FORUM DES FACULTES. 15 Octobre 2009. Le Rôle du Généraliste dans la prise en charge MICI. (Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin). Docteur Jacques MOREAU. Service de Gastroentérologie et de Nutrition. CHU Rangueil. Le nombre de patients porteurs de MICI (RCH ou Maladie de Crohn) est aujourd'hui estimé à 4 000 en Midi-Pyrénées. L'existence d'une prédisposition génétique est maintenant admise pour la maladie de Crohn alors que les choses sont moins claires pour la RCH. Certaines colites inflammatoires (environ 20 %) demeurent, au moins transitoirement, "inclassées" lorsqu'elles ne répondent pas aux critères plus spécifiques de l'une ou l'autre de ces deux maladies. La prise en charge par le médecin généraliste peut être déterminante à l'étape diagnostic tout d'abord puisque la présentation clinique de ces affections est très variable. Il ne faudra pas étiqueter trop rapidement une jeune patiente de colopathe devant des douleurs abdominales apparemment fonctionnelles. Il faudra se méfier d'une gastro-entérite qui n'évolue pas favorablement sous traitement symptomatique ou qui récidive trop souvent. Il faudra penser à la maladie de Crohn devant toute manifestation périnéale (fissure, fistule, abcès…) dont l’évolution n’est pas rapidement favorable. Parfois les symptômes extra intestinaux sont au premier plan, en particulier les douleurs articulaires (éventuellement dans le cadre d'une spondylarthropathie). Du point de vue biologique, en dehors des critères inflammatoires simples comme la CRP, la recherche d'auto-anticorps de type pANCA pour la RCH et ASCA pour la maladie de Crohn peut orienter le diagnostic. Celui-ci repose essentiellement sur les critères endoscopiques et histologiques. Parmi les examens morphologiques, on doit insister aujourd'hui sur la valeur de l'échographie lorsqu'elle est réalisée avec une sonde à haute fréquence qui permet d'apprécier l'épaisseur de la paroi intestinale notamment au niveau de 1 l'iléon. Elle facilite généralement le diagnostic différentiel avec une pathologie appendiculaire ou annexielle. Elle peut être répétée sans danger. L’entéro-scanner (dont l’indication ne doit pas être renouvelée trop souvent du fait du risque d’irradiation), l’IRM abdomino-pelvienne et parfois l’examen de la grêle par vidéo capsule viennent compléter le bilan morphologique. La présentation clinique de ces maladies peut être parfois très sévère telle qu’une colite fulminante et justifier alors une hospitalisation urgente en milieu spécialisé. La maladie de Crohn exprime sa morbidité par des complications suppuratives, fistulisantes surtout à l'étage périnéal, mais aussi par ses formes sténosantes occlusives. Le médecin généraliste est impliqué dans le suivi du traitement au long cours de ces maladies qui entravent la qualité de vie et justifient souvent un soutien psychologique. Une réévaluation régulière du statut nutritionnel est nécessaire et peut conduire à une nutrition artificielle entérale ou parentérale. Récemment ont été développé des compléments nutritionnels plus adaptés à ce type de pathologie. En dehors des 5 amino-salicylates (Pentasa®, Rowasa®, Fivasa®) qui restent le traitement de première ligne, l'éventail thérapeutique s'est largement enrichi de l'utilisation de corticoïdes à faible effet systémique (Budésonide : Entocort®, Rafton®) de l'utilisation d'immuno-suppresseurs (Imurel®, Méthotrexate®) et plus récemment de deux Anti TNF alpha l’Infliximab (Rémicade®) administré en perfusion toutes les 8 semaines et l’Adalumimab (Humira®) administré par voie sous-cutanée tous les 15 jours. Ces médicaments, prescrits généralement par un spécialiste ou dans le contexte hospitalier, doivent faire l'objet d'un suivi régulier pour en apprécier l'efficacité, l'observance et surtout la tolérance. Là encore la place du médecin généraliste peut être déterminante. Bien entendu, il convient de respecter les contre-indications des Anti TNF (cardiaques, neurologiques…), mais la principale préoccupation est la lutte contre le risque infectieux inhérent à ce type de thérapeutique. Des consignes 2 précises ont été éditées pour la prévention de la tuberculose. Il faudra également se méfier de la Varicelle, du risque de réactivation d’une hépatite B, d’une infection à CMV ou encore d’une infection HPV chez la jeune femme. La mise à jour des vaccinations sera recommandée avant le début du traitement. Le risque de lymphome sur ce terrain est légèrement supérieur à celui de la population générale, alors que le risque de cancer en général ne semble pas significativement augmenté par les Anti TNF. À l’inverse, il existe une augmentation statistiquement prouvée de l’incidence du cancer colique chez les patients porteurs de RCH ou de Maladie de Crohn audelà de 8 ans d’évolution. Il est donc recommandé de réaliser des coloscopies systématiques de façon régulière particulièrement lorsque la pathologie initiale touchait une large partie du colon (pancolite). Les 5 ASA et l’azathioprine (Imurel*) auraient plutôt un rôle protecteur. En résumé : La fréquence des maladies chroniques inflammatoires de l'intestin ne doit pas être sous-estimée. Le diagnostic de maladie de Crohn ou de Rectocolite hémorragique mérite d'être retenu sur des critères stricts. Certaines formes de ces maladies présentent une morbidité incontestable et intéressent une population d'adultes jeunes dont la prise en charge thérapeutique s'est nettement améliorée au cours des dernières années par l'utilisation de nouvelles molécules et un recours plus limité à la chirurgie. Les décisions thérapeutiques difficiles bénéficient depuis une dizaine d’années au CHU de Toulouse, de l'organisation d'un Comité Thérapeutique (Comité MICIMIDI) qui permet de poser l’indication d’un traitement Anti-TNF alpha dans des conditions rigoureuses. En outre, un programme d’éducation thérapeutique spécifiquement destiné au suivi de ces patients porteurs de MICI a été récemment mis en place au CHU. Le médecin généraliste peut jouer un rôle déterminant pour orienter le diagnostic et faciliter l’observance et la tolérance des traitements au long cours des MICI. 3