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tion chronique qui, avec l’âge, peuvent revêtir des expres-
sions cliniques particulières et requérir des adaptations
thérapeutiques spéciÀ ques.
Dans le champ des troubles mentaux, cet allongement
de l’espérance de vie est également constaté chez les
patients souffrant de schizophrénie, même si il est de moin-
dre ampleur. Ainsi, on observe encore chez les patients schi-
zophrènes un risque de mortalité prématurée (avant l’âge
de 65 ans) 2 à 3 fois supérieur à celui constaté en popula-
tion générale [5,12]. L’allongement de la durée de vie
moyenne des patients schizophrènes, même si il est moins
signiÀ catif qu’en population générale, implique néanmoins
diverses conséquences [4] : plus grande fréquence des
pathologies somatiques liées à l’âge, majoration des altéra-
tions cognitives, perte d’autonomie susceptible de nécessi-
ter un changement du lieu de vie du patient.
Pourtant, les études spéciÀ quement consacrées aux
patients schizophrènes âgés sont encore très peu nombreuses,
qu’elles soient épidémiologiques, cliniques, cognitives, en
imagerie cérébrale, ou qu’il s’agisse d’essais thérapeutiques.
Parallèlement, l’amélioration globale des soins dont
bénéÀ cient les patients souffrant de schizophrénie a per-
mis une diminution du nombre de lits d’hospitalisation et
des durées de séjour, avec développement de structures
ambulatoires alternatives, qu’elles soient sanitaires ou
médico-sociales. Mais ces structures alternatives n’ont pas
été conçues pour répondre aux besoins spéciÀ ques des
patients les plus âgés, et on constate aujourd’hui un man-
que criant de lieux de vie adaptés.
Face à ce qui peut être considéré comme un enjeu
majeur de Santé Publique, il est urgent de davantage
prendre en considération les spécificités du trouble liées à
l’âge, et de développer une offre de soins adaptés.
Santé physique et surmortalité prématurée
On observe chez les patients souffrant de schizophrénie un
risque de mortalité prématurée (avant l’âge de 65 ans) 2 à
3 fois supérieur à celui constaté en population générale,
l’espérance de vie d’un patient schizophrène étant en
moyenne amputée de 20 % [5,12]. La première cause de
cette surmortalité est le suicide [9], mais les autres causes
de mortalité (causes accidentelles, causes médicales) sont
également surreprésentées chez les patients schizophrè-
nes. C’est particulièrement le cas des maladies cardiovas-
culaires et respiratoires [7]. Cette surreprésentation
s’explique en grande partie par une augmentation des fac-
teurs de risque liés à la maladie (sédentarité, tabagisme,
alcoolisme, mauvaise hygiène alimentaire, surcharge pon-
dérale (Encadré 1)). Un facteur de risque supplémentaire
est représenté par les effets iatrogènes de certains traite-
ments, c’est notamment le cas du syndrome métabolique
induit par certains antipsychotiques. Concernant les can-
cers, les études épidémiologiques sont plus contrastées,
mais il semblerait néanmoins que, globalement, les patients
schizophrènes présentent, là encore, un risque majoré.
Le moindre accès aux soins somatiques des patients
schizophrènes représente un autre facteur explicatif de la
surmortalité observée dans ce groupe de patients. Chez le
patient schizophrène, les pathologies somatiques sont
dépistées plus tardivement et bénéÀ cient d’une prise en
charge thérapeutique souvent moins rigoureuse. En effet,
les patients schizophrènes présentent des difÀ cultés d’iden-
tiÀ cation des symptômes d’alerte (douleur, À èvre…), par-
fois interprétées comme des manifestations délirantes,
ainsi qu’une moins bonne observance des traitements pro-
posés. De surcroît, ces patients n’ont que rarement un
médecin généraliste référent. EnÀ n, il existe parfois une
réticence des psychiatres à considérer ou à traiter les pro-
blèmes somatiques de leurs patients atteints de schizo-
phrénie. À partir de l’étude CATIE, Nasrallah et al. [10] ont
ainsi montré qu’à l’inclusion, 30 % des patients présen-
taient un diabète non traité et 62 % une hypertension arté-
rielle non prise en charge.
Afin d’améliorer la santé physique du patient souffrant
de schizophrénie et ainsi contribuer à la diminution de la
surmortalité prématurée, il convient avant tout de ren-
forcer la prévention, en ayant pour premier objectif de
réduire les facteurs de risque, de surveiller étroitement la
tolérance à moyen et long des antipsychotiques prescrits,
et d’améliorer le dépistage des troubles organiques en
ayant recours plus systématiquement à un médecin géné-
raliste référent et à la réalisation de bilans somatiques et
biologiques.
ENCADRÉ N° 1
Étude sur la prévalence de la surcharge pondérale
et de l’obésité chez les patients souffrant
de schizophrénie en France
En 2005-2006, a été menée une enquête nationale de
grande ampleur sur une population de plus de 5 700 patients
schizophrènes. L’échantillon était constitué d’une majorité
d’hommes (62 %), avec un âge moyen à l’inclusion de
37 ans. L’index de masse corporelle moyen était de 25,5,
avec une prévalence de surcharge pondérale de 29 %
(IMC > 25), et d’obésité de 17 % (IMC > 30) [8]. Les hommes
étaient surtout concernés par une surcharge pondérale
(prévalence de 31 % contre 17 % en population générale,
soit un risque d’environ x2). En revanche l’obésité touchait
davantage les femmes (prévalence de 22 % contre 8 % en
population générale, soit un risque de près de x3).
Évolution symptomatique avec l’âge
Malgré le biais d’évaluation représenté par la moindre
expression verbale chez les patients schizophrènes âgés,
on constate un abrasement des symptômes positifs, avec
réduction des productions délirantes. La même tendance
est retrouvée pour les symptômes thymiques aigus, mais
en revanche chez le patient schizophrène âgé on constate
une plus grande fréquence des symptômes dépressifs sub-
syndromiques. À l’inverse de la population générale, il
n’existe pas de pic de suicide chez le sujet schizophrène
âgé, le risque maximal se situant en début de maladie.