Chapitre 6
Alg`ebres de Banach
6.1 Introduction
efinition 6.1.1 Soit Aune alg`ebre sur C´equip´ee d’une norme k·k. On dit que
Aest une alg`ebre de Banach si les deux conditions suivantes sont satisfaites :
(i) Aest un C-espace de Banach (i.e. un C-espace vectoriel norm´e, complet)
(ii) pour tous x, y ∈ A, on a
kxyk ≤ kxkkyk.
Si de plus, il existe un ´el´ement e∈ A tel que
xe =ex =x(x∈ A)et kek= 1,
alors, on dit que Aest une alg`ebre de Banach unitaire. L’´el´ement es’appelle
l’´el´ement unit´e de l’alg`ebre A.
Enfin, nous dirons qu’une alg`ebre Aest commutative si xy =yx pour tous
x, y ∈ A.
Remarque 6.1.1 Il existe au plus un ´el´ement unit´e e.
Concernant l’existence d’un ´el´ement unit´e, notons qu’on peut toujours “plon-
ger” isom´etriquement une alg`ebre de Banach quelconque dans une alg`ebre
de Banach unitaire. En effet, si Aest une alg`ebre de Banach (sans unit´e),
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52 CHAPITRE 6. ALG `
EBRES DE BANACH
alors on pose A=A × C, muni de sa structure d’espace vectoriel produit
cart´esien et on efinit la multiplication sur Apar
(x, α)(y, β) := (αy +βx +xy, αβ).
La norme sur Aest elle d´efinie par
k(x, α)k:= kxk+|α|.
Alors on v´erifie (exercice 6.8.5) que Aest une alg`ebre de Banach unitaire
et Ase plonge isom´etriquement dans A.
La condition (ii) dans la d´efinition 6.1.1 fait de la multiplication une op´eration
continue de A × A dans A. Ceci signifie que si xnxet yny, alors
xnynxy, ce qui ecoule de l’´egalit´e
xnynxy = (xnx)yn+x(yny).
En particulier, la multiplication est continue `a gauche et continue `a droite :
xnyxy et xynxy (6.1)
si xnxet yny.
Comme on le verra dans l’exercice 6.8.1, la condition (ii) peut ˆetre remplac´ee
par la condition (6.1) (apparemment plus faible) et la condition de normalisation
de l’´el´ement unit´e peut ˆetre omise sans ´elargir la classe des alg`ebres consid´er´ees.
Donnons maintenant quelques premiers exemples classiques d’alg`ebres de Ba-
nach.
Exemple 6.1.1 (a) Soit Xun ensemple quelconque ; l’ensemble B(X)des fonc-
tions born´ees de Xdans C, ´equip´e des op´erations usuelles et de la norme
du “sup”
kfk:= sup
xX
|f(x)|,
est une alg`ebre de Banach unitaire, commutative. (Notons que cette alg`ebre
est, pour X=N, l’alg`ebre des suites born´ees de nombres complexes).
6.1. INTRODUCTION 53
(b) Si Xun espace topologique compact, l’ensemble C(X)des fonctions conti-
nues de Xdans C, muni de la norme du sup, est une alg`ebre de Banach
unitaire et commutative. En fait, c’est une sous-alg`ebre ferm´ee de B(X)!
(c) Si Eest un C-espace de Banach, l’ensemble L(E)des applications lin´eaires
et born´ees de Edans lui-mˆeme est une alg`ebre de Banach unitaire, pour la
“norme op´erateur”
kTk:= sup
xE, kxk≤1
kT xk.
Cette alg`ebre est non commutative d`es que dim E > 1.
(d) Toute sous-alg`ebre ferm´ee de L(E)et contenant l’op´erateur identit´e est une
alg`ebre de Banach unitaire. En fait, on peut montrer que toute alg`ebre de
Banach unitaire est isomorphe `a une sous-alg`ebre ferm´ee de L(E), conte-
nant l’identit´e (voir exercice 6.8.1).
(e) Soit un domaine (i.e. un ouvert connexe) born´e du plan complexe. L’alg`ebre
H(Ω), constitu´ee des fonctions holomorphes et born´ees sur , est une
alg`ebre de Banach unitaire et commutative pour la norme du sup.
(f) Soit Kun sous-ensemble compact non vide de Cet A(K)l’alg`ebre de toutes
les fonctions fcontinues sur Ket holomorphes `a l’int´erieur de K. Alors
A(K)est une sous-alg`ebre ferm´ee de C(K)munie de la norme du sup. C’est
donc une alg`ebre de Banach. Lorsque K=Dest le disque unit´e ferm´e de
C, on appelle A(D)l’alg`ebre du disque.
Remarque 6.1.2 La th´eorie des alg`ebres de Banach fait intervenir en eme
temps des propri´et´es alg´ebriques et des propri´et´es topologiques et comme nous al-
lons le voir dans ce cours, un va et vient constant entre ces deux types de propriet´e
permet d’obtenir tr`es simplement des r´esultats parfois surprenants. Il existe aussi
d’´etroites relations entre les alg`ebres de Banach et les fonctions holomorphes : la
emonstration la plus facile du fait fondamental que le spectre d’un ´el´ement d’une
alg`ebre de Banach n’est jamais vide repose sur le th´eor`eme de Liouville et la for-
54 CHAPITRE 6. ALG `
EBRES DE BANACH
mule du rayon spectral d´ecoule naturellement de th´eor`emes sur les eveloppements
en s´erie enti`eres pour les fonctions holomorphes. C’est l`a une des raisons pour
restreindre notre attention aux alg`ebres de Banach complexes. Une autre raison
est que Cadmet une involution naturelle, `a savoir la conjugaison complexe, et
que beaucoup de propri´et´es importantes des alg`ebres de Banach d´ependent de la
pr´esence d’une involution.
La th´eorie des alg`ebres de Banach r´eelles (dont nous ne donnons pas la
efinition qui est ´evidente) n’est pas aussi satisfaisante et riche.
6.2 Inversibilit´e et spectre.
Nous commen¸cons par introduire la premi`ere notion alg´ebrique fondamentale.
efinition 6.2.1 Soit Aune alg`ebre de Banach unitaire. Un ´el´ement x∈ A
est dit inversible s’il admet un inverse dans A, c’est-`a-dire s’il existe un ´el´ement
x1∈ A tel que
x1x=xx1=e,
o`u eest l’´el´ement unit´e de A.
On notera Inv(A)l’ensemble des ´el´ements inversibles de A.
Il est facile de voir que :
si x∈ A admet un inverse, il est n´ecessairement unique.
• Inv(A) est un groupe (pour la multiplication).
Nous allons donner un lemme ´el´ementaire sur les ´el´ements inversibles qui sera
crucial dans toute la suite. Ce lemme montre comment cette notion alg´ebrique se
m´elange avec la topologie.
Lemme 6.2.1 Soit Aune alg`ebre de Banach unitaire et x∈ A tel que kxk<1.
Alors
(a) ex∈ Inv(A),
6.2. INVERSIBILIT ´
E ET SPECTRE. 55
(b) k(ex)1exk ≤ kxk2
1−kxk.
Preuve : Comme kxnk ≤ kxknet kxk<1, la suite (sn)n0, d´efinie par
sn:= e+x+x2+···+xn,
forme une suite de Cauchy dans A. Puisque Aest compl`ete, il existe s∈ A tel
que sns. Un calcul imm´ediat montre que
sn(ex) = exn+1 = (ex)sn,
et comme xn0, on obtient par continuit´e de la multiplication que
s(ex) = e= (ex)s.
En d’autre terme, exest inversible et son inverse est
(ex)1=s=
X
n=0
xn,(6.2)
ce qui d´emontre (a). Pour prouver (b), on ´ecrit, d’apr`es (6.2), que
(ex)1ex=
X
n=2
xn
et donc
k(ex)1exk ≤
X
n=2
kxkn=kxk2
1− kxk.
Corollaire 6.2.1 Soit Aune alg`ebre de Banach unitaire, x∈ Inv(A),h∈ A,
et khk ≤ 1
2kx1k1. Alors x+h∈ I\⊑(A)et
k(x+h)1x1+x1hx1k ≤ 2kx1k3khk2.(6.3)
Preuve : Ecrivons x+h=x(e+x1h). Or kx1hk ≤ kx1kkhk ≤ 1
2<1 et
donc le lemme 6.2.1 implique que e+x1h∈ Inv(A). Comme Inv(A) est un
groupe, on en d´eduit que x+h∈ Inv(A). De plus,
(x+h)1x1+x1hx1=(e+x1h)1x1x1+x1hx1
=(e+x1h)1e+x1hx1,
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