44 n° L’ Exérèse transanale de tumeurs du rectum

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n° 44
fiche
technique
Frédéric Bretagnol, Léon Maggiori, Yves Panis*
Sous la responsabilité de ses auteurs
Exérèse transanale de tumeurs du rectum
par microchirurgie endoscopique
L’
exérèse par microchirurgie endoscopique (TEM) est une
technique relativement ancienne, décrite par G. Buess et al.
en 1984 mais qui est actuellement très peu développée
en France (1). Elle consiste en l’excision complète de tumeurs
bénignes ou malignes du rectum par voie transanale à travers
un rectoscope dit opérateur, c'est-à-dire permettant le passage
simultané de plusieurs instruments chirurgicaux. Cette technique
associe les avantages d’une chirurgie locale, notamment une
faible morbidité et une courte durée d’hospitalisation, mais
elle permet surtout de traiter des tumeurs du moyen et du haut
rectum, inaccessibles par voie transanale conventionnelle et
dont le traitement chirurgical standard actuel est la chirurgie
radicale (2).
une pression constante de 12 mmHg (figure 3). Le matériel
chirurgical spécifique comprend des pinces à préhension, un
aspirateur-coagulateur, un porte-aiguille, une pince à clips, un
bistouri électrique.
Un simple lavement est réalisé la veille et le matin de l’intervention chirurgicale.
La position du patient sur la table opératoire dépend de la localisation de la tumeur. En cas de localisation à la face postérieure
du rectum, le patient est installé en décubitus dorsal, jambes
écartées. En cas de lésion à la face antérieure, le patient est en
décubitus ventral. En cas de localisation latérale, le patient est
positionné en décubitus latéral droit ou gauche.
La TEM nécessite une instrumentation spécifique (figure 1) qui
comprend un rectoscope de 4 cm de diamètre et d’une longueur
variable (12 ou 20 cm) selon la hauteur tumorale par rapport à
la marge anale. Ce rectoscope est dit opérateur, car il permet le
passage simultané de quatre instruments chirurgicaux et d’un
système binoculaire grossissant (x 6) qui peut être relié à une
caméra et à un moniteur de télévision (figure 2). Le chirurgien
peut donc travailler soit par vision directe, soit indirectement
via le moniteur de télévision comme en laparoscopie. L’ensemble du système est relié à un insufflateur-exsufflateur de
C02 qui permet une distension continue de la cavité rectale à
Figure 1. Instrumentation chirurgicale pour exérèse transanale par
microchirurgie endoscopique des tumeurs du rectum (TEM).
* Service de chirurgie colorectale, pôle des maladies de l’appareil digestif (PMAD), hôpital
Beaujon (AP-HP), Clichy.
Figure 2. Vue opératoire d’une exérèse transanale par TEM d’une tumeur
du rectum (patient opéré en décubitus latéral gauche).
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Technique chirurgicale
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XII - n° 6 - novembre-décembre 2009 |
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Figure 4. Pièce opératoire épinglée et orientée d’une tumeur villeuse
rectale réséquée par TEM pour examen histologique.
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La TEM présente de nombreux avantages par rapport aux autres
techniques d’exérèse locale conventionnelle.
➤ Elle permet l’exérèse de tumeurs du moyen et du haut
rectum (c’est-à-dire à plus de 8 cm de la marge anale) qui sont
techniquement inaccessibles par voie locale classique. La seule
condition est que la tumeur doit être située dans la portion souspéritonéale du rectum (en dessous du cul-de-sac de Douglas) afin
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Indications et avantages
L’exérèse transanale par microchirurgie endoscopique des
tumeurs villeuses du moyen et du haut rectum, le plus souvent
inaccessibles par voie locale transanale conventionnelle, constitue
une alternative à la chirurgie radicale, minimisant ainsi la morbidité et les séquelles fonctionnelles d’une résection rectale. Par
rapport aux autres techniques d’exérèse locale conventionnelle,
elle permet de meilleurs résultats en termes de récidive locale
(< 10 %). Cette technique, encore méconnue en France, devrait
avoir une place de choix dans la stratégie chirurgicale de la prise
en charge des tumeurs du moyen et du haut rectum en évitant
une chirurgie radicale d’exérèse rectale.
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Sous anesthésie générale ou locorégionale, une dilatation anale
progressive est réalisée afin d’introduire le rectoscope. Une fois la
tumeur repérée, le rectoscope est maintenu en place par un bras
articulé qui est fixé à la table opératoire. L’exérèse chirurgicale
de la tumeur devra respecter les règles de toute exérèse locale,
qui ont été récemment actualisées (3). Tout d’abord, une marge
de sécurité péritumorale d’au moins 5 mm est repérée autour de
la lésion par des points de coagulation. À l’aide d’une pince, on
tracte la muqueuse saine péritumorale en prenant soin d’éviter
de traumatiser la tumeur, notamment en cas de lésion villeuse
le plus souvent fragile et hémorragique. L’exérèse chirurgicale
est réalisée au bistouri électrique, en zone macroscopiquement
saine et devra intéresser toute l’épaisseur de la paroi (excision
dite full-thickness), c’est-à-dire en exposant la graisse périrectale pour des lésions sous-péritonéales. Cette exérèse devra
être monobloc et non fragmentée. Après lavage de la zone
d’exérèse, le défect peut ou ne pas être suturé par un surjet de
fil monobrin, en prenant soin d’éviter tout risque de sténose
rectale. Il est primordial que le chirurgien analyse lui-même
la qualité macroscopique de l’exérèse. La pièce opératoire est
adressée en anatomo-pathologie, épinglée et repérée (figure 4).
Une alimentation liquide est autorisée le soir même de l’intervention chirurgicale. Le patient est déperfusé le lendemain et peut
s’alimenter normalement. La sortie est habituellement autorisée,
en l’absence de complication, dès le 3e jour postopératoire.
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Technique d’exérèse
de diminuer le risque de perforation rectale. Ainsi, il est conseillé
de respecter une limite supérieure par rapport à la marge anale
de 12 cm pour des lésions à la face antérieure du rectum et
de 20 cm pour celles situées à la face postérieure du rectum.
➤ La morbidité postopératoire est faible et varie dans la littérature entre 2 et 20 % (2). Les complications les plus fréquemment rapportées sont les brèches péritonéales peropératoires,
les fistules au niveau de la suture, les hémorragies tardives et
les complications urinaires. Quelques cas de sténose rectale et
de fistules rectovaginales ont été rapportés. De plus, il n’existe
aucune conséquence à long terme sur la fonction anorectale avec
un taux d’incontinence anale inférieur à 0,5 % au-delà de 6 mois.
➤ Grâce à la distension continue du rectum par l’insufflation,
la TEM offre une parfaite exposition du site opératoire avec
une vue magnifiée, notamment pour la limite supérieure de
l’exérèse en facilitant l’exérèse complète et monobloc de la
tumeur. Une méta-analyse récente a montré, d’ailleurs, que le
taux de récidive locale après exérèse de tumeurs bénignes du
rectum était significativement plus bas après TEM (6 %) comparé
aux techniques d’exérèse locale conventionnelles (22 %). Les
auteurs expliquaient cette différence par le taux plus élevé de
résection microscopiquement complète (R0) après TEM (2).
Malgré tous ces avantages, la TEM est une technique très peu
développée en France. En effet, bien que pouvant être comparée
à la laparoscopie, cette technique est difficile du fait de l’étroitesse du site opératoire, nécessitant donc un long apprentissage.
D’autre part, elle requiert un équipement complexe et coûteux.
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Figure 3. Vue opératoire de l’installation pour exérèse par TEM d’une
tumeur du rectum.
3. Bretagnol F. Choix des thérapeutiques du cancer du
rectum. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:59-69.
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2. Bretagnol F, Merrie A, Georges B et al. Local excision of
rectal tumors by transanal endoscopic microsurgery. Br J
Surg 2007;94:627-33.
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1. Buess G, Thiess R, Gunther M. Endoscopic operative
procedures for the removal of rectal polyps. Coloproctology 1984;6:254-9.
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Références bibliographiques
230 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XII - n° 6 - novembre-décembre 2009
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