E La chirurgie dans les MICI DOSSIER THÉMATIQUE

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DOSSIER THÉMATIQUE
Controverses dans les MICI
La chirurgie dans les MICI
Les bonnes indications
Good surgical indications in inflammatory bowel disease patients
Léon Maggiori*, Yves Panis*
pour
E
n dépit des progrès récents des traitements
médicaux, la chirurgie est nécessaire chez
60 à 70 % des patients atteints de maladie
de Crohn (MC) et chez 20 à 30 % des malades
atteints de rectocolite hémorragique (RCH) [1]. La
prise en charge chirurgicale de ces pathologies est
complexe et a fait l’objet de recommandations pour
la pratique clinique européenne récente, émises
par l’European Crohn’s and Colitis Association
(ECCO) [2, 3].
Rectocolite hémorragique
Chirurgie en urgence : colite aiguë grave
* Service de chirurgie colorectale,
pôle des maladies de l’appareil digestif
(PMAD), hôpital Beaujon (AP-HP),
Clichy.
◆ Indications du traitement chirurgical
La survenue d’une colite aiguë grave (CAG) expose
les malades à un risque de complication chirurgicale de leur poussée : perforation (responsable
d’une péritonite ou d’abcès), hémorragie digestive massive ou colectasie. L’apparition d’une telle
complication nécessite un traitement chirurgical
en urgence, avant tout traitement médical. En
dehors de ces formes chirurgicales d’emblée, la
chirurgie est discutée en cas d’échec du traitement médical. Les recommandations de l’ECCO
proposent le recours à la chirurgie en cas d’échec
du traitement médical de deuxième ligne (ciclosporine ou infliximab) [2].
Dans les CAG compliquées d’emblée, comme dans
les formes résistantes au traitement médical,
le traitement chirurgical de référence reste la
colectomie subtotale (CST) sans rétablissement
de la continuité digestive [2] avec iléostomie et
sigmoïdostomie. Cette intervention doit être,
idéalement, réalisée par laparoscopie, comme
le suggèrent les résultats d’une méta-analyse
récente [4].
160 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013
Chirurgie élective
◆ Indications
Le traitement chirurgical dans la RCH est indiqué
dans 3 situations principales : la RCH réfractaire au
traitement médical, la sténose colique et la RCH
compliquée de dysplasie et/ou de cancer.
RCH réfractaire au traitement médical
Les recommandations américaines (5) proposent un
traitement chirurgical si les symptômes sont mal
contrôlés malgré un traitement médical optimisé
(notamment en cas de microcolie et de microrectie),
ou si le traitement médical expose le patient à des
complications, en particulier en cas de corticodépendance, ou si les effets indésirables du traitement
médical sont mal tolérés.
Sténose colique sur RCH
Une sténose colique complique la RCH dans 5 à 10 %
des cas. L’apparition d’une sténose doit faire impérativement suspecter une dégénérescence adénocarcinomateuse, dont la fréquence, très importante,
varie entre 25 et 30 % des cas [6]. Dans ce contexte,
l’indication du traitement chirurgical doit être large,
compte tenu du caractère souvent symptomatique
et, surtout, souvent complètement sténosant de la
pathologie, empêchant la surveillance endoscopique
du côlon d’amont (3).
RCH et cancer
Le cancer colorectal est une complication à long
terme bien établie des maladies inflammatoires
chroniques de l’intestin (MICI). Une méta-analyse
a démontré que le risque cumulé de dégénérescence
chez les patients porteurs de RCH était respectivement de 2, 8 et 18 % après 10, 20 et 30 ans d’évolution (7). Plusieurs facteurs de risque de dysplasie
et de cancer colorectal ont été démontrés dans la
Points forts
Mots-clés
» Dans la RCH, l’intervention de référence
est l’anastomose iléoanale.
» Dans la maladie de Crohn (MC) iléale termipour nale, la résection iléocolique est indiquée
principalement dans les formes sténosantes symptomatiques et dans les formes perforantes.
» Le traitement chirurgical de la MC colique est la
colectomie subtotale avec anastomose iléorectale.
» La laparoscopie a clairement démontré son bénéfice par rapport à la laparotomie.
» Si, dans un certain nombre d’études, la
chirurgie est considérée comme un événement indésirable grave ou un échec, son
contre recours reste très fréquent.
» Pour un bon résultat, l’indication doit être bien
posée et la procédure réalisée adéquate.
» En soulignant les mauvaises indications ou procédures, les auteurs concluent sur la nécessité d’intégrer le chirurgien aux discussions thérapeutiques
lors des concertations pluridisciplinaires.
littérature : l’extension de la maladie (risque relatif
de 15 en cas de pancolite), la durée d’évolution de la
maladie (risque relatif de 5,7 à 10 ans), la présence
d’une cholangite sclérosante primitive (risque relatif
de 4,8), l’existence d’une inflammation histologique
(risque relatif de 3) et les antécédents familiaux de
cancer colorectal (risque relatif de 2,5) [8].
En cas de dysplasie de haut grade sur muqueuse
plane, l’indication chirurgicale est formelle, puisqu’un
cancer sera retrouvé dans près de 1 cas sur 2 sur la
pièce opératoire (9). Une coloproctectomie totale
doit alors être réalisée (3). La prise en charge des
lésions de dysplasie de bas grade sur muqueuse
plane est plus controversée. Les recommandations
de l’ECCO proposent plutôt de réaliser un contrôle
endoscopique 3 à 6 mois après le diagnostic et de
réaliser une coloproctectomie si la lésion est alors
confirmée (3).
Deux types de dysplasie sur lésion macroscopique
peuvent être distingués : les ALM (Adenoma-Like
Mass), qui présentent les critères morphologiques
des polypes sporadiques, et les DALM (DysplasiaAssociated Lesion or Mass), qui correspondent à des
lésions au sein d’une muqueuse surélevée et inflammatoire. L’existence d’une DALM impose la réalisation d’une coloproctectomie totale, compte tenu
du risque important de cancer (9). Un traitement
conservateur, par résection endoscopique simple,
est proposé devant une ALM à condition que cette
résection soit complète et en l’absence de dysplasie
ailleurs sur le côlon (9).
◆ Choix de l’intervention chirurgicale
La coloproctectomie totale avec anastomose
iléoanale (AIA) est actuellement le traitement de
référence de la RCH, puisqu’elle permet de guérir
définitivement la maladie en permettant l’ablation de l’ensemble de la muqueuse colorectale
à risque tout en conservant la fonction sphinctérienne (figure 1). Elle est réalisée chez plus de
80 % des patients opérés pour une RCH. Idéalement, l’AIA est réalisée par laparoscopie, ce qui
permet une réduction de la morbidité postopératoire et du risque de stérilité par rapport à la
laparotomie (10, 11).
L’anastomose iléorectale (AIR) dans la RCH n’est
proposée que pour des patients rigoureusement sélectionnés (3). Dans cette indication, l’intervention est
en effet discutable sur le plan théorique, puisque la
maladie touche le rectum dans tous les cas. Elle peut
cependant être envisagée si le rectum est conservable (absence d’atteinte sévère et de microrectum),
sans dysplasie, et a fortiori sans cancer colorectal, sur
l’ensemble du cadre colique et du rectum.
Maladie de Crohn
Rectocolite
hémorragique
Chirurgie
Laparoscopie
Anastomose
iléorectale
Anastomose iléoanale
Highlights
» In UC, the gold standard surgical treatment
is the restorative proctocolectomy with ileal
pouch anal anastomosis
» In small bowell Crohn's
disease, an ileocolic resection is indicated in symptomatic stricturing or perforating
localization.
» Surgical treatment of colonic
Crohn's disease is subtotal
colectomy with ileorectal anastomosis
» Laparoscopy has demonstrated its benefits over the
open approach for IBD surgical
management.
» If surgery is often
considered, in some
medical series about
Crohn’s disease and
ulcerative colitis, as a severe
adverse event or failure, it is
still very frequently useful.
» To obtain a good result, the
indication must be good and
the right procedure must be
performed.
» Emphasizing what is a
bad indication or an inappropriate procedure, the authors
conclude that the good
decisions must be taken in
consensus meetings between
surgeons and gastroenterologists.
Keywords
Figure 1. Anastomose iléoanale avec iléostomie latérale de protection : montage chirurgical.
Crohn's disease
Ulcerative colitis
Surgery
Laparoscopy
Ileorectal anastomosis
Ileal-pouch anal anastomosis
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 |
161
DOSSIER THÉMATIQUE
Controverses dans les MICI
La chirurgie dans les MICI
La décision de conservation rectale dans la RCH
va cependant nécessiter une surveillance à vie.
Toutefois, en cas d’évolution secondaire vers un
microrectum, ou devant l’apparition d’une dégénérescence néoplasique, la transformation d’une
AIR en AIA reste possible.
Maladie de Crohn
Chirurgie en urgence
Les indications de chirurgie en urgence dans la MC
sont largement dominées par la CAG. Cette dernière
est moins fréquente dans la MC que dans la RCH
mais peut concerner 5 à 10 % des patients au cours
de l’évolution de leur maladie. Les modalités du
diagnostic et de la prise en charge sont exactement
identiques à celles décrites pour la RCH (2). Cette
attitude est d’autant plus logique que, en urgence,
la distinction entre MC et RCH n’est possible que
1 fois sur 2.
La MC de l’intestin grêle peut être à l’origine d’une
perforation intestinale en péritoine libre, responsable d’une péritonite aiguë. Cette complication
est cependant rare, avec une prévalence rapportée
de 1 à 4 %. Son apparition relève d’une prise en
charge chirurgicale en urgence, dictée surtout par
la mauvaise tolérance du patient sur le plan général
(sepsis, choc).
Chirurgie élective
◆ Atteintes de l’intestin grêle
Le grêle est l'organe le plus fréquemment atteint
dans la MC : 68 % des malades au moment du diagnostic initial (2). Dans près de 70 % des cas, elle ne
touche que la dernière anse iléale (6).
En ce qui concerne les formes sténosantes de la
MC, les recommandations de l’ECCO proposent
un traitement chirurgical dans 2 situations (2) : une
atteinte iléale terminale inflammatoire, responsable
d’une symptomatologie occlusive (syndrome de
Koenig) ne cédant pas après un traitement médical,
ou une sténose de l’intestin grêle, symptomatique,
sans signe d’activité inflammatoire (biologique ou
radiologique).
Les formes perforantes de la MC posent un problème
thérapeutique plus complexe. L’apparition d’un abcès
motive la réalisation d’un drainage percutané sous
guidage radiologique suivi d’un traitement par antibiothérapie. Le traitement chirurgical en urgence
sera réservé aux cas d’échec ou d’impossibilité de
162 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013
ce drainage (2), la plupart des équipes proposant un
geste de résection emportant le segment digestif
“coupable” 4 à 6 semaines plus tard.
En cas de fistule, les recommandations de l’ECCO
proposent un traitement chirurgical dans tous les
cas où la fistule est symptomatique : diarrhée par
phénomène de “bypass”, fistule entérocutanée invalidante, fistule entérovésicale (2). Si un traitement
chirurgical est envisagé, la problématique principale
est d’identifier l’organe responsable, pour lequel une
résection devra être réalisée, et l’organe “victime”,
sur lequel une simple suture chirurgicale est suffisante dans la majorité des cas (2).
Enfin, quel que soit le phénotype de la maladie
(sténosant ou perforant), la chirurgie est indiquée
dans les formes réfractaires au traitement médical.
L’indication chirurgicale doit être, dans ce contexte,
discutée au cas par cas et ne fait pas l’objet de
recommandations précises (2).
L’intervention consiste, dans la grande majorité des
cas, en une résection iléocolique emportant la valvule
iléocæcale (2). La voie d’abord laparoscopique est ici
aussi devenue la référence, puisqu’elle est associée
à une morbidité postopératoire plus faible que celle
de la laparotomie et à un taux de récidive à long
terme équivalent (10).
◆ Atteintes colorectales
Indications chirurgicales
L’atteinte colique concerne près de 30 % des malades
atteints de MC (2). Les indications chirurgicales de la
MC colique concernent essentiellement les formes
réfractaires au traitement médical, les formes sténosantes symptomatiques et les formes compliquées
de dysplasie ou de cancer (figure 2).
MC colorectale réfractaire au traitement médical
Les recommandations américaines (5) proposent un
traitement chirurgical pour les MC colorectales après
échec du traitement médical. De la même façon
que dans la RCH, 3 situations sont retenues comme
des indications : lorsqu’il existe des symptômes mal
contrôlés après un traitement médical optimisé ;
lorsque le traitement médical à long terme expose
le patient à un risque élevé de complications liées à
ce traitement, en particulier en cas de corticodépendance ; lorsque les effets indésirables du traitement
médical sont mal tolérés.
Formes sténosantes symptomatiques
Les formes sténosantes symptomatiques (responsables d’un syndrome de Koenig) relèvent d’un
traitement chirurgical si l’atteinte résiste au trai-
DOSSIER THÉMATIQUE
tement médical ou si elle apparaît fibreuse et non
inflammatoire sur les examens d’imagerie et, en
particulier, l’entéro-IRM (2).
Les sténoses coliques de MC doivent faire systématiquement rechercher une dégénérescence adénocarcinomateuse, moins fréquente que dans le cadre
d’une RCH, mais présente dans 7 % des cas (12).
Enfin, les sténoses complètes empêchant la surveillance endoscopique du côlon d’amont doivent être
opérées.
Choix de l’intervention
En cas d’atteinte colorectale dans le cadre d'une MC,
le traitement chirurgical de référence est la colectomie totale avec AIR, qui doit être proposée dans
tous les cas où le rectum est sain ou peu malade
(rectite ou microrectum modérés) et en l’absence de
manifestations anopérinéales sévères (figure 3) [2].
En effet, cette intervention permet d’obtenir des
résultats fonctionnels à moyen et long terme satisfaisants et va permettre de retarder l’éventuel recours
à une iléostomie terminale définitive.
Le consensus de l’ECCO propose de réaliser une colectomie segmentaire, plutôt qu’une AIR, pour les MC
colorectales localisées avec atteinte limitée à moins de
Maladie de Crohn
colorectale
Pancolite
Atteinte segmentaire
Rectum normal
ou peu atteint
Isolée
Microrectum
Pluri-segmentaire
ou Atcd de pancolite
Colectomie segmentaire
AIR
Atcd d’atteinte
périnéale
ou du grêle
Pas d’atteinte
périnéale ou du grêle
AAP
AIA
Atcd : antécédent ; AAP : amputation abdominopérinéale ; AIA : anastomose iléoanale ;
AIR : anastomose iléorectale.
Figure 2. Maladie de Crohn colorectale : algorithme décisionnel.
Figure 3. Anastomose iléorectale : montage chirurgical.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 |
163
DOSSIER THÉMATIQUE
Controverses dans les MICI
La chirurgie dans les MICI
1/3 du côlon (2) afin d’améliorer le résultat fonctionnel.
Enfin, pour les patients porteurs de MC pancolique chez
qui le rectum n’est pas conservable, la réalisation d’une
coloproctectomie totale avec iléostomie définitive est
l’intervention classique. Nous-mêmes, puis d’autres
équipes, avons montré que l’AIA pouvait être envisagée chez des patients sélectionnés sans antécédent
d’atteinte de l’intestin grêle ou de lésion anopérinéale,
en alternative à l’iléostomie définitive (13, 14).
Conclusion
La prise en charge chirurgicale des MICI est
complexe. Elle doit se concevoir en complément
du traitement médical plutôt qu’à sa place. Elle est
indiquée dans les formes résistantes au traitement
médical et les formes compliquées. La laparoscopie
représente aujourd’hui la voie d’abord préférée pour
toute la chirurgie des MICI, du fait de ses bénéfices
démontrés.
En cas de RCH, l’AIA avec réservoir en J est l’intervention de référence, puisqu’elle permet d’atteindre
le double objectif de guérison de la maladie et de
conservation sphinctérienne.
En cas de MC du grêle, il est impératif de traiter
les lésions symptomatiques ou responsables de
complications en pratiquant la résection intestinale
la plus limitée possible. Pour ce faire, des gestes
de stricturoplastie peuvent parfois être proposés
en alternative à la résection de sténoses multiples.
En cas de MC colorectale, l’intervention de référence est l’AIR. Le risque principal à long terme est
la perte de l’appareil sphinctérien, qui obligerait à
réaliser une iléostomie définitive. Ainsi, en cas de
MC colorectale avec rectum non conservable, l’AIA
peut être proposée chez des patients rigoureusement sélectionnés et bien informés, en alternative
■
à l’iléostomie définitive.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Les mauvaises indications
Wrong surgical indications in inflammatory bowel disease patients
Laurent Bresler*, Adeline Germain*
contre
B
* Service de chirurgie digestive et
endocrinienne, pôle digestif, CHU
de Nancy.
ien que la chirurgie soit considérée comme un
échec, voire un événement indésirable grave –
ou, pire, comme un “désastre” –, dans l’analyse
de certaines séries qui s’intéressent aux résultats des
traitements médicaux des maladies inflammatoires
chroniques de l'intestin (MICI), elle reste fréquemment indiquée et utile pour le patient, notamment
parce qu’elle seule peut guérir les patients porteurs
de rectocolite ulcéro-hémorragique. On estime à
l’heure actuelle que 60 à 70 % des patients atteints
de maladie de Crohn (MC) et 20 à 30 % des patients
atteints de rectocolite hémorragique (RCH) seront
opérés (1).
Malgré tout, sa morbidité propre à court et à long
terme nécessite qu’elle soit utilisée à bon escient,
et si un traitement médical moins délétère a les
mêmes chances de succès, il doit bien sûr être
privilégié. Par ailleurs, si la chirurgie est indiquée,
il faut que le geste chirurgical soit adéquat ; sinon,
on peut effectivement aboutir aux catastrophes
que stigmatisent volontiers nos collègues gastroentérologues.
164 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013
Nous nous proposons dans cet article d’envisager
les indications chirurgicales dans le cadre de la RCH
et de la MC en urgence ainsi qu'en phase chronique,
et de détailler les situations où la chirurgie n’est pas
nécessaire (mauvaises indications) ou discutable
(indications discutables), et où les actes chirurgicaux
ne sont pas adaptés, alors qu’il y a potentiellement
une bonne indication opératoire (mauvaise procédure).
Rectocolite ulcérohémorragique
En urgence : colite aiguë grave
La colite aiguë grave a été définie par S.C. Truelove et
al. (15) en 1955 comme l’émission d’au moins 6 selles
sanglantes par jour, associée à une vitesse de sédimentation (VS) > 30, à une température > 37,8 °C,
à un pouls > 90/mn, et à un taux d’hémoglobine
< 10,5 g/dl. Plus récemment, l’European Crohn’s
DOSSIER THÉMATIQUE
and Colitis Organization (ECCO) a défini la colite
aiguë grave comme l’émission d’au moins 6 selles
sanglantes par jour associée à au moins 1 des 4 items
précédents (16).
◆ Indications de la chirurgie
Il ne faut pas oublier que, dans les années 1930, la
mortalité de la colite aiguë grave était de l’ordre
de 70 % et que, grâce à la colectomie pratiquée en
urgence, ce taux était tombé à 20-25 % (17, 18).
Clairement, c’est l’introduction de la corticothérapie qui a permis de réduire encore de façon drastique la mortalité, qui est actuellement de l’ordre
de 1 % (19). Il ne faut donc pas se précipiter sur
le bistouri (mauvaise indication), mais toujours
tenter ce traitement, sauf en cas de complication
chirurgicale majeure présente dès l’admission du
patient : perforation, mégacôlon toxique, hémorragie digestive massive. Le problème est d’apprécier rapidement l’efficacité de la corticothérapie, ce
d’autant qu’une étude anglaise a montré en 2010, à
propos de 80 patients, que le seul facteur prédictif
de complications chirurgicales graves était la durée
prolongée de la corticothérapie avant la colectomie
pour colite aiguë grave (20). L’équipe d’Oxford a
ainsi proposé des critères cliniques prédictifs d’inefficacité des corticoïdes permettant d’identifier les
patients qui devraient bénéficier d’un traitement de
sauvetage dans les 3 à 5 jours après leur admission.
Ainsi, pour cette équipe, une fréquence de plus de
8 selles quotidiennes ou une fréquence des selles
comprise entre 3 et 8 associée à une protéine C
réactive > 45 mg/dl au 3e jour de la mise en route
des corticoïdes doit faire envisager un traitement
de sauvetage (21).
D’autres indices prédictifs d’inefficacité ont été
proposés (22) mais, quel que soit le système utilisé,
les valeurs prédictives positives d’échec ne dépassent
pas les 85 % (21).
L’inefficacité des corticoïdes ne signifie pas de facto
chirurgie (mauvaise indication), mais l’équipe chirurgicale doit être consultée.
À ce stade vont être introduits différents traitements
immunomodulateurs tels que la ciclosporine et, plus
récemment, l’infliximab et le tacrolimus, qui sont
actuellement capables de faire passer le taux de
colectomie en urgence de 30-70 % à 10-20 % (23). Il
faut être très attentif à l’évolution des patients sous
ces traitements de 2e ligne, et peut être éviter en cas
d’échec de l’un d’entre eux de tenter une 3e ligne, qui
risquerait au final de retarder la chirurgie salvatrice.
Une étude utilisant de façon séquentielle infliximab
et tacrolimus a montré une efficacité dans 30 %
des cas mais au prix d’une surmorbidité et d’une
surmortalité (24). Encore une fois, comme le recommande l’ECCO, une collaboration étroite entre le
chirurgien digestif senior et le gastroentérologue
senior est essentielle pour ne pas rater l’heure de
la chirurgie (3).
◆ Les gestes à réaliser
À partir du moment où l’indication opératoire est
posée se discutent la voie d’abord et le geste d’exérèse.
Y a-t-il encore des indications à réaliser une laparotomie ?
Plusieurs études récentes ont confirmé la faisabilité
de la laparoscopie dans la chirurgie de la colite aiguë
grave, avec une diminution de la durée de séjour,
un taux moins élevé de complications et moins de
transfusions sanguines par comparaison avec la
laparotomie (25, 26). Cette approche permet en
outre de procéder aux temps chirurgicaux ultérieurs
par laparoscopie avec tous les avantages pour le
patient. Cette attitude est systématique dans notre
service (indication discutable). Nous pensons que
les seules indications restantes de la laparotomie
sont la perforation, le mégacôlon toxique et, bien
sûr, l’inexpérience éventuelle de l’équipe chirurgicale.
Peut-on envisager une proctectomie et une
reconstruction par anastomose iléoanale dans
ces circonstances ?
Toutes les équipes recommandent dans cette situation de réaliser un geste simple et efficace qui est la
colectomie subtotale avec conservation rectale et
iléostomie terminale. Ce geste est en général bien
toléré par les patients (3). Ce traitement en plusieurs
étapes permet d’intervenir secondairement chez des
patients en bon état général, renutris et sevrés de
corticoïdes avec les meilleures chances de succès
pour la réalisation d’une proctectomie avec anastomose iléoanale. En outre, cette attitude permet
de ne pas réaliser à tort une anastomose iléoanale
dans une colite aiguë grave qui révélerait une MC.
Quel traitement du moignon rectal ?
Clairement, il n’est pas recommandé de couper le
moignon rectal le plus bas possible, ce qui peut
rendre difficile et dangereuse pour les nerfs pelviens
la proctectomie secondaire. Le débat entre l’intervention de Hartmann, avec son risque théorique de
désunion de la suture rectale, et la réalisation d’une
sigmoïdostomie, qui évite ce risque et impose au
patient une 2e stomie, n’est pas tranché. En ce qui
nous concerne, n’ayant pas observé, sur un groupe
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 |
165
DOSSIER THÉMATIQUE
Controverses dans les MICI
La chirurgie dans les MICI
de 25 patients, de désunion de la suture rectale
(données personnelles), nous préconisons l’intervention de Hartmann.
À froid
Les indications de la chirurgie sont aujourd’hui assez
claires : il faut opérer les RCH réfractaires au traitement médical, les RCH compliquées d’une sténose
colique et les RCH compliquées de cancer. En cas de
dysplasie sur muqueuse plane, si elle est sévère, la
coloproctectomie totale est recommandée en raison
du risque élevé de découverte d’un cancer sur la
pièce opératoire, alors qu’en cas de dysplasie de bas
grade la prise en charge chirurgicale est controversée.
En cas de dysplasie survenant sur lésion macroscopique,
les adenoma-like mass (ALM) sont une indication d’exérèse endoscopique comme les polypes sporadiques,
à condition qu’il n’y ait pas de dysplasie par ailleurs,
alors que les dysplasia-associated lesion or mass (DALM)
constituent une indication formelle de coloproctectomie totale en raison du risque de cancer associé (9).
◆ Faut-il pratiquer des proctectomies avec
anastomose iléoanale chez tous les patients ?
Il n’y a aucune place dans cette maladie pour la
réalisation d’une colectomie segmentaire (mauvaise
indication).
Il y a peu de place pour la réalisation d’une colectomie avec anastomose iléorectale, et celle-ci se
discute chez des patients qui n’ont aucune atteinte
rectale endoscopique, aucune dysplasie et a fortiori
aucun cancer sur le rectum et le côlon. Selon les
recommandations de l’ECCO (3), elle doit être
particulièrement discutée pour la femme jeune en
âge de procréer compte tenu de son absence de
retentissement sur la fertilité, et éventuellement
pour les sujets âgés (indication discutable).
La réalisation d’une coloproctectomie avec anastomose iléoanale chez les personnes âgées doit être
mûrement réfléchie. La décision ne doit pas être
prise uniquement en fonction de l’âge mais doit tenir
compte de l’état général, de l’état mental, de l’état
sphinctérien et de la motivation du patient. Dans
certaines séries, l’âge a été reconnu comme facteur
de mauvais résultats et de conversion en iléostomie
terminale (indication discutable) [27].
◆ Doit-on faire la dissection du rectum
dans le plan du fascia recti ?
La proctectomie ne doit pas être réalisée dans le
plan du fascia recti sauf s’il y a un cancer rectal ou
166 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013
une dysplasie sévère en raison du risque nerveux. La
dissection doit se faire au ras du tube rectal (procédure inappropriée).
◆ Doit-on encore faire des mucosectomies
avec anastomose iléoanale manuelle ?
La mucosectomie avec anastomose iléoanale
manuelle, qui était la règle dans les années 1980,
ne vit que des échecs de l’anastomose mécanique
par agrafage transanal. Cette technique d’agrafage
semble donner de meilleurs résultats fonctionnels
mais il faut prendre garde à ne pas laisser plus
de 2 cm de muqueuse anorectale entre la ligne
pectinée et l’anastomose mécanique (procédure
inadaptée) [3].
◆ Peut-on se passer d’une iléostomie
de protection ?
La fistule anastomotique constitue la principale
complication de l’anastomose iléoanale et elle est
susceptible de compromettre le pronostic fonctionnel. Un certain nombre d’études ont montré
que la réalisation systématique d’une iléostomie
pouvait diminuer le taux de fistules anastomotiques
(28). Dans ces conditions, l’ECCO recommande la
réalisation systématique de cette iléostomie mais
signale que celle-ci peut être omise en cas de difficultés de réalisation et à condition que l’anastomose
iléoanale ne pose pas de problème particulier (indication discutable) [3].
◆ Y a-t-il encore une place pour un abord
par laparotomie ?
Clairement, pour les équipes qui ont l’expérience
de la laparoscopie dans cette indication, cet abord
offre au patient un meilleur confort postopératoire,
un taux moindre de complications postopératoires
et les mêmes résultats fonctionnels que la laparotomie (29). L’approche laparoscopique serait susceptible d’améliorer la fertilité et de diminuer le taux
d’adhérences postopératoires (30). Cet abord est
la règle dans notre service. Il s’agit d’une technique
assez complexe et l’ECCO recommande qu’elle soit
réalisée dans des centres à haut volume, sans fixer
de quota (indication discutable) [3].
◆ Le traitement médical préopératoire a-t-il
une incidence sur le risque de complications
postopératoires ?
Il est démontré (3) que l’administration de plus de
20 mg de prednisolone par jour pendant plus de
6 semaines augmente significativement le risque de
complications postopératoires. Il ne faut pas opérer
DOSSIER THÉMATIQUE
dans ces circonstances (mauvaise indication) mais
diminuer progressivement les doses jusqu’à la dose
optimale de 5 à 7,5 mg de prednisolone par jour. De
la même façon, l’administration d’infliximab et de
ciclosporine avant chirurgie doit être considérée
avec une grande attention (mauvaise indication).
La maladie de Crohn
En urgence
◆ La colite aiguë grave
Plus rare que dans le cadre de la RCH, sa prise en
charge répond aux mêmes impératifs que celle de
la RCH.
◆ Occlusion intestinale aiguë et péritonite
par perforation
Y a-t-il une place pour la laparoscopie ?
Parfois révélatrice de la maladie et survenant souvent
chez des patients à l’état général altéré, et dont le
bilan lésionnel est fréquemment incomplet, il nous
paraît judicieux, en dehors de certains cas très particuliers, de procéder à une laparotomie, qui permettra
un bilan complet et un traitement adapté (procédure
inadaptée).
Y a-t-il une place pour le rétablissement immédiat
de la continuité digestive ?
Pour les mêmes raisons que ci-dessus, il nous paraît
judicieux, en dehors de certains cas particuliers, de
remettre à un second temps opératoire le rétablissement de la continuité et de confectionner des
stomies (procédure inadaptée).
À froid
◆ Atteintes du grêle
Formes sténosantes
Dans la majorité des cas, la sténose concerne la
dernière anse iléale et elle est souvent isolée.
La question qui se pose aujourd’hui, à l’ère des techniques mini-invasives, est de savoir s'il faut opérer
toutes les sténoses iléales.
Pour les patients qui ont une sténose isolée de la
région iléocæcale de moins de 40 cm de nature
inflammatoire sans occlusion vraie, il est démontré
que la plupart verront disparaître leurs symptômes
sous corticoïdes (mauvaise indication). Plus de 50 %
des patients ne seront jamais opérés (2). La difficulté
réside dans l’appréciation du caractère inflammatoire
de la sténose (paramètres biologiques, IRM de diffu-
sion). En cas de sténose fibreuse et de symptômes
ne répondant pas au traitement médical, la chirurgie
est bien sûr indiquée.
La laparotomie est-elle la voie d’abord en cas de
première intervention ?
Deux méta-analyses récentes et une étude du
registre américain de la MC ont montré que la mortalité, la morbidité et la durée de séjour étaient diminuées par la laparoscopie (2). Une étude randomisée
(31) avec un recul moyen de 10 ans n’a pas montré
de différence en ce qui concerne le taux de récidive
(mauvaise indication).
La laparotomie est-elle la voie d’abord en cas de
récidive et/ou de cas complexes avec notamment
fistules internes ?
Plusieurs études ont montré la faisabilité de cette
approche dans les cas complexes (10) mais avec un
taux de conversion supérieur à celui relevé chez les
patients présentant un taux de complexité moins
important ou chez les patients n'ayant pas présenté
de récidive. L’approche laparoscopique doit être
réservée aux centres experts (indication discutable).
Après résection, faut-il faire une anastomose terminoterminale ?
Une méta-analyse récente (32) a montré qu’une
anastomose latérolatérale induisait moins de fistules
postopératoires et moins de complications postopératoires qu’une anastomose terminoterminale. Le
taux de récidive était identique, contrairement à ce
que l’on croyait il y a quelques années, et le mode
d’anastomose, mécanique ou manuel, n’avait aucune
incidence (procédure inadaptée).
Y a-t-il indication à réaliser une stricturoplastie pour
des sténoses de plus de 10 cm de long ?
La stricturoplastie est une alternative à la résection
surtout lorsque celle-ci peut aboutir à un grêle court,
notamment en cas de récidives itératives. Cette technique donne des résultats comparables à ceux de la
résection sur le court et le long terme. Malgré tout,
son utilisation doit être limitée à des sténoses de
moins de 10 cm de long (indication discutable), à
moins d’utiliser des artifices techniques complexes [2].
Formes perforantes
Faut-il opérer les abcès abdominaux compliquant
une MC ?
L’ECCO recommande le drainage percutané sous
contrôle d’imagerie associé à un traitement médical de
première intention (mauvaise indication). La chirurgie
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 |
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DOSSIER THÉMATIQUE
Controverses dans les MICI
La chirurgie dans les MICI
ne s’impose qu’en cas d’impossibilité technique. La
question non résolue aujourd’hui est de savoir s’il faut
systématiquement proposer une résection à distance
du drainage (indication discutable) [2].
Faut-il opérer toutes les fistules internes ?
L’ECCO recommande de n’opérer que les fistules
symptomatiques : diarrhée par phénomène de bypass,
fistules entérovésicales, fistules entérocutanées (2).
◆ Atteintes colorectales
Les indications opératoires sont assez claires
aujourd’hui : doivent être opérés les patients
atteints de MC réfractaire au traitement médical,
ou de formes sténosantes symptomatiques. Classiquement, le geste chirurgical de référence était la
colectomie subtotale avec anastomose iléorectale
en cas de rectum sain ou peu pathologique et en
l’absence d’atteintes anopérinéales. L’étendue de ce
geste était justifiée par le taux important de récidive
colique en cas de résection segmentaire.
Y a-t-il une place pour la résection segmentaire
à l’ère des biothérapies ?
Un certain nombre d’études (2) semblent montrer
que, dans certains cas bien sélectionnés, une résection segmentaire peut être envisagée, avec cependant un risque non négligeable de récidive (indication
discutable).
Y a-t-il une place pour la réalisation d’une
anastomose iléoanale après coloproctectomie
totale pour MC ?
Quelques équipes ont réalisé des anastomoses iléo-
anales après coloproctectomie pour MC (13). Une
méta-analyse récente (33) a montré qu’il y avait plus
de sténoses anastomotiques et plus d’incontinence
en cas de MC que de RCH. De plus, dans le groupe
MC, le taux d’iléostomie définitive était 6 fois supérieur à celui observé dans le groupe RCH. Au final,
l’indication pourrait être retenue exceptionnellement
chez des patients n’ayant aucune atteinte du grêle
ni périnéale et acceptant le risque de complications
et d’échec à moyen et à long terme (indication très
discutable).
Conclusion
On peut dire, à l’ère des biothérapies, que la prise
en charge chirurgicale des MICI s’est complexifiée.
Le chirurgien doit connaître parfaitement la prise en
charge médicale de ces affections pour pouvoir dialoguer avec l’équipe médicale qui prend en charge le
patient. Les dossiers complexes doivent être discutés
en réunion de concertation multidisciplinaire en
présence du chirurgien qui va opérer le patient.
La création du Groupe d'étude thérapeutique des
affections inflammatoires du tube digestif (GETAID)
chirurgical doit permettre d’aider les chirurgiens à
participer à des essais incluant la chirurgie, qui doit
être considérée au même titre que les traitements
médicaux, et non comme une complication de ceuxci. Ce n’est que comme cela que l’on verra disparaître
les mauvaises indications, les indications discutables
et les procédures inadaptées.
■
Laurent Bresler déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
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Juillet-Août-Septembre 2013
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DOSSIER THÉMATIQUE
La chirurgie dans les MICI
Vered Abitbol*
* Service de gastroentérologie, hôpital Cochin, Paris.
synthèse
Malgré les progrès récents des traitements médicaux, la chirurgie reste nécessaire chez plus de 60 à
70 % des patients atteints de maladie de Crohn (MC) et chez 20 à
30 % des malades atteints de rectocolite hémorragique (RCH). Elle
est indiquée dans les formes résistantes au traitement médical et
les formes compliquées. Yves Panis nous présente les indications
et techniques qui ont fait l’objet d’un consensus européen récent
et de recommandations pour la pratique clinique par l’European
Crohn’s and Colitis Organisation (ECCO). Dans la RCH, la chirurgie
est indiquée en cas de maladie réfractaire au traitement médical,
en cas de dysplasie ou de cancer, et en cas de colite aiguë grave
compliquée. En cas de RCH, la colectomie avec anastomose iléoanale et réservoir en J est l’intervention de référence. En cas de MC
du grêle, l’impératif est de traiter les lésions symptomatiques ou
responsables de complications en faisant la résection intestinale la
plus limitée possible. L’atteinte iléale terminale est la localisation
la plus fréquente de la MC. Dans cette situation, la résection iléocolique est indiquée principalement dans les formes sténosantes
symptomatiques et dans les formes perforantes. Des gestes de
stricturoplastie peuvent parfois être proposés en alternative à la
résection de sténoses multiples. Le traitement chirurgical de la MC
colique est la colectomie subtotale avec anastomose iléorectale.
En cas d’atteinte rectale, l’intervention de référence est l’iléostomie
définitive, mais, selon Yves Panis, une anastomose iléoanale peut
être proposée chez certains patients très sélectionnés. Dans toutes
ces indications, la laparoscopie doit être considérée comme la voie
d’abord de référence. Le chirurgien est confronté à des situations
différentes selon qu’il va opérer en urgence ou de manière élective. Comme le précise Laurent Bresler dans son article, certaines
indications ou techniques chirurgicales sont discutables ou sont
de mauvaises indications dans les MICI. Dans la RCH compliquée
de colite grave, la chirurgie ne doit pas être trop précoce, mais
la surveillance doit rester stricte afin de ne pas méconnaître une
complication nécessitant une intervention urgente. Même dans la
colite grave, la laparoscopie est faisable, avec une diminution des
complications par rapport à la laparotomie ; pour Laurent Bresler,
les seules indications qui demeurent pour la laparotomie sont la
perforation, le mégacôlon toxique et l’inexpérience éventuelle de
l’équipe chirurgicale. Dans la chirurgie “à froid” de la RCH, il n’y a
aucune place pour la réalisation d’une colectomie segmentaire. Il
y a peu de place pour la réalisation d’une colectomie avec anastomose iléorectale, et celle-ci se discute chez des patients sans
atteinte rectale ni dysplasie ou cancer sur le rectum et le côlon ;
elle doit être discutée chez la femme jeune en âge de procréer
compte tenu de son absence de retentissement sur la fertilité, et
éventuellement chez des sujets âgés. Une corticothérapie préopératoire de plus de 20 mg de prednisone par jour peut augmenter
le risque de complications opératoires ; l’intervention devra être
programmée après diminution des doses. Une occlusion intestinale
aiguë ou une péritonite par perforation peuvent révéler une MC.
Dans ce cas, il est préférable de procéder à une laparotomie, qui
permettra un bilan complet et un traitement adapté, de remettre
à un second temps opératoire le rétablissement de la continuité
et de confectionner des stomies. Concernant les sténoses iléales,
il ne faut pas opérer les sténoses inflammatoires susceptibles de
répondre au traitement médical. En cas de résection intestinale,
l’anastomose doit être latérolatérale, et les stricturoplasties réservées aux sténoses de moins de 10 cm. En cas d’abcès, le drainage
percutané est préférable, sous contrôle d’imagerie, associé à un
traitement médical. La chirurgie ne s’impose qu’en cas d’impossibilité technique. La question non résolue aujourd’hui est de savoir
s’il faut systématiquement proposer une résection à distance du
drainage. Enfin, Laurent Bresler nous rappelle que, dans la MC
colorectale, l’indication d’une anastomose iléoanale après coloproctectomie totale reste très discutable.
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statement on the diagnosis and management of colorectal
des références bibliographiques
neoplasia in inflammatory bowel
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Gastroenterology
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 | 169
sur www.edimark.fr
2010;138(2):738-45.
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