UPR ORL Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat http://orl-fmpr.com Conduite à tenir devant un traumatisme récent du tiers médian de la face Author : dr-jahidi I - DEFINITION - INTERETS Le tiers médian de la face est une région anatomique centrée par la pyramide nasale incluant de part et d’autre: La branche montante du maxillaire supérieur, l’unguis, la masse latérale de l’ethmoïde, la paroi interne et une partie du plancher de l’orbite. On lui attribue généralement le nom de complexe nasoethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire. Trois pare chocs de la face sont concernés dans ces traumatismes: - Le pare choc supérieur ou fronto-nasal. - Le pare choc médian représenté par la pyramide nasale. - Le pare choc inférieur représenté par la voûte palatine et la mandibule. Les lésions du tiers médian de la face résultent de chocs antéro-postérieurs violents. Elles concernent surtout l’homme jeune à la suite d’accidents de circulation, d’agressions ou d’accidents de sports ou de travail. La pyramide nasale peut s’impacter comme un point osseux et entraîner des lésions orbitaires latéralement et de l’étage antérieur de la base du crâne en arrière (lame criblée et toit de l’ethmoïde). Ces lésions engagent : * le pronostic vital par des complications immédiates hémorragiques respiratoires et neurologiques et secondaires essentiellement infectieuses. * Le pronostic fonctionnel par la menace des grandes fonctions oculaires, respiratoires, rhinosinusiennes et olfactives. * Et enfin le pronostic esthétique. * Ces traumatismes bénéficient aujourd’hui du progrès de l’imagerie, du développement du matériel d’ostéosynthèse et des techniques de ramassage et de réanimation Nous décrirons ici la conduite à tenir en urgence à l’hôpital face à un traumatisme récent et isolé du tiers médian de la face. Il s’agit d’abord de prendre en charge les complications vitales, puis d’effectuer un bilan lésionnel précis pour enfin réaliser le traitement spécifique précoce et adapté qui est généralement pluridisciplinaire. 1/8 UPR ORL Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat http://orl-fmpr.com II - ASSURER LES FONCTIONS VITALES IMMEDIATES. L’O.R.L. peut être appelé dans deux types de circonstances : soit pour une fracture faciale dans la cadre d’un polytraumatisé; soit pour une fracture faciale a priori isolée. La prise en charge du polytraumatisé relève d’une approche pluridisciplinaire, l’O.R.L. interviendra parfois dans le cadre de l’urgence pour réaliser une trachéotomie ou pour l’hémostase d’une épistaxis importante. Mais généralement il sera appelé une fois les fonctions vitales rétablies pour s’occuper de la fracture faciale isolée ou associée à une fracture du massif facial. Le traumatisme facial est cliniquement évident en raison de l’oedème, des ecchymoses et des éventuelles plaies. Le blessé doit être considéré comme un traumatisé crânien à impact frontal. Il doit bénéficier immédiatement d’un bilan des fonctions vitales. Il est installé en salle d’urgence, sa mobilisation est prudente notamment rachidienne afin de ne pas aggraver d’autres lésions potentielles. La conscience est évaluée par le score de Glasgow et le patient est monitoré avec scope et oxymètre. En cas de détresse vitale, on réalisera rapidement, avec le réanimateur les premiers gestes de secours (ABC) : - Airway : libération des VAS par nettoyage de la cavité bucco-pharyngée des caillots, débris osseux, dents ou de corps étrangers, à l’aide des doigts, de l’aspiration ou d’une pince de Magil. Mise en place d’une canule de Guedel. - Breath : le patient est ventilé à l’oxygène au masque, mis en position latérale de sécurité, puis rapidement intubé. Ces manipulations imposent le contrôle préalable de l’intégrité du rachis cervical. Lorsque l’intubation est impossible et dans les conditions d’extrême urgence, une trachéotomie rapide peut être réalisée. Dans les mêmes conditions, la laryngotomie inter-crico-thyroïdienne permet le passage d’une petite canule mais ne protège pas les voies aériennes inférieures; elle doit être suivie d’une trachéotomie réglée. - Circulation : le choc hypovolémique est pris en charge par le réanimateur. Il nécessite la pose de 2 VVP pour un remplissage par des macromolécules. L’O.R.L. peut être amené à juguler une hémorragie et protéger les voies ariennes. Le traumatisme du tiers médian de la face peut entraîner la rupture d’une artère ethmoïdale, de la maxillaire interne ou une de ses branches, plus accessoirement de l’artère faciale. Une épistaxis est quasiment constante Elle est généralement minime et non dangereuse. Toutefois les lésions d’une ethmoïdale ou maxillaire interne entraînent des épistaxis abondantes. En première intention, on réalise un tamponnement antérieur bilatéral avec des MEROCELS. S’il s’avère insuffisant, on effectue un tamponnement antérieur et postérieur à l’aide de sondes nasales à double ballonnet ou à défaut par un méchage classique sous couverture antibiotique. Dans la plupart des cas, ce tamponnement est suffisant. Il est laissé en place 48 h. 2/8 UPR ORL Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat http://orl-fmpr.com Si l’hémorragie n’est pas toujours contrôlée, l’hémostase chirurgicale sera décidée, soit d’emblée, soit en dehors de l’urgence et selon les données de l’artériographie. La ligature de la maxillaire interne se fait par voie tans sinusienne maxillaire Les artères ethmoïdales antérieures et postérieures sont ligaturées par voie orbitaire interne. L’embolisation sélective pourra être réalisée par un radiologue compétent si le territoire concerné est carotidien externe. La lutte contre l’infection : elle repose sur le nettoyage, le parage des plaies le contrôle des hémorragies et l’évacuation des hématomes. Selon les équipes, une antibiothérapie prophylactique ou systématique est mise en place. Le patient stabilisé est maintenu en surveillance stricte notamment neurologique. Un score de Glasgow Enfin le bilan clinique général permet de distinguer un traumatisé crânio-facial isolé d’un polytraumatisé. Dans tous les cas, le patient est maintenu perfusé, à jeun et bénéficie d’une antalgie à base de prodafalgan 2g et si nécessaire, de la morphine. III - BILAN LESIONNEL FACIAL Il peut être réalisé une fois l’urgence vitale écartée ou d’emblée lorsqu’il n’existe pas de détresse vitale. A) sur le plan clinique L'interrogatoire du sujet ou des témoins permet de préciser : - Les circonstances de survenue du traumatisme (heure, force), la nature et la direction de l’agent vulnérant. - Perte de connaissance immédiate ou retardée. - Les antécédents, les traitements habituels. - L’existence de signes fonctionnels tels une douleur localisée, une BAV qui fait craindre une atteinte du globe, une diplopie qui fait suspecter une trouble oculomoteur ou une anosmie qui évoque un cisaillement des voies olfactives au niveau de la lame criblée, un goût sucré dans la bouche en cas de brèche durale. L’inspection : - S’intéresse à l’état tégumentaire. Il peut être intact, peut présenter des ecchymoses témoins du point d’impact ou être infiltré par un hématome en particulier dans la région péri-orbitaire. La localisation des plaies est notée car elle peut faire redouter l’atteinte d’éléments nerveux comme le nerf sous orbitaire en cas de plaie sous orbitaire, une lésion des voies lacrymales en cas de plaie du canthus interne. La plaie peut aussi révéler une fracture ouverte. - Ensuite on s’intéresse aux déformations : en s’aidant de photographies antérieures du patient. 3/8 UPR ORL Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat http://orl-fmpr.com L’examen de face recherche une asymétrie des cavités orbitaires, examine la pyramide nasale. L’effondrement de la racine du nez et un télécanthus ou une déformation du canthus interne évoquent un traumatisme du complexe naso-ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire. De profil, on recherche un aplatissement, une inversion du rapport lèvre supérieure - lèvre inférieure révèle une fracture occlusofaciale type Lefort II et III. L’inspection est en général rapidement gênée par l’oedème naso-orbitaire qui s’installe quelques heures après le traumatisme et qui masque les déformations. La palpation : Aux doigts gantés et vaselinés, de façon bilatérale et comparative apprécie les reliefs osseux, recherche un point douloureux, un ressaut, une mobilité anormale, un emphysème sous-cutané et étudie la sensibilité de la face dans les trois territoires du trijumeau. La fonction du nerf sous orbitaire est appréciée par la sensibilité de la joue, de l’aile du nez, de la lèvre et de la gencive supérieures. Examen général : - La rhinoscopie antérieure, postérieure voire une nasofibroscopie examinent la muqueuse, localisent une épistaxis, une rhinorrhée postérieure cérébro-spinale, notent un éventuel hématome de cloison qui est une tuméfaction bleuâtre ou rougeâtre molle et sensible du septum. - L’examen de la cavité buccale recherche des lésions muqueuses à type de plaies ou d’ecchymoses. Un trouble de l’articulé dentaire est recherché signant le déplacement des fragments osseux portant les dents. Une ecchymose palatine médiane évoque une disjonction intermaxillaire. On recherche une disjonction occluso-faciale par mobilité de l’arcade supérieure. Le type I, II, et III de Lefort est déterminé en fonction du niveau de mobilité et de stabilité nasale et fronto zygomatique. - L’examen de l’oeil: les ecchymoses et l’oedème palpébral apparaissent très vite et peuvent gêner l’examen de l’oeil. On recherche une plaie pénétrante du globe, des lacérations des paupières et des voies lacrymales. On recherche une BAV, une diplopie (test de Lancaster) par atteinte des muscles oculaires et on teste l’oculomotricité. Une cécité unilatéral traduit une atteinte du nerf optique l’exploration sera ultérieurement complétée par l’ophtalmologiste par des tests spécifiques. - Les cae et les tympans sont examinés par une otoscopie à la recherche d’une fracture du rocher associée avec otorragie, embarrure, hématome sous cutané. - Un écoulement de LCR est systématiquement recherché. Il se manifeste par une rhinorrhée claire eau de roche en goutte à goutte augmentant lors de la pression jugulaire et la position tête en avant. Le test à la bandelette révèle la teneur en sucre. En cas de saignement associé, le test de la compresse montre une tache rosée centrale entourée d’un halo plus clair. Cet écoulement signe la brèche ostéo-durale qui peut être localisée soit au niveau de la lame criblée ou du toit de l’ethmoïde ou encore au niveau de la paroi postérieure du sinus frontal. 4/8 UPR ORL Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat http://orl-fmpr.com B) sur le plan paraclinique * L’imagerie médicale Permet le diagnostic de certitude des fractures, l’évaluation des déplacements et le contrôle après traitement. - La radiologie standard permet un débrouillage des lésions grâce à aux incidences classiques : face haute, Blondeau, profil, Hirtz, panoramique dentaire. On réalisera aussi un cliché bouche ouverte et un rachis cervical. - Le scanner en coupes axiales et coronales donne un bilan lésionnel très précis. Il peut être demandé en première intention. Il donne de meilleures images des lésions osseuses et permet de dépister les lésions intracrâniennes : hématome, contusion cérébrale, pneumo-encéphale. L’imagerie 3D permet de juger l’importance des déplacements. - L’artériographie: peut s’avérer nécessaire en cas d’épistaxis incoercible dans un intérêt diagnostic et thérapeutique (par embolisation de l’artère responsable). * Le bilan biologique Il termine le bilan paraclinique. Il permet d’apprécier le retentissement du traumatisme et réalise un bilan pré-opératoire (hémogramme, ionogramme, fonction rénale, groupage et bilan de coagulation). C) au terme de ce bilan les fractures sont évoquées. - fracture des os propres du nez : associantune épistaxis, une déformation et une douleur à la palpation. Un hématome de la cloison doit être systématiquement cherché. - fracture des branches montantes du maxillaire supérieur : s’objective par un enfoncement à la pression. - fracture ethmoïdale. - fracture du sinus frontal : une ou plusieurs parois. - fracture de la paroi interne de l’orbite. - fracture de lefort : intéressent surtout le tiers moyen de la face mais peuvent s’étendre au tiers médian. IV - TRAITEMENT Après avoir écarté l’urgence vitale, le traitement aura un double but : - Fonctionnel par restauration de la dynamique et la statique du globe oculaire, le drainage lacrymal, la respiration, la phonation et la mastication. 5/8 UPR ORL Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat http://orl-fmpr.com - Esthétique avec la restauration anatomique des reliefs de la face. A) Traitement médical - Mise à jour de la vaccination antitétanique devant toute plaie. - Antibiothérapie à large spectre systématique en cas de plaie souillée ou balistique : PENI G 15 MU / 24h et Flagyl 1,5 g / jour. - Antalgique : Prodafalgan - corticoïdes pour faire fondre l’oedème sous bonne couverture ATB. B) Traitement chirurgical L’intervention chirurgicale en urgence est décidée en cas de : * Présence d’une lésion associée intracrânienne vitale nécessite une prise en charge neurochirurgicale prioritaire. * Pour les lésions spécifiques médiofaciales, les indications d’intervention en urgence sont. - les plaies du globe oculaire qui doivent être confiées sans délais à l’ophtalmologiste. - les fractures ouvertes en raison du risque infectieux. - l’hématome de la cloison dont la surinfection risque de surinfecter le cartilage septal, à cause du risque de nécrose. Certains traitements peuvent être différés. C’est le cas des fractures fermées et non compliquées. On débutera par un traitement anti-inflammatoire pour diminuer l’oedème, ce qui facilitera l’intervention qui aura lieu avant le 10° jour pour éviter le risque de consolidation spontanée et vicieuse. Le traitement est souvent pluridisciplinaire. C) Indications Sous anesthésie locale ou générale selon les cas. * Pour les plaies des parties molles : désinfection, parage, suture, réparation soigneuse des lésions nerveuses, de la paupière inférieure ou de l’aile narinaire. Les vastes pertes de substances sont recouvertes ultérieurement par un lambeau. * Pour les fractures : 6/8 UPR ORL Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat http://orl-fmpr.com - Réduction en cas de déplacement par abord direct chirurgical ou traction instrumentale de manière à avoir un articulé dentaire et une continuité osseuse de bonne qualité. - Contention, le plus souvent par immobilisation. Elle se réfère aux deux bases solides qui sont en haut le frontal et en bas, la mandibule et le plan occlusal. La contention peut être chirurgicale intrafocale par ostéosynthèse par plaque vissée ou fil d’acier parafocale par embrochage. S’il existe une plaie , elle sera privilégiée comme voie d’abord. * Pour les fractures de LEFORT : Réduction par traction avec forceps type ROWE, puis fixation par ostéosynthèses multiples. Il faut parallèlement restaurer l’articulé dentaire par un blocage intermaxillaire de 6 semaines à l’aide d’arcs vestibulaires. Très éprouvant pour le malade, il impose la mise en place d’un système de déblocage instantané (pince de BEBEE) dans l’éventualité de vomissements. * Pour les fractures du sinus frontal - Fractures antérieures : chirurgie conservatrice par restauration et vérification de la perméabilité du canal nasofrontal. - Fractures postérieures :seront traitées par le neurochirurgien par crânialisation. * Pour les hématomes de la cloison nasale Drainage, puis méchage des fosses nasales sous couverture antibiotique. * Pour les complications ophtalmiques Réparation d’un fracture du plancher de l’orbite par mise en place d’une plaque en matériau résorbable. Drainage d’un hématome. Suture des lésions du canal lacrymal sur guide. * Pour les brèches ostéoméningées Surveillance en position demi-assise. L’intervention pour colmatage ne se fait qu’en cas de non tarissement après une période d’observation ou de méningites à répétition. La prescription d’antibiotiques dépends des équipes. V - CONCLUSION Les traumatismes du tiers médian de la face sont des traumatismes souvent graves. Des complications immédiates peuvent menacer le pronostic vital. Les lésions osseuses et tégumentaires peuvent s’accompagner de lésions oculo-orbitaires et ostéo-durales. Le bilan lésionnel initial O.R.L. est fondamental. 7/8 UPR ORL Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat http://orl-fmpr.com La prise en charge doit être précoce afin d’éviter les séquelles esthétiques et fonctionnelles chez ces patients souvent jeunes. 8/8 Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)