La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 11 - décembre 2013 | 489
deuxième ligne de traitement. Est-ce l’effet de la
troisième ligne de traitement qui pourrait expliquer
cette différence ? La réponse est impossible sans
information sur les traitements de troisième ligne.
La médiane de SSP est un marqueur de substitution
de la SG, ou “surrogate endpoint” des Anglo-Saxons.
Il a été validé dans les CCRm par l’établissement d’un
coeffi cient de corrélation entre SSP et SG (10-12).
Reconnaître la médiane de SSP comme objectif
principal possède de nombreux avantages facili-
tant la faisabilité de l’étude (nombre plus faible de
patients, moindre suivi) et éliminant l’impact des
lignes ultérieures sur la SG.
Le choix de la SG comme objectif principal peut
perdre de sa pertinence au moment de l’analyse
des résultats lorsque les standards thérapeutiques
se sont éventuellement modifi és et n’ont pu être
introduits dans l’étude au bénéfi ce des patients (10).
Ce dernier point est crucial. Deux études récentes
proposent de nouvelles stratégies thérapeutiques
dans les CCRm.
➤ La poursuite du bévacizumab en deuxième
ligne après progression avec switch de chimio-
thérapie améliore la SG de 9,8 mois à 11,2 mois
(HR = 0,81 ; IC95 : 0,69-0,94 ; p = 0,0062) et la SSP
de 4,1 mois à 5,7 mois (HR = 0,68 ; IC95 : 0,59-0,78 ;
p = 0,0001) [13]. Pour les patients avec une tumeur
wtKRAS, le bénéfi ce du continuum bévacizumab
en première et deuxième lignes métastatiques est
majeur avec une médiane de SG de 15,4 mois versus
11,1 mois (HR = 0,69 ; IC
95
: 0,53-0,90 ; p = 0,0052)
et une médiane SSP de 6,4 mois versus 4,5 mois
(HR = 0,61 ; IC95 : 0,49-0,77 ; p < 0,0001) [14].
➤ L’étude CAIRO3 valide le concept de la main-
tenance par capécitabine + bévacizumab par
comparaison à un arrêt thérapeutique avec une
augmentation de la médiane de SSP de 4,1 à 8,5 mois
(HR = 0,44 ; IC
95
: 0,37-0,53) déterminée après
6 cycles de capécitabine + oxaliplatine + bévaci-
zumab (15).
Dans l’étude FIRE-3, les médianes de traitement
par FOLFIRI-bévacizumab et FOLFIRI-cétuximab
sont de 5,3 mois et 4,8 mois. Ces durées sont rela-
tivement courtes, en particulier pour le bras avec
bévacizumab. Pour le bras FOLFIRI-cétuximab, la
poursuite du traitement est contrainte par les toxi-
cités cutanées et des phanères des anticorps anti-
EGFR (tableau III). Il est probable que les patients
inclus dans le bras FOLFIRI-bévacizumab n’ont pas
de reçu de traitement d’entretien par capécitabine
plus bévacizumab, et un petit nombre d’entre eux a
été traité selon la stratégie TML (11,5 % des patients
avec un statut wtKRAS ont reçu en deuxième ligne
une combinaison fl uoropyrimidine + oxaliplatine +
bévacizumab). Plus qu’un déséquilibre dans les lignes
ultérieures (sous réserve des troisièmes lignes admi-
nistrées), il s’agit d’un défaut de stratégie optimale
dans le bras avec bévacizumab.
Éliminant le rôle des lignes ultérieures, les
auteurs ont évoqué la profondeur de la réponse
et la réponse tumorale précoce comme facteur
prédictif de la SG. Cette hypothèse a été formulée
lors d’une analyse groupée des études CRYSTAL et
OPUS (16, 17). Il existe une forte valeur prédictive
de ces 2 paramètres pour la SG, mais aussi pour
la SSP. La même conclusion avec les mêmes para-
mètres est applicable à FOLFOXIRI plus bévaci-
zumab versus FOLFIRI + bévacizumab dans l’étude
TRIBE (18). Retenir l’argument de l’intensité de la
profondeur de la réponse tumorale pour expliquer
les résultats de l’étude FIRE-3 ne serait justifié que
si l’augmentation de la SG s’accompagnait d’une
meilleure SSP.
En conclusion
L’oncologue n’est pas soumis avec les résultats de
l’étude FIRE-3 à un changement des pratiques. Les
paramètres d’effi cacité, taux de RO selon les critères
RECIST, et médiane de SSP sont identiques pour
les patients un CCRm wtRAS traités par FOLFIRI-
cétuximab ou FOLFIRI-bévacizumab.
L’augmentation apparente de la médiane de SG
avec FOLFIRI-cétuximab dans l’étude FIRE-3 doit
s’accompagner de l’analyse des points suivants :
➤ séparation des courbes de SG au-delà de 18 mois
sans description des traitements de troisième ligne ;
➤ absence de traitement de maintenance dans le
bras FOLFIRI-bévacizumab ;
➤ faible proportion de patients traités selon la
stratégie TML.
La controverse peut s’arrêter là. FOLFIRI-cétuximab
et FOLFIRI-bévacizumab, avec des profi ls de toxi-
cité différents, sont 2 traitements à l’efficacité
comparable, sous réserve d’une stratégie post-
première ligne bien défi nie et optimale. Il est urgent
d’attendre les résultats de l’étude CALGB 80405
dont l’objectif principal est la SG avec environ
1 200 patients inclus. ■
J. Bennouna déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche.
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CONTROVERSE