Adénocarcinome du pancréas : quels traitements proposer en 2017 et quelles sont

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DOSSIER
Le pancréas
Adénocarcinome du pancréas :
quels traitements proposer
en 2017 et quelles sont
les thérapeutiques d’avenir ?
Pancreatic adenocarcinoma: which treatments in 2017
and what are the innovative therapies?
Louis Buscail*, Barbara Bournet*
L
* Service de gastroentérologie
et nutrition, pôle digestif et institut
universitaire du cancer de Toulouse,
CHU Rangueil.
e cancer du pancréas représente actuellement la cinquième cause de décès par cancer
dans les pays occidentaux mais devrait très
probablement passer au deuxième rang d’ici
2030, derrière le cancer du poumon (1). Son incidence est en augmentation avec actuellement
de 8 à 10 pour 100 000 habitants en France (soit
13 à 16 000 nouveaux cas par an). Il s’agit dans plus
de 90 % des cas d’un adénocarcinome. Son mauvais
pronostic (survie à 5 ans inférieure à 5 %) est dû en
partie à l’absence de facteurs de risque très spécifiques interdisant une prévention efficace, un dia–
100
2016 versus 2000
Survie (%)
75
Chirurgie curative 15 %
Médiane 17 mois
50
0
Bilan préthérapeutique
Gemcitabine
21-23 mois
Gemcitabine
FOLFIRINOX
Gemcitabine-Abraxane
8-11 mois
25
Palliatif 85 %
Médiane 4,5 mois
0
10
20
Mois
30
gnostic tardif en raison de signes cliniques de début
absents ou non spécifiques, une invasion tumorale
rapide par voie lymphatique et nerveuse, l’absence
de marqueurs biologiques précoces disponibles en
pratique clinique quotidienne. Le seul traitement
curatif du cancer pancréatique est la chirurgie.
Celle-ci ne peut être instituée à visée curative que
dans 15 à 20 % des cas. Parmi ces patients, seulement 5 à 10 % sont en vie à 5 ans. Les autres patients
relèvent d’un traitement palliatif. Parmi eux, deux
tiers sont métastatiques avec une survie globale
médiane qui n’excédait pas 6 à 8 mois il y a 15 ans
mais qui, grâce à quelques progrès récents, avoisine
à ce jour les 10 à 11 mois (figure 1) [2-10]. Nous
allons exposer dans cet article la stratégie thérapeutique actuelle et quelles sont les pistes à suivre pour
améliorer le pronostic de ce cancer qui reste sombre.
40
Figure 1. Courbes de survie du cancer du pancréas entre les années 2000 (en noir)
et 2016 (en rose) pour les patients traités de façon palliative ou curative (résection
chirurgicale curative) [d’après (2-10)].
84 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XX - n° 2 - mars-avril 2017
Il est important de nos jours de raccourcir le parcours
de soins entre la première consultation pour des
symptômes (on le sait malheureusement souvent
tardifs) évocateurs de cancer du pancréas et le
primo­traitement. Les étapes entre cette première
consultation et le primotraitement sont : le dia­
gnostic et le bilan d’extension, le drainage éventuel
d’un ictère et la décision de réunion de concertation pluridisciplinaire. Le diagnostic histologique
bénéficie grandement de l’échoendoscopie avec
ponction dont le rendement dépend, rappelons le,
de l’expérience à la fois de l’opérateur et de l’anatomopathologiste en termes de pathologie pancréatique. Malgré cela, 15 à 20 % des biopsies de tumeurs
Points forts
»» Il est capital de raccourcir le délai entre la première consultation et le primotraitement incluant : dia–
gnostic histologique, évaluation de la douleur, de l’état nutritionnel et de l’état psychologique du patient.
»» Les soins de supports seront toujours à considérer.
»» Les cancers résécables (15 %) et réséqués reçoivent une chimiothérapie adjuvante à base de gemcitabine
ou de 5-FU et acide folinique.
»» Les cancers non résécables et non métastatiques (30 à 35 %) sont subdivisés en “borderline” et “localement
avancés vrais” : les borderline peuvent bénéficier d’un traitement néoadjuvant en cours de validation par
FOLFIRINOX, les localements avancés relèvent d’une chimiothérapie en fonction de l’âge et du score OMS.
»» Les cancers métastatiques (50 à 55 %) sont traités par soins de support et/ou chimiothérapie par FOLFIRINOX (< 75 ans, OMS ≤ 1) ou par gemcitabine (≥ 75 ans, OMS ≥ 2).
pancréatiques solides restent non concluantes,
imposant une nouvelle biopsie et donc un allongement des délais de prise en charge. Notre équipe a
développé les outils de biologie moléculaire comme
la recherche de la mutation de l’oncogène KRAS
sur le matériel de ponction qui aide grandement
au diagnostic d’adénocarcinome quand une mutation est présente (3). Cette analyse est accessible
dans toutes les régions de France mais se posent des
problèmes de financement et de circuit des échantillons. Une fois le diagnostic et le bilan préthérapeutique (préanesthésique, nutritionnel, etc.) réalisés,
le statut du cancer et le traitement doivent être
définis de façon pluridisciplinaire avec, au centre de
cette décision, un scanner thoraco-­abdominopelvien
triphasé, qui est l’outil principal du bilan d’extension. L’IRM (volontiers avec séquences de diffusion)
permet parfois le diagnostic de petites métastases
hépatiques non vues au scanner (ou de confirmer
des lésions douteuses). Au terme de cela, le cancer
sera classé résécable, métastatique ou localement
avancé. Ce dernier statut est actuellement subdivisé
en 2 formes : la forme dite “borderline” (ou presque
résécable) et non résécable (vrai localement avancé)
(tableau). À partir de ce classement le parcours de
soins sera fixé.
Le drainage de l’ictère en cas de cancer de la tête
du pancréas se fera par voie antérograde ou rétrograde. Pour toutes les tumeurs résécables avec un
taux sanguin de bilirubine > 250 µmol/l, un drainage
préopératoire est nécessaire et pour les tumeurs bor-
derline une prothèse expansible couverte et courte
doit être privilégiée.
Adénocarcinomes résecables
Rappelons que la chirurgie curative ne s’applique
qu’aux patients en bon état général et sans antécédents majeurs, et que la mortalité et la morbidité
varient, respectivement, de 2 à 5 % et de 15 à 30 %.
De plus, parmi les facteurs de mortalité et de morbidité statistiquement indépendants, citons un âge
supérieur à 70 ans. Après résection, qu’elle soit R0 ou
R1, la chimiothérapie adjuvante a amélioré la survie
globale de façon significative puisqu’elle est passée
de 17 mois en médiane avant les années 2000 à
23 mois actuellement (figure 1). Elle comprend soit
de la gemcitabine, soit du 5-FU-acide folinique (11).
Récemment, l’association gemcitabine et capecitabine
a aussi été positionnée comme nouveau traitement
adjuvant (essai ESCPAC 4) [12]. Néanmoins, un certain
pourcentage de patients n’auront pas ce traitement en
raison de complications postopératoires, notamment.
Mots-clés
Adénocarcinome
du pancréas
Chimiothérapie
Soins de support
Thérapie génique
Immunothérapie
Highlights
»»Best practices should limit the
delay between first symptoms
and the beginning of the treatment, promoting pathological
diagnosis, pain assessment,
nutritional and psychologic
status.
»»Supportive care are a high
priority in the pancreatic cancer
management.
»»An adjuvant chemotherapy
based on 5-fluorouracil or gemcitabin has to be proposed for
each patient operated on.
Keywords
Pancreatic adenocarcinoma
Chemotherapy
Supportive care
Genic therapy
Immunotherapy
Adénocarcinomes localement avancés
Depuis près de 20 ans, de nombreux essais évaluant
l’intérêt de traitements néoadjuvants (incluant la
radiochimiothérapie) ont été menés afin d’améliorer
la résécabilité secondaire des cancers du pancréas
Tableau. Définition des sous-groupes de cancer du pancréas en fonction de leur caractère résécable ou non.
Cancer localisé
et résécable
Cancer borderline
(limite résécable)
Cancer non résécable
(vrai localement avancé)
Pas de métastase à distance
Pas de métastase à distance
Persistance d’un liseré
graisseux autour du tronc
cœliaque, de l’artère
mésentérique supérieure
et de l’artère hépatique
Contact à l’artère mésentérique ne dépassant
pas 180° de la circonférence
Métastase(s) à distance
et/ou
Atteinte de l’artère mésentérique
dépassant 180° de la circonférence,
atteinte du tronc cœliaque et de la
veine cave inférieure
Veines mésentérique
supérieure
et porte libres
Atteinte de l’artère gastroduodénale sur un
court segment, contact de l’artère hépatique
sans extension à l’artère gastroduodénale
Atteinte et/ou thrombose de la veine
mésentérique supérieure ou de la veine porte
courte et réparable
Occlusion non réparable de la veine
mésentérique supérieure et/ou de la
veine porte
Envahissement de l’aorte
D’après le National Comprehensive Cancer Network (NCCN)- Guidelines for treatment of cancer by site Version 1.2013
https://www.nccn.org/store/login/login.aspx?ReturnURL=https://www.nccn.org/professionals/physician_gls/pdf/pancreatic.pdf
La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XX - n° 2 - mars-avril 2017 | 85
DOSSIER
Le pancréas
Adénocarcinome du pancréas : quels traitements proposer en 2017
et quelles sont les thérapeutiques d’avenir ?
Adénocarcinome du pancréas
Bilan d’extension et RCP
+ traitement de l’ictère
Résécable (15-20 %)
Chirurgie
Résection R0-R1
Non résécable (80-85 %)
Borderline
< 75 ans, OMS ≤ 1
Localement
avancé
FOLFIRINOX
±
RCT
Chimiothérapie
adjuvante
gemcitabine ou
5-FU + acide folinique
RCP : réunion de concertation pluridisciplinaire ; RCT : radiochimiothérapie.
Métastatique (50-55 %)
Chimiothérapie
< 75 ans, OMS ≤ 1
= FOLFIRINOX (*)
≥ 75 ans, OMS ≥ 2
= gemcitabine
et/ou soins du supports
essai thérapeutique ?
Deuxième ligne
Figure 2. Schématisation de la stratégie thérapeutique des adénocarcinomes du pancréas
en 2016.
L’encadré en pointillé signifie que la stratégie n’est pas totalement validée ; * : option
pour gemcitabine et abraxane sans remboursement à ce jour en France.
localement avancés. Cette approche nécessite plusieurs prérequis :
➤➤ une excellente évaluation préthérapeutique du
patient, de la tumeur (incluant l’histologie) et de son
extension suivie d’une décision médicochirurgicale
et oncologique ;
➤➤ si le traitement néoadjuvant est décidé, une
réévaluation précise après primotraitement, au cours
de laquelle le scanner est primordial ;
➤➤ en cas de chirurgie secondaire après nouvelle
concertation pluridisciplinaire, la nécessité d’un
geste chirurgical bien codifié en termes de “picking”
et curage ganglionnaire et analyse extemporanée.
Ce geste chirurgical devrait être pratiqué au sein
d’un centre tertiaire expert.
On distingue donc 2 types de cancers localement
avancés (tableau, p. 85) : les borderline et les localement avancés vrais. En ce qui concerne les cancers
borderline, même s’il n’y a aucune étude randomisée
prospective existante, il a été bien montré qu’un traitement dit “d’induction” permettait d’obtenir une
résécabilité secondaire chez près de deux tiers des
patients. Reste à déterminer la nature de ce traitement d’induction qui comporte actuellement le FOLFIRINOX, associé au non à une radiochimiothérapie.
La survie sans progression après résection secondaire
peut aller jusqu’à 17 mois et peut s’assortir de survies
globales à 3 ans de plus de 80 % (13, 14). Même si
les modalités de ce traitement d’induction ne sont
86 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XX - n° 2 - mars-avril 2017
pas encore codifiées (nombre de cycles de FOLFIRINOX, radiochimiothérapie ou non), cela est en
faveur d’une distinction soigneuse entre les cancers
borderline des cancers non résécables. Ce dernier
sous-groupe ne doit pas bénificier de traitement
d’induction, notamment de radiochimiothérapie.
Le traitement de ces formes localement avancées
vraies reste la chimiothérapie à base de gemcitabine
ou de FOLFIRINOX. La survie globale après chimiothérapie va de 9 à 16 mois, dépendant notamment
de l’administration possible ou non d’une chimiothérapie de deuxième ligne. Même si l’essai NEOPAN
(comparant de façon randomisée gemcitabine versus
FOLFIRINOX dans cette indication) n’est pas clos, le
FOLFIRINOX, chez des patients en bon état général,
semble apporter un bénéfice en termes de survie
(sans progression 13 mois et globale 22 mois) et de
résécabilité secondaire (25 %) [12]. L’essai LAP07 n’a
pas montré de bénéfice en termes de survie globale
dans le cas d’une radiochimiothérapie de “clôture”
en deuxième ligne après stabilisation sous gemcitabine (8). Néanmoins, chez certains patients après
avis d’expert, ce peut être une option pour réduire
le risque de progression locorégionale.
Adénocarcinomes métastatiques
Cette situation représente plus de la moitié des
patients. Le standard actuellement repose sur la
chimiothérapie dont le protocole sera choisi en fonction du statut OMS et de l’âge du patient ainsi que du
taux de bilirubine sanguin (figure 2). Quel que soit
le choix thérapeutique de chimiothérapie ou non, en
particulier chez des patients en mauvais état général
et/ou ictérique, insistons sur le fait que les soins de
support doivent toujours être de mise. Ils comportent
la nutrition, la prise en charge de la douleur, la prise
en charge psychologique et l’exercice physique. On
peut y ajouter tous les aspects socio-esthétiques et
le soutien/formation des aidants soignants et non
soignants (proches, famille). Cette mise en œuvre
suppose donc que le statut nutritionnel (cachexie)
soit déterminé et que l’enquête diététique, l’évaluation de la fatique, de la douleur ainsi que de la
psychologie du patient et de l’entourage soient
effectuées avant tout choix de traitement. Enfin, le
recours à un avis onco­gériatrique est souhaitable
lorsque le patient a plus de 80 ans.
Le protocole FOLFIRINOX a permis un allongement
de la médiane de survie globale (11 mois) par rapport
à la gemcitabine (6 mois) chez des patients en bon
état général tout en améliorant aussi la qualité de
DOSSIER
Le pancréas
vie (figure 1, p. 84) [4]. Des résultats significatifs
ont aussi été observés avec l’association gemcitabine-abraxane (8 mois) [5], mais le non-remboursement de ce produit en France limite malheureusement
son utilisation en pratique courante. À l’issue d’une
première ligne, se pose la question, en cas de stabilité
de la maladie, de savoir si l’on opte pour une deuxième ligne de traitement, ou pour une pause, ou pour
un essai thérapeutique. En effet, l’allongement de la
survie chez certains patients autorise cette stratégie
avec changement de protocole (figure 2). Des essais
ont évalué l’intérêt de la chimiothérapie après gemcitabine avec des résultats positifs en termes de survie
(essai CONKO-03 avec l’association 5-FU, acide folinique, oxaliplatine et essai NAPOLI avec l’association
LV5FU2, MM-398 formulation liposomale de l’irinotécan) [6, 7]. De plus, des études rétro­spectives
soutiennent aussi l’intérêt du protocole FOLFOX
dans cette indication. Il n’y a pas d’études randomisées “après le FOLFIRINOX”, mais les données de la
littérature soutiennent l’intérêt de la gemcitabine
ou de la gemcitabine + abraxane en deuxième ligne.
Cellules cancéreuses pancréatiques
Ciblage de RAS, MEK, RAL
Virus oncolytiques
Thérapie génique
Inhibiteurs de SHH
Hyaluronidase
Immunothérapie
Vaccination
Hypoxie
Microenvironnement tumoral
Matrice extracellulaire
Cellules immunitaires
Cellules nerveuses
Vaisseaux et cellules endothéliales
SSH : Sonic Hedgehog.
Figure 3. Thérapies innovantes pour le cancer du pancréas en cours de développement
ou phase d’essai précoce ciblant les cellules adénocarcinomateuses pancréatiques et/ou
les composantes du stroma tumoral (ces composantes sont détaillées dans la figure).
Thérapeutiques d’avenir
Force est de penser que les thérapies ciblées n’ont pas
donné de grande satisfaction dans le traitement du
cancer du pancréas. En effet les anti-EGF, EGFR, VEGF
n’ont rien appporté et l’essai LAP-07 a définitivement
écarté l’erlotinib de notre arsenal thérapeutique (8).
Des essais sont encore en cours avec les inhibiteurs
de MEK et, compte tenu du statut mutationnel
de l’oncogène KRAS au sein des adénocarcinomes
pancréatiques et de la possible influence de ce statut
sur le pronostic, des essais pourraient être conduits
avec des inhibiteurs de molécules impliquées dans les
systèmes de transduction activés par RAS (figure 3).
Une approche innovante est constituée par la “virothérapie des cancers”. Elle est fondée sur l’utilisation
de virus réplicatifs (appelée “l’oncovirothérapie”).
Leur effet inducteur de mort élective des cellules
cancéreuses est dû à plusieurs mécanismes :
➤➤ une multiplication et une réplication préférentielle en rapport avec l’expression de molécules de
surface servant de récepteurs d’entrée pour ces virus
au sein des cellules cancéreuses ;
➤➤ une multiplication dans les cellules cancéreuses
présentant de façon élective une mutation de KRAS
ou de p53 ;
➤➤ la stimulation de l’immunité tumorale (via PD-L1
et PD-1) et la mobilisation des lymphocytes T et
des cellules NK.
Les virus dits “oncolytiques” sont de 2 types : ceux
ciblant naturellement les cellules cancéreuses et ceux
qui sont génétiquement modifiés pour cibler et/ou
se répliquer dans ces mêmes cellules cancéreuses.
Les virus ciblant naturellement les cellules cancéreuses sont les réovirus et le virus de la stomatite
vésiculeuse (VSV). De nombreux essais cliniques
ont été menés avec un réovirus modifié, avec des
résultats prometteurs dans le cadre des cancers
de l’ovaire et du pancréas (en combinaison avec la
chimiothérapie). En ce qui concerne les virus modifiés génétiquement pour cibler et/ou se répliquer
préférentiellement dans les cellules cancéreuses,
sont principalement utilisés : le virus de l’herpès
(HSV - OncoVEXGM-CSF), les adénovirus (l’ONYX015 et VCN-01), mais aussi le virus de la vaccine
(JX-594) et les parvovirus.
La thérapie génique représente une autre approche
innovante. Nous avons développé un concept de
chimiosensibilisation avec injection intratumorale
d’un vecteur plasmidique complexé suivi de l’administration de gemcitabine selon l’autorisation
de mise sur le marché. Les résultats de la phase I
en termes de bonne tolérance et d’effet favorable
sur la survie globale nous ont amenés à commencer
une phase II randomisée multicentrique (Programme
TherGap-2) [15].
La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XX - n° 2 - mars-avril 2017 | 87
DOSSIER
Le pancréas
Adénocarcinome du pancréas : quels traitements proposer en 2017
et quelles sont les thérapeutiques d’avenir ?
L. Buscail et B. Bournet déclarent
ne pas avoir de liens d’intérêts.
Les autres approches innovantes ciblent le micro­
environnement tumoral (figure 3). L’une des stratégies consiste à réduire l’importance de la matrice
extracellulaire et du stroma par la hyaluronidase
PEGPH20, qui est une hyaluronidase recombinante
humaine pégylée, et obtient des résultats prometteurs en phase Ib. Le ciblage des fibroblastes associés au cancer et des cellules étoilées passe par les
inibiteurs de la voie de signalisaton Sonic Hedgehog
ou celle de Notch.
Enfin, l’immunothérapie est aussi menée sous forme
d’immunothérapie spécifique, qu’elle soit directe,
par administration d’anticorps monoclonaux (antiCTLA-4, anti-PD-1, anti-PD-L1), ou adoptive, par
introduction d’un antigène tumoral (pour le cancer
du pancréas, citons la mésothéline) dans les lymphocytes du patient et/ou de la tumeur sous forme
d’un peptide, ou par modification génétique des
lymphocytes (comme l’approche CAR pour Chimeric Antigen Receptors). Enfin, des protocoles de
vaccination sont en développement ou en essais
précoces visant à administrer par voie systémique,
sous-­­cutanée ou locale des antigènes tumoraux sous
forme de peptides ou protéines (dirigés contre RAS,
télomérase, etc.), de lysat de cellules tumorales
(GVAX produisant le GM-CSF), de plasmide, de
vecteur viral recombinant ou de bactérie (listeria).
Beaucoup de ces protocoles et stratégies innovantes
sont combinés à la chimiothérapie.
Conclusion
Même si les progrès sont moins rapides et efficaces
que pour le traitement des autres cancers digestifs,
il faut souligner des avancées dans :
➤➤ le diagnostic histologique et la conscience d’un
parcours de soins le plus fluide possible et encadré
par des soins de support ;
➤➤ la caractérisation et la place des protocoles de
chimiothérapie et de radiochimiothérapie ;
➤➤ la définition des formes de cancers localement
avancés et borderlines au regard de la chirurgie
secondaire après chimiothérapie voire radiochimiothérapie ;
➤➤ le continuum entre la recherche translationnelle
et la pratique clinique dont la dynamique doit être
renforcée.
Si on se retourne vers le passé récent, la
figure 1, p. 84 fait état d’un doublement de la
survie depuis les années 2000, quel que soit le stade
du cancer du pancréas. Cette survie reste modeste
mais à l’heure où l’on se prête à considérer la survie
sans progression et que des protocoles de deuxième
lignes sont prescrits au quotidien, un pas a été franchi !
Il faut emboîter ce pas et l’avenir verra certainement
des avancées dans les traitements combinés (thérapies innovantes et chimiothérapie) et/ou adaptés à
“l’équipement” moléculaire des cellules adénocarcinomateuses pancréatiques ou de leur stroma. ■
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