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Le Courrier des addictions (15) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2013
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pour tester le mésusage des excipients. Il faut
s’en remettre aux données de la pharmacovigi-
lance, qui permettent de détecter des “signaux”,
ce qui a été le cas par le CEIP de Nantes pour des
lésions cutanées causées par les génériques(18).
Face à ce mésusage, la réponse a longtemps été le
passage sous méthadone, réputée non injectable.
Une alternative est maintenant possible avec
la BHD-naloxone. La comparaison d’effi cacité
entre Suboxone
®
et Subutex
®
(étude RIME)
sur la réduction du mésusage du MSO par voie
intraveineuse, chez les patients dépendants aux
opiacés déclarant s’injecter la BHD au moins
4fois par semaine et désireux d’arrêter cette
pratique, a montré que 89,6 % des patients sous
Suboxone® sont parvenus à réduire leur nombre
moyen d’injections par semaine d’au moins
30,0 % versus 45,8 % dans le groupe Subutex®
(p<0,0001)[19].
Le mésusage de la BHD (sniff, injection)
concerne une minorité de patients espérant
retrouver des sensations. La réaction première
des autorités a été de renforcer les contraintes
juridiques, transformant l’usager mésuseur en
délinquant, ce qui était contreproductif, les éloi-
gnant du système sanitaire. Le choix s’est porté
sur des mesures simples (un seul médecin et un
seul pharmacien par patient, une ordonnance
sécurisée). Cela a renforcé le rôle du médecin
traitant, souvent sous-estimé(20).
La méthadone est aussi utilisée comme substi-
tution “de rue”, mais dans une moindre mesure.
En 2008, dans les Caarud, 2,3 % des usagers de
méthadone faisaient état d’injection au cours
du mois précédent(15).
Morbidité somatique
Rappelons que la méthadone, comme la BHD,
peuvent être prescrites lors de la grossesse et
qu’aucun eff et tératogène n’a été rapporté.
La dépression du système nerveux
central, de la sédation au surdosage
Eff et majeur des MSO, comme de tout opiacé, il
est fréquent de ressentir une sédation modérée
à l’induction. Puis, avec l’installation d’une
tolérance, une fois la posologie stabilisée, elle
disparaît. En cas de surdosage, l’eff et est plus
massif, avec troubles de la vigilance et/ou
confusion, bradypnée, bradycardie et hypo-
tension, et peut aller jusqu’au coma toxique,
voire à l’arrêt cardiorespiratoire. Ces signes
sont associés à un myosis serré bilatéral. La
dose de 1mg/kg est mortelle pour un indi-
vidu non tolérant et des décès par ingestion
accidentelle sont décrits chez des enfants. Les
parents et les proches doivent être informés
du risque d’intoxication pédiatrique et prendre
des précautions pour le stockage et le décon-
ditionnement du médicament.
Ces troubles peuvent être exacerbés en cas
d’association à des produits ou médicaments
dépresseurs du système nerveux central et
en cas de pathologies respiratoires. Les MSO
ayant une demi-vie prolongée, 13 à 47h pour la
méthadone et 24 à 36h pour la BHD, ils peuvent
s’accumuler(21). D’où la règle d’or à l’induc-
tion : démarrer doucement, monter progressi-
vement ! La BHD, agoniste partiel des récepteurs
opioïdesμ, est à moindre risque du fait de son
eff et plafond(22).
La prise en charge d’un surdosage est hospi-
talière, en soins intensifs, avec administration
continue de naltrexone jusqu’à élimination du
produit.
Les troubles du sommeil
Les troubles du sommeil sont fréquents sous
MSO. En cas d’échec des conseils et de l’accom-
pagnement hygiénodiététiques et des thérapies
cognitivocomportementales, un traitement
hypnotique peut s’avérer nécessaire. Il faut alors
préférer les antidépresseurs (en cas de symp-
tômes dépressifs par ailleurs), antihistaminiques,
antagonistes de la mélatonine. Une majoration
des insomnies sous hypnotiques doit faire
rechercher un syndrome d’apnée du sommeil
(SAS). Dans une étude chez des patients sous
méthadone à posologie stable, 30 % avaient un
SAS d’origine centrale ; le score de gravité était
corrélé à la posologie(23). Un autre travail a
montré que, parmi des personnes sous opiacés,
75 % avaient des troubles du sommeil de type
apnée ou hypopnée. Parmi eux, seule la métha-
done était liée au SAS d’origine centrale(24).
Hyperalgésie
et traitement de la douleur
Avec le phénomène de tolérance, le seuil de
perception de la douleur chez des personnes
sous opiacés au long cours est abaissé. Les
personnes sous MSO souff riraient aussi plus
souvent de pathologies douloureuses. D’ailleurs,
un questionnement sur la présence de pertur-
bations de la perception nociceptive préalable
à la prise de drogue demeure(25).
Les patients sous MSO souff rant de douleurs
aiguës doivent bénéfi cier de traitements antal-
giques opiacés, par voie intraveineuse si néces-
saire, comme tout patient. Il leur faut souvent
des doses plus importantes et une durée de trai-
tement plus longue du fait de leur tolérance aux
opiacés. La gestion des douleurs sévères aiguës
et/ou chroniques en appelle souvent à une prise
en charge spécialisée.
Sous méthadone, on favorise le maintien de la
posologie et l’association à un opiacé agoniste
de demi-vie courte. Autrement, il est possible
de fractionner la prise quotidienne de métha-
done toutes les 6 à 8heures, éventuellement en
augmentant la posologie. Pour les patients sous
BHD, les mêmes modalités de traitement sont
envisageables. Par ailleurs, en cas de douleurs
aiguës à l’hôpital, il est possible d’interrompre
la BHD pour débuter un traitement antalgique
opiacé, ou encore de remplacer la BHD par la
méthadone associée à un opiacé de demi-vie
courte, et de reprendre avec la BHD une fois
les douleurs apaisées(25).
Les perturbations de la libido
Les opiacés sont connus pour causer des
dysfonctions sexuelles. Cependant, la BHD
aurait un eff et beaucoup plus limité. L’équipe
de Bliesener(26) a montré la présence d’un taux
de testostérone franchement abaissé, et de forts
taux de troubles de libido et de l’érection chez
les patients sous méthadone comparativement
à ceux sous BHD. Dans les cas d’hypogona-
disme avéré, un traitement androgénique par
testostérone devrait être proposé, d’autant que
ces traitements sont bien tolérés par les sujets
jeunes.
Chez la femme, on observe aussi des troubles du
cycle menstruel et de la sexualité. Il est possible,
en particulier pour la méthadone, que cela soit
dû aux MSO. Cependant, il conviendra toujours
de s’assurer, comme chez l’homme, de l’absence
d’autres causes médicamenteuses ou toxiques,
mais aussi de possibles dysfonctions secon-
daires à un traumatisme sexuel, fréquent chez
ces patientes.
Eff ets divers
Céphalées : d’intensité et de fréquence
variables, elles sont peu documentées dans la
littérature.
Constipation : la majorité des patients sous
MSO en souff re, et ce de manière chronique.
Des conseils diététiques restent la première
réponse. Les laxatifs sont utilisés en cas de
persistance.
Nausées et vomissements : fréquents à l’ins-
tauration du traitement, ils tendent à diminuer
une fois celui-ci stabilisé. Il faut penser à traiter
une éventuelle constipation. Des antiémétiques
(méclozine, métoclopramide) ou des inhibiteurs
de la pompe à protons peuvent améliorer les
symptômes.
Hyposialie : tous les opiacés sont à l’origine
d’une hyposialie (diminution de la production
de salive) qui peut elle-même causer une xéros-
tomie (sécheresse buccale). Ce trouble, parfois
associé à une mauvaise hygiène buccodentaire,
expliquerait les problèmes dentaires des patients
sous MSO, plutôt que de les attribuer à la métha-
done sirop et son fort taux de sucre(27).
Allergies et œdèmes : les MSO peuvent provo-
quer des réactions d’hypersensibilisation : prurit,
urticaire, rashs cutanés et œdèmes peuvent
survenir au décours du traitement.
Tolérance hépatique : la méthadone subit
une biotransformation oxydative dans le foie,
mais peut également y être stockée sous forme
inchangée, puis relarguée dans la circulation
générale. Cependant, elle peut être adminis-
trée aux doses usuelles à des patients souff rant
de maladies hépatiques chroniques (même en
cirrhose avancée). Lors de maladie hépatique
aiguë ou de décompensation d’une maladie