DOSSIER
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MISE AU POINT
Les thromboses veineuses superfi-
cielles ont longtemps fait figure de
parent pauvre de la maladie throm-
boembolique. Réputées bénignes, elles
relevaient d’un traitement par contention
et éventuellement d’un traitement anti-
inflammatoire. Il existe un regain d’intérêt
pour les thromboses veineuses superfi-
cielles [1-5]. Des études assez récentes
ont montré en effet que
ces thromboses n’étaient
pas si bénignes. Les traite-
ments ont évolué durant ces
dernières années, notam-
ment sous l’influence d’une
étude multicentrique coor-
donnée à Saint-Etienne :
l’étude CALISTO (tableau 1) [3].
Définition
Une thrombose veineuse superficielle est
une thrombose intéressant une veine du
réseau veineux superficiel. Le terme de
thrombo phlébite superficielle peut être
employé en cas de réaction inflammatoire
de la paroi de la veine thrombosée. Le
terme de paraphlébite ne doit plus être
utilisé.
Incidence – Prévalence
La thrombose veineuse superficielle est une
pathologie rencontrée et prise en charge
dans les cabinets libéraux beaucoup plus
que dans les structures hospitalières. Il est
difficile d’avoir une estimation précise de
l’incidence et de la prévalence des throm-
boses veineuses superficielles. Les données
de la littérature montrent que les throm-
boses veineuses superficielles sont plus fré-
quentes que les thromboses veineuses pro-
fondes. Leur incidence augmente avec l’âge.
Les femmes sont deux fois plus touchées
que les hommes. Des études assez récentes
ont montré que les thromboses veineuses
superficielles sont fréquemment associées à
des thromboses veineuses profondes.
L’étude POST [4], réalisée essentiellement
chez des médecins vasculaires libéraux, a
porté sur l’étude de 844 patients vus consé-
cutivement présentant une thrombose vei-
neuse superficielle d’un membre inférieur.
Sur ces 844 patients présentant une throm-
bose veineuse superficielle, 210 (24,9 %)
avaient également à l’inclusion une throm-
Plus fréquentes que
les thromboses veineuses
profondes, les thromboses
veineuses superficielles
leurs sont associées
dans 25 % des cas.
Risque évolutif = 8 %.
F. Minvielle
Service des explorations fonctionnelles, Hôpital Avicenne, Hôpitaux universitaires de Paris Seine-Saint-Denis
Les thromboses veineuses
superficielles
Tableau 1. Résultats de l’étude CALISTO
Fondaparinux Placebo RR = p
Patients (n) 1 502 1 500
A J47
Critère composite (*)
Décès
EP
TVP
Extension TVS
13 (0,9 %)
2
0
3
3
88 (5,9 %)
1
5
18
20
0,15
0,17
0,15
<0,001
1
0,03
< 0,001
< 0,001
A J77
Critère composite (*)
Décès
EP
TVP
Extension TVS
18 (1,2 %)
2
0
4
5
94 (6,3 %)
1
6
19
54
0,19
1,99
-
0,2
0,09
< 0,001
1
0,02
0,001
< 0,001
* Critère composite : voir texte.
EP : embolie pulmonaire.
TVP : thrombose veineuse profonde.
TVS : thrombose veineuse superficielle.
Les thromboses veineuses superficielles
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déjà décompensée (antécédent d’hypoder-
mite, d’eczéma variqueux) ne va pas nous
interpeller sur le plan physiopathologique. Il
existe une stase importante dans des varices
très dilatées et cette stase explique la surve-
nue de la thrombose veineuse superficielle.
Chez d’autres patients, les varices sont
moins dilatées. Il existe un reflux franc dans
les veines saphènes internes et/ou externes.
A l’occasion d’un voyage prolongé en voi-
ture ou en avion, la stase veineuse a aug-
menté du fait de la mise au repos de la
pompe valvulo-musculaire du mollet et
notre patient a présenté une thrombose
veineuse superficielle.
Dans d’autres cas, la thrombose veineuse
superficielle apparaît sur des saphènes conti-
nentes. Ce sont ces patients qui méritent une
réflexion physiopathologique. Il faut s’inter-
roger sur l’existence possible d’une hypercoa-
gulabilité, interroger le patient sur des anté-
cédents familiaux de thromboses veineuses
profondes ou superficielles. En premier lieu,
il faut savoir penser à une thrombophillie.
Le bilan de thrombophillie sera réalisé avant
l’instauration du traitement anticoagulant
ou à distance de son arrêt.
Il existe enfin un dernier cas : les throm-
boses veineuses de la paroi antéro latérale
du thorax appelées également phlébite de
Mondor. Dans ce cas, il n’existe pas de stase
veineuse puisque la thrombose survient à
hauteur de la pompe cardiaque. Le méca-
nisme physiopathologie est donc forcément
une altération pariétale ou une hypercoa-
gulabilité. Ces phlébites de Mondor peu-
vent être révélatrices d’un cancer du sein.
Il est encore plus fréquent de retrouver un
antécédent de radiothérapie pour cancer
du sein chez une femme présentant une
thrombose veineuse de Mondor : l’altéra-
tion pariétale a été le mécanisme physiopa-
thologique.
Diagnostic
Le diagnostic de thrombose veineuse super-
ficielle est classiquement évident. Il repose
sur la triade : douleur, rougeur, induration.
Il existe une mauvaise corrélation entre
l’étendue de la thrombose veineuse super-
bose veineuse profonde associée sur le
membre homolatéral ou controlatéral et
4 % des patients présentaient une embolie
pulmonaire symptomatique associée.
Dans l’étude POST, sur les 586 patients
dénués de thrombose veineuse profonde
ou d’embolie pulmonaire éligibles pour un
suivi de 3 mois, 46 (8 %) ont développé
une complication thromboembolique à
trois mois : 3 ont développé une embolie
pulmonaire, 15 ont développé une throm-
bose veineuse profonde, 18 une extension
de la thrombose veineuse superficielle et
10 une récidive de thrombose veineuse
superficielle. Les facteurs de risque asso-
ciés à ces complications sont : sexe mas-
culin, antécédent de thrombose veineuse
profonde, absence de veine variqueuse et
antécédent de cancer. L’immense majorité
de ces patients (90 %) avait reçu un trai-
tement anticoagulant selon des modalités
très variées pour la dose et la durée (durée
moyenne de 11 jours).
L’étude OPTIMEV [5] avait retrouvé une
proportion comparable de patients présen-
tant une thrombose veineuse superficielle
et une thrombose veineuse profonde asso-
ciée à l’inclusion dans l’étude. 227 patients
(soit 29 %) avaient une thrombose veineuse
profonde associée sur 788 patients porteurs
d’une thrombose veineuse superficielle.
Un âge supérieur à 75 ans, un cancer en
évolution, la survenue d’une thrombose vei-
neuse superficielle sur une veine non vari-
queuse et le fait d’être hospitalisé augmen-
tent le risque de présenter une thrombose
veineuse profonde associée.
Physiopathologie
La physiopathologie de la thrombose vei-
neuse s’appuie sur la classique triade de
Virchow : stase, lésion pariétale, hyper-
coagulabilité. La très grande majorité des
thromboses veineuses superficielles est
expliquée par la stase sanguine engen-
drée par le reflux dans les veines saphènes
incontinentes et leurs branches tributaires.
Un patient se présentant dans nos cabinets
avec une thrombose veineuse superficielle
survenant sur une varicose évoluée, parfois
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latérale ou à la face postérieure du mollet
(figure 3).
L’écho Doppler retrouvera une thrombose
de la saphène interne s’étendant jusqu’au
tiers supérieur de la jambe (figures 4 et 5),
une extension du thrombus à plusieurs
communicantes reliant la saphène interne
ficielle et le siège de la rougeur. Le throm-
bus s’étend très souvent bien au delà de la
rougeur perçue cliniquement. La patiente
dont le cas illustre cette mise au point pré-
sente un cordon induré de la face interne
de la jambe (figures 1 et 2). Elle ne présente
aucun symptôme ni signe clinique à la face
Figure 1. Thrombose saphène interne droite.
Figure 2. Thrombose saphène interne droite.
Figure 3. Face postérieure du mollet droit : pas de signe
clinique.
Figure 4. Thrombose de la saphène interne droite.
Les thromboses veineuses superficielles
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L’examen clinique ne peut donc pas appré-
cier l’extension d’une thrombose veineuse
superficielle. Il ne peut diagnostiquer les
fréquentes thromboses veineuses profondes
homolatérales ou controlatérales ne corres-
pondant pas à des extensions de proche en
proche des thromboses veineuses superfi-
cielles aux troncs veineux profonds.
Un écho Doppler complet superficiel et
profond, bilatéral est donc indispensable
chez un patient présentant une thrombose
veineuse superficielle. Il s’agit d’une règle
absolue, incontournable.
L’écho Doppler des membres inférieurs
s’est imposé par sa fiabilité et son carac-
tère non invasif comme l’examen de pre-
mière intention devant toute suspicion
de thrombose veineuse. L’exploration des
troncs veineux superficiels sera réalisée sur
un patient debout. L’examen des troncs col-
lecteurs (poplité, fémoraux, iliaques) sera
réalisé sur un patient en décubitus dorsal.
L’exploration des loges surales est réalisée
sur un sujet assis, jambes pendantes. Les
veines sont suivies sur toute leur longueur,
une à une, en coupe transversale. En écho-
graphie, une veine normale est vide d’écho,
bordée par une paroi fine et souple qui se
laisse comprimer facilement.
L’écho Doppler est toujours réalisable au
niveau des troncs veineux superficiels. Il
permet donc toujours de confirmer le dia-
gnostic en recherchant à l’inspection une
dilatation de la veine thrombosée et des
échos dans sa lumière correspondant à la
visualisation du thrombus. On effectue des
manœuvres de compression tout le long de
la veine superficielle à la recherche d’une
incompressibilité secondaire à la présence
du thrombus.
Il permet toujours de préciser l’extension du
thrombus dans le réseau veineux superfi-
ciel. La survenue d’une thrombose veineuse
superficielle expose à des complications
emboliques redoutables en cas d’exten-
sion du thrombus aux jonctions saphéno-
fémorale ou poplitée. Lorsque le thrombus
s’étend par ces jonctions, aux veines fémo-
rale commune et iliaque externe ou à la
veine poplitée, les thrombi sont pratique-
ment toujours peu adhérents aux parois de
ces veines profondes. Le risque de survenue
à la saphène externe, une thrombose de
la saphène externe (figure 6). La saphène
externe se jette dans le tronc des veines gas-
trocnémiennes médiales (figures 7 et 8). Le
thrombus s’était étendu au tronc des veines
gastrocnémiennes et des veines gastroc-
némiennes médiales à la veine poplitée :
le thrombus bombait dans la lumière de la
veine poplitée (figure 9). Les figures 10 et 11
résument le cas clinique.
Figure 5. Thrombose partielle de la saphène interne droite.
Figure 6. Thrombose de la saphène externe droite.
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Attention : la disparition des douleurs n’est
pas nécessairement synonyme d’absence
d’extension du thrombus. Elle peut signifier
simplement que la réaction inflammatoire
de la paroi a disparu. La veine peut res-
ter totalement thrombosée et le thrombus
peut continuer de s’étendre.
La disparition de la douleur et des signes
inflammatoires n’exonèrent donc pas d’une
surveillance par écho Doppler de l’évolution.
d’une embolie pulmonaire est donc élevé.
Le siège de la tête du thrombus ayant une
incidence sur la posologie du traitement, Il
est donc fondamental de le préciser.
L’écho Doppler étant un examen non inva-
sif, doit être répété. Le traitement étant
délivré à dose préventive le plus souvent,
il peut exister des extensions du thrombus,
heureusement rares. L’incidence des compli-
cations thromboemboliques sous traitement
étaient de 0,9 % dans l’étude CALISTO. Un
écho Doppler de contrôle à 7 jours paraît
une sage précaution. En cas d’extension
du thrombus sous traitement, il ne faut
pas oublier de redoser les plaquettes à la
recherche d’une thrombopénie à l’héparine.
L’écho Doppler permet de rechercher une
thrombose veineuse profonde associée, ne
correspondant pas à l’extension de proche
en proche de la thrombose veineuse super-
ficielle. Il doit donc toujours être bilatéral.
Pour les zones profondes difficiles à explo-
rer, on peut utiliser le Doppler couleur.
En Doppler couleur, ces manœuvres de com-
pression (ou des chasses veineuses d’amont
réalisées par la main controlatérale) entraî-
nent un remplissage en couleur de l’en-
semble de la veine. Un remplissage partiel
ou l’absence de remplissage oriente vers
une thrombose veineuse profonde partielle
ou obstructive.
Les limites sont liées :
– au patient : l’obésité, une cicatrice de
laparotomie, des gaz intestinaux peuvent
gêner la diffusion des ultra-sons à l’étage
abdominal. L’œdème des membres infé-
rieurs et les calcifications sous cutanées
gênent la diffusion des ultra-sons au niveau
des membres inférieurs ;
à l’examinateur : il s’agit d’un examen
opérateur dépendant ;
à l’appareillage.
Evolution des signes cliniques
A la phase de constitution du thrombus, les
patients insistent sur les douleurs ressen-
ties sur le trajet veineux. Ces douleurs sont
d’autant plus importantes que la veine est
dilatée par le thrombus et qu’il existe une
réaction inflammatoire de la paroi.
Figure 7. Thrombose gastrocnémienne médiale droite.
Figure 8. Thrombose gastrocnémienne médiale droite.
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