AC T U A L I T É T H É R A P E U T I Q U E
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VII - mai-juin 2004
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les répondeurs précoces à une perfusion unique d’infl i x i m ab
5 mg/kg que chez les non-répondeurs (re s p e c t ive ment 335 et
238 patients sur un total de 573 malades inclus).
Ceci ne correspond pas vraiment à la pratique pour trois raisons :
les malades du premier bras ne pouvaient pas être traités avant la
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s e m a i n e, chez ces mêmes malades on ne pouvait pas aug-
menter la dose au-delà de 5 mg/kg et, surtout, tous les malades
n’étaient pas sous immunosuppresseurs.
L’ a n a l yse de l’essai est rendue complexe par les possibilités d’aug-
menter la dose d’infliximab de 5 mg/kg dans tous les groupes à
partir de la 14
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semaine et par la possibilité pour les patients en
perte de réponse d’être éligibles pour un traitement à la demande.
À la 54
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semaine, le pourcentage de malades en réponse clinique
était voisin de 60 %, identique dans le bras traitement régulier par
5mg/kg toutes les 8 semaines (posologie de l’AMM) et le bras
traitement épisodique.
Dans un petit sous-groupe étudié en Belgique par coloscopie sys-
t é m a tique à la 54
e
s e m a i n e, la cicat ri s a tion endoscopique était
significativement plus fréquente dans le groupe traitement régu-
lier (16 sur 36) que dans le groupe traitement épisodique (4 sur
22). En ce qui concerne les effets indésirables, il y avait moins de
développement d’anticorps anti-infliximab dans le groupe traite-
ment régulier, mais plus de réactions à la perfusion (23 % ave c
5mg/kg versus 9 % avec le traitement épisodique). Le traitement
régulier ap p o rtait un gain en nombre d’hospitalisations nécessaire s
et d’interventions chirurgicales, mais l’exposition à l’infliximab
était évidemment supéri e u re, avec 8 perfusions dans le groupe tra i-
tement systématique versus 2,2 en cas de traitement épisodique.
La strat é g ie thérapeutique au long cours doit donc être discutée
pour chaque patient, en mettant en balance les avantages du traite-
ment systématique – c’est-à-dire la réduction des hospitalisations
et des interventions chirurgicales, la qualité de vie supérieure, la
cicatrisation endoscopique plus fréquente et la moindre formation
d’anticorps anti-infliximab – et ses inconvénients – à savoir le coût
des perfusions, l’exposition cumulée à l’infliximab supérieure et
un risque cumulé actuellement mal connu.
La deuxième présentat i o n , faite par M. Lemann ( P a r i s ) , é t a i t
intitulée “L’infliximab doit-il être utilisé en fonction de l’évolu-
tion de la maladie ou peut-il modifier son cours ?”
Trois questions ont été formulées.
FAUT-IL ASSOCIER INFLIXIMAB
ET IMMUNOSUPPRESSEUR ?
Les arguments en faveur de cette association sont la réduction de
l ’ i m mu n i s ati on contre l’infl i x i m ab– i m mu n i s ation générat ri c e
d’une perte d’efficacité et de réaction lors des perfusions – et un
e ffet synergique dans les fo rmes luminales de la maladie de
Crohn. Un essai GETAID a évalué l’infliximab chez les malades
corticodépendants traités par azathioprine ou 6-mercaptopurine.
La corticodépendance était définie par une dose supéri e u re à
10 mg par jour depuis plus de 6 mois.
La strate 1 comportait les malades en échec de traitement immu-
nosuppresseur, et ce traitement était poursuivi.
La strat e 2 comportait les malades naïfs pour l’azat h i o p ri n e,p o u r
lesquels ce traitement était instauré.
Les patients re c evaient 3 perfusions d’infl i x i m ab (5 mg/kg) à S0,
S2 et S6 ou un placebo. L’objectif principal était la rémission
(CDAI < 150) sans corticoïdes à la 24
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semaine. Ce qui repré-
sentait un double critère particulièrement exigeant. Cette rémis-
sion était obtenue dans 57 % des cas avec l’infl i x i m ab ve r s u s
29 % avec le placebo, et cette différence existait aussi bien pour
les patients naïfs pour l’azat h i o p rine (63 % ve rsus 32 %) que pour
les patients en échec de l’azathioprine (50 % versus 26 %).
En ce qui concerne le méthotrexate,on dispose des résultats obtenus
dans la polya rt h r ite rhumat o ï d e,qui montrent que l’association infl i x i-
mab-méthotrexate est supérieure à l’infliximab employé seul et très
s u p é ri e u re à la monothérapie par méthotrex at e. Une étude ouve rt e
effectuée chez 50 malades intolérants à l’azathioprine dans la mala-
die de Crohn a montré que l’association méthotrex ate (25 mg puis
15 mg par semaine) et infliximab entraînait une réponse chez 96 %
des patients. Ces données vont dans le sens des études in vitro qui
montrent qu’il existe un effet proapoptotique du méthotrexate sur les
lymphocytes, avec un effet additif du méthotrexate et de l’infliximab.
QUEL EST L’EFFET DE L’INFLIXIMAB SUR LES LÉSIONS
INTESTINALES ?
Dans l’essai ACCENT 1, chez les répondeurs à la 2
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semaine après
perfusion initiale d’infliximab 5 mg/kg, une cicatrisation endosco-
pique était obtenue à la 54
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semaine dans 46 % des cas chez les
p a tients re c e vant la même dose toutes les 8 s e m a i n e s , c o n t r e 7 %
dans le groupe placebo. En revanche, si l’on prend en compte tous
les patients (répondeurs initiaux ou non-répondeurs ) , les taux de cica-
t r i s a tion sont de 42 % avec l’infl i x i m ab 5 mg/kg toutes les 8 s e m a i n e s
et de 18 % dans le groupe traitement épisodique. Il s’agit de petits
groupes correspondant aux patients inclus en Belgique. Dans l’essai
ACCENT 1, il y a moins d’hospitalisations ou d’interventions chi-
rurgicales dans le groupe traitement régulier que dans le groupe trai-
tement épisodique,et une corrélation existe entre cicatrisation endo-
scopique et risque d’hospitalisation ou d’intervention. Au c u n e
hospitalisation ou nécessité d’intervention n’a été enregistrée dans
le petit sous-groupe de 9 patients cicatrisés aux semaines 10 et 54.
QUELLES INDICATIONS FUTURES POUR L’INFLIXIMAB
DANS LA MALADIE DE CROHN ?
A c t u e l l e m e n t , dans les fo r mes luminales, après le diag n o s t i c,l e s
poussées de maladie de Crohn sont traitées par corticothérapie et,
en cas d’éch e c,par immu n o s u p p resseur et infl i x i m ab. En cas de suc-
cès des cort i c o ï d e s , le traitement immu n o s u p p resseur est indiqué
s e u l , l ’ i n f l i x i m ab étant associé en cas d’échec ainsi qu’en cas d’éch e c
d’un traitement immu n o s u p p r esseur isolé proposé après mise en
rémission par l’association infliximab-immunosuppresseur.
À l’avenir, il est probable que les indications seront modifiées. La cor-
ticothérapie initiale sera peut-être remplacée par l’infliximab, et il reste
à déterminer la place du traitement régulier par infl i x i m ab en mono-
thérapie, qui pourrait concurrencer la mise sous immunosuppresseur en
cas de corticodépendance ou après mise en rémission par l’association
infliximab-immunosuppresseur chez les patients corticorésistants.
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