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L’Encéphale (2009) Supplément 7, S340–S341
Disponible en lignesur www.sciencedirect.com
journalhomepage: www.elsevier.com/locate/encep
Les dépressions sévères : une réalité clinique
et évolutive
The severe depression : a clinical and evolutive reality
D. Sechter
CHU de Besançon, Hôpital Saint Jacques, 2, Place Saint Jacques 25000 Besançon
Conclusion
« Les dépressions sévères » restent difciles à nir mais
elles correspondent à une réaliclinique : souffrance des
patients et de leur entourage, complications psychiatriques
et somatiques, conséquences socio-familiales, professionnel-
les et économiques… Elles posent d’importants problèmes et
nécessitent une prise en charge complexe et prolongée.
Les critères de sévérité sont multiples ; ils correspon-
dent à l’intensité de la symptomatologie, à la durée de
l’évolution, à l’importance de leurs impacts psychosociaux.
Leurs causes et leurs conséquences sont intriquées et peu-
vent réaliser une véritable spirale se répercutant sur plu-
sieurs générations.
Au plan clinique, la sévérité peut être immédiate, lors
d’un épisode dépressif d’intensité sévère engageant le pro-
nostic vital, avec le risque d’un raptus suicidaire, d’un état
de dénutrition, de cachexie, de troubles métaboliques, de
syndromes confusionnels, notamment chez le sujet âgé,
mais aussi du fait de ses conséquences à court terme, trou-
bles cognitifs et du développement chez un sujet jeune,
troubles des interactions précoces lors du post-partum.
La sévérité s’exprime le plus souvent à moyen et à long
terme, selon différentes modalités évolutives : persistance
de symptômes résiduels, récurrences multiples, transfor-
mation en cycles rapides, évolution au long cours voire
chronique… Elle s’exprime par la souffrance du sujet et
l’ensemble de ses conséquences en termes d’impact sur sa
santé physique, sur sa qualité de vie, ainsi que sur celles de
son entourage, ses conséquences affectives, familiales,
professionnelles et socio-économiques.
Les dépressions sévères peuvent ainsi s’observer dans
toutes les catégories nosographiques, dépressions réaction-
nelles, névrotiques, présumées non-endogènes, et endogè-
nes. Les récurrences dépressives sont d’autant plus
fréquentes que l’âge de début de la pathologie est pré-
coce, et qu’il existe des symptômes résiduels ; les récur-
rences semblent montrer une aggravation au l de
l’évolution avec une sensibilisation accrue aux événements
de vie. Les épisodes dépressifs caractérisés peuvent s’asso-
cier à un trouble dysthymique, réalisant une « double
dépression », ou à des troubles de la personnalité dont la
prise en charge peut être complexe. Certains troubles bipo-
laires sont particulièrement difciles à stabiliser, lorsqu’il
existe des états mixtes, des cycles rapides, induits ou non
par les antidépresseurs, lorsqu’il existe des syndromes déli-
rants congruents ou non à l’humeur, notamment chez le
sujet jeune où le tableau clinique peut prendre le masque
d’un syndrome dissociatif, d’une psychose puerpérale ou
du post-partum…
Qu’il s’agisse d’une cause ou d’une conséquence, les
dépressions sévères sont souvent associées à des comorbi-
dités somatiques, pathologies cardiovasculaires, endocri-
niennes, métaboliques… dont la prise en charge est difcile
avec une observance des traitements irrégulière. Sur le
plan psychiatrique, elles sont associées à différents trou-
bles de la personnalité, avec les difcultés particulières de
l’impulsivité, des états limites, mais aussi à différents trou-
* Auteur correspondant.
L’auteur a déclaré des conits d’intérêts avec Lundbeck.
Les dépressions sévères : une réalité clinique et évolutive S341
bles anxieux, et à des conduites addictives, alcool ou toxi-
comanies dont l’évolution en elle-même peut être
péjorative, qui interfèrent avec le pronostic, et une plus
grande difculté d’accès aux soins.
Comme pour l’ensemble des troubles dépressifs, le poids
respectif des facteurs biologiques, psychologiques et socio-
environnementaux varie selon les sujets, leur histoire indi-
viduelle et le moment évolutif de la pathologie. Il semble
impossible d’identier des facteurs de vulnérabilité, innée
ou acquise, qui soient associées aux formes d’évolution
sévère ou au contraire d’identier d’éventuels facteurs de
résilience. Les études portant sur les interactions gênes/
environnement, mais aussi sur l’imagerie et la neurobiolo-
gie des émotions, des affects, et des fonctionnements
cognitifs, illustrent la manière selon laquelle les facteurs
environnementaux, notamment les événements de vie,
modient l’expression d’une vulnérabilité génétique…
Selon une perspective psycho-neuro-développemen-
tale, il est important d’identier l’ensemble des facteurs
de risques potentiellement impliqués dans l’évolution des
dépressions sévères, en tenant compte des interactions
précoces mère/bébé, du mode d’attachement de l’enfant
avec ses parents, des psychotraumatismes, des événements
de vie, du mode de fonctionnement de la personnalité… Les
facteurs culturels et sociaux, l’acceptation ou non de
l’existence d’une pathologie dépressive, les difcultés dans
le monde du travail, les arrêts de travail, le chômage, la
précarité, peuvent également aggraver le pronostic et
l’évolution, et avoir des conséquences immédiates et à plus
long terme sur l’ensemble de la constellation familiale.
L’approche clinique et une écoute attentive sont ainsi
essentielles pour établir une relation de qualité qui per-
mette d’évaluer l’ensemble de ces facteurs, d’en informer
le patient et son entourage.
Une connaissance individualisée du sujet, de son his-
toire et de ses antécédents, de l’intensité de ses troubles
et de leur évolution, de l’existence de pathologies asso-
ciées, du mode de fonctionnement de sa personnalité, per-
mettront ainsi d’élaborer une stratégie thérapeutique
adaptée, « sur mesure », associant l’approche biologique
(traitements pharmacologiques avec d’éventuelles associa-
tions, voire techniques de stimulation cérébrale) et une
approche psychothérapique (traitements cognitifs et com-
portementaux, psychothérapies d’inspiration psychanalyti-
que) an de traiter le plus efcacement possible l’épisode
actuel mais aussi de prévenir les rechutes et les récurren-
ces, en tenant compte des données culturelles et socio-
professionnelles.
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