4°) L’attitude à l’égard de la corruption : quand la fin justifie les moyens.
Cette question est décisive dans les économies de marché où la transparence devrait
permettre un fonctionnement efficace des relations marchandes et des règles de compétition.
Les Institutions Financières Internationales s’intéressent bien après les théoriciens, à
l’économie politique de la corruption.
Analysant ce phénomène, un auteur comme le Prix Nobel G. BECKER estime qu’il s’agit
de la confrontation d’une offre et d’une demande selon les principes de l’économie du crime
qui permet à des individus de disposer d’avantages indus sans payer ou d’une rente de
situation. Les contractants comparent les gains probables et les risques potentiels.
En revanche, pour la société comme pour les citoyens la corruption impose des coûts
moraux, politiques, sociaux et économiques. Ces coûts économiques se traduisent par le
gaspillage des fonds publics, l’octroi de rentes de situation parasitaires, la concurrence
déloyale pour les entreprises, des pertes de revenus budgétaires et de crédibilité pour
l’ensemble du système social. Par ailleurs, elle remet en question l’égalité de traitement des
citoyens et l’égalité des chances des entreprises en régime de concurrence. En conséquence,
si on laisse la corruption s’incruster et se développer, il va se former des échanges sociaux
complexes avec des réseaux qui vont viser à sécuriser les transactions délictueuses hors
marché au détriment de l’économie nationale.
5°) L’attitude à l’égard de l’État et du service public : absence totale d’une éthique de
l'intérêt général et du souci du bien commun.
L’émergence en Asie est partie d’un État fort adossé sur des institutions stables,
utilisant les savoirs et les talents. Il a été qualifié d’ « État pro » c’est-à-dire producteur,
promoteur, programmeur et prospecteur. Au contraire de l’Asie, en Afrique les politiques
néolibérales ont opéré un véritable démontage des pouvoirs de l’État. Pourtant,
contextuellement, l’État y est doublement précarisé en haut par la mondialisation et en bas
par l’économie informelle dominante. À cela s’ajoute une crise chronique de ses finances
publiques du fait de multiples prédations des divers acteurs qui le rendent incapable de
disposer de fonds d’accumulation pour investir dans les secteurs créateurs d’externalités
positives : infrastructures, éducation et formation, santé, environnement, etc.
Cette prédation concerne d’abord les entreprises (incivisme fiscal qui se traduit par le
non accomplissement des obligations, intéressement social, patriotisme d’entreprise), les
élites administratives et politiques et les citoyens. Les élites asiatiques ont mieux utilisé leurs
ressources de la prédation, de la corruption en faisant confiance en leurs institutions. C’est le
contraire avec les élites africaines qui ont consacré leurs ressources à des placements à
l’extérieur ou à des consommations somptuaires. Il manque aux acteurs une éthique de
l'intérêt général c’est-à-dire le souci du bien commun ou la recherche d'un optimum social.
L’aboutissement de cette situation se traduit dans les malversations financières, la
gestion non transparente et gabégique du secteur public, la démultiplication des passe-droits,
la promotion et la protection de l’incompétence, la violation des règles d’une compétition
stimulante, etc. Pour sûr de tels comportements conduisent un pays à la ruine. Le civisme est
alors cette vertu cardinale consistant à préserver le bien public, à s’intéresser à la vie sociale
et politique, à se plier aux disciplines nécessaires, à respecter les lois légitimes ainsi que les
autorités chargées de les appliquer. Ces qualificatifs ressortent de la bonne gouvernance
concept qui a permis aux institutions financières internationales de sortir de l'impasse des
années 1970 et 1980 quand elles préconisaient un libéralisme économique forcené hostile à
l'État dont l’immixtion dans l’économie était considérée comme la cause principale des
déséquilibres.