Le Courrier de la Transplantation - Volume X - n
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Revue
de pre
Une approche moléculaire
complémentaire de l’histologie
pour prédire la survie du greffon
rénal
L
équipe de P. Halloran vient tout
juste de rapporter, dans le Journal
of Clinical Investigation, une nouvelle
étude de biopsies de greffons rénaux dont
l’objectif était de dénir une signature
moléculaire transcriptomique prédictive
du risque de perte de greffon au-delà de
la première année de greffe. Les auteurs
rappellent que les biopsies de greffon
“pour cause”, c’est-à-dire motivées par
une dysfonction du greffon, ne donnent
que des informations imparfaites sur le
risque de perte du greffon.
Leur étude a comporté l’analyse du trans-
criptome de 105 biopsies consécutives de
greffons rénaux, effectuées de 1 à 31 ans
(médiane 57 mois) après la transplantation
pour dysfonction du greffon (insufsance
rénale et/ou protéinurie). Le délai médian
de perte du greffon était de 14 mois et le
délai médian de suivi après la biopsie des
patients qui n’ont pas perdu leur greffon
était de 32 mois. Trente pertes de greffon
ont été observées et 4 sujets sont décédés
avec un greffon fonctionnel au cours du
suivi. Les greffons qui ont été ultérieu-
rement perdus au cours du suivi étaient
caractérisés au moment de la biopsie par
une plus forte prévalence de protéinurie, un
débit de ltration plus altéré et un carac-
tère rapide de la dégradation de fonction.
Les sujets qui allaient perdre leur greffon
au cours du suivi ne différaient pas des
autres pour le délai post-transplantation, le
protocole immunosuppresseur ou l’immu-
nisation contre les antigènes HLA.
Dans un premier temps, les gènes associés
à la perte de greffon ont été identiés par
régression de Cox. Au total, 886 gènes se
sont avérés signicativement associés à la
perte de greffon au seuil de p = 0,0001. Les
gènes associés à la perte du greffon étaient
liés à l’agression tissulaire, à la dédifféren-
ciation épithéliale et au remodelage de la
matrice ainsi qu’aux effets du TGF-β. Ces
gènes ne montraient que peu de chevau-
chement avec les gènes signicativement
liés au rejet, suggérant leur caractère spéci-
que pour la prédiction de perte de greffon.
Une analyse en composante principale
supervisée a ensuite permis de dériver un
score moléculaire pour prédire la perte du
greffon. Un score de risque moléculaire
pronostique a donc pu être attribué pour
chaque patient et a permis d’identier les
personnes à haut (n = 52) ou faible (n = 53)
risque de perte du greffon. La capacité de
ce score à prédire la perte de greffon était
caractérisée par une sensibilité de 83 % et
une spécicité de 63 %. De façon attendue,
le score de risque moléculaire était inverse-
ment corrélé au débit de ltration glomé-
rulaire et positivement corrélé à la brose
interstitielle, à l’atrophie tubulaire, à la
tubulite, à l’inflammation interstitielle
et à la protéinurie. Parmi les patients qui
allaient perdre leur greffon, le score de
risque était d’autant plus éleque la perte
du greffon allait être rapide (p = 0,0006,
test de corrélation). En analyse multiva-
riée, le score de risque moléculaire, le
dédoublement des membranes basales
des capillaires péritubulaires, la hyalinose
artériolaire et la protéinurie étaient tous
des facteurs prédictifs indépendants de
la perte du greffon. Dans une cohorte de
validation indépendante, le score de risque
moculaire était le seul facteur prédictif de
la perte du greffon. La première conclusion
de ce travail est que le score de risque
moléculaire est supérieur aux lésions de
brose et à la fonction du greffon pour
la prédiction de la perte du greffon dans
des biopsies tardives (> 1 an). La seconde
conclusion, liée à la première, est que ce
score, qui intègre de nombreux gènes
caractérisant l’agression tissulaire, reète
la présence d’un processus d’agression
actif, et donc à potentiel évolutif, appor-
tant ainsi une dimension dynamique que
l’analyse classique de la biopsie ne peut
pas appréhender.
D. Anglicheau, Paris
Einecke G et al. A molecular classier for predict-
ing future graft loss in late kidney transplant biopsies.
J Clin Invest 2010;120(6):1862-72.
Alcool et vieux greffons
I
l s’agit d’une étude monocentrique
(Aix-la-Chapelle) prospective portant
sur 305 patients transplantés entre 1989
et 2002 pour cirrhose alcoolique. Les
auteurs ont individualisé 271 patients
sans carcinome hépatocellulaire ni maladie
associés pour obtenir une cohorte homo-
gène dont la survie et les lésions histo-
logiques n’étaient dépendantes que de
la maladie initiale. Le traitement immu-
nosuppresseur comportait une anticalci-
neurine (ciclosporine 41 %, tacrolimus
59 %, initialement), des corticoïdes et une
induction (globuline antithymocytaire ou
anti-CD25). Une biopsie systématique a
été réalisée à 1, 3, 5 et 10 ans. L’analyse
a distingué patients sobres (ou à alcoo-
lisation minime) et patients psentant
une alcoolisation excessive (quotidienne,
> 80 g/j chez l’homme et > 20 g/j chez
la femme, contredisant un avis médical
répété de tempérance).
Une alcoolisation excessive (interrogatoire
du patient, de l’entourage et du médecin,
mesure de la gamma-GT et de la trans-
ferrine désialylée) a été enregistrée chez
27 % des patients. La survie a été compa-
rable (87 % et 88 %) à 5 ans entre buveurs
et non-buveurs, mais était réduite (68 %
versus 82 % ; p = 0,017) à 10 ans chez les
buveurs.
L’analyse histologique a porté sur 214,
159, 115 et 72 patients à 1, 3, 5 et 10 ans.
Une fibrose modérée s’est installée
(tableau) avec le temps, mais sans diffé-
rence entre buveurs et tempérants. Seule
l’inammation était signicativement plus
importante chez les buveurs.
Tableau. Évolution de la brose chez les patients transplantés pour maladie alcoolique
du foie.
1 an 3 ans 5 ans 10 ans
Fibrose F1 36,9 % 44,7 % 40,9 % 47,9 %
F2 6,5 % 10 % 13 % 24,7 %
F3* 0 1,9 % 3,5 % 5,5 %
* Aucun patient n’avait de fibrose F4 dans cette série.
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Revue
de pre
Les auteurs ont ensuite analysé l’effet de
l’âge du donneur sur les résultats de la
TH, en distinguant donneurs ayant plus de
60 ans (greffons “marginaux”, n = 84) et
moins de 60 ans (n = 187). La survie des
patients a été comparable chez les patients
recevant un greffon plus ou moins âgé.
Les lésions histologiques à 5 et 10 ans
étaient également comparables entre les
deux groupes, sauf en ce qui concerne l’in-
ammation portale, plus fréquente chez
les receveurs de greffons âgés.
Commentaires. Ces données conrment
que la consommation excessive d’alcool
après TH réduit, mais seulement tardive-
ment, la survie du receveur. L’équipe de
Montpellier (S. Faure et al., American
Transplant Congress 2010, A759 actua-
lisé) a récemment rapporté des résultats
comparables : la consommation excessive
d’alcool (> 20 g/j chez la femme et > 30 g/j
chez l’homme), notée chez 13 % de leurs
patients, réduisait la survie à 10 mais pas
à 5 ans (survie à 5 et 10 ans de 84 % et
49%, respectivement, chez les buveurs,
versus 86 % et 75 % pour les non-buveurs).
Dans leur travail, consommation excessive
d’alcool, diabète post-TH et utilisation de
ciclosporine étaient les trois facteurs indé-
pendants associés à la surmortalité.
Les dones du présent travail suggèrent de
plus que l’utilisation d’un greffon plus âgé
(provenant de donneurs de plus de 60 ans)
permet des résultats aussi bons que ceux
obtenus avec un greffon plus jeune, dans
ce contexte de TH pour maladie alcoolique
du foie. Il est connu que les greffons âgés
sont plus sensibles auxsions d’ischémie-
reperfusion et veloppent une brose plus
rapide en cas de récidive virale C. L’ad-
dition des effets de l’âge du donneur et
de l’alcoolisation du receveur n’a pas été
analysée dans le présent travail (proba-
blement par défaut d’effectifs). Toutefois,
globalement, les patients porteurs d’une
maladie alcoolique du foie sont de bons
candidats pour recevoir des greffons âgés.
Y. Calmus, Paris
Schmeding M et al. Liver transplantation for
alcohol-related cirrhosis: a single centre long-term
clinical and histological follow-up. Dig Dis Sci 2010,
May 25 [Epub ahead of print].
Conversion à une monothérapie
par évérolimus pour insuffisance
rénale chez le transplanté
hépatique
I
l s’agit d’un essai randomisé évaluant
l’effet sur la fonction rénale d’un arrêt
programmé précoce partir de J10) de
la ciclosporine au profit d’une mono-
thérapie par évérolimus (Evr) [contre la
poursuite d’une immunosuppression clas-
sique à base de ciclosporine (CsA), avec
ou sans mycophénolate mofétil (MMF)]
en transplantation hépatique (TH) de
novo. La conversion s’est faite de J10 à
J30, environ, dans le groupe Evr. Soixante-
dix-huit patients (d’une cohorte de 111)
ont été randomisés (randomisation 2/1 ;
Evr : n = 52 ; CsA : n = 26).
Tous les patients ont reçu du basiliximab
20 mg à J0 et J5, des corticoïdes (bolus de
500 mg, puis dose régressive jusqu’à l’arrêt
à J35). La dose initiale de CsA a été de
2 mg/kg/j, pour atteindre une concentration
sanguine résiduelle (C0) de 100 ± 25 ng/
ml. Dans le groupe 1 (conversion), la dose
initiale d’Evr (à J10) a été de 2 mg/j, avec
un objectif de C0 de 6-10 ng/ml. La dose
a été augmentée pour obtenir un C0 de
8-12 ng/ml après interruption de la CsA,
et jusqu’à 6 mois, puis réduite pour revenir
à une C0 de 6-10 ng/ml ensuite. La dose
de CsA a été maintenue pour obtenir une
C0 de 100 ± 25 ng/ml jusqu’à J30, puis
interrompue. Dans le groupe 2 (traitement
CsA standard), la dose de CsA a été ajustée
pour obtenir une C0 de 225 ± 25 ng/ ml
jusqu’à J30, puis de 200 ± 25 ng/ml
jusqu’à 6 mois, puis de 150 ± 25 ng/ml
ensuite. En cas d’effets indésirables de
l’anticalcineurine, la dose de CsA pouvait
être réduite de 50 % environ, sous couvert
de MMF (2 g/j puis 1 g/j). Le critère d’ef-
cacité principal de jugement a été la fonc-
tion rénale estimée par la clairance calculée
à 12 mois. Les critères secondaires ont é
l’incidence de l’insufsance rénale chro-
nique de stade 3 (< 60 ml/mn/1,73 m
2
),
et un critère combiné associant incidence
du rejet aigu, perte du greffon ou décès du
patient à 6 et 12 mois.
Le critère combiné (absence d’échec)
à 1 an a été de 75 % dans le groupe
Evr versus 69,2 % dans le groupe CsA
(p = 0,36). La survie du patient a été simi-
laire dans les deux groupes. La clairance
calculée (mean modication of diet in
renal disease, MDRD4) était signicati-
vement meilleure dans le groupe Evr à 1 an
(87,7 ± 26,1 versus 59,9 ± 12,6 ml/ mn ;
p < 0,001). L’incidence d’insuffisance
rénale de stade ≥ 3 (taux de filtration
glomérulaire calculée < 60 ml/mn) était
plus élevée dans le groupe CsA à 3 mois
(54,2 % versus 12,5 % ; p < 0,001), 6 mois
(56,5 % versus 17,8 % ; p = 0,003) et 1 an
(52,2 % versus 15,4 % ; p = 0,005). L’inci-
dence du rejet aigu histologiquement
prouvé a été faible et similaire dans les
deux bras : 5,7 % dans le bras Evr (à J40,
J54 et J87, 2 minimes et 1 modéré), et
7,7 % dans le bras CsA, à J41 et 8 mois,
tous deux modérés. Les complications
ont été comparables dans les deux bras,
à l’exception des thromboses de l’artère
hépatique, plus fréquentes dans le bras
CsA (15,2 % versus 1,9 % ; p = 0,04),
une donnée difcilement explicable. Le
taux de sortie d’étude dans le bras Evr
était de 27 %.
Commentaires. L’interruption précoce
de la CsA (J10 à J30) avec passage en
monothérapie Evr permet donc d’épargner
la fonction rénale sans augmenter le risque
de rejet et des autres complications liées
à l’immunosuppression, avec un taux de
sortie d’essai (27 %) plus modeste que dans
les essais précédents. L’amélioration de la
fonction rénale est attendue, surtout dans
un essai la conversion a été précoce,
avant l’apparition de lésions rénales dé-
nitives liées aux anticalcineurines. L’ab-
sence d’effets indésirables importants et
la fréquence relativement faible des sorties
d’essai sont probablement liées aux taux
“raisonnables” de l’Evr dans cet essai
(résiduelle 10,5 ± 3,8 ng/ ml à J30-J180 et
9,9 ± 3,0 ng/ml à J180-J365). En revanche,
le faible taux de rejet dans le bras Evr
monothérapie est plus inattendu. Cette
donnée mérite d’être conrmée.
Y. Calmus, Paris
Masetti M et al. Early withdrawal of calcineurin
inhibitors and everolimus monotherapy in de novo
liver transplant recipients preserves renal function.
Am J Transplant 2010. May 10.
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