R evue de presse Une approche moléculaire complémentaire de l’histologie pour prédire la survie du greffon rénal perte de greffon au seuil de p = 0,0001. Les gènes associés à la perte du greffon étaient liés à l’agression tissulaire, à la dédifférenciation épithéliale et au remodelage de la matrice ainsi qu’aux effets du TGF-β. Ces gènes ne montraient que peu de chevauchement avec les gènes significativement liés au rejet, suggérant leur caractère spécifique pour la prédiction de perte de greffon. Une analyse en composante principale supervisée a ensuite permis de dériver un score moléculaire pour prédire la perte du greffon. Un score de risque moléculaire pronostique a donc pu être attribué pour chaque patient et a permis d’identifier les personnes à haut (n = 52) ou faible (n = 53) risque de perte du greffon. La capacité de ce score à prédire la perte de greffon était caractérisée par une sensibilité de 83 % et une spécificité de 63 %. De façon attendue, le score de risque moléculaire était inversement corrélé au débit de filtration glomérulaire et positivement corrélé à la fibrose interstitielle, à l’atrophie tubulaire, à la tubulite, à l’inflammation interstitielle et à la protéinurie. Parmi les patients qui allaient perdre leur greffon, le score de risque était d’autant plus élevé que la perte du greffon allait être rapide (p = 0,0006, test de corrélation). En analyse multivariée, le score de risque moléculaire, le dédoublement des membranes basales des capillaires péritubulaires, la hyalinose artériolaire et la protéinurie étaient tous des facteurs prédictifs indépendants de la perte du greffon. Dans une cohorte de validation indépendante, le score de risque moléculaire était le seul facteur prédictif de la perte du greffon. La première conclusion de ce travail est que le score de risque moléculaire est supérieur aux lésions de fibrose et à la fonction du greffon pour la prédiction de la perte du greffon dans des biopsies tardives (> 1 an). La seconde conclusion, liée à la première, est que ce L’ équipe de P. Halloran vient tout juste de rapporter, dans le Journal of Clinical Investigation, une nouvelle étude de biopsies de greffons rénaux dont l’objectif était de définir une signature moléculaire transcriptomique prédictive du risque de perte de greffon au-delà de la première année de greffe. Les auteurs rappellent que les biopsies de greffon “pour cause”, c’est-à-dire motivées par une dysfonction du greffon, ne donnent que des informations imparfaites sur le risque de perte du greffon. Leur étude a comporté l’analyse du transcriptome de 105 biopsies consécutives de greffons rénaux, effectuées de 1 à 31 ans (médiane 57 mois) après la transplantation pour dysfonction du greffon (insuffisance rénale et/ou protéinurie). Le délai médian de perte du greffon était de 14 mois et le délai médian de suivi après la biopsie des patients qui n’ont pas perdu leur greffon était de 32 mois. Trente pertes de greffon ont été observées et 4 sujets sont décédés avec un greffon fonctionnel au cours du suivi. Les greffons qui ont été ultérieurement perdus au cours du suivi étaient caractérisés au moment de la biopsie par une plus forte prévalence de protéinurie, un débit de filtration plus altéré et un caractère rapide de la dégradation de fonction. Les sujets qui allaient perdre leur greffon au cours du suivi ne différaient pas des autres pour le délai post-transplantation, le protocole immunosuppresseur ou l’immunisation contre les antigènes HLA. Dans un premier temps, les gènes associés à la perte de greffon ont été identifiés par régression de Cox. Au total, 886 gènes se sont avérés significativement associés à la Tableau. Évolution de la fibrose chez les patients transplantés pour maladie alcoolique du foie. 1 an 3 ans 5 ans 10 ans Fibrose F1 36,9 % 44,7 % 40,9 % 47,9 % F2 6,5 % 10 % 13 % 24,7 % F3* 0 1,9 % 3,5 % 5,5 % * Aucun patient n’avait de fibrose F4 dans cette série. 80 score, qui intègre de nombreux gènes caractérisant l’agression tissulaire, reflète la présence d’un processus d’agression actif, et donc à potentiel évolutif, apportant ainsi une dimension dynamique que l’analyse classique de la biopsie ne peut pas appréhender. D. Anglicheau, Paris ❒ ❒ Einecke G et al. A molecular classifier for predict­ ing future graft loss in late kidney transplant biopsies. J Clin Invest 2010;120(6):1862-72. Alcool et vieux greffons I l s’agit d’une étude monocentrique (Aix-la-Chapelle) prospective portant sur 305 patients transplantés entre 1989 et 2002 pour cirrhose alcoolique. Les auteurs ont individualisé 271 patients sans carcinome hépatocellulaire ni maladie associés pour obtenir une cohorte homogène dont la survie et les lésions histologiques n’étaient dépendantes que de la maladie initiale. Le traitement immunosuppresseur comportait une anticalcineurine (ciclosporine 41 %, tacrolimus 59 %, initialement), des corticoïdes et une induction (globuline antithymocytaire ou anti-CD25). Une biopsie systématique a été réalisée à 1, 3, 5 et 10 ans. L’analyse a distingué patients sobres (ou à alcoolisation minime) et patients présentant une alcoolisation excessive (quotidienne, > 80 g/j chez l’homme et > 20 g/j chez la femme, contredisant un avis médical répété de tempérance). Une alcoolisation excessive (interrogatoire du patient, de l’entourage et du médecin, mesure de la gamma-GT et de la transferrine désialylée) a été enregistrée chez 27 % des patients. La survie a été comparable (87 % et 88 %) à 5 ans entre buveurs et non-buveurs, mais était réduite (68 % versus 82 % ; p = 0,017) à 10 ans chez les buveurs. L’analyse histologique a porté sur 214, 159, 115 et 72 patients à 1, 3, 5 et 10 ans. Une fibrose modérée s’est installée (tableau) avec le temps, mais sans différence entre buveurs et tempérants. Seule l’inflammation était significativement plus importante chez les buveurs. Le Courrier de la Transplantation - Volume X - n o 2 - avril-mai-juin 2010 R evue de presse Les auteurs ont ensuite analysé l’effet de l’âge du donneur sur les résultats de la TH, en distinguant donneurs ayant plus de 60 ans (greffons “marginaux”, n = 84) et moins de 60 ans (n = 187). La survie des patients a été comparable chez les patients recevant un greffon plus ou moins âgé. Les lésions histologiques à 5 et 10 ans étaient également comparables entre les deux groupes, sauf en ce qui concerne l’inflammation portale, plus fréquente chez les receveurs de greffons âgés. Commentaires. Ces données confirment que la consommation excessive d’alcool après TH réduit, mais seulement tardivement, la survie du receveur. L’équipe de Montpellier (S. Faure et al., American Transplant Congress 2010, A759 actualisé) a récemment rapporté des résultats comparables : la consommation excessive d’alcool (> 20 g/j chez la femme et > 30 g/j chez l’homme), notée chez 13 % de leurs patients, réduisait la survie à 10 mais pas à 5 ans (survie à 5 et 10 ans de 84 % et 49%, respectivement, chez les buveurs, versus 86 % et 75 % pour les non-buveurs). Dans leur travail, consommation excessive d’alcool, diabète post-TH et utilisation de ciclosporine étaient les trois facteurs indépendants associés à la surmortalité. Les données du présent travail suggèrent de plus que l’utilisation d’un greffon plus âgé (provenant de donneurs de plus de 60 ans) permet des résultats aussi bons que ceux obtenus avec un greffon plus jeune, dans ce contexte de TH pour maladie alcoolique du foie. Il est connu que les greffons âgés sont plus sensibles aux lésions d’ischémiereperfusion et développent une fibrose plus rapide en cas de récidive virale C. L’addition des effets de l’âge du donneur et de l’alcoolisation du receveur n’a pas été analysée dans le présent travail (probablement par défaut d’effectifs). Toutefois, globalement, les patients porteurs d’une maladie alcoolique du foie sont de bons candidats pour recevoir des greffons âgés. Y. Calmus, Paris ❒ ❒ Schmeding M et al. Liver transplantation for alcohol-related cirrhosis: a single centre long-term clinical and histological follow-up. Dig Dis Sci 2010, May 25 [Epub ahead of print]. Conversion à une monothérapie par évérolimus pour insuffisance rénale chez le transplanté hépatique I l s’agit d’un essai randomisé évaluant l’effet sur la fonction rénale d’un arrêt programmé précoce (à partir de J10) de la ciclosporine au profit d’une monothérapie par évérolimus (Evr) [contre la poursuite d’une immunosuppression classique à base de ciclosporine (CsA), avec ou sans mycophénolate mofétil (MMF)] en transplantation hépatique (TH) de novo. La conversion s’est faite de J10 à J30, environ, dans le groupe Evr. Soixantedix-huit patients (d’une cohorte de 111) ont été randomisés (randomisation 2/1 ; Evr : n = 52 ; CsA : n = 26). Tous les patients ont reçu du basiliximab 20 mg à J0 et J5, des corticoïdes (bolus de 500 mg, puis dose régressive jusqu’à l’arrêt à J35). La dose initiale de CsA a été de 2 mg/kg/j, pour atteindre une concentration sanguine résiduelle (C0) de 100 ± 25 ng/ ml. Dans le groupe 1 (conversion), la dose initiale d’Evr (à J10) a été de 2 mg/j, avec un objectif de C0 de 6-10 ng/ml. La dose a été augmentée pour obtenir un C0 de 8-12 ng/ml après interruption de la CsA, et jusqu’à 6 mois, puis réduite pour revenir à une C0 de 6-10 ng/ml ensuite. La dose de CsA a été maintenue pour obtenir une C0 de 100 ± 25 ng/ml jusqu’à J30, puis interrompue. Dans le groupe 2 (traitement CsA standard), la dose de CsA a été ajustée pour obtenir une C0 de 225 ± 25 ng/­ml jusqu’à J30, puis de 200 ± 25 ng/ml jusqu’à 6 mois, puis de 150 ± 25 ng/ml ensuite. En cas d’effets indésirables de l’anticalcineurine, la dose de CsA pouvait être réduite de 50 % environ, sous couvert de MMF (2 g/j puis 1 g/j). Le critère d’efficacité principal de jugement a été la fonction rénale estimée par la clairance calculée à 12 mois. Les critères secondaires ont été l’incidence de l’insuffisance rénale chronique de stade 3 (< 60 ml/mn/1,73 m2), et un critère combiné associant incidence du rejet aigu, perte du greffon ou décès du patient à 6 et 12 mois. Le critère combiné (absence d’échec) à 1 an a été de 75 % dans le groupe Evr versus 69,2 % dans le groupe CsA 81 (p = 0,36). La survie du patient a été similaire dans les deux groupes. La clairance calculée (mean modification of diet in renal disease, MDRD4) était significativement meilleure dans le groupe Evr à 1 an (87,7 ± 26,1 versus 59,9 ± 12,6 ml/­mn ; p < 0,001). L’incidence d’insuffisance rénale de stade ≥ 3 (taux de filtration glomérulaire calculée < 60 ml/mn) était plus élevée dans le groupe CsA à 3 mois (54,2 % versus 12,5 % ; p < 0,001), 6 mois (56,5 % versus 17,8 % ; p = 0,003) et 1 an (52,2 % versus 15,4 % ; p = 0,005). L’inci­ dence du rejet aigu histologiquement prouvé a été faible et similaire dans les deux bras : 5,7 % dans le bras Evr (à J40, J54 et J87, 2 minimes et 1 modéré), et 7,7 % dans le bras CsA, à J41 et 8 mois, tous deux modérés. Les complications ont été comparables dans les deux bras, à l’exception des thromboses de l’artère hépatique, plus fréquentes dans le bras CsA (15,2 % versus 1,9 % ; p = 0,04), une donnée difficilement explicable. Le taux de sortie d’étude dans le bras Evr était de 27 %. Commentaires. L’interruption précoce de la CsA (J10 à J30) avec passage en monothérapie Evr permet donc d’épargner la fonction rénale sans augmenter le risque de rejet et des autres complications liées à l’immunosuppression, avec un taux de sortie d’essai (27 %) plus modeste que dans les essais précédents. L’amélioration de la fonction rénale est attendue, surtout dans un essai où la conversion a été précoce, avant l’apparition de lésions rénales définitives liées aux anticalcineurines. L’absence d’effets indésirables importants et la fréquence relativement faible des sorties d’essai sont probablement liées aux taux “raisonnables” de l’Evr dans cet essai (résiduelle 10,5 ± 3,8 ng/­ml à J30-J180 et 9,9 ± 3,0 ng/ml à J180-J365). En revanche, le faible taux de rejet dans le bras Evr monothérapie est plus inattendu. Cette donnée mérite d’être confirmée. Y. Calmus, Paris ❒ ❒ Masetti M et al. Early withdrawal of calcineurin inhibitors and everolimus monotherapy in de novo liver transplant recipients preserves renal function. Am J Transplant 2010. May 10. Le Courrier de la Transplantation - Volume X - n o 2 - avril-mai-juin 2010