L’enfance du schizophrène S3
Les facteurs de risque périnataux
Il existe de nombreuses études qui ont tenté d’identiÀ er
chez des patients schizophrènes des facteurs de risque
périnataux [e.g. 19, 20]. Nous retrouvons en effet, plus de
naissances en hiver chez les sujets schizophrènes par rap-
port aux sujets contrôles [13]. Plusieurs hypothèses ont été
proposées. Certains auteurs expliquent cette différence
par l’exposition à des agents infectieux saisonniers à des
agents toxiques ou à encore des facteurs hormonaux [e.g.
13]. Le lieu de naissance a fait également l’objet de nom-
breuses études [e.g. 18, 19]. Il semble que les sujets schi-
zophrènes naissent plus fréquemment que les sujets
contrôles dans les zones à haute densité urbaine. Certaines
études montrent d’ailleurs que ces deux variables – saison
de naissance en hiver et lieu de naissance en ville – sont
très corrélées. Cette forte corrélation présuppose une pro-
bable origine infectieuse [18].
Le virus de la grippe est également proposé dans de
nombreuses études [e.g. 19]. Mais les résultats sont assez
contradictoires, du fait des méthodologies utilisées. En
effet, la plupart des études utilisent des méthodes proba-
bilistes sans mesure directe de l’exposition au virus [19].
En revanche, les données pour la rubéole semblent un peu
plus signiÀ catives. Il semble que les sujets exposés pendant
le premier trimestre aient un risque accru par rapport aux
sujets contrôles. Contrairement aux études concernant la
grippe, ces dernières études ont mesuré réellement l’expo-
sition au virus [1].
Les complications obstétricales ont été également étu-
diées. Il semble que tous les événements qui engendrent
une hypoxie soient des facteurs de risque potentiels : la
rupture prématurée des membranes, la prématurité, la
réanimation néonatale, une pré-éclampsie et un faible
poids de naissance. Ces différentes complications sont donc
plus fréquemment retrouvées dans les antécédents des
sujets schizophrènes que chez les sujets témoins [e.g. 4,
7].
L’exposition au stress in utero serait également un fac-
teur de risque signiÀ catif ainsi que la dépression mater-
nelle [e.g. 19]. Les carences nutritionnelles ont été
étudiées, mais sans données vraiment probantes dans la
littérature, ainsi que les carences en acide folique et en
vitamine D, ce dernier facteur pouvant être aussi lié aux
naissances plus fréquentes en hiver chez les sujets schi-
zophrènes. EnÀ n, les facteurs de risque toxiques et médi-
camenteux ont également été proposés, mais avec des
résultats contradictoires [e.g. 12, 19, 20].
Au total, les différentes études démontrent la présence
de nombreux facteurs de risque périnataux pendant l’en-
fance des schizophrènes. En revanche, la nature du lien de
causalité entre d’une part les facteurs de risques périna-
taux et la schizophrénie reste inconnue. La première hypo-
thèse serait que ces facteurs de risque engendrent des
anomalies cérébrales précoces, qui elles-mêmes seraient
responsables des troubles schizophréniques. Mais nous pou-
vons tout autant imaginer qu’un trouble psychopathologique
maternel (par exemple une mère schizophrène) engendre
un suivi de grossesse catastrophique et des risques périna-
taux plus nombreux. Alors, les seuls facteurs génétiques ne
sont pas à l’origine des troubles de l’enfant. Dans ce cas,
on n’aurait plus un lien de causalité direct, mais un lien
indirect par une variable intermédiaire comme la psycho-
pathologie parentale. Autre hypothèse possible : les fac-
teurs de risque périnataux pourraient engendrer des
anomalies cérébrales précoces qui pourraient elles-mêmes
être responsables d’un trouble de la relation précoce, qui à
son tour pourrait être un facteur de risque supplémentaire
pour développer une schizophrénie. Ainsi, bien que les fac-
teurs de risque périnataux soient bien identiÀ és, la nature
des relations entre les différentes variables reste à explo-
rer. Nous ne savons pas encore comment ces différentes
variables s’organisent entre elles ni à quel moment pour
développer ou pas un trouble psychopathologique tel que la
schizophrénie [e.g. 19, 20].
Les facteurs de risque développementaux
En dehors des facteurs de risque périnataux, nous retrou-
vons également dans l’enfance des schizophrènes de nom-
breux troubles du développement que nous déÀ nirons
comme des facteurs de risque développementaux. Il est
important de noter ici, que l’on peut considérer ces fac-
teurs de risque développementaux, comme des signes pré-
morbides ou des signes avant-coureurs de la maladie.
Les difÀ cultés de socialisation sont les problèmes les
mieux documentés dans la littérature. Certaines études
rétrospectives réalisées chez les sujets schizophrènes,
retrouvent des enfants plus souvent isolés et repliés sur
eux-mêmes, des enfants plutôt passifs, trop sages voire
« impopulaires » [e.g. 8]. Jones et al. [10] retrouvent éga-
lement dans l’enfance des schizophrènes une préférence
pour les jeux solitaires. EnÀ n, dans une étude prospective,
Cannon, et al. [5] ont comparé dans une population clini-
que, les enfants qui allaient devenir schizophrènes avec
ceux qui allaient développer d’autres troubles psychiatri-
ques. Il semble que ce soit la méÀ ance et la susceptibilité
qui différencient le mieux les deux populations. En d’autres
termes, on retrouve plus de méÀ ance et de susceptibilité
pendant l’enfance du schizophrène. Cette étude retrouve
également chez les schizophrènes des antécédents plus
fréquents de difÀ cultés relationnelles avec les pairs et les
enseignants. Les difÀ cultés sociales sont donc probable-
ment les signes précurseurs les plus fréquents chez l’enfant
à risque de développer une schizophrénie.
Les troubles du comportement sont aussi des signes fré-
quemment retrouvés pendant l’enfance du schizophrène.
Nous retrouvons en effet, une impulsivité, une agressivité,
une hostilité, une agitation ainsi qu’une irritabilité plus
importantes. Cannon et al. [3] soulignent d’ailleurs que ces
troubles du comportement pourraient prédire le type de
schizophrénie avec en l’occurrence une prédominance de
signes positifs. À l’inverse, ces mêmes auteurs stipulent
que les enfants ayant des troubles de la socialisation (iso-
lés, très timides, etc.) seraient susceptibles de développer
une schizophrénie avec des signes négatifs prédominants.
Ces éléments sont à considérer avec prudence car ils n’ont
pas été conÀ rmés par d’autres études.