirmé dans plus de 95 % des cas (16).
Enfin, la TEM a pour avantage, par rapport à l’exérèse transanale
conventionnelle, de permettre, sans majoration de la difficulté
technique, l’accès aux lésions du haut rectum, à condition
qu’elles soient localisées dans la partie du rectum située sous le
cul-de-sac péritonéal de Douglas, afin de limiter le risque de perforation péritonéale qui constitue la complication majeure de
cette technique. Anatomiquement, cela correspond à une hauteur
de 12 cm par rapport à la marge anale à la face antérieure et de 20
cm à la face postérieure (16). Pour les lésions très basses, situées
à moins de 6 cm de la marge anale, contrairement à l’exérèse
transanale conventionnelle, la TEM est techniquement difficile en
raison de l’absence d’étanchéité du système d’insufflation et
constitue probablement une mauvaise indication (7).
Les tumeurs villeuses bénignes sont probablement la meilleure
indication de la TEM, qui permet d’éviter une exérèse rectale plus
complexe et morbide, avec un faible taux de récidive variant de 4
à 10 % selon les auteurs (7, 8, 14). Ce faible taux de récidive, nettement inférieur aux taux habituellement rapportés après exérèse
transanale conventionnelle variant de 10 à 30 % (1, 10, 17), est
probablement dû au fait que la TEM offre une parfaite exposition
du site opératoire et permet la réalisation, en toute sécurité, d’excisions plus larges, à la fois latéralement et en profondeur.
En cas de lésion maligne, le rôle de la TEM est beaucoup plus
controversé, dans la mesure où elle est le plus souvent indiquée
dans des lésions du moyen et du haut rectum, pour lesquelles le
risque de sacrifice sphinctérien est quasiment nul. Pour les
tumeurs classées T1, ayant des critères histologiques à faible
risque de métastases ganglionnaires, les résultats carcinologiques
de la TEM sont satisfaisants, et des taux de récidive locale variant
de 3 à 6 % ont été rapportés (9, 12, 18). Plus récemment, un essai
contrôlé, dans lequel le suivi moyen était de 4 ans, a montré que
le taux de récidive locale après exérèse de telles lésions était comparable après TEM et résection antérieure (11) ; mais ces résultats
méritent d’être confirmés par d’autres essais. Pour les tumeurs
classées T2 ou T3, il est clairement établi que la TEM seule ne
peut être curative en raison d’un taux élevé de récidive locale
variant de 30 à 60 % (8, 12, 13, 19). Il est probable que l’excision
à visée palliative, en cas de lésion métastatique ou chez un patient
trop fragile pour subir une procédure plus complexe, constitue
actuellement la meilleure indication de la TEM pour une lésion
maligne (13). Dans cette indication, elle peut éventuellement être
associée à une radiothérapie pré- ou postopératoire afin d’essayer
de diminuer le taux de récidive locale (20).
Malgré tous ces avantages démontrés, un certain nombre d’inconvénients ont probablement limité le développement de la TEM.
Bien que pouvant s’apparenter à la cœlioscopie, il s’agit d’une
technique difficile qui nécessite un long apprentissage, la difficulté
étant principalement liée au confinement du site opératoire. De
plus, son équipement est complexe et coûteux, de l’ordre de
500 000 F. Enfin, hormis dans les centres spécialisés en chirurgie
colorectale, l’investissement requis peut paraître disproportionné
par rapport à la fréquence des indications (12).
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En conclusion, la TEM permet, dans la majorité des cas, l’excision complète par voie transanale des lésions du rectum et
autorise ainsi une évaluation histologique exhaustive de la
lésion et des marges de résection. Elle offre un accès aux
lésions situées dans le moyen et le haut rectum et permet d’éviter une résection rectale dans de nombreux cas. Elle devrait
donc faire partie de l’arsenal thérapeutique pour le traitement
des lésions bénignes volumineuses du rectum sous-douglassien
non réséquables sous coloscopie. Son rôle précis dans le traitement à visée curative des lésions malignes reste encore à déter■
miner.
Mots clés. Exérèse locale – Endoscopie – Microchirurgie – Adénome villeux – Cancer – Rectum.
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