OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU d’irinotécan ou à toutes les chimiothérapies conventionnelles du CCR (taux de réponse tumorale de 10 à 23 % en monothérapie ou combiné à l’irinotécan et médiane de survie située entre 6 et 9 mois) [1, 2]. Chez les patients chimiorésistants, la supériorité du cétuximab sur des soins de confort en termes de réponse tumorale, de SSP et de SG a été démontrée dans une large étude randomisée de phase III (3). À l’heure actuelle, le cétuximab, administré en monothérapie ou associé à une chimiothérapie à base d’irinotécan, est indiqué dans le traitement du CCR métastatique résistant à l’irinotécan, exprimant ou non l’EGFR en IHC compte tenu de l’observation de réponses tumorales objectives pour des tumeurs EGFR-négatives. Une extension de son AMM a été plus récemment obtenue en première ligne en association avec du FOLFOX ou du FOLFIRI après la démonstration d’un bénéfice en termes de réponse et de survie (par rapport à la chimiothérapie seule) chez les patients dont la tumeur ne contient pas de mutation du gène KRAS (4-5), cette altération génétique ayant été démontrée comme un facteur prédictif de résistance au cétuximab (6). Le cétuximab peut être responsable d’une réaction d’hypersensibilité de type immuno-allergique, survenant majoritairement au cours de la première perfusion et rarement sévère (< 5 %). Les autres effets indésirables (EI) sont essentiellement cutanés : éruption cutanée acnéiforme très fréquente (> 85 % des cas) mais rarement sévère, paronychie, fissures au niveau des doigts et des orteils, et sécheresse cutanée généralisée. Le panitumumab est un anticorps monoclonal IgG2 totalement humain, ayant le même mécanisme d’action que le cétuximab. Sa supériorité en monothérapie par rapport à des soins de confort chez des patients chimiorésistants a été démontrée dans une étude de phase III randomisée (7). Il est donc indiqué dans cette situation chez les patients sans mutation du gène KRAS. Thérapie antiangiogénique anti-VEGF : le bévacizumab Le bévacizumab est un anticorps monoclonal IgG1 chimérique humanisé se liant spécifiquement et avec une forte affinité au VEGF circulant, ce qui empêche sa fixation sur son récepteur. En première ligne thérapeutique, l’ajout du bévacizumab à une chimiothérapie à base de 5-FU/AF avec ou sans irinotécan a montré sa supériorité par rapport à la même chimiothérapie administrée seule en termes de réponse tumorale objective, de SSP et de SG (gain de 4 mois environ) [8, 9]. Les résultats de deux études suggèrent également que l’ajout du bévacizumab à une chimiothérapie à base d’oxaliplatine permet une amélioration du taux de réponse et de la SSP en première ligne (10, 11). En deuxième ligne, une étude a montré que l’association FOLFOX + bévacizumab était supérieure au FOLFOX en termes de réponse tumorale, de SG et de SSP chez des patients non prétraités par bévacizumab (12), ce qui a conduit l’Institut national du cancer et le Thésaurus national de cancérologie digestive à le proposer comme une option thérapeutique dans cette situation. Les EI du bévacizumab sont l’hypertension artérielle (HTA), la protéinurie, les événements thromboemboliques artériels, les hémorragies, les troubles de la cicatrisation et les perforations digestives. Son arrêt doit être définitif en cas d’accident thromboembolique artériel, de perforation digestive, d’hémorragie sévère, d’HTA maligne ou de syndrome néphrotique. Il n’a pas été montré d’augmentation des complications chirurgicales avec le bévacizumab si un délai de 6 semaines est respecté entre une perfusion de l’antiangiogénique et la chirurgie. Références bibliographiques 1. Cunningham D, Humblet Y, Siena S et al. Cetuximab monotherapy and cetuximab plus irinotecan in irinotecan-refractory metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2004;351(4):337-45. 2. Lenz HJ, Van Cutsem E, Khambata-Ford S et al. Multicenter phase II and translational study of cetuximab in metastatic colorectal carcinoma refractory to irinotecan, oxaliplatin, and fluoropyrimidines. J Clin Oncol 2006;24(30):4914-21. 3. Jonker DJ, O’Callaghan CJ, Karapetis CS et al. Cetuximab for the treatment of colorectal cancer. N Engl J Med 2007;357:2040-8. 4. Van Cutsem E, Köhne CH, Hitre E et al. Cetuximab and chemotherapy as initial treatment for metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2009;360(14):1408-17. 5. Bokemeyer C, Bondarenlo I, Makhson A et al. Fluorouracil, leucovorin, and oxaliplatin with and without cetuximab in the first-line treatment of metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol 2009;27(5):663-71. 6. Lievre A, Bachet JB, Boige V et al. KRAS mutations as an independent prognostic factor in patients with advanced colorectal cancer treated with cetuximab. J Clin Oncol 2008;26:374-9. 7. Van Cutsem E, Peeters M, Siena S et al. Open-label phase III trial panitumumab plus best supportive care compared with best supportive care alone in patients with chemotherapy-refractory metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol 2007;25:1658-64. 8. Hurwitz H, Fehrenbacher L, Novotny W et al. Bevacizumab plus irinotecan, fluorouracil, and leucovorin for metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2004;350:2335-42. 9. Kabbinavar FF, Hambleton J, Mass RD et al. Combined analysis of efficacy: the addition of bevacizumab to fluorouracil/leucovorin improves survival for patients with metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol 2005;23:3706-12. 10. Hochster HS, Hart LL, Ramanathan RK et al. Safety and efficacy of oxaliplatin and fluoropyrimidine regimens with bevacizumab as first-line treatment of metastatic colorectal cancer: results of the TREE Study. J Clin Oncol 2008;26:3523-9. 11. Saltz LB, Clarke S, Diaz-Rubio E et al. Bevacizumab in combination with oxaliplatinbased chemotherapy as first-line therapy in metastatic colorectal cancer: a randomized phase III study. J Clin Oncol 2008;26:2013-9. 12. Giantonio BJ, Catalano PJ, Meropol NJ et al. Bevacizumab in combination with oxaliplatin, fluorouracil, and leucovorin (FOLFOX 4) for previously treated metastatic colorectal cancer: results from the Eastern Cooperative Oncology Group Study E3200. J Clin Oncol 2007;25:1539-44. Traitement du carcinome hépatocellulaire P. Afchain État des lieux Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est une tumeur de mauvais pronostic. Le traitement curatif reste avant tout chirurgical. La pauvreté des thérapeutiques antitumorales palliatives développées jusqu’à ce jour se heurte de plus en plus à l’augmentation de son incidence (6 000 à 8 000 nouveaux cas par an en France), elle-même liée à l’augmentation de l’incidence La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 | 279 OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU Cancers digestifs des hépatopathies virales B et C. Le CHC se développe le plus souvent sur une cirrhose, ce qui conditionne en grande partie son pronostic. Traitements à visée curative Ils sont avant tout chirurgicaux (exérèse ou transplantation hépatique [TH]). Mais ces derniers ne sont possibles que dans 20 % des cas (environ 5 % des patients pourront accéder à la TH, et à peine 15 % d’entre eux à une résection chirurgicale). Les principales réserves à un geste chirurgical sont les caractéristiques de la tumeur et l’hépatopathie sous-jacente. Ainsi, un traitement curatif est discuté, en cas de “petit CHC”, selon les critères de Milan : tumeur unique de diamètre inférieur à 5 cm, ou moins de 3 nodules d’un diamètre inférieur ou égal à 3 cm, sans thrombose du tronc porte ou de l’une de ses branches. Transplantation hépatique En cas de “petit CHC” selon les critères de Milan, le taux de SG après TH est de 70 % à 5 ans, résultat similaire à ceux des TH faites pour cirrhose sans tumeur. La TH a l’avantage de traiter la tumeur et sa cause. Mais les contre-indications (âge, alcoolisation active, comorbidités) et la carence en transplants en limitent la possibilité. Le délai jusqu’à disponibilité du greffon et le risque d’évolutivité tumorale posent le problème du traitement d’attente, dont les avantages et les modalités ne sont pas clairement définis. Résection hépatique Elle peut être retenue lorsque la TH n’est pas possible, si la fonction hépatique le permet et si la résection n’excède pas quatre segments hépatiques. Les meilleurs candidats à la résection sont les patients avec nodule tumoral unique, bilirubinémie normale, ALAT < 2N, sans signes d’hypertension portale. Destruction percutanée Lorsqu’une opération est exclue, un traitement percutané est possible dans 30 % des cas. Son principal avantage est la préservation du parenchyme hépatique non tumoral. Il s’agit soit d’alcoolisation, technique la mieux évaluée, soit de radiofréquence (RF), technique de plus en plus utilisée, nécessitant moins de séances et donnant des résultats de contrôle tumoral local et à distance meilleurs que ceux de l’alcoolisation. Certaines conditions doivent être réunies : tumeur de diamètre inférieur ou égal à 5 cm, accessible à une ponction, non sous-capsulaire, et à distance du hile et des canaux bilaires. Deux essais randomisés, comparant la RF à la résection, ne montrent pas de différence significative des taux de survie, confirmant l’intérêt de cette technique en cas de CHC de moins de 3 cm de diamètre, d’autant que la destruction percutanée est associée à un taux de mortalité et de morbidité moins important qu’avec la résection hépatique (environ 5 %). Malgré toutes ces techniques, le problème principal est le risque de récidive (entre 15 et 25 % par an), soit à cause de la dissémination à partir de la tumeur initiale, soit, plutôt, à cause d’une tumeur métachrone à distance du foyer initial. 280 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 Traitements palliatifs Chimio-embolisation intra-artérielle lipiodolée Elle reste d’efficacité discutée, notamment en cas de cirrhose alcoolique, et ne concerne qu’environ 10 % des patients. Deux études récentes de phase III, ainsi que deux méta-analyses, ont montré des survies prolongées chez des patients ayant une bonne fonction hépatique et une cirrhose d’étiologie virale C sans thrombose portale (1). La chimio-embolisation lipiodolée peut être un traitement d’attente avant TH. L’injection intra-artérielle hépatique de lipiodol radioactif (Lipiocis®) a une AMM pour les CHC avec thrombose de la veine porte non résécables et non transplantables. Cependant, cette technique n’est réalisable que dans des services spécialisés, car elle nécessite une hospitalisation dans une chambre plombée. Chimiothérapie systémique Aucune chimiothérapie conventionnelle, seule ou en association, n’a fait la preuve de son efficacité en termes de survie par rapport aux soins de confort dans le CHC évolué, de même que l’interféron, l’octréotide et les antiandrogènes. Elle ne doit donc être prescrite que dans le cadre d’essais thérapeutiques. Faits nouveaux L’ère des thérapies ciblées avec le sorafénib Le sorafénib, qui s’administre par voie orale, est un inhibiteur de tyrosine kinase qui cible VEGFR-2 et VEGFR-3 mais aussi RAF-1, BRAF, PDGF-β, Ftl-3 et c-Kit. Il a donc un double mode d’action : action antiproliférative sur les cellules tumorales, et action antiangiogénique sur les cellules endothéliales de l’environnement péritumoral. Après avoir montré des résultats très encourageants en monothérapie dans une étude de phase II (2), le sorafénib a été évalué dans un essai multicentrique international de phase III qui comparait en double aveugle le sorafénib à la dose de 400 mg × 2/j à un placebo chez 602 patients atteints d’un CHC avancé ChildPugh A, non prétraités (3). La SG était significativement plus longue dans le bras sorafénib que dans le bras placebo (10,7 versus 7,9 mois ; p < 0,001), de même que la SSP (5,5 versus 2,8 mois ; p < 0,001), malgré un taux de réponse partielle de seulement 2,3 % (figure). Ces résultats ont conduit à l’enregistrement rapide du sorafénib dans cette indication, où il constitue désormais un standard thérapeutique. Au cours de cet essai, les EI graves n’étaient pas significativement plus élevés dans le groupe sorafénib. Cependant, deux EI de grades 3/4 étaient plus fréquents dans le groupe traité par