Cancérologie digestive DOSSIER THÉMATIQUE Gastrointestinal malignancies Cancers du pancréas

34 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010
DOSSIER THÉMATIQUE
Rétrospective 2009
Cancérologie digestive
Gastrointestinal malignancies
P. Afchain1, A. Lièvre2, C. Tournigand 1
1 Service d’oncologie médicale,
hôpital Saint-Antoine, Paris.
2
Service d’hépato-gastroentérologie,
hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-
Billancourt.
Cancers du pancréas
Chimiothérapie adjuvante du cancer
du pancréas : 5-FU ou gemcitabine ?
Depuis l’essai CONKO-001, la gemcitabine est
le standard du traitement adjuvant du cancer du
pancréas, malgré la publication antérieure de l’essai
ESPAC-1, montrant un bénéfi ce de survie globale
(SG) avec l’association 5-fl uoro-uracile (5-FU) +
acide folinique (AF) en bolus mensuel (schéma Mayo
Clinic). L’intérêt de la gemcitabine en adjuvant est
renouvelé avec la publication d’une plus petite étude
de phase III de l’équipe japonaise de H. Ueno (1).
Cette étude était aussi randomisée pour 118 patients,
dont 58 avaient une administration de gemcitabine
1 000 mg/m
2
en 30 minutes 3 sem./4 après leur
chirurgie, en résection R0 quel que soit leur statut
N+ ou N0, par comparaison avec 60 patients traités
uniquement par chirurgie. La médiane de survie sans
maladie (SSM) était signifi cativement en faveur de
la chimiothérapie adjuvante 11,4 mois versus 5 (HR :
0,6 ; p = 0,01), tandis que l’impact en termes de SG
restait non signifi catif (22,3 mois versus 18,4 ; HR :
0,77 ; p = 0,19).
À l’ASCO, les résultats de la comparaison de l’utili-
sation de la gemcitabine avec celle du 5-FU ont été
rapportés. Il s’agissait des résultats d’ESPAC-3, étude
de phase III internationale (16 pays) qui a inclus,
sur la période 2000-2007, 1 088 patients (après
résection R0/R1 d’un adénocarcinome du pancréas)
randomisés en adjuvant (6 mois) entre 5-FU/AF
(20 mg/ m2 d’AF suivis par 5-FU 425 mg/ m2 de J1
à J5 tous les 28 jours) et gemcitabine (1 000 mg/
m
2
à J1, J8 et J15 toutes les 4 semaines) [2]. Les
résultats sur le critère principal (SG à 48 mois) ne
montraient pas de différence signifi cative entre les
2 bras : 23 mois (5-FU/AF) versus 23,6 mois (gemci-
tabine) [RR = 0,94 ; p = 0,39]. La médiane de survie
sans récidive (SSR) était également comparable dans
les 2 bras : 14,1 mois (5-FU/AF) versus 14,3 mois
(gemcitabine) [RR = 0,95 ; p = 0,44]. Une analyse
complémentaire a été réalisée entre les sous-groupes
stratifi és en fonction de la qualité de la résection
(R0 ou R1) et montre une survie à 24,7 mois pour
les R0 versus 19,9 mois pour les R1 (p < 0,001). En
revanche, le statut de résection n’avait pas d’in-
uence sur les résultats obtenus dans chaque bras
de traitement (p = 0,39). Le profi l de tolérance pour
les événements indésirables (EI) de grade 3-4 était
signifi cativement en faveur du bras gemcitabine (en
particulier pour la survenue de stomatites, 0 versus
10 %, et de diarrhées de grade 3/4, 2 % versus 13 % ;
p < 0,001), excepté pour la thrombopénie (1,5 %
versus 0 % ; p = 0,0034). Quant aux EI considérés
comme sévères, le pourcentage était de 7,5 % dans
le bras gemcitabine versus 14 % dans le bras 5-FU/
AF (p < 0,001). La dose-intensité médiane était de
89 % dans le bras gemcitabine versus 79 % dans le
bras 5-FU/AF. On attend désormais les résultats
de l’étude ESPAC-4, qui compare gemcitabine et
gemcitabine + capécitabine.
Un autre point non résolu reste la place de la radio-
thérapie, aussi bien en situation adjuvante qu’en
situation néoadjuvante. Mais, pour le moment, nous
ne disposons pas d’études randomisées permettant
de conclure à l’intérêt d’une telle prise en charge.
Une étude de cohorte de 747 patients, dont 374 ont
bénéfi cié d’une chirurgie seule et 299 d’une chirurgie
complétée par une radiochimiothérapie (RT-CT)
pour des tumeurs au maximum pT3 N+, voire R1,
rapportait un bénéfi ce chez les N+ uniquement,
avec une médiane de SG passant de 14,5 mois à
20 mois. En revanche, chez les patients N–, ce même
traitement trop lourd semble délétère (3), la survie
médiane étant réduite de 18,6 mois à 14,5 mois !
À l’ASCO 2009, les résultats défi nitifs de l’étude
de phase II intergroupe EORTC/FFCD/GERCOR
comparant en situation adjuvante gemcitabine
(1 000 mg/ m2 en 30 mn toutes les 3 sem. pendant
La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 | 35
Résumé
Dans le domaine de l’oncologie digestive, l’année 2009 a vu se produire des avancées thérapeutiques
très variées :
Pour les tumeurs colorectales, les résultats des essais de phase III des inhibiteurs de l’EGFR sont mainte-
nant disponibles, en première ligne, que ce soit pour le cétuximab ou pour le panitumumab. Les recherches
dans le domaine des facteurs prédictifs de réponse se poursuivent, axés surtout autour de K-ras et B-raf.
Il faut également mentionner la nouveauté dans le traitement des patients ayant un cancer de l’estomac
métastatique : l’adjonction du trastuzumab à une chimiothérapie standard permet d’augmenter significa-
tivement la survie sans progression et la survie globale.
Dans le domaine du traitement adjuvant des GIST, l’imatinib permet d’allonger la survie sans récidive.
L’article reprend avec de plus amples détails les principales études qui ont retenu notre attention lors
de cette année 2009.
Mots-clés
Cancer colorectal
Cancer de l’estomac
Cancer des voies
biliaires
Cancer du pancréas
Tumeurs stromales
gastro-intestinales
Highlights
In gastrointestinal oncology,
important advances emerged
in 2009.
For colorectal cancer, results
of fi rst-line phase III trials of
EGFR inhibitors are now avai-
lable, either with cetuximab
or panitumumab. Research on
biomarkers are still on the way,
focused especially around K-ras
and B-raf.
In the treatment of patients
with metastatic gastric cancer,
the addition of trastuzumab to
standard chemotherapy can
signifi cantly increase progres-
sion-free survival and overall
survival.
In the fi eld of adjuvant treat-
ment of GIST, imatinib can
prolong recurrence-free survival.
The article summarizes the
major studies that have caught
our attention during this year
2009.
Keywords
Colorectal cancer
Gastric cancer
Biliary duct cancer
Pancreatic cancer
Gastrointestinal stromal
tumor
12 sem.) à une RT-CT avec de la gemcitabine à la dose
de 300 mg/ m
2
/ sem. ont été rapportés par J.L. Van
Laethem et al. (tableau I) [4]. L’objectif principal
de cette étude étant sa faisabilité, il a été atteint ;
86,7 % des patients se sont vu administrer la totalité
du traitement prévu dans le bras chimiothérapie et
73,3 %, celui prévu dans le bras RT-CT. La toxicité de
grade IV était de 0 et 4,4 % respectivement.
Ces résultats n’apportent cependant pas d’éléments
en faveur de la supériorité de la RT-CT, avec notam-
ment un taux de récidive locale comparable dans
les 2 bras.
En situation d’irrésécabilité
pour les lésions métastatiques
et/ou localement avancées
Lessai CONKO-004 consacre l’énoxaparine comme
un nouveau standard de soins de support. Cette
étude allemande, de phase III et multicentrique,
a randomisé 312 patients avec cancer du pancréas
avancé (naïfs de chimiothérapie et n’ayant jamais
présenté d’événements thrombo-emboliques
veineux [ETV]) pour recevoir, en association avec
une chimiothérapie à visée palliative (gemcitabine,
5-FU, AF et cisplatine [GFFC] ou gemcitabine), soit
de l’énoxaparine 1 mg/kg/j (n = 160), soit un placebo
(n = 152) pendant 3 mois, puis une dose de 40 mg/j
dans le bras énoxaparine (5). Les résultats présentés
montrent à 3 mois une réduction très signifi cative du
risque d’ETV dans le bras énoxaparine (1,3 % versus
9,9 % ; p < 0,01), avec une réduction signifi cative en
cas d’administration de GFFC. Concernant la tolé-
rance, l’incidence des saignements majeurs n’a pas
été signifi cativement différente entre les 2 bras :
6,3 % dans le bras énoxaparine versus 9,9 % dans
le bras contrôle (p = 0,6). Les résultats préliminaires
après un suivi médian de 30,4 semaines ne montrent,
en revanche, pas de différence entre les 2 bras en
termes de SG (31 versus 29 semaines).
Dans cette situation d’irrésécabilité, les études de
phase III publiées en 2009 sont celles de E. Poplin
et al. (6) et de D. Cunningham et al. (7). L’étude de
E. Poplin et al. randomisait 832 patients avec adéno-
carcinome pancréatique soit localement avancé
soit métastatique avec gemcitabine et oxaliplatine
(GEMOX), gemcitabine 30 minutes et gemcitabine
à débit constant (GEM FDR) [tableau II].
La deuxième étude, de D. Cunningham et al. et
publiée dans le Journal of Clinical Oncology, apporte
enfi n les conclusions défi nitives sur l’association
gemcitabine et capécitabine (7). Cette étude ouverte,
randomisée, avait pour objectif principal la SG, mais,
manquant de puissance, une méta-analyse a été
associée (2 études complémentaires évaluant au
total 935 patients), ce qui a permis de “démontrer” le
bénéfi ce de l’association par rapport à la gemcitabine
seule… et aux auteurs de conclure sur un nouveau
standard possible en première ligne. Mais les résul-
tats sur les 533 patients “réellement randomisés”
Tableau I. Résultats d’effi cacité.
Chimiothérapie
(n = 45)
Radiochimiothérapie
(n = 45)
Hazard-ratio
(IC95)
Survie globale (médiane, mois) 24,4 24,3 1,07 (0,62-1,85)
Survie sans récidive (médiane, mois) 10,9 11,8 0,98 (0,61-1,57)
Pourcentage de récidive locale à la 1re récidive 48,5 42,4
Tableau II. Les résultats ne révèlent aucune différence signi-
cative entre ces 3 modalités thérapeutiques (6).
832 patients Survie globale
(médiane, mois)
Survie
à 1 an (%)
Hazard-ratio
GEMOX 5,7 21 0,88
p = 0,22 (/GEM)
GEM 4,9 16
GEM FDR 6,2 21 0,83
p = 0,04 (/GEM)
GEM : gemcitabine ; GEM FDR : gemcitabine à débit constant ; GEMOX :
gemcitabine et oxaliplatine.
1,00
0,75
Survie
0,50
0,25
0,00 0 100 200 300 400
Gemcitabine
Gemcitabine + cisplatine
Suivi (jours)
600500 700 800 900 1 000
206
204
Nombre à risque
GEM
GEM + CIS 137
156 87
99 50
64 34
45 9
16
18
27 2
12 2
71
21
1
Figure 1. Étude UK ABC-02 : survie globale.
GEM GEM + CIS
Patients (n) 206 204
Décès (n, %) 141(68,5) 122 (59,8)
Survie médiane (mois) 8,3 11,7
Log rank p value 0,002
Hazard-ratio 0,70 (IC95 : 0,54-0,89)
36 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010
Cancérologie digestive
DOSSIER THÉMATIQUE
Rétrospective 2009
montrent, certes, une meilleure réponse objective
(19,1 % versus 12,4 % ; p = 0,034) et une SSP plus
longue (HR : 0 78 [IC95 : 0,66-0,93] ; p = 0,004) de
façon signifi cative, mais seulement une tendance
bénéfi que en termes de SG (HR : 0,86 ; IC
95
: 0,72-
1,02 ; p = 0,08).
Enfi n, une étude de phase III portant sur l’adjonc-
tion de bévacizumab versus placebo à l’association
erlotinib et gemcitabine a inclus 301 patients (8).
Lobjectif principal, la SG, n’a pas été atteint (7,1 mois
versus 6 mois), et il n’y a donc toujours pas de béné-
ce statistiquement signifi catif, même si la SSP est
signifi cativement allongée par le bévacizumab, et que
cette triple association reste bien tolérée. Parmi les
autres études, les résultats de l’évérolimus (inhibiteur
mTOR oral) chez les patients résistant à la gemci-
tabine ne révèlent pas de grandes avancées, même
s’ils ouvrent la voie d’une phase III. Globalement
bien toléré, en dehors de cas de thrombopénie et
d’hyperglycémie, la phase II publiée dans le Journal of
Clinical Oncology par B.M. Wolpin montre que cette
monothérapie orale de prise quotidienne (10 mg/j)
n’a permis de stabiliser que 21 % des patients, sans
jamais obtenir de réponse objective, avec une SSP
de seulement 1,8 mois et une SG de 4,5 mois (9).
Tumeurs biliaires
L’année 2009 n’a pas vu de publications majeures sur
les néoplasies des voies biliaires. Les grands essais
ont été présentés à l’ASCO et seront publiés dans
les prochains mois.
Démonstration de la supériorité
de l’association gemcitabine et cisplatine
sur la gemcitabine
Les tumeurs des voies biliaires avancées (CBA) sont
rares et rendent tout essai prospectif randomisé
particulièrement diffi cile. Mais le défi a été relevé par
les Britanniques avec un essai (ABC-02) comparant
gemcitabine (GEM) en monothérapie à l’association
gemcitabine et cisplatine (GEM-CIS). Ce grand essai
randomisé de phase III montre, chez 410 patients
(stratifiés notamment sur le stade, localement
avancé [n = 25 %] ou métastatique [n = 75 %], et sur
la localisation tumorale : voies biliaires 59 % ; vésicule
37 % ; ampoule de Vater 5 %), que l’association GEM
(1 000 mg/m2)-CIS (25 mg/m2) à J1 et J8 (J1 = J21,
8 cycles au maximum), après un suivi médian de
6,1 mois, est supérieure à la GEM (1 000 mg/m
2
à
J1, J8 et J15 tous les 28 jours, 6 cycles au maximum)
en traitement de première ligne des CBA, en termes
de SG, critère de jugement principal (11,7 versus
8,3 mois ; HR : 0,70 ; IC95 : 0,54-0,89 ; p = 0,002) et
de SSP (8,4 mois versus 6,5 mois ; HR : 0,72 ; IC
95
:
0,57-0,90 ; p = 0,003), avec, somme toute, une toxi-
cité de grade 3-4 comparable (environ 65 % dans
les 2 bras). Cet essai, qui a en fait poolé les résultats
de cette phase III (324 patients) et de la phase II
préliminaire, permet de conclure à l’avantage signi-
catif en survie sans augmentation de la toxicité
d’une bithérapie GEM-sels de platine, érigeant cette
association comme nouveau standard de première
ligne des CBA (10) [fi gure 1].
Un essai randomisé de phase III monocentrique
indien (le Nord de ce sous-continent est une zone de
forte incidence de cancers de la vésicule) a comparé,
chez 81 patients (sex-ratio hommes/femmes : 1/3,5 ;
âge médian : 50 ans) avec cancer de la vésicule
localement avancé ou métastatique et indice de
performance (PS) 0-2, une chimiothérapie hebdo-
madaire par 5-FU et AF en bolus (30 semaines au
maximum [n = 28]) ou toutes les 3 semaines par GEM
(900 mg/m
2
à J1 et J8) et oxaliplatine (80 mg/m
2
à J1
et J8) [GEMOX – 6 cycles au maximum (n = 26)] aux
meilleurs soins de support (n = 27). La SG, critère de
jugement principal, évaluée par analyse de variance
répétée au cours du temps – ce qui est méthodo-
logiquement discutable – a été de 4,6, soit 9,5 et
4,5 mois, respectivement (p = 0,039). La SSP était
également signifi cativement supérieure dans le bras
GEMOX (3,5, soit 8,5 et 2,8 mois, respectivement
[p = 0,0001]). Voici donc le premier essai de phase III
ayant inclus spécifi quement des patients avec cancer
de la vésicule, ce qui est important compte tenu
La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010 | 37
DOSSIER THÉMATIQUE
des différences pronostiques, voire de réponse à la
chimiothérapie, selon la localisation de la tumeur
primitive sur l’arbre biliaire (11). Il faut enfi n signaler
les résultats de l’analyse intermédiaire de l’étude
franco-allemande de phase II randomisée, multicen-
trique ayant concerné, à ce jour, 101 patients avec
CBA, traités par une chimiothérapie bimensuelle par
GEMOX (GEM 1 000 mg/m
2
à 10 mg/ m
2
/ mn à J1, et
oxaliplatine 100 mg/m
2
à J2) seule ou en association
avec du cétuximab (500 mg/m
2
). La randomisa-
tion était stratifi ée sur le stade et sur la localisation
tumorale (vésicule versus autre). La toxicité a été
acceptable et correspondait à celle attendue dans
les 2 groupes. Les résultats de l’analyse intermé-
diaire sur les 36 premiers patients inclus montrent
un taux de SSP de 50 et 61 % respectivement, pour
une médiane de SSP de 5 et 7 mois, respectivement.
Les données de survie ne sont pas encore disponibles.
Deux études sont prévues, l’une évaluant l’impact du
statut Kras et l’autre celui d’une évaluation précoce
par PET scan (12).
Tumeurs du grêle
Signalons juste une étude portant sur les cancers de
l’ampoule de Vater et les adénocarcinomes du grêle
(AIG), publiée par M.J. Overman et al. (13). Cette
étude prospective menée chez 30 patients a montré
qu’une chimiothérapie associant la capécitabine
à l’oxaliplatine permettait d’obtenir des résultats
intéressants en termes de taux de réponse objec-
tive (52 %) et de survie médiane (20,3 mois). Une
étude rétrospective monocentrique du MD Anderson
Cancer Center, menée chez 80 patients, avait déjà
suggéré que la chimiothérapie associant 5-FU et
sels de platine était plus effi cace que la chimiothé-
rapie sans sels de platine (survie médiane de 17 mois
versus 12,7 mois) [14]. Enfi n, une étude rétrospective
française multicentrique portant sur 93 patients
traités par FOLFOX, LV5FU2, LV5FU2-cisplatine
ou FOLFIRI a rapporté une SG de 15,1 mois, les
patients traités selon l’association 5-FU-oxaliplatine
(FOLFOX) en première ligne ayant la meilleure survie
(17,8 mois) [15]. Néanmoins, cette dernière associa-
tion n’a jamais été évaluée de manière prospective.
Cette chimiothérapie validée dans les cancers du
côlon pourrait devenir le traitement de référence
des AIG (tableau III). Ces résultats sous-tendent
donc l’étude de cohorte nationale, qui a débuté en
France en début d’année 2009 afi n de permettre un
recueil le plus exhaustif possible pour une analyse
prospective du pronostic des AIG et des résultats
de la chimiothérapie, notamment de type FOLFOX
dans les AIG métastatiques et dans les AIG réséqués
avec envahissement ganglionnaire. La participa-
tion à cette cohorte est accessible à tous les clini-
ciens prenant en charge un AIG diagnostiqué après
février 2009 sur le site www.cohorte-nadege.com.
La période d’inclusion devrait s’étendre sur au moins
2 ans. Votre première connexion vous permettra
d’obtenir un code dans les 48 heures qui suivent
et de bénéfi cier par la suite d’un accès libre pour
colliger les données sur un site interactif, simple
et pratique.
Carcinomes endocrines
Deux articles de cette thématique doivent être souli-
gnés : tout d’abord, celui permettant à l’octréotide
d’acquérir ses lettres de noblesse comme traitement
antitumoral avec les résultats de l’étude PROMID
(16), puis celui de l’équipe de Beaujon (17) réévaluant
l’intérêt d’une chimiothérapie complémentaire après
résection R0 de localisations secondaires hépatiques.
Les symptômes d’hypersécrétion hormonale
(syndrome carcinoïde, etc.) des tumeurs endocrines
fonctionnelles sont une indication approuvée des
analogues de la somatostatine. En revanche, et bien
que leur effet antitumoral ait été démontré in vitro
et corroboré par plusieurs séries rétrospectives, leur
utilisation (courante en première intention pour
les tumeurs endocrines du tube digestif lentement
évolutives, avec des taux de stabilité tumorale
autour de 50 %) en tant que traitement anticancé-
reux véritable n’avait pas jusqu’à présent été validée
par un essai randomisé de phase III. C’est désormais
chose faite, avec les résultats de l’analyse inter-
Tableau III. Principaux résultats des dernières études de chimiothérapie dans le traitement des
AIG métastatiques.
Référence Protocole Effectif Réponse
objective (%)
Survie
globale (mois)
Zaanan et al.
(15)
FOLFOX
LV5FU2
LV5FU2 + cisplatine
FOLFIRI
48
10
19
16
34*
0
30
9
17,8
13,5
9,6
10,6
Overman et al.
(13)
5-FU + cisplatine
5-FU sans platine
29
41
41
17
14,8
12,0
Overman et al.
(14)
Capécitabine + oxaliplatine 30 52 20,0
* Taux de réponse évaluable sur une partie de l’effectif.
38 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 1 - janvier 2010
Cancérologie digestive
DOSSIER THÉMATIQUE
Rétrospective 2009
médiaire planifi ée de l’étude allemande PROMID,
étude randomisée de phase III en double aveugle et
multicentrique. Elle comparait, chez 85 patients non
prétraités et atteints de tumeur endocrine digestive
(midgut) bien différenciée (Ki-67 < 2 % dans 95 %
des cas), localement avancée ou métastatique, un
traitement par octréotide retard (Sandostatine® LP
30 mg/mois, au maximum 18 mois) à un placebo.
Le délai médian jusqu’à progression (critère de
jugement principal) était de 15,6 mois en cas de
traitement par octréotide retard, versus 5,9 mois
sous placebo (HR = 0,33 ; p = 0,000017). Compte
tenu d’une mortalité faible, la survie médiane n’a
pas pu être estimée. Deux limites à cette importante
étude, attendue depuis longtemps, sont à souligner :
le caractère progressif (ou non) initial nétait pas
mentionné, et le bénéfi ce était surtout marqué en
cas d’envahissement hépatique faible (< 10 %) et peu
agressif (Ki-67 < 2 %) [signifi cativité non atteinte
chez les autres patients, sans doute – au moins en
partie – par manque de puissance statistique].
Létude de l’équipe de Beaujon a concerné l’im-
pact en termes de SSP et de SG d’une association
classique de 5-FU et streptozotocine au décours
d’une résection complète de localisations hépa-
tiques. Cette étude, monocentrique, rétrospec-
tive et non randomisée, concernait 52 patients
traités entre 1996 et 2006, ayant des localisations
secondaires hépatiques réséquées provenant d’un
carcinome endocrine bien différencié d’origine
pancréatique. Vingt-neuf patients ont reçu 4 cycles
post opératoires de 5-FU (400 mg/m
2
) et strepto-
zotocine (500 mg/ m
2
), 5 jours de suite tous les
42 jours ; 23 patients contrôles étaient appariés et
non traités. La médiane de suivi était de 47 mois.
Le traitement a pu être fait en totalité pour tous les
patients (excepté 1 seul) avec une bonne tolérance
(seuls 2 patients avec une toxicité de grade 3-4, dont
1 décès par aplasie fébrile) [tableau IV]. Une analyse
univariée retrouvait comme facteurs pronostiques
de rechute le nombre de localisations secondaires
au-delà de 10 et leur caractère synchrone. Mais l’en-
semble des résultats ne montrent pas de différence
signifi cative en termes de SG (p = 0,058), ce qui ne
justifi e pas l’attitude thérapeutique postopératoire
dans ces situations qui restent, néanmoins, les plus
favorables (atteintes secondaires hépatiques pures
d’un carcinome bien différencié).
Tumeurs stromales digestives
En termes de publications, 2009 a été une année
moins fl orissante que 2008 sur cette pathologie
“récente”. Néanmoins, on constate un intérêt gran-
dissant à étudier les modalités d’interprétation de
réponses inhérentes à l’utilisation de toutes ces
nouvelles molécules antiangiogéniques et autres
thérapies ciblées. En effet, l’ensemble des résultats
publiés avec ces nouvelles thérapeutiques soulignent
l’inadaptation des critères RECIST. Ainsi, A. Le Cesne
et al., à partir des données de l’essai Intergroup
EORTC-ISG-AGITG, ont rapporté dans un article que
la survie des patients après 6 mois d’imatinib était la
même, que leurs examens morphologiques rappor-
tent une réponse objective ou une stabilité en termes
d’évaluation RECIST, ce qui pose la question d’autres
critères à utiliser dans leur évaluation thérapeutique
(18). Une autre étude similaire, menée par J.O. Prior
et al., a évalué la place du PET scan pour des patients
traités en deuxième ligne par du sunitinib. Vingt-
trois patients ont donc été scintigraphiés avant, puis
après 4 semaines de sunitinib. Lobjectif principal de
l’étude a été d’évaluer la réponse en variation des
pourcentages de valeur maximale d’intensité de fi xa-
tion (SUV), et de la comparer à la réponse classique
selon les critères RECIST. En termes de résultats, la
SSP était bien corrélée à la réponse métabolique
(p < 0,0001). Un delta de ± 25 % de SUV par rapport
à l’examen initial était rapporté, les patients étant
classés comme répondeurs, stables ou “progressifs”.
Aucun des patients avec une maladie progressive en
PET scan ne répondait aux critères RECIST classiques.
L’analyse multivariée a alors rapporté une courte SSP
(16 semaines) chez les patients avec un haut niveau
résiduel de SUV (≥ 8 g/ml), comparée à une survie
de plus de 29 semaines pour un niveau résiduel de
SUV < 8 g/ml (p < 0,0001), une résistance primaire à
l’imatinib (p = 0,024) ou qu’il ne s’agissait pas d’une
tumeur stromale digestive (GIST) [p = 0,002], par
absence soit de la mutation classique de Kit, soit
de celle de PDGFRα (19).
Le PET scan est donc un excellent examen fonc-
tionnel d’évaluation de cette thérapeutique dans
cette indication de surveillance des GIST traitées
(tableau V).
Tableau IV. Tumeurs neuro-endocrines avec métastases réséquées : chimiothérapie adjuvante
par 5-FU et streptozotocine (17).
n Rechute (%)
Survie sans progression (%) Survie globale (%)
à 3 ans à 5 ans à 3 ans à 5 ans
Observation 23 65 51 38 90 76
Chimiothérapie 29 43 40 20 96 96
1 / 18 100%